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Le texte promotionnel culturel

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par David LEGOUPIL
Université Paris V René Descartes - Master pro 2 expertise en sémiologie et communication 2007
  

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6. Quand le TPC fait entendre sa petite musique

Des jeux de rythme et de sonorités, qui constituent une partie de la matière du texte littéraire, sont repérables dans les TPC. Notons toutefois, d'emblée, que cet aspect musical n'est pas seulement le propre du discours littéraire et que, depuis son origine, le discours publicitaire utilise ces mêmes ressorts, très efficaces pour s'imposer à la conscience des consommateurs et permettre leur mémorisation : songeons, par exemple, à tous les slogans qui se servent de la rime et de l'assonance, (« Barilla. Et l'Italie est là », « Y'a pas d'erreur, c'est Lesieur), de l'allitération (« Monster Munch mieux vaut tous les manger ») ou d'une combinaison des deux (« Vittel, la vitalité est en elle »).

Comme nous venons de le voir dans l'étude du texte de Jacques sur La Victoire à Ventoux, le genre du TPC recherche souvent un effet de chute, lequel est souvent souligné par un jeu sonore ou rythmique. Sylvie Durrer, dans son article paru dans Semen 13 sur le genre du billet journalistique83(*), affirme que le soin accordé à la chute en est une des caractéristiques. A l'appui de sa démonstration, elle cite cette définition qu'elle emprunte à Bernard Dupriez dans Le Gradus (Les Procédés littéraires)84(*) : « Comme les anciens, quelques modernes ont des finales de phrases ou d'alinéa, un soin particulier. Loin de laisser la pensée s'achever conventionnellement, ils en soulignent quelque trait par métaphore ou paradoxe et font sentir l'achèvement de l'ensemble par un rythme à part».

La très courte phrase nominale « Au sommet du Ventoux ? » est remarquable parce qu'elle ferme un texte composé de cinq phrases longues. Plus que son rythme binaire, c'est ce passage du court au long ainsi que le mode interrogatif (avec l'intonation montante qu'il induit) qui « font sentir » ici « l'achèvement de la pensée ». Sémantiquement, la question est, nous l'avons dit, une allusion fine au titre de la pièce et correspond à ce que Dupriez appelle un « trait » ou trait d'esprit.

Le plus souvent, les clausules ne constituent pas, comme dans le TPC de Jacques, une phrase à part entière et ne se détachent donc pas clairement au moyen de la ponctuation. D'un point de vue général, il existe deux types de clausules rythmiques dans les TPC. Nous nous limiterons, pour le premier cas de figure, à un seul exemple. Cet effet «achèvement de la pensée » est donc parfois produit par un rythme ternaire venant conclure une longue phrase que les stylisticiens appelle traditionnellement période:

« Et très vite, la vie de la maison danse en aparté sous les yeux du spectateur, lui révèle ce que seul il est censé entendre : l'existence autour de lui / d'un territoire merveilleux / qu'il ne soupçonnait pas » (David, En aparté, t. p., p. 34, annexe n° 22)

On peut constater, même si l'effet réalisé par le rédacteur est sans doute plus intuitif que calculé, que chacun des membres de la clausule compte 6 ou 7 syllabes. Ainsi le « trait » (l'idée que l'inconnu réside au coeur du connu) est comme rehaussé par la matière mélodique du langage.

Les TPC peuvent s'achever sur un rythme binaire, suivant peut-être en cela une tendance forte du discours télévisuel. Cette chute binaire, certainement enseignée dans les écoles de journalisme, est devenue, par exemple, l'une des marques de fabrique de l'information et des magazines de la chaîne M6 (Zone interdite, Capital). A l'oral, elle se caractérise par un court silence (pouvant agacer...) qui souligne la chute (ex : « des produits ... [pause courte]  pas toujours / de qualité ». A l'écrit, dans les TPC, ce soulignement de la clausule est moins marqué ; d'abord car la virgule qui peut précéder la chute n'est pas nécessairement prise en compte par le destinataire ; ensuite parce que, même observée, la pause textuelle induite par la ponctuation n'équivaut jamais, en durée, au silence oratoire appuyé qui caractérise la mise en valeur de l'apothèse télévisuelle.

Cependant, même moins ostentatoire, le rythme binaire final joue son rôle de soulignement dans de nombreux TPC. Dans les deux exemples qui suivent, la clausule à rythme binaire apporte thématiquement un jugement d'ordre général sur le spectacle (« sans didactisme / ni complaisance ») ou sur l'artiste (« cet artiste / enthousiaste / et généreux »):

« Un spectacle à la croisée des arts, époustouflant de vitalité, qui propose à destination du jeune public une véritable réflexion sur la violence, / sans didactisme / ni complaisance ». (David, Le Garçon aux Sabots, t.p., p. 46, annexe n° 23)

«[...] un moment exceptionnel pour cet artiste  / enthousiaste / et généreux .» (Vincent, Rouda, t. p., p. 8)

Ainsi rythme et généralité du propos concourent concomitamment à signifier au destinataire le caractère conclusif, achevé, de la pensée.

Cependant les jeux rythmiques et sonores, même s'ils nous semblent plus nombreux dans les chutes, sont présents ailleurs dans les TPC.

On trouve par exemple dans le texte promouvant le spectacle de danse contemporaine « Même pas seul » une écriture syncopée, hachée, faite de très courts segments qui peuvent rappeler l'écriture si caractéristique de Marguerite Duras :

« Ils vivent là  / dans un F2, / tout près de la mer. / Mais c'est pas les vacances ,/ non. / C'est leur vie à eux, / ici, / depuis longtemps , / sans enfants, / sans même un chien. » (David, Même pas seul, t. p., p. 23 , annexe n° 24)

Ailleurs, avec le recul, je m'aperçois qu'un effet d'allitération très marqué se déploie dans un de mes textes :

« Et l'on est tout à la fois admiratif et pris de vertige en voyant avec quel talent (et quelle patience !) la sculptrice « recycle » les résidus de l'hyperconsommation, standardisés et ignobles, en oeuvres d'art singulière : [...] » (David, Fabienne Hanteville, t. p., p. 4 , annexe n° 19)

Paradoxalement, la série d'allitération en [s] , manifeste et complétée par quelques [z], nous semble tout à la fois inconsciente (je ne l'ai pas réalisée sciemment) et  motivée, du moins explicable. En effet, c'est parce que le rédacteur a remis sur le métier de nombreuses fois la formulation pour qu'elle sonne bien à son oreille que l'allitération a surgi, née en partie de l'instinct, du travail, de l'association fortuite des mots et des sons, mais aussi d'une musique un peu indistincte qu'il peut avoir en tête au moment où il écrit.

On trouve chez Jacques, par exemple, une allitération, plus réduite, qui, sûrement, ne doit rien au hasard: « Les fringants et fougueux comédiens [...] » (Jacques, Les Fourberies de Scapin, t. p., p. ). L'allitération interpelle ici car elle a quelque chose d'imitatif (on peut penser au bruit du vent) qui s'accorde pleinement avec l'axe thématique choisi par le rédacteur, à savoir l'énergie, la vivacité de la jeune troupe.

D'autres jeux sonores comme cette assonance en [?] dans le TPC sur l'exposition du sculpteur Denis Monfleur sont des choix stylistiques délibérés qui visent à séduire, à charmer l'oreille mais aussi à asseoir, comme si les sons avaient à faire avec la logique, une idée, une jugement :

« Du corps à corps épuisant que livre Denis Monfleur avec le granit émane un souffle qui semble animer son humanité de pierre, partagée entre souffrance et élan, abattement et Espérance. » (David, Denis Monfleur, t. p., p. 50, annexe n° 18)

L'anaphore est aussi employée, par exemple, comme dans la citation qui suit, dans le cadre d'une description-énumération catégorielle de la pièce ; la répétition se trouvant, de plus amplifiée, par un rythme binaire:

« Entre récits du quotidien / et imaginaire collectif, entre contes fantastiques / et légendes urbaines, / Cité Babel raconte les habitants de la Lionderie face à leur destin commun [...]» (Vincent, Cité Babel, t. p., p. 49)

Enfin le rédacteur peut jouer sur le seul signifiant sonore. C'est le cas du cri de ralliement étrange et poétique, extrait du spectacle « Là-haut la lune », dont je me suis servi pour l'ouverture de mon TPC (« « Ohaoy, pitchipitchipoy ! » C'est le mot de passe qui retentit  dans la forêt » - David, Là-haut la lune, j. p., annexe n° 9). De la même façon, le spectacle musical Toc-toque (et son titre même) m'a inspiré la série d'onomatopées censée transcrire la musique, les rythmes joués par des ustensiles de cuisine :

« Une table de cuisine dans la pénombre. Des ustensiles sont posés là, en attente de mains. Mais rien. Le coeur de la maison dort, livré à l'inertie des choses. Mais soudain : bing ! zing ! TOC ! tout un monde de cuillères et de faitouts s'anime, sous l'action de deux manipulateurs-musiciens invisibles et géniaux. [...] (David, Toc-toque, régal musical pour les enfants, j. p., annexe n° 16)

Ainsi, différents moyens sont utilisés par les rédacteurs pour introduire dans les TPC un matériau mélodique qui fait que ces textes vont parfois, au-delà de la simple information, et tentent de promouvoir par des effets de persuasion de type auditif, même s'ils n'ont pas pour fonction d'être oralisés.

Précisons, par souci de rigueur intellectuelle et non pour nous en glorifier, que ce balayage rapide de la matière phonique du langage dans les TPC de l'ODC des Saisons 2007-08, semble révéler qu'elle est plus « travaillée » par le stagiaire que par les autres rédacteurs. Ceci, d'abord, par goût personnel, même si Jacques et Martine ont aussi une « formation en », un « goût pour », ou une pratique de la littérature. Plus sûrement, c'est parce que j'étais beaucoup moins occupé qu'eux, plus motivé aussi parce qu'en situation de devoir faire mes preuves, que j'ai davantage joué sur les rythmes et les sons et que, d'une manière générale, j'ai pu « ciseler » mes textes.

* 83 DURRER Sylvie (2001), « De quelques affinités génériques du billet  », dans Genres de la presse écrite et analyse de discours, revue Semen 13, Besançon, Presses Universitaires Franc-comtoises, p. 163-185.

* 84 DUPRIEZ Bernard (1984) Gradus, Les procédés littéraires (dictionnaire), coll. 10/18, Union générale d'éditions.

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