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Conditions d'éligibilité du président de la république et démocratie en Afrique subsaharienne

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par Eveline RODRIGUES PEREIRA BASTOS
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 droits africains 2011
  

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UNIVERSITE PARIS 1 PANTHEON-SORBONNE

Département Études internationales et européennes

CONDITIONS D'ELIGIBILITE

DU PRESIDENT DE LA

REPUBLIQUE ET DEMOCRATIE

EN AFRIQUE SUBSAHARIENNE

Eveline RODRIGUES PEREIRA BASTOS
Dirigé par Alix TOUBLANC

Master 2 Recherche Droits africains

2011-2012

1

« L'Université Paris 1 n'entend donner aucune approbation aux opinions émises dans les mémoires. Ces opinions doivent être considérées comme propres à leurs auteurs ».

2

Remerciements

Je souhaiterais adresser mes remerciements au professeur Alix TOUBLANC, professeur de droit constitutionnel et directrice du Master 2 droits africains à l'Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, pour son aide et ses conseils avisés qui ont permis l'élaboration de ce mémoire.

Je voudrais adresser mes remerciements à mes camarades du Master 2 droits africains, qui se sont montrés toujours solidaires à mon égard et présents en cas de difficultés.

J'adresse toute ma gratitude à ma famille et à mes amis pour leur soutien et encouragements tout au long de l'élaboration de ce mémoire.

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Abréviations

- ACP : communauté Afrique-Caraïbe-Pacifique

- CEDEAO : communauté économique des États d'Afrique de l'ouest

- CEE : communauté économique européenne

- LGDJ : librairie générale de droit et de jurisprudence

- ONU : organisation des nations unies

- UA : union africaine

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SOMMAIRE :

INTRODUCTION 5

PARTIE I : LE DROIT POSITIF DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ ENTRE VISÉES

DÉMOCRATIQUES ET RÉALITÉS ANTIDÉMOCRATIQUES 13

CHAPITRE 1 : LE DROIT POSITIF DES ÉTATS AFRICAINS ORIENTÉ VERS LA RECHERCHE QUALITATIVE

EN MATIÈRE DE CANDIDATURE PRÉSIDENTIELLE 14
CHAPITRE 2 : LA LIMITATION DU NOMBRE DE MANDATS, INSTRUMENT DE LA VOLONTÉ DE

LIMITATION DU POUVOIR 25

PARTIE II : DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ LIMITÉES DANS LEUR MISSION PAR

LE PROBLÈME DE LEUR INSTRUMENTALISATION 35

CHAPITRE 1 : LES FORMES ANCIENNES ET NOUVELLES DE L'INSTRUMENTALISATION DES

CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ 36
CHAPITRE 2 : LES FAILLES DU CONSTITUTIONNALISME AFRICAIN FAVORISANT LE DÉTOURNEMENT

DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ 45

PARTIE III : L'EXISTENCE DE FREINS À L'INSTRUMENTALISATION DES

CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ ? 54

CHAPITRE 1 : LE CONTRÔLE DU JUGE CONSTITUTIONNEL DANS L'ÉLABORATION ET L'APPLICATION

DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ 55

CHAPITRE 2 : L'EXISTENCE DE SANCTIONS DES DÉTOURNEMENTS DES CONDITIONS D'ÉLIGIBILITÉ ? 71

CONCLUSION GENERALE 79

BIBLIOGRAPHIE 82

TABLE DES MATIÈRES : 88

5

Introduction

« Au début des années quatre-vingt-dix, l'Afrique noire a connu de profondes aspirations politiques, économiques, sociales. Ces mouvements ont eu pour conséquences la chute des régimes monolithiques de parti unique et l'avènement du renouveau démocratique avec la restauration du multipartisme et la résurgence des élections libres et compétitives1 ». Les mouvements contestataires des régimes de parti unique se sont réunis au sein d'immenses conférences nationales regroupant « paysans, travailleurs de tous ordres, cadres de l'administration, partis et sensibilités politiques, associations de développement, organisations non gouvernementales, représentants de cultes, sans oublier des personnalités ayant exercé sur le plan national ou international des fonctions de premier plan2 ». Au sein de ces grands rassemblements, on trouvait toutes les forces vives de la nation, réunies dans le but de repenser les fondements de l'union de ses membres à travers l'édiction d'un projet de Constitution. Le constitutionnalisme né de ces conférences nationales africaines semble marquer une rupture avec le passé, rupture avec la volonté, pendant la période du « parti unique », de faire taire l'expression de la pluralité des voix composant les sociétés africaines. Ainsi, la réintroduction du multipartisme3 impliqua notamment la nécessité de réorganiser les règles de la compétition politique, afin qu'elles puissent garantir le respect de la volonté du peuple.

Si on analyse attentivement le choix politique fait par le nouveau constituant, on peut néanmoins relativiser l'impression de rupture. En effet, les États africains ont tous adopté un modèle démocratique bien particulier, le modèle démocratique occidental, et s'inscrivent ainsi dans la continuité du fait colonial. Si toute démocratie se définit comme un régime politique dans lequel le pouvoir est détenu par le peuple, le modèle démocratique occidental a la spécificité de constituer un « mode de régulation politique

1 El Hadj Omar Diop, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire, Paris, Publibook, 2006, p. 23.

2 Conférence nationale du Bénin, Rapport général de synthèse de la Conférence des Forces vives de la nation, Cotonou, 1990, 16 p dans Fabien Eboussi Boulaga, Les Conférences nationales en Afrique noire, une affaire à suivre, Paris, Karthala, 2009, p. 180.

3 Le multipartisme était reconnu par la plupart des constitutions africaines sans pour autant être appliqué dans les faits.

6

dominant imposé à l'humanité tout entière par la colonisation4 », et cela au nom d'une théorie universaliste selon laquelle toutes les sociétés humaines devraient tendre vers un progrès commun, ici assimilé à celui des nations occidentales5. Cette démocratie, loin d'être universelle en réalité, est caractéristique du mode de pensée occidental. En effet, elle repose notamment sur le principe de l'« individualisme libéral », une doctrine « qui postule la primauté de l'individu sur la collectivité sociale et qui pose, en effet, que les parties (les individus) sont logiquement et ontologiquement antérieures au tout (le groupe social)6 ». Les constituants africains ont donc opté pour une doctrine qui semble éloignée, voire même aux antipodes, des structures et modes de pensée traditionnels africains, lesquels se caractérisent plutôt par l'indissociabilité entre groupe et individus et dans lesquels le groupe prime nécessairement l'individu7. Ce choix de poursuivre l'intégration, au sein des sociétés africaines, d'un modèle démocratique reposant essentiellement sur la représentation du peuple par des personnes élues nécessita que soient définies et posées « les questions relatives à la limitation du mandat des élus, à l'organisation périodique d'élections libres, régulières et transparentes, aux mécanismes de gestion du contentieux électoral, au statut des partis politiques, au statut de l'opposition et à la régularité du jeu politique8 ».

Au coeur du dispositif normatif régissant l'organisation de la compétition électorale, les conditions d'éligibilité tiennent une place importante puisqu'elles en conditionnent l'accès. L'éligibilité est définie par le Lexique de droit constitutionnel comme étant l'« aptitude légale d'une personne à se porter candidate en vue d'une élection9 ». Les dispositions instaurant des conditions d'éligibilité vont donc réglementer l'accès à la

4 Mbog Bassong, Les fondements de l'État de droit en Afrique précoloniale, Paris, L'Harmattan, 2007, p. 11.

5 Cette thèse déterministe est notamment développée par Emmanuel Kant dans son ouvrage Idée d'une histoire universelle d'un point de vue cosmopolitique ».

6 Boniface Kabore, « L'universel démocratique et ses adaptations socio-culturelles : considérations casuistiques », Political Philosophy, 1998, non paginé.

[Réf. du 26 août 2012]. Format html.

Disponible sur : http://www.bu.edu/wcp/Papers/Poli/PoliKabo.htm.

7 Voir Raymond Verdier, « L'ancien droit et le nouveau droit foncier de l'Afrique noire face au développement », in John. N. Hazard (dir.), Le droit de la terre en Afrique (au Sud du Sahara), Paris, G.-P. Maisonneuve et Larose, 1971, p. 67-88. Selon l'auteur, le droit africain se caractérise par le fait que l'homme n'acquiert sa personnalité juridique que dans le groupe et, à l'inverse, n'existe pas en tant qu'individu isolé.

8 El Hadj Omar Diop, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire, op. cit., p. 36.

9 Pierre Avril, Jean Gicquel, Que sais-je ? Lexique de droit constitutionnel, Paris, PUF, 2003, p. 49.

7

compétition électorale, en posant des restrictions à cet accès. La nécessité de telles restrictions est liée à l'importance de la fonction à laquelle elles s'appliquent. Ainsi, plus la fonction est importante, plus on constate que les conditions d'éligibilité y sont restrictives. La fonction présidentielle, dans la mesure où elle est placée à la tête du pouvoir exécutif, a une importance capitale. Le pouvoir exécutif se présente, au sein de l'État, comme « l'ensemble des organes gouvernementaux et administratifs qui sont non seulement chargés de la mise en oeuvre des lois mais aussi de définir la politique de la nation et qui possèdent une prépondérance de fait dans l'initiative législative10 ».

Un constitutionnalisme fortement présidentialiste

Le constitutionnalisme africain se caractérise par son attrait pour les exécutifs forts centrés autour de la personne du président de la République11. Comme le font remarquer justement André Cabanis et Michel Louis Martin, dans leur ouvrage Le constitutionnalisme de la troisième vague en Afrique francophone : « Si, aujourd'hui, l'exercice de la fonction suprême a, d'une manière générale, perdu la connotation autoritariste, surtout sous les formes sultanistes et prétorianisées, qu'il revêtait jusqu'à une époque récente, les transitions politiques amorcées au tournant des années 1990 ne semblent pas avoir beaucoup modifié cette prépondérance au sein de l'espace politico-institutionnel12 ».

D'ailleurs, à partir de l'expression de Michel Debré, selon laquelle le président de la République serait « la clé de voûte » du régime politique français, Frédéric Joël Aivo établit l'idée selon laquelle « cette réalité de la fonction présidentielle propre au départ à la pratique gaullienne du pouvoir, s'est progressivement étendue à plusieurs États francophones d'Afrique noire qui, comme la France, se sont inscrits dans la même logique institutionnelle13 ». C'est alors la question du mimétisme constitutionnel africain, dans son option pour la « présidentialisation du régime politique14 », qui est décrite. Cette affection pour le présidentialisme ne touche pas seulement les États

10 Charles Debbasch, Yves Daudet, Lexique de termes politiques, Dalloz, 2e éd., 1978, p. 113.

11 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique, Paris, L'Harmattan, 2008, p. 14.

12 André Cabanis et Michel Louis Martin, Le constitutionnalisme de la troisième vague en Afrique francophone, Louvain-La-Neuve, Bruylant-Academia, 2010, p. 59.

13 Frédéric Joël Aivo, Le président de la République en Afrique noire francophone : genèse, mutation et avenir de la fonction, Paris, l'Harmattan, 2007, p. 45.

14 El Hadj Omar Diop, Partis politiques et processus de transition démocratique en Afrique noire, op. cit., p. 36

8

francophones ; il s'agit d'une tendance que l'on retrouve de façon globale sur l'ensemble du continent. Stéphane Bolle définit le présidentialisme comme étant « une configuration institutionnelle particulière, où le président de la République - en droit et/ou en fait - concentre l'essentiel de l'autorité, au détriment des autres pouvoirs15 ». Les Constitutions africaines actuelles se caractérisent notamment par l'importance des prérogatives laissées au président de la République et la faiblesse des dispositions prévoyant l'engagement de sa responsabilité.

Une prééminence présidentielle nécessitant l'élaboration de conditions d'éligibilité favorisant la « bonne gouvernance »

Parce qu'elle se trouve au coeur des régimes politiques africains, l'institution du président de la République nécessite que les règles d'accès à sa fonction soient élaborées avec soin. Une idée qui n'a pas échappé au constituant africain lorsque le continent a connu sa vague de démocratisation, apportée par les conférences nationales. En effet, de nouvelles conditions sont alors apparues, afin de répondre aux objectifs de démocratisation voulus par les conférences nationales. De plus, comme l'indiquent Cabanis et Martin, « Ayant voulu renouer avec l'idée de gouvernance démocratique et d'État de droit, que ce soit par la conviction idéologique ou par volonté de paraître partager le système de valeurs dominant et donc de se voir insérées dans la communauté internationale, les sociétés politiques et civiles africaines ne pouvaient éviter de donner toute sa signification et son effectivité au fait constitutionnaliste, ce qui implique non seulement un régime de limitation des pouvoirs et de protection des droits du citoyen, mais encore l'idée de la supériorité de ce régime comme fondement du pouvoir et de l'action de l'État16 ». Il a fallu mettre à contribution les conditions d'éligibilité du président de la République, afin d'atteindre des objectifs de « bonne gouvernance » jugés indispensable au développement des États africains. Cette notion de « bonne gouvernance » a été théorisée par la Banque mondiale. L'institution a, dans un premier temps, développé une définition purement économiste de la notion, celle-ci

15 Stéphane Bolle, « Le régime présidentiel : cache-sexe du présidentialisme ? », La Constitution en Afrique, 2007, non paginé.

[Réf. du 11 juin 2012]. Format HTML.

Disponible sur : http://www.la-constitution-en-afrique.org/article-12777017.html.

16 André Cabanis et Michel Louis Martin, Le constitutionnalisme de la troisième vague en Afrique francophone, op. cit., p. 7.

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renvoyant « à une gestion économiquement saine, transparente, et efficace des deniers publics. Cette conception est dite technico-gestionnaire, parce que mettant en avant le seul critère d'efficacité des modes de gestion économique sans considération aucune de l'environnement socio-politique dans lequel s'inscrivent ces modes de gestion17 ». Cependant, à partir des années quatre-vingt-dix, la Banque mondiale va faire évoluer la notion en lui ajoutant une dimension politique. La « bonne gouvernance », c'est désormais le respect de la démocratie et de l'État de droit comme composante indispensable au développement économique et social d'un État. La bonne gouvernance, dans son sens politico-économique, devient dès lors une condition à l'attribution de l'aide financière à un État. Lorsque l'on considère cette approche de l'aide au développement, elle nous semble problématique pour deux raisons. Tout d'abord, dans la mesure où la Banque mondiale est la seule à apprécier l'existence ou non de la « bonne gouvernance », elle soumet nécessairement l'État considéré à une forme d'arbitraire. Ensuite, cet arbitraire est aggravé par le fait que les critères d'appréciation de la bonne gouvernance reposent uniquement sur le modèle occidental de démocratie et d'État de droit, ce qui consacre une sorte de droit d'ingérence à l'institution dans les affaires de l'État sollicitant une aide. On peut dès lors légitimement se demander si l'institution a pour objectif de conférer une aide au développement économique des États dits « en développement », ou si elle vise à imposer un modèle politique en leur sein.

Quoi qu'il en soit, les États africains se sont, dans le but d'atteindre ces objectifs de « bonne gouvernance », dotés de nouvelles conditions d'éligibilité faisant leur apparition dans le constitutionnalisme africain. Ont été ajoutées, par exemple, des conditions censées garantir l'existence d'aptitudes et ou compétences nécessaires à l'occupation de la fonction, ainsi que, par exemple des conditions de résidence drastiques, la multiplication des régimes d'incompatibilité, etc. À côté de ces conditions, on met en place une disposition phare dans le néo-constitutionnalisme africain : il s'agit de la limitation du nombre de mandats. En effet, cette disposition, limitant la rééligibilité des personnes ayant déjà tenu la fonction de président de la

17 Abdourahmane Diallo, Problématique de la gouvernance en République de Guinée et l'appui de la Banque mondiale.

[Ressource électronique] - Université Sonfonia de Conakry, 2009. Non paginé. [Réf. du 11 juin 2012] Format HTML.

Disponible sur : http://www.memoireonline.com/05/09/2070/m_problematique-de-la-gouvernance-en-Republique-de-Guinee-et-lappui-de-la-Banque-mondiale.html

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République, a comme but d'opérer un bornage de l'exercice du pouvoir. Ismaïla Madior Fall estime que « les nouveaux systèmes constitutionnels se sont employés à restaurer l'idée de mandat telle qu'elle est connue dans la tradition démocratique et républicaine. Cette restauration se réalise d'abord et avant tout par la limitation du mandat dans le temps. Il se réalise ainsi le passage d'un mandat longtemps dévoyé dans un sens « monarchique » à un mandat réhabilité dans une perspective démocratique et républicaine18 ».

Le développement des conditions d'éligibilité conduit de fait à encadrer toujours un peu plus le choix des électeurs. Néanmoins, les conditions d'éligibilité vont opérer un encadrement bénéfique du suffrage19. La logique est celle de la création de garde-fous, de protection du peuple contre lui-même et sa capacité à élire une personne s'éloignant des standards démocratiques établis par la Constitution. En effet, les conditions d'éligibilité conçues pour garantir la « bonne gouvernance » vont imposer des restrictions visant à sélectionner des candidats qui seront à même de bien appliquer les règles démocratiques posées par la Constitution. Ainsi, certains constituants ont, par exemple, ressenti le besoin d'imposer comme condition aux futurs candidats de savoir lire et écrire20. La limitation du nombre de mandats protège, quant à elle, de la réélection systématique de la même personne à la tête de l'État.

L'intérêt de l'étude du rôle des conditions d'éligibilité du président de la République

On perçoit aisément les enjeux démocratiques attachés à l'élection du président de la République. Ce sont ces enjeux qui fondent l'intérêt de l'étude de la question. En effet, une vingtaine d'années après l'édiction de nouvelles conditions d'éligibilité et leur assignation d'une mission de favorisation de la démocratie, l'heure est arrivée de faire un bilan de l'évolution de ces conditions quant à leur rôle initial. La recherche des éléments permettant de favoriser ce rôle et des éléments constitutifs d'obstacles à celui-ci est primordiale afin de mener une étude Sur l'étendue de leurs impacts, aujourd'hui, sur les démocraties africaines.

18 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique, op. cit., p. 163.

19 Pour l'élection des présidents africains, le suffrage le plus largement répandu est le suffrage universel direct.

20 L'article 28 de la Constitution sénégalaise du 22 janvier 2001 prévoit, quant à elle, précisément que le futur candidat doit « savoir écrire, lire et parler couramment la langue officielle ».

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La présentation des différentes dispositions électorales concernant l'accès à la candidature présidentielle n'est pas dépourvue de nécessité. Même si l'on sait qu'en Afrique, le mode d'accession au pouvoir n'est pas toujours démocratique et que l'ordre constitutionnel n'est pas toujours respecté, il existe un mouvement global allant dans le sens de l'abandon progressif de la violence, au profit de la conquête politique par les urnes. De plus, il est juste de dire que « si les changements constitutionnels ne sauraient subsumer les réalités politiques ou en être le principe directeur, ils ne sont pas pour autant sans effet sur les comportements des classes politiques. Ce type de norme, du moins lorsqu'elle consacre le libéralisme et le pluralisme, est un préalable, quand bien même elle n'en serait pas consubstantielle, à l'instauration d'un État de droit, quel que soit par ailleurs le poids des autres facteurs, économiques, sociologiques et internationaux participant également à sa formation. Et si des asynchronies entre les textes et la réalité s'observent, elles ne peuvent prendre trop d'ampleur, sauf à susciter un opprobre que peu de pays sont en mesure de s'autoriser sans conséquence, du moins dans le contexte actuel de la globalisation de la norme démocratique et de l'exigence de « bonne gouvernance »21 ».

La problématique

Dans un contexte d'inflation constante des révisions constitutionnelles, le texte fondamental, en Afrique, fait bien souvent l'objet d'une instrumentalisation au profit des intérêts politiques des dirigeants. Karim Dosso affirme que « la constitution qu'on avait très tôt sacralisée, fétichisée, en Afrique est devenue un texte ordinaire voire banal22 ». En effet, le texte constitutionnel se trouvant au sommet de la hiérarchie des normes, il ne devrait pas pouvoir être révisé aussi facilement qu'une loi ordinaire, ni faire l'objet de modifications trop fréquentes. Néanmoins, c'est la situation que l'on constate sur le continent africain, depuis la création des Constitutions issues de la vague démocratique. Dans ce contexte, on peut légitimement s'interroger sur ce qui est advenu, au fil du temps, de ces conditions d'éligibilité censées promouvoir une gestion démocratique du pouvoir. La pratique généralisée de l'instrumentalisation de la Constitution, et plus spécifiquement des conditions d'éligibilité, a généralement pour

21 André Cabanis et Michel Louis Martin, Les Constitutions d'Afrique francophone, évolutions récentes, Paris, Karthala, 1999, p. 10.

22 Karim Dosso, « Les pratiques constitutionnelles dans les pays d'Afrique noire francophone : cohérences et incohérences », Revue française de droit constitutionnel, n° 90, 2012, p. 17.

but d'écarter un adversaire politique de la compétition électorale ou de se maintenir au pouvoir. Les recours à l'instrumentalisation de la Constitution sont qualifiables de « «coups juridiques», [qui] oscillent entre deux tendances, celle des révisions constitutionnelles controversées et celle des mandats électifs illimités23 ». L'instrumentalisation conduit à écarter les conditions d'éligibilité de leur rôle démocratique pour en faire un outil antidémocratique au profit des intérêts du pouvoir. De telles pratiques devraient, dans un système juridique sain, se heurter à des obstacles d'ordre juridique ou judiciaire. Ainsi, on peut légitimement se demander ce qu'il en est aujourd'hui dans le constitutionnalisme africain.

Afin de répondre à de telles interrogations, nous présenterons l'état du droit positif africain en matière de condition d'éligibilité du président de la République, au regard des fonctions démocratiques assignées à celles-ci (Partie 1). Puis nous mettrons en évidence la limitation du rôle démocratique des conditions d'éligibilité par la pratique de l'instrumentalisation de celles-ci (Partie 2). Enfin, il sera question de rechercher l'existence de freins au phénomène de l'instrumentalisation (Partie 3).

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23 Ibid., p. 23.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus