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Conditions d'éligibilité du président de la république et démocratie en Afrique subsaharienne

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par Eveline RODRIGUES PEREIRA BASTOS
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 droits africains 2011
  

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PARTIE I : Le droit positif des conditions d'éligibilité entre

visées démocratiques et réalités antidémocratiques

Même si les nouvelles dispositions constitutionnelles n'ont pas permis de mettre un terme à toutes les difficultés rencontrées par le constitutionnalisme africain, elles ont néanmoins une forte valeur symbolique. Concernant la période du monopartisme, Ismaïla Madior Fall nous dit que « les très longs règnes consécutifs à l'institutionnalisation de la présidence à vie ou au cumul illimité de mandats favorisaient tout naturellement une confusion du pouvoir avec la personne du Chef de l'État24 ». De plus, selon lui, le système du monopartisme, dans lequel de nombreux « pères fondateurs » des indépendances dirigeaient leur pays sans que soit évoquée la question du renouvellement politique, a contribué au phénomène de la sacralisation du pouvoir. Autant de facteurs antidémocratiques auxquels devaient mettre un terme les Constitutions nées de la vague de démocratisation. Il a été question de prévoir des conditions d'éligibilité permettant de garantir l'élection d'un candidat répondant au standard d'un « bon gouvernant ». Au regard des conditions d'éligibilité créées de ce fait, on apprend que le bon dirigeant se doit d'être compétent, respectueux des valeurs constitutionnelles, non soumis à l'influence de certains groupes présents dans la société, etc. La question de la limitation du pouvoir, notamment dans le but d'empêcher sa personnalisation, a été réglée par l'introduction, dans la grande majorité des Constitutions, d'une limitation du nombre de mandats autorisés à une seule et même personne. On constate aujourd'hui que le droit positif africain se caractérise par des conditions d'éligibilité orientées vers la recherche d'un candidat de qualité (Chapitre 1), mais avec une application difficile de la règle de la limitation du nombre de mandats (Chapitre 2).

24 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique, op. cit., p. 24.

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Chapitre 1 : Le droit positif des États africains orienté vers la

recherche qualitative en matière de candidature présidentielle

La finalité des conditions d'éligibilité est d'assurer aux électeurs l'existence d'un choix éclairé, car prédéterminé par des critères choisis par la loi électorale. Le professeur Ismaïla Madior Fall, dans sa thèse sur le pouvoir exécutif en Afrique25, met en évidence l'existence de conditions d'éligibilité que l'on peut qualifier de classiques. Celles-ci sont de l'ordre de trois, et sont qualifiées de « classiques » du fait de l'absence de contestation suscitée par leur existence et du fait de leur présence quasi-systématique dans le constitutionnalisme africain, mais aussi mondial. Elles présentent la particularité d'être, dans le constitutionnalisme africain, particulièrement restrictives dans l'accès à la candidature présidentielle (Section 1). Ces conditions sont distinguées d'autres conditions, lesquelles ont pour objectif de répondre à un besoin spécifique de « bonne gouvernance ». Ces conditions prennent des formes variables d'un État à un autre, en fonction de la conception que l'on se fait de ce que doit être un bon président de la République. Les conditions de « bonne gouvernance » encadrent l'ensemble des aspects importants de la vie du candidat (Section 2).

Section 1 : Des conditions d'éligibilité classiques opérant une sélection restrictive

Les conditions d'éligibilité classiques sont au nombre de trois. Il s'agit, pour la personne souhaitant être candidate de :

- posséder la nationalité du pays où elle veut briguer la fonction suprême ; - remplir une condition d'âge ;

- jouir de ses droits civils et politiques.

Ces conditions semblent naturelles et ne posent pas de problème dans leur principe. En effet, il s'agit des conditions minimales requises dans la grande majorité des États du globe. L'obligation de jouir de ses droits civils et politiques « concerne la faculté pour tout citoyen de s'inscrire sur une liste électorale, sans avoir été déchu par une décision

25 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique, Paris, L'Harmattan, 2008, page 52.

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judiciaire ; celle-ci pouvant avoir un caractère civil ou pénal26 ». Cette disposition est toujours présentée sous la forme du même énoncé et ne nécessite pas d'observations particulières27. En revanche, les conditions de nationalité et d'âge présentent différents énoncés d'un État à un autre, ce qui souligne des différences d'exigence en la matière, et démontre le soin porté à la rédaction de ces conditions. Ainsi, en Afrique, il est important de rechercher les raisons de la prééminence d'une condition de nationalité restrictive (I) ; d'autre part, l'existence de conditions d'âge favorisant la maturité au plus haut niveau de l'État pose question (II).

I) Les raisons de l'option généralisée pour une condition de nationalité restrictive

Les États dans lesquels tout citoyen peut se présenter à l'élection de président de la République sont largement minoritaires sur le continent. En effet, les États dans lesquels il n'est pas fait de distinction entre les ressortissants d'origine et les ressortissants naturalisés ou binationaux sont très rares. Dans cette catégorie d'États, que l'on peut considérer comme ayant une condition de nationalité libérale, il y a, par exemple, la Guinée ou Madagascar. L'article 29 de la constitution guinéenne dit simplement : « tout candidat à la présidence de la République doit être de nationalité guinéenne ».

En revanche, l'immense majorité des États du continent africains présentent une condition de nationalité restrictive. En effet, même lorsque les ressortissants naturalisés ne sont pas exclus, le caractère restrictif de la condition vient du rejet de la plurinationalité. C'est le cas, notamment, des Constitutions djiboutienne et sénégalaise28, qui exigent simplement que les candidats aient la nationalité du pays, mais celle-ci doit être exclusive de toute autre, ce qui, de fait, va souvent exclure les ressortissants naturalisés, sauf dans le cas où ils auraient renoncé à leur nationalité d'origine. Néanmoins, la condition de nationalité la plus fréquente est celle qui exige au moins que le candidat soit un national d'origine ou de naissance. Alors que les

26 Thomas Goudou, L'État, la politique et le droit parlementaire en Afrique, Paris, Berger-Levrault, 1987, p. 352.

27 Seuls très peu de pays n'y font pas référence. Néanmoins, l'exigence est souvent remplacée par une condition similaire, par exemple l'article 24 de la Constitution centrafricaine exige que le candidat n'ait pas fait l'objet d'une « condamnation à une peine afflictive ou infamante ».

28 Respectivement article 24 de la Constitution du 4 septembre 1992 et article 28 de la Constitution du 22 janvier 2001.

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Constitutions nigérienne et de la République démocratique du Congo29 se bornent à cette exigence, certaines conditions de nationalité, quant à elles, vont beaucoup plus loin. Ainsi, la Constitution de Côte d'Ivoire du 23 juillet 2000 exige d'un candidat qu'il soit « ivoirien d'origine, né de père et de mère eux-mêmes ivoiriens d'origine. Il doit n'avoir jamais renoncé à la nationalité ivoirienne. Il ne doit s'être jamais prévalu d'une autre nationalité30 ».

Il semblerait que l'on puisse expliquer ce phénomène par deux raisons principales. La première raison que l'on peut avancer est celle du nationalisme. Selon le dictionnaire Larousse 2012, celui-ci se définit comme étant une « doctrine qui affirme la prééminence de l'intérêt de la nation par rapport aux intérêts des groupes, des classes, des individus qui la constituent31 ». À travers cette définition, on perçoit, dans la condition de nationalité, comme un moyen d'unir des ethnies et des individus, regroupés dans une même nation, en leur réservant l'accès à la fonction suprême. Cela peut-être comme un moyen de dépasser le « tribalisme » sur un continent où une même ethnie se retrouve dans des pays différents. Cette démarche s'inscrirait donc dans la logique des efforts constants fournis par les États africains, après les indépendances, pour donner naissance à une nation qui n'existait pas, au sein d'entités fraîchement constituées. Dans ce cas, on peut penser que la volonté de favoriser l'éclosion d'une nation va dans le sens de la recherche du modèle démocratique occidental d'État-nation. Le Petit Robert 2012 nous fournit, quant à lui, un autre sens de la notion de nationalisme. Il semblerait que la notion de nationalisme corresponde également à une « exaltation du sentiment national ; attachement passionné à la nation à laquelle on appartient, accompagné parfois de xénophobie et d'une volonté d'isolement32 ». En Côte d'Ivoire, par exemple, les restrictions apportées à la condition de nationalité et l'exaltation de la notion d'ivoirité ont pu être perçues comme le produit de la xénophobie33. Néanmoins, nous faisons une lecture différente de la question, tendant plutôt à interpréter cette forte exigence en matière de nationalité comme étant au service

29 Respectivement article 47 de la Constitution du 25 novembre 2011 et article 72 de la Constitution du 18 février 2006.

30 Article 35.

31 Larousse maxipoche 2012, Paris, Larousse, 2011, p. 929.

32 Le Petit Robert 2012, Paris, Le Robert, 2011, p. 1672.

33 Éric V. Nguyen, Géopolitique de l'Afrique, du continent noir oublié à la renaissance africaine, Levallois-Perret, Studyrama perspectives, 2010, p. 93.

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d'un objectif politique précis : écarter de l'accès au pouvoir un opposant gênant34. Dans cette mesure, une telle condition serait dépourvue d'intérêt démocratique, puisqu'elle ne servirait qu'à garantir l'intérêt personnel du dirigeant en place. Enfin, on peut avancer cependant d'autres raisons à ce choix restrictif. Il s'agirait de la faiblesse du contrôle exercé par les États sur leurs frontières, ainsi que de la faiblesse de l'état civil, qui contraindrait les États à faire preuve de fermeté dans la détermination des conditions de nationalité, cela se traduisant souvent par une accumulation d'exigences, telles que l'obligation de prouver que ses parents sont citoyens d'origine également. Ainsi, le caractère restrictif de la condition permettrait d'éviter l'existence de fraude.

On peut difficilement attribuer le caractère restrictif de la condition de nationalité à une seule raison. En effet, il semblerait que celles-ci soient multiples, même au sein d'un même État. Néanmoins, l'efficacité d'une telle condition à garantir le respect des institutions et du principe démocratique par le futur président n'est pas démontré. En effet, si l'on cherche, par le choix en faveur d'un président natif d'origine qui serait porté par un esprit patriotique, à assurer une bonne gestion du pouvoir, on est bien loin d'arriver au résultat escompté, tant la question nationale est complexe en Afrique et tant l'idée de l'État-nation moderne y est abstraite35.

Dans la catégorie des conditions classiques, on trouve aussi la condition d'âge, laquelle a en commun avec la condition de nationalité d'avoir un caractère assez restrictif, avec, sur le continent, une préférence pour les candidats d'âge mûr.

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"Tu supportes des injustices; Consoles-toi, le vrai malheur est d'en faire"   Démocrite