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La santé communautaire dans la région des savanes, Togo. Une étude de cas sur les commissions santé dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône

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par Alexander Doyle
Université libre de Bruxelles - Master en sciences de la population et du développement 2012
  

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4.3. Les biais rencontrés

« La « participation » du chercheur induit évidemment des biais personnels et subjectifs, que les savoir-faire socio-anthropologiques ont justement pour but de minimiser, de contrôler ou d'utiliser »60.

Cet aspect de la démarche soulève de nombreuses réflexions d'ordre épistémologique. Ces dernières ne seront pas explorées en détail mais simplement dévoilées afin de donner un bref aperçu du contexte et de notre vision des faits :

- La distance de l'anthropologue : entre objectivité et affection

Le chercheur doit faire preuve d'un esprit de synthèse, d'un recul évident ; il doit se montrer compréhensif, rester à l'écoute tout en étant contraint de maintenir une certaine « distance rapprochée ». Il est donc mis au défit par un « rapport complexe, fait d'attirance et de méfiance »61 lors duquel il est amené à lire par dessus l'épaule des indigènes62, pour s'immiscer au plus proche de son sujet d'étude sans pour autant se sentir trop rapproché et prendre position.

60 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 53.

61 Vidal, L., 2009, « L'anthropologie de l'aide humanitaire et du développement. Entre exigences méthodologiques, ambition épistémologique et souci éthique », in Atlani-Duault, L. & Vidal, L., (sous la direction de.) Anthropologie de l'aide humanitaire et du développement. Des pratiques aux savoirs, des savoirs aux pratiques. Armand Colin, Paris, p. 235.

62 Geertz, C., 1983, Bali : Interprétation d'un culture, 1973, trad. fr. 1973, rééd. Gallimard, coll. « Bibliothèque des sciences humaines ».

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Notre insertion au sein de l'ONG 3ASC a certainement influé sur notre comportement et notre compréhension du milieu. En étant pleinement intégré en son sein, nous avons du faire face à un phénomène d' « encliquage »63. Suivant cet état des faits, il nous a semblé difficile, dans un premier temps, de prendre du recul face au dispositif qui sous-tend la dimension « projet » de notre cadre d'étude.

- La barrière de la langue et les difficultés causées par le recours à un traducteur

Le passage via un traducteur constitue un biais. Les réactions premières de l'interlocuteur ne sont pas perçues correctement. L'échange est compromis et se déroule automatiquement via un tiers. Il est rare d'établir des affinités particulières, mais cela reste toutefois possible dans certaines circonstances. Le langage des signes et les expressions faciales transgressent toutes les barrières sémantiques.

Enfin, nous devons souligner que bon nombre de nos entretiens se sont déroulés avec des personnes dont le niveau de français était très approximatif. Dans un tel cas de figure, la qualité de l'information en ressort mitigée. La présence d'un traducteur, fait que certaines informations peuvent être traduites dans un lexique et suivant une formulation plus aisée à comprendre par l'interlocuteur. En effet, parfois, nos questions semblaient manquer de sens et de clarté aux yeux de l'interviewé. Donc le fait de ne pas traduire à la lettre mais bien

d' « interpréter », comme il est de coutume de le dire au Togo, constitue est un biais positif. Cela enrichit le dialogue et permet d'obtenir des informations qui n'auraient pas pu être obtenues sans l'aide d'un tiers. A d'autres occasions, notre traducteur reprenait notre question en français mais en adaptant les termes et les tournures de phrases dans un vocabulaire plus limité et mieux adapté. Il est vrai qu'à certains moments, il est nécessaire de considérer l'« interprète, (É) dans sons sens le plus plein puisqu'il s'agit de traduire plus qu'une langue : une culture. »64. Parfois, il ne faut tout simplement pas omettre que nous sommes un étranger et qu'il faut impérativement adapter son discours à chaque personne, et ce sans concession. Il est vrai que les personnes ayant « fréquenté» comme on le dit communément au Togo, ont un français admirable, avec des expressions et des termes qui ne sont plus en usage dans la langue française, du moins telle qu'elle est pratiquée actuellement en Europe. Cela enrichit leur propos. Mais dans les villages, nous ne savions jamais exactement à qui nous avions affaire. En outre, certains termes de vocabulaire ou expressions ne sont plus utilisés en Europe alors qu'ils peuvent être encore très courants en Afrique francophone, et vice-versa. Il

63 Olivier de Sardan, 2008, op. cit., p. 93.

64 Fassin, D., 1999, Pouvoir et maladie en Afrique. Anthropologie sociale dans la banlieue de Dakar. Paris, Collection les Champs de la Santé, Université de France, p. 33.

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faut donc impérativement prendre connaissance de toutes ces subtilités du langage pour optimaliser la discussion.

Parfois, indéniablement, le « moba », qui est la langue vernaculaire dominante de la région, détient en son sein des variantes en fonction des villages dans lesquels les interviews étaient effectuées. Il est donc apparu, à certains moments, difficile, voire impossible, de traduire correctement des proverbes et citations, car le traducteur, n'étant autre qu'un jeune citadin, n'était pas en mesure de comprendre entièrement les propos du villageois. La traduction peut perdre de sa saveur originelle au profit d'interprétations qui perdent en richesse et subtilité.

Par ailleurs, nous avons eu le sentiment, dans les premiers temps de notre enquête, de lasser notre traducteur, qui aurait préféré se retrouver ailleurs, en posant des questions qui pouvaient sembler banales pour une personne issue du milieu. Certaines questions pouvaient paraître tellement évidentes à ses yeux qu'ils prenait l'initiative d'y répondre sans même se soucier de traduire la question à l'interviewé. À tel point que dans certaines situations, nous nous sommes senti contraint d'abréger l'entretien. Également, de par notre intérêt qui dépassaient le cadre strict de notre étude sur les CS, nous avons pu à certaines occasions observer chez notre traducteur un certain degré d'incompréhension devant la teneur de nos questions.

-- La véracité des propos de nos interlocuteurs

Nul ne peut jamais se fier complètement aux informations recueillies. Trop souvent, nous fûmes amené à croire sur parole ce que les interviewés nous disaient, quitte à recevoir une information contradictoire par la suite. Toutefois, dans une telle éventualité, nous fûmes généralement contraint « d'accorder crédit aux propos de [notre] interlocuteur (É), et de l'écouter avec sympathie, approbation ou connivence »65.

A titre d'exemple, une des plus grandes divergences observées lors de nos interviews relève du nombre d'activités accomplies durant l'année 2012 par les CS. Il est rare et difficile de faire correspondre l'ensemble des réponses au sujet du nombre d'activités effectuées. Personne ne s'accorde sur les chiffres. Même les secrétaires des CS chargés de relever l'ensemble des agissements, n'écrivent pas forcément tous ces faits dans leur cahier de charges. Il est donc, dans de nombreux cas, difficile d'obtenir des réponses claires et souvent, nous avons eu le sentiment d'acquérir des informations à l'aveuglette. « C'est là un vrai dilemme. Comment combiner empathie et distance, respect et sens critique ? »66. C'est

65 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, op. cit., p. 62.

66 Olivier de Sardan, J.-P., 2008, Ibid., p. 63.

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pourquoi, il est nécessaire de rappeler que le principe de triangulation s'avère être une des notions les plus élémentaires de toute enquête d'ordre socio-anthropologique pour s'assurer des informations obtenues de nos interlocuteurs.

La présentation relative au cadre analytique, méthodologique et épistémologique de notre étude étant achevée, le juste moment est venu maintenant de tenter d'exposer tout d'abord le contexte et le fonctionnement de la santé publique au Togo, très précisément dans la région des Savanes, et ensuite de présenter les CS en tant que telles.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand