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Le texte promotionnel culturel

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par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

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7. Des TPC où sont convoqués humour et calembours

La modalisation persuasive dans les TPC passe souvent par ce que la rhétorique traditionnelle nomme la saillie ou le trait d'esprit. Ce mode de séduction prend la plupart du temps une coloration humoristique. Il suppose un ethos ludique commun au scripteur et au lecteur. L'usage de l'humour est, en terme de communication, toujours une prise de risque, une mise en danger (certes relative) de la face positive du locuteur85(*). En effet, rien de pire lorsqu'on cherche à séduire par le discours qu'un mauvais jeu de mots, qu'une « blague » qui, comme on le dit familièrement, « tombe à plat ».

Souvent présent, on l'a vu, dans la clausule - parce que celle-ci doit marquer le lecteur et opère donc comme une sorte de « concentré » de séduction, le trait humoristique se retrouve aussi, au coeur du texte, au détour d'une phrase. Il peut même être un angle d'écriture qui structure tout un texte dans un enchaînement burlesque de jeux de mots. C'est le cas dans le TPC suivant que je cite intégralement :

« Le moins que l'on puisse dire, c'est que la Cie Ernest le dromadaire a (en plus de sa bosse) la musique dans la peau ! Et pas chameau, elle nous l'offre en bouquet avec ce Fleurs de peau qui initie les petits aux mélodies et aux rythmes que l'on aime à partager entre enfants et avec les grands. Sur scène, nos deux compères rivalisent de facéties, alternent avec brio chansons ou comptines reprises par la salle et moments instrumentaux. Une guitare, une clarinette mais aussi des instruments plus inattendus composent l'arsenal de ces éducateurs hors pair. Ernest le dromadaire, c'est sûr, sait transmettre la bosse de la musique ! » (David, Fleurs de peau, j. p., annexe n° 4)

Cumulée à une formulation dynamique (faite de phrases nominales et d'une ponctuation expressive) et à un ethos décontracté (le niveau de langue est essentiellement familier), une série de jeux de mots (plus ou moins heureux...) traversent le texte pour en former, en quelque sorte, l'épine dorsale. Ces jeux de mots découlent tous du nom de la compagnie « Ernest le dromadaire » et du titre du spectacle Fleurs de peau. Ainsi le signifié Ernest le Dromadaire fait surgir des expressions figées (parfois détournées : « avoir la bosse des mathématiques) que l'on s'amuse à employer systématiquement, comme une série de clins d'oeil : « Pas chameau » / « transmettre la bosse de la musique » - cette dernière expression étant préparée, dès la première ligne, par la parenthèse « La Cie Ernest le dromadaire a (en plus de sa bosse) la musique dans la peau ». Le signifié Fleurs de peau (lui-même initialement jeu de mots déformant le signifié « fleurs en pot »), appelle, quant à lui, le cliché « avoir la musique dans la peau » et l'expression « offrir en bouquet ».

D'un point de vue pratique, ce type d'écriture, consistant en une variation humoristique sur le titre et le nom de la troupe, est un recours commode lorsque la matière (contenu du spectacle en lui-même ou du dossier de presse) est un peu pauvre. Ainsi, ne sachant que peu de choses sur Fleurs de Peau, j'ai comblé ce manque informatif en maximalisant la modalisation persuasive sous la forme de jeux de mots.

Cependant, l'humour qui consiste à proposer une variation amusante sur le titre n'est pas toujours une béquille voire un pis-aller. Ce peut être un véritable choix d'écriture, dicté généralement par le propos même du spectacle. C'est ainsi, par exemple, que j'ai désigné le héros du spectacle pour enfant Le Petit bonhomme à modeler (David, Le Petit bonhomme à modeler, j. p., annexe n° 8) par l'expression « notre petit héros à la gomme » jouant sur le sens littéral du mot « gomme » et sur le sens figuré de l'expression populaire « à la gomme », le personnage éponyme étant, au début (suivant en cela un des principaux archétypes du spectacle jeune public), un individu de peu de chose (physiquement comme psychologiquement) qui s'avère finalement d'une grande richesse.

Certains jeux de mots sont à double entente. Ils peuvent être utilisés en filigrane et adressés au passage, comme glissés au lecteur attentif. C'est le cas dans ce TPC jeune public :

« Agnès Limbos, extraordinaire comédienne souvent comparée à Raymond Devos pour son goût des mots et de l'absurde, adapte très librement la figure du Vilain petit canard chère à Andersen dans un pièce cruelle, drôle et poétique d'où l'on sort tout chamboulé. Avec trois fois rien, un abat-jour en guise de jupon, un saladier figurant un lac, un tableau noir et quelques points à la craie, la comédienne, tantôt ballerine tantôt clown pataud et fragile, nous conte l'itinéraire de tous ceux que l'on rejette parce qu'ils sont différents. Et parvient à désamorcer, sans l'édulcorer, une histoire bêtement tragique grâce à un humour décalé et salvateur. » (David, Dégage, petit ! j. p., annexe n° 3)

Ainsi, l'expression « histoire bêtement tragique » développe plus de signifiés qu'il n'y paraît. En effet, si l'histoire de ce vilain petit canard est qualifiée de « bêtement tragique », c'est, d'abord, pour atténuer la portée grandiloquente du mot tragique et suggérer l'idée d'une tragédie du quotidien (l'adverbe pouvant alors être pris pour un synonyme de « banalement ») ; de ce fait, l'adverbe « bêtement », en minorant l'adjectif « tragique », permet de conserver le ton de dérision (souvent caractéristique de l'humour belge) présent dans le TPC car induit par le spectacle. Enfin, « bêtement » renvoie humoristiquement au fait que cette petite tragédie concerne un animal, une bête, même si le rôle est joué par une comédienne qui ne se déguise pas en canard.

L'humour, en tant que moyen au service de la modalisation persuasive, peut aussi prendre la forme du calembour. D'essence plutôt populaire, ce type de jeu de mots qui repose sur la paronymie, a souvent été controversé en littérature : Hugo le méprisait (« Le calembour est la fiente de l'esprit qui vole »86(*)), alors que Mallarmé l'a anobli (le plaçant souvent à la rime) dans des poèmes à la complexité et au raffinement extrême. Dans mon TPC sur l'exposition de la sculptrice animalière F. Hanteville, je recours au calembour en contrefaisant le proverbe « Nécessité fait loi » :

« [...] L'anecdote dit bien la volonté farouche de celle qui, contre vents et marées, pense, vit et dort sculpture animalière. Mais le marbre est rare ; alors bien souvent, Fabienne sculpte ce qui lui tombe sous la main. Ainsi l'argile extraite de son jardin donna vie, il y a peu, à une étonnante basse-cour. Nécessité fait l'oie, pourrait-on dire... » (David, Fabienne Hanteville, t. p., p. 4, annexe n° 19)

La précaution oratoire et les points de suspension qui suivent le calembour, plutôt que d'en marquer la profondeur (discutable), apparaissent comme une marque prudente d'autodérision et une invitation adressée au lecteur à sourire, ensemble, d'un jeu de mots plus ou moins heureux.

Mais l'usage du substantif « oie » n'est pas sans risque. Ainsi je me suis demandé au moment de la rédaction si le terme ne risquait pas de desservir la sculptrice : fâcheusement, un esprit malveillant pourrait assimiler l'artiste à l'animal ( !) qui, par tradition langagière, ne jouit pas d'une bonne réputation (« bête comme une oie », « faire l'oie »). Finalement, j'ai décidé de conserver le jeu de mots qui a été avalisé par Martine Gasnier, en tant que « directeur (sic) de la rédaction ».

Ajoutons qu'en deçà de l'humour et du ménagement des faces qui l'accompagne, le calembour proverbial a aussi pour fonction d'imposer avec force l'idée, en l'occurrence, celle d'une artiste pas encore reconnue qui crée dans les difficultés matérielles. Dominique Mainguenau écrit, dans Analyser les textes de communication, à propos de l'imitation des proverbes que «tout slogan aspire à avoir l'autorité du proverbe, à être universellement connu et accepté de l'ensemble des locuteurs d'une langue, de manière à être utilisé en toutes circonstances»87(*). Certes, nous ne parlons pas ici d'un slogan publicitaire et mon TPC n'aura que très peu d'audience et donc très peu d'impact sur les destinataires. Toutefois, on peut dire que la même logique est à l'oeuvre et que le recours à un proverbe (même détourné) dans un texte promotionnel est une tentative de se parer de sa force, de ce que Mainguenau appelle son « autorité ».

D'autres traits humoristiques peuvent être relevés dans les brochures 2007-08 de l'ODC. Ainsi Vincent utilise dans son TPC sur Juan Carlos Caceres une métaphore hyperbolique qui a pour but de faire sourire son lecteur :

«[...] un instrumentiste hors pair capable de faire secouer la tête à un lampadaire » (Vincent, Juan Carlos Caceres, t. p., p. 15)

Sur un ton populaire, qui correspond bien à l'ethos jeune et décontracté que cherche à transmettre en général le discours de Vincent, l'expression (à notre connaissance non lexicalisée) attire l'attention du lecteur par son comique absurde, amuse par sa bizarrerie teintée de surréalisme. Elle est d'autant plus étonnante qu'elle surgit dans un texte à la tonalité plutôt sérieuse et qui cherche à promouvoir un artiste septuagénaire plus apprécié, a priori, par un public d'âge mur. L'objectif, probablement conscient, peut être alors de présenter, par l'humour et la décontraction, ce spectacle comme transgénérationnel.

Une autre forme d'humour doit être ici considérée : l'ironie. Très rare dans un texte promotionnel, puisque généralement dépréciative, on la rencontre sous deux aspects. D'abord, sur un mode agressif quoique diffus et impersonnel lorsqu'il s'agit, comme on l'a vu précédemment, de prononcer un jugement mélioratif sur un artiste ou un spectacle en dévalorisant un objet appartenant à la même catégorie placé dans un rapport de concurrence88(*). Mais l'ironie peut aussi parfois prendre un caractère affable, marquer de la sympathie envers un personnage dont on se moque affectueusement. C'est l'usage qui en est fait au début du TPC jeune public, La reine des couleurs :

« Pas drôle la vie en noir et blanc ! Même dans un château. Alors la petite reine décide de passer par toutes les couleurs. Ainsi, du bleu qu'elle a sur les fesses pour être tombée d'un cheval rouge aux larmes multicolores qu'elle verse quand son château devient tout gris, notre héroïne royale les expérimente toutes !  Un vrai arc-en-ciel... » (David, La reine des couleurs, j. p., annexe n° 7 )

Ici, après l'énumération des mésaventures de l'héroïne, toutes relatives à une couleur, le rédacteur ironise doucement sur ces petits malheurs, usant d'un jeu de mots métaphorique qui les résume (« Un vrai arc-en-ciel...) dans une phrase nominale à la ponctuation suggestive qui cherche à établir une connivence amusée avec le destinataire. Ce jugement tendrement ironique sur le personnage a à voir avec la métatextualité, regarde ce que la linguistique nomme modalisation autonymique. En effet, l'énonciation crée ici ce que Dominique Mainguenau appelle un « décalage [...] à l'intérieur d'elle-même par sa manière de moduler la prise en charge de l'énoncé»89(*). Comme si « l'énonciateur dédoubl[ait] en quelque sorte son discours pour commenter sa parole en train de se faire.90(*)» Et pour entraîner avec lui, sommes-nous tenté d'ajouter, le lecteur, convié à se moquer lui aussi gentiment de cette petite reine qui en voit de toutes les couleurs.

* 85 Si le ridicule, heureusement, ne tue pas dans les TPC, on songe ici au film de Patrice Leconte, Ridicule (1996), qui, magistralement, a montré combien le « trait » mal maîtrisé pouvait, à la cour de Louis XVI, ruiner une réputation, défaire une situation patiemment acquise et tuer socialement (disgrâces) ou littéralement (suicides) le maladroit.

* 86 Le Nouveau Petit Robert, citation extraite de l'article « calembour », Dictionnaire Le Robert, Paris, 1996)

* 87 MAINGUENAU Dominique (2005), op. cit.

* 88 cf. Troisième partie, Etude des principales modalisations à l'oeuvre dans les textes promotionnels culturels, II « La modalisation méliorative », chap. 13.

* 89 MAINGUENAU Dominique (2005), dans le chap. 15 « Du proverbe à l'ironie: polyphonie, captation, subversion », op. cit.

* 90 MAINGUENAU Dominique (2005), dans le chap. 14 « Modalisation autonymique, guillemets, italique », op. cit.

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci