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La santé communautaire dans la région des savanes, Togo. Une étude de cas sur les commissions santé dans les districts sanitaires de Kpendjal, Tandjouaré et Tône

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par Alexander Doyle
Université libre de Bruxelles - Master en sciences de la population et du développement 2012
  

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III. ÉTUDE DE CAS : LES COMMISSIONS SANTÉ, CONFIGURATIONS EXTERNES ET ADAPTATIONS INTERNES

Dans ce chapitre, il sera question, à travers nos hypothèses, de répondre à notre question de recherche, préalablement posée (voir I. 2.2. Question de recherche) et qui fut définie en ces termes :

« Dans quelle mesure, l'insertion des Commissions Santé sur la scène sanitaire locale Ð à travers l'ONG 3ASC Ð permet-elle l'élaboration d'une dynamique « participative » véritablement endogène ? »

Pour évaluer l'implication des CS dans le décor sanitaire, nous nous efforcerons donc de percevoir la mise en oeuvre effective du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes ». Pour ce faire, nous analyserons d'une part, les nombreuses complications auxquelles se heurtent les CS en raison du caractère dysfonctionnel du projet, d'autre part, en réponse à la situation en présence, nous tenterons de faire apparaître les « mécanismes de débrouille » déployés par cet organe en guise de solution « adaptative ».

À cette fin, nous diviserons notre chapitre en deux parties conséquentes, relatives à nos deux hypothèses, pour subdiviser l'analyse en fonction des différents aspects abordés.

1. MANQUE D'EFFICACITÉ ET DYSFONCTIONNEMENTS

Nous souhaitons maintenant examiner l'insertion des CS sur la scène sanitaire locale à travers le « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » piloté par 3ASC. Nous avons pris connaissance dans la section II. 2.2.3. Rôle d'une CS, des implications normatives qui leur furent assignées lors de leur création. Les CS sont donc d'une certaine manière contraintes de répondre à une telle demande exogène, qui voit en elles « l'interface incontournable entre [le] « projet » et ses « destinataires » »124.

124 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 153.

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Cette première partie aura donc pour but de refléter notre première hypothèse, qui fut présentée de la façon suivante (voir I. 2.3. Hypothèses) :

« Les Commissions Santé font preuve d'un manque d'efficacité - dans le cadre du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » - suite à des dysfonctionnements internes »

Selon Weber125 « dans tous les domaines (État, Église, armée, entreprise économique, groupement d'intérêts, association, fondation, etc.), le développement des formes « modernes » de groupement s'identifie tout simplement au développement et à la progression constante de l'administration bureaucratique ». Les CS semblent n'y échapper sous aucun prétexte : leurs membres sont « personnellement libres, n'obéissent qu'aux devoirs objectifs de leur fonction ; dans une hiérarchie de la fonction solidement établie ; avec des compétences de la fonction solidement établies ; en vertu d'un contrat (en principe) sur le fondement d'une sélection ouverte selon : la qualification professionnelle (É), [elles] travaillent totalement « séparées des moyens d'administration » et sans appropriation de leurs emplois ». Cependant, certaines conditions ne semblent pas remplies pour coïncider concrètement avec cette vision « idéal-typique » : le fait de toucher un salaire - ils sont en effet bénévoles -, de traiter « leur fonction comme unique ou principale profession » - ils sont en très grande majorité paysans ou agriculteurs -, de voir « s'ouvrir à eux une carrière, un « avancement » selon l'ancienneté ou selon les prestations de service, ou encore selon les deux », et enfin d' « être soumis à une discipline stricte et homogène de leur fonction et à un contrôle », se traduisant dans le cas présent par une forme d'encadrement de leurs activités.

Ce dispositif présente une situation périlleuse, qui ne remplit pas l'ensemble des conditions nécessaires pour que les décisionnaires du développement local aient sous leur charge des individus capables d'assumer les responsabilités qui leurs ont été allouées. Ainsi, les intervenants externes, à la base de leur création, tentent de dégager une fonctionnalité dans ces groupements, en dépit des moyens limités et ressources insuffisantes dont ils disposent.

Cette « configuration développementiste »126 tente quelque peu de limiter les « écarts »127 entre les actions menés et les résultats véritables. Du moins, cette dimension vise à les

125 http://pedagogie2.ac-reunion.fr/ses/textes/Weber/burau.htm (page consultée le 27/07/2013)

126 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit.

127 Chauveau, J.-P., op. cit., p. 47.

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« interpréter sans que soit remis en cause le système de valeurs du populisme bureaucratique »128.

Il s'agira de rendre compte des dysfonctionnements qui résultent de l'application d'une vision bureaucratique, vulnérable sur bien des points. « Certains thèmes « marchent », d'autres ne « marchent » pas. La cohérence technique des projets (É) sous forme de « paquets techniques » est donc ainsi quasi systématiquement désarticulée, ce qui entraîne éventuellement un certain nombre « d'effets pervers », qui neutralisent l'efficacité des améliorations proposées ou sont même franchement négatifs »129.

Le « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes », accompagné d'un « univers langagier [propre] aux institutions de développement »130 cherche à s'insérer sur la scène locale. Mais son emprise est ressentie comme difficile parmi ses nouveaux « représentants ». Nous parlons ici de la confrontation entre deux mondes qui peinent, dans nombre de cas, à trouver un terrain commun qui satisfasse véritablement les acteurs de développement externe à la configuration locale. « Les « développés » n'ont pas les mêmes références culturelles et professionnelles, et sont soumis à de toutes autres contraintes que les « développeurs ». C'est le paradoxe du langage-développement que d'être censé s'adresser aux développés alors qu'il ne concerne que les développeurs »131. Il s'agit de la rencontre entre un dispositif exogène et un système de pensée endogène. « C'est autour de tentatives de transferts de savoir-faire que ces deux ensembles de savoirs et de significations entrent en relation : le développement consiste en effet à tenter de transférer certains savoir-faire associés aux systèmes de sens propres aux opérateurs de développement vers des populations dotées de systèmes de sens différents »132.

1.1.Les dysfonctionnements internes

Divers dysfonctionnements rencontrés dans le cadre du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes » seront maintenant présentés. Ceux-ci sont au nombre de sept : supervision, compétences et formations, médecine « traditionnelle », motivation, actions et activités, ressources matérielles et facteurs externes. À travers ces cas spécifiques, nous tenterons de comprendre les logiques ayant amené à la situation en présence.

128 Chauveau, J.-P., op. cit., 47.

129 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 133.

130 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 165.

131 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 166.

132 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 141.

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1.1.1. La supervision

L'ONG 3ASC est chargée de superviser régulièrement les activités menées par les diverses CS, et ce pour deux raisons : d'une part, pour les encadrer et évaluer les progressions réalisées par les CS sur la base des plans d'actions annuels élaborés ex ante et d'autre part, pour rendre compte de la situation actuelle à LC.

Cependant, la supervision « (ou « monitoring ») » 133 appliquée aux CS se heurte à certaines difficultés perçues par ces dernières comme passagères avant la reprise d'un fonctionnement routinier. De plus, elle peut être confrontée à une « culture bureaucratique commune (« chacun-pour-soi-isme », absence de sanctions et de promotions au mérite, clientélisme, renoncement de la hiérarchie, etc.) »134.

Toutefois, suivant les attentes du « Projet Intégré de santé dans la région des Savanes », un certain encadrement paraît utile pour une amélioration tangible de la situation sanitaire locale. Cependant, il est à constater deux problèmes majeurs qui influent très nettement sur l'organisation et la réalisation même des activités effectuées par les différentes CS : le personnel compétent et les moyens financiers alloués à ce dispositif sont insuffisants pour encadrer convenablement cet organe.

Une telle situation amène 3ASC à se contraindre à un double objectif : d'un côté de satisfaire les attentes de leurs partenaires, et de l'autre, de mener des actions soutenues dans la limite des moyens à disposition. Dans le cas du projet relatif aux CS, les critères initiaux n'incluaient pas suffisamment de moyens pour que les attentes soient toutes remplies et satisfaites. Le travail et les objectifs se voyaient donc soumis à de nombreuses imperfections et à un laxisme évident.

Au regard des propos mentionnés, il est concevable de percevoir - suivant les termes d'Olivier de Sardan - « plusieurs niveaux de cohérence en partie contradictoires »135 car devant se plier à des exigences distinctes qui ne peuvent être aisément conciliées.

De ce fait, il nous paraît légitime de nous interroger sur les facteurs qui ont pu contribuer à l'état actuel de cette situation. Pour ce faire, avant d'analyser les problèmes et les difficultés résultant de ce manque de supervision, voici une présentation du système de supervision actuellement en vigueur.

133 Olivier de Sardan, 2003, op. cit., p. 293.

134 Olivier de Sardan, 2003, Ibid.

135 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 130.

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- Présentation

Fin 2008, lors de la création même du projet, un processus de soutien fut élaboré. Trois personnes étaient chargées de former et de suivre à « plein temps » le travail des CS. Ils assuraient « la modération et le secrétariat des réunions des CS » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS] sur une base mensuelle. Ils se rendaient au sein des villages pour mener à bien le fonctionnement même du projet. D'après les propos récoltés, la supervision semblait plus soutenue durant la phase de mise en oeuvre. Les critères établis envers les CS étaient plus rigoureux et les activités s'en voyaient apparemment renforcées.

A partir de 2011, un suivi fut établi, en moyenne une fois tous les trois mois. Les raisons officielles expliquant le passage d'un suivi mensuel à un suivi trimestriel est que les CS étaient considérées comme :

« Suffisamment outillées pour mener seules les activités. Parce que de un, ils connaissent bien leur rôle, de deux, c'est eux-mêmes, ils ont élaboré leur plan d'actions avant de venir à l'atelier de planification, ils avaient déjà des idées sur ce qu'ils devaient faire pour l'année prochaine. Et ils savent comment le faire déjà donc nous pensons qu'ils sont... les plaidoyers, ils le font, s'il y a un problème, comment procéder pour arriver à un consensus sur la résolution de ce problème donc ils sont.... moi je pense qu'ils sont suffisamment outillés » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].

Concernant leur degré de compétences, le constat est plus ambigu.

« [Est-ce qu'ils sont, d'après vous, suffisamment compétents pour faire leur travail ?] OuiÉpas suffisamment, parce que nous sommes toujours derrière eux pour la régularité donc c'est ça, sinon notre présence ne vaudrait plus la peine. Mais il faut voir aussi que les résultats de leurs activités sont qualitatifs, il n'y a pas de quelque chose de calculs, des chiffres à voir, comme ça par rapport aux résultats des activités, donc c'est difficilement perceptible. On perçoit assez difficilement mais quand même, nous pensons qu'ils obtiennent des résultats par rapport à l'amélioration de l'état de santé de leurs zones respectives et aussi par rapport à l'amélioration des prestations » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].

« Pour être francs, je pense qu'ils ne sont pas si fonctionnels que ça. Bon il y a des résidus qui nous donnent l'impression que ça fonctionne mais concrètement on ne sait pas ce qu'ils font » [Anonyme, employé de 3ASC].

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Aujourd'hui, la seule supervision qui soit opérationnalisée à ce jour pour l'ensemble des vingt-deux CS est menée par deux, parfois trois personnes. De ce fait, les RFS qui furent associés au projet, sont employé comme « relais », en termes de supervision pour s'assurer que ces groupements ne soient pas entièrement livrés à eux-mêmes. Cela, il va sans dire, se rajoute aux nombreuses responsabilités qui leurs sont déjà assignées.

Dans les faits, force est de constater que cette supervision est exempte de rigueur est loin de respecter les exigences initialement fixées ; le précepte du suivi rapproché est remis en question. Le seul encadrement, auxquelles les CS ont droit, se produit lors des réunions bimestrielles. À cette occasion, les agents de terrain dirigent ou « coachent » les CS. Ils les orientent suivant les thèmes et les discussions de circonstance. Une vérification et un bilan sont menés par rapport au plan d'action qui avait été établi au départ de chaque phase. Ils assistent à l'élaboration des nouvelles stratégies mises sur pied par les CS. Les réunions sont menées par le président de la CS ainsi que par les RFS car :

« C'est eux la communauté, c'est eux qui connaissent la communauté, nous on va pour nous assurer que les activités se mènent conformément à ce qui est prévu » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].

Cette intervention illustre une difficulté propre à la réalisation concrète des objectifs attribués aux CS : l'ONG 3ASC s'efforce de visualiser les résultats aboutis « conformément » au plan préalablement rédigé. En s'inscrivant dans cette vision linéaire, les initiatives locales semblent écartées et encore moins encouragées. Il faudrait plutôt repenser « ce rôle de suivi-évaluation à fin de proposer une adaptation des projets de développement aux dérives qu'ils subissent de la part des clients »136. Les agents du dispositif semblent omettre que « la « dérive » est un phénomène normal, qu'il serait illusoire de vouloir éliminer. C'est le produit nécessaire et intentionnel de l'entrecroisement de la complexité des variables en jeu dans les réactions d'un milieu social face à une intervention volontariste extérieure »137.

- Les cahiers de charges

Voici une illustration des conséquences provoquées par le manque de suivi des agents de 3ASC à travers un cas spécifique : les cahiers de charges.

136 Olivier de Sardan, 1995a, op. cit., p. 198.

137 Olivier de Sardan, 1995a, Ibid., p. 197.

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Un problème constaté relève de la prise de notes par le secrétaire de la CS. Les procès-verbaux des réunions se tiennent dans un cahier A5 aux pages non détachables. Ils se résument en une page détaillant la liste de personnes présentes, la date, le lieu, le thème de la réunion, les problèmes rencontrés, les solutions envisagées et les signatures du président, du secrétaire et éventuellement du RFS. Les points essentiels sont effectivement répertoriés, cependant le principal problème relève de l'aspect restreint de l'information relevée. Entre une et trois lignes sont consacrées à chaque point de la réunion. Il s'agit d'une information beaucoup trop condensée, sinon redondante, qui donne peu de clarifications sur le travail effectué et à accomplir.

Le secrétaire de la CS de Nanergou, Tône lit un extrait à haute voix, des notes retranscrites dans son cahier de charges de la réunion qu'ils ont tenue le 20 novembre 2012:

- « Activités : sensibiliser le personnel,

- Activités réalisées : le personnel est sensibilisé,

- Résultats obtenus : la fréquentation est bonne,

- Sensibiliser la communauté : la communauté est sensibilisée,

- Sensibiliser les leaders : les leaders sont sensibilisés,

- Culture maraîchère : le maraîchage est pratiqué,

- Faire la promotion des mutuelles de santé : beaucoup sont adhérés aux mutuelles » [Secrétaire de la CS de Nanergou, Tône].

Certains détails méritent d'être inscrits parmi les activités et les possibilités concrètes pour améliorer la santé au sein de leur aire sanitaire. Aucune date prévue n'est inscrite quant aux activités à réaliser. De façon à uniformiser les procès-verbaux, un prototype a été remis en février 2012, à toutes les CS pour s'assurer de la qualité des informations recueillies. Celui-ci tend à être respecté. Le problème se situe davantage au niveau de la qualité même du procès-verbal faisant office de modèle. Il est beaucoup trop réduit pour développer un planning, des activités et discuter de l'ensemble des problèmes rencontrés. De plus, les informations ne relèvent ni observations, ni difficultés rencontrées, ni suggestions et aucune formation à ce niveau n'a été effectuée.

« Quelque part la Commission Santé, personne n'a jamais fait des PV avant, il est élu secrétaire parmi la commission, vraiment quand tu le laisses faire le PV, il va écrire mais quand tu vas venir pour viser leur cahier, tu ne comprendras rien, parce qu'il y a une procédure dans le PV, tu vois, s'il y a un ou deux jours où on pourra expliquer au secrétaire comment faire le PV, ce serait une bonne chose » [Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].

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L'information ne fut pas répandue correctement. De plus, l'insertion de dispositif exogène sur ces CS produit des sentiments de frustrations parmi les membres. Étant en recherche d'une forme de reconnaissance, certains désirent se plier à ce fonctionnement mais peinent à en comprendre les logiques internes.

Certaines CS continuent d'écrire dans le cahier de charges, d'autres sur les feuilles consacrées à cet effet. Pis encore la CS de Sanfatoute, Tône, n'écrit même plus les compte-rendus des réunions.

« Au fait quand on fait la réunion mensuelle, le secrétaire est là, c'est que les deux derniers mois passés, le secrétaire a trouvé un boulot à Dapaong, il est parti, donc il est plus avec nous. Donc à la réunion, on avait proposé qu'il faille chercher un nouveau secrétaire. (É) Donc comme le secrétaire n'était pas là, on a rien noté » [Membre de la CS de Sanfatoute, Tône].

Même si le message semblait avoir été bien transmis par 3ASC, ce ne fut apparemment pas le cas en réalité. Certains ont cru bien faire en photocopiant par leurs propres moyens l'unique copie que 3ASC leur avait remise pour être en mesure d'écrire durant les réunions à même la feuille. Selon la CS de Kourientre, Tône :

« Ils avaient dit qu'ils viendraient les ramasser. Anonyme [Employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS] est venu en juin, elle a dit de laisser et après elle va revenir et après elle a été empêchée jusqu'au aujourd'hui. Mais on continue à remplir mais personne ne lit » [Membre de la CS de Kourientre, Tône].

D'une façon ou d'une autre, un malentendu sur la question est à relever. Il convient de dire que suivant le point de vue de 3ASC, il n'avait pas été prévu que ces procès-verbaux fussent récupérés pour une analyse a posteriori. Ils devaient seulement servir de canevas pour la rédaction dans leur cahier. L'avantage avancé par 3ASC au sujet de la rédaction des procès-verbaux dans leur cahier est que c'est un moyen plus sûr de ne pas perdre l'ensemble des données retranscrites. Ces dernières seraient vérifiées par le superviseur durant sa visite.

En d'autres termes, et afin de clarifier la situation actuelle, en dehors du bilan des activités annuelles rédigé lors de l' « atelier de recyclage », aucun document écrit quel qu'il soit n'a jamais été remis par une CS à 3ASC. Pis encore, aucun document n'a jamais fait l'objet d'une réclamation de la part de 3ASC.

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Cet exemple vient appuyer les propos énoncés ci-dessus, à savoir, l'insuffisance de suivi rapproché de la part de 3ASC envers les CS. Ces dernières tendent à se sentir délaissées et insuffisamment reconnues pour tous les efforts poursuivis, notamment en termes de motivation. Le fait qu'elles sont livrées à elles-mêmes traduit-il véritablement un esprit de confiance ou est-ce tout simplement par manque de moyens qu'elles se trouvent dépossédées de tout et remises à leur propre destin ? La deuxième hypothèse semble plus en adéquation avec la réalité. Dans le cadre de ce projet, une prise en charge optimale est indispensable pour qu'un réel changement de fond puisse avoir lieu.

« Nous ne savons pas si ce que nous sommes en train de faire si c'est bon ou ce n'est pas bon. Nous ne savons pas si nous sommes dans la bonne direction, dans les normes, voilà. [É] Il faut qu'on revoie ce problème ensemble avec notre responsable. Parce que l'année est terminée, il doit venir sûrement, s'il arrive, on doit faire une réunion et parler de ce problème » [Présidente de la CS de Nanergou, Tône].

Cette situation défaillante laisse transparaître des difficultés entravant la possibilité d'évaluer correctement les agissements des CS dans le décor local. Suivant la situation en présence, il est aisé de reporter le « manque d'efficacité » du projet sur les CS, devant le peu de résultats observables.

Toutefois, avant de clore cette section portant sur la supervision des CS, nous devons émettre deux constatations :

- Toutes les CS, sans exception, se plaignent du manque de participation de la part des représentants de 3ASC. Un sentiment d'abandon s'est clairement fait sentir au cours de nombreuses interviews. La fréquence du suivi actuel est clairement à reconsidérer. À titre d'exemple et ils sont nombreux, la dernière visite que la CS de Kourientre, Tône, a reçu d'un agent de terrain date de février 2012. Depuis, aucun suivi à leur encontre n'a été effectué excepté pour la mise en place de la supervision des ASC en juin 2012 (voir III. 1.1.4. La motivation). En 2012, il a été extrêmement rare voire inexistant que des agents qualifiés fassent l'objet d'un réel suivi dans des villages afin d'analyser le déroulement des activités menées par les CS. Toutefois, les personnes en charge de la supervision des CS s'entendent pour dire que :

« Dans le trimestre nous faisons quand même un effort pour aller les visiter au moins une fois, certaines peuvent être visitées deux fois s'il y a un problème et s'ils nous sollicitent aussi pour les appuyer pour certaines activités, on peut les visiter. Mais au moins une fois, elles sont visitées par trimestre » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].

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En lui expliquant, l'exemple de Kourientre, Tône, il rit avant de nous répondre ceci :

« Oui il y a un relâchement, oui c'est ça, par rapport à la disponibilité. Sinon quand même moi à Tandjouaré je fais un effort pour les visiter une fois dans le trimestre et s'il me sollicite, et que je trouve ça pertinent, je fais quand même un effort pour les voir. Ce sont des gens qui ont besoin d'être soutenus, motivés pour faire leurs activités » [Anonyme, employé de 3ASC, chargé de la supervision des CS].

- Le constat est unanime : les personnes en charge de la supervision des CS n'assument pas correctement leur responsabilité. On peut toutefois se questionner quant aux raisons d'une telle situation. La réponse semble se situer du côté de la multiplication des tâches qui leurs incombent. En effet, sur les trois personnes couvrant cette fonction, deux sont RFS des USP de Korbongou, Tône, et de Nano, Tandjouaré (cette dernière, au passage, ne détient pas de CS dans son aire sanitaire), et la troisième, responsable de la cellule « santé communautaire » au sein de l'ONG 3ASC, a sous sa charge de nombreuses activités à réaliser et une équipe d'une dizaine de personnes à coordonner. Dans ce contexte, il peut paraître logique que le temps restant disponible pour la supervision soit restreint. Néanmoins, il paraît nécessaire de signaler qu'étant seul (accompagné d'un interprète), nous avons pu, en moins d'un mois, parcourir pas moins de quinze aires sanitaires et être reçu par des dizaines de CS. Dans un tel état de choses, ne peut-on conclure à un manque de volonté de la part de l'ONG, voire même à sa négligence ? Suivant ce constat et face à la défaillance de la supervision actuelle, il y a certes de nombreux éléments à reconsidérer. Cependant, nous pouvons résolument admettre que les moyens consacrés à cet organe sont limités et en quelque sorte « bloqués » devant l'absence de résultats.

En clair, face aux exigences auxquelles les CS sont confrontées, elles semblent - suivant la dimension « projet » - ne pas répondre suffisamment aux desiderata exposés par 3ASC. Cependant, en inscrivant les groupements dans une démarche bureaucratique, l'ONG en question ne semble pas avoir outillé ses responsables à la mesure de la perspective affichée.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld