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Conditions d'éligibilité du président de la république et démocratie en Afrique subsaharienne

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par Eveline RODRIGUES PEREIRA BASTOS
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 droits africains 2011
  

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II) La condition d'âge favorise la maturité au plus haut niveau de l'État

La quasi-totalité des États africains présentent une condition d'âge imposant un âge minimal. Cet âge minimal se distingue de l'âge de la majorité civile permettant à un individu d'être considéré juridiquement comme civilement capable et responsable. Sur le continent, l'âge requis pour accéder à la candidature présidentielle est toujours beaucoup plus élevé que l'âge de la majorité civile. À titre de comparaison, en France, par exemple, l'âge requis n'est que de 23 ans. En revanche, l'âge minimal le plus

34 Cet opposant s'avérait être la personne de l'actuel président Alassane Ouattara. La restriction de l'accès au jeu politique, à travers le renforcement de l'exigence en matière de nationalité, a été perçue à l'époque comme ayant pour seul but d'exclure ce dernier de la compétition présidentielle.

35 Il ne s'agit pas ici de dire que sur le continent africain, la notion d'État-nation est absente ; il a été démontré leur existence en Afrique précoloniale, notamment par les travaux de Cheikh Anta Diop. C'est l'État-nation au sens occidental du terme et délimité par les frontières issues de la colonisation qui pose problème, car il ne prend pas assise sur la réalité.

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fréquent en Afrique est de 35 ans ; on le retrouve par exemple au Burundi et au Togo36. L'âge minimal le moins élevé, et aussi celui le moins fréquemment retenu, est celui de 30 ans, que l'on retrouve au Botswana et en République démocratique du Congo37. Entre les deux, pour ce qui est de la fréquence, on trouve l'âge de 40 ans. Cet âge est requis à Djibouti, au Bénin et au Soudan du Sud38.

Selon Ismaïla Madior Fall, le caractère relativement élevé de l'âge minimal requis en matière présidentielle est typique des démocraties républicaines, lesquelles, selon lui, entrent dans une « logique gérontocratique qui favorise l'accès au pouvoir des « vieux routiers de la politique39 ». Néanmoins André Cabanis et Michel Louis Martin40 s'étonnent de l'existence d'une condition d'âge minimale aussi élevée en Afrique, où la population est jeune, l'âge médian tournant généralement autour de 18-19 ans. En effet, même si l'on comprend la nécessité de donner l'accès au pouvoir à des personnes jouissant d'une certaine maturité et d'une expérience politique, il est permis de se demander, eu égard aux grandes difficultés que rencontrent les États africains, s'il est encore nécessaire d'imposer une condition d'âge minimale aussi restrictive, dans la mesure où l'on sait que les règles implicites du jeu politique ne fournissent que peu de chances de réussite aux candidats inexpérimentés ou peu connus dans l'arène politique. Le risque de la victoire d'un candidat jeune et peu qualifié est très faible. De plus, cette mesure conduit à empêcher le renouvellement des acteurs politiques. En Afrique, il s'agit généralement d'une même poignée d'individus qui se disputent le pouvoir pendant de nombreuses années.

On ne peut s'empêcher de constater la dichotomie entre l'âge de la population et le caractère fortement gérontocratique du pouvoir. On peut, par exemple, citer le président zimbabwéen, Robert Mugabe, qui a actuellement 88 ans, alors que l'âge médian de la population du Zimbabwe était, en 2011, d'un peu plus de 18 ans. Plusieurs Constitutions du continent semblent néanmoins avoir pris en compte cette problématique, à travers l'adoption d'une condition d'âge maximale. Cet âge maximal

36 Respectivement article 97 de la Constitution du 18 mars 2005, article 62 de la Constitution du 14 octobre 1992.

37 Respectivement article 33 de la Constitution 30 septembre 1966 et article 72 de la Constitution du 18 février 2006.

38 Respectivement article 24 de la Constitution du 15 septembre 1992, article 44 de la Constitution du 4 décembre 2004 et article 98 de la Constitution du 7 juillet 2011.

39 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique, op. cit., p. 57.

40 André Cabanis et Michel Louis Martin, Le constitutionnalisme de la troisième vague en Afrique francophone, Bruxelles, Bruylant-Academia, 2010, p. 66.

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est quasiment toujours de 70 ou 75 ans, et on le retrouve notamment au Tchad, au Bénin, au Congo (Brazzaville) et en Côte d'Ivoire41. La catégorie des États ayant opté pour cette limitation est encore très marginale, et la question d'un âge limite pour pouvoir exercer le pouvoir reste controversée sur le continent. Au Sénégal notamment - au-delà de la question de savoir s'il était constitutionnellement rééligible -, on a pu s'interroger sur l'opportunité, pour Abdoulaye Wade, de se représenter aux élections présidentielles de 2012, en raison de son grand âge42. À ce sujet, Béchir Ben Yahmed estime qu'« il y a douze ans, les socialistes sénégalais, qui avaient exercé le pouvoir depuis l'indépendance en 1960, le perdaient au bénéfice des libéraux d'Abdoulaye Wade. Ce fut alors, en 2000, une alternance politique qui a fait date. Celle qui se dessine pour ce mois de mars sera, si elle se réalise, une alternance de génération. Elle est, à mon avis, tout aussi nécessaire et devrait être bénéfique43 ». Puis, concernant la question d'un âge maximal, il nous dit que « le sujet de « l'âge du capitaine » est délicat. Mais on peut, même en Afrique et en Asie, où l'on se doit de respecter et de ménager « les anciens », l'aborder sans craindre de manquer de respect à qui que ce soit. On se doit même de traiter le sujet, car il est politique et concerne le destin de nos peuples44 ». En effet, la question n'est pas superflue et, en la matière, il ne s'agit pas de prédéterminer l'âge jusqu'auquel on est considéré comme étant toujours apte à diriger. Ce serait sous-estimer les électeurs que de penser qu'ils ne sont pas capables de voir, par exemple, la sénilité d'un candidat. En réalité, l'existence d'un âge maximum n'a d'intérêt en soi que dans la mesure où il permet de constituer une barrière à la rééligibilité infinie de certains chefs d'État vieillissant au pouvoir, à force d'accumulation de mandats.

On constate que la question de l'âge, en matière d'éligibilité, est délicate, et que celle-ci soulève de nombreux questionnements et renferme de nombreuses considérations d'ordre idéologique. La raison la plus plausible de l'existence d'un âge minimum, c'est la volonté de s'assurer de la bonne gouvernance par l'assurance de la

41 Respectivement article 62 de la Constitution du 14 avril 1996, article 44 de la Constitution du 4 décembre 2004, article 58 de la Constitution du 20 janvier 2002 et article 35 de la Constitution du 23 juillet 2000.

42 Né le 29 mai 1926, son âge était alors de 85 ans, sachant qu'un mandat dure sept ans. Il aurait été au pouvoir jusqu'à 92 ans s'il avait été réélu.

43 L'article a été rédigé peu de temps avant les élections présidentielles sénégalaises de mars 2012. Celles-ci opposèrent, au second tour, le président Abdoulaye Wade (86 ans) à Macky Sall (52 ans), ce dernier incarnant le renouvellement des générations au sommet de l'État. Macky Sall remporta les élections.

44 Béchir Ben Yahmed, « L'âge du capitaine », Jeune Afrique, n° 2669, 2012, p. 3.

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maturité du candidat à la présidentielle. L'âge maximal, quant à lui, sert à la fois à s'assurer qu'un âge trop avancé ne nuise pas à la capacité de tenir la fonction, et permet également, du même coup, d'éviter le problème de la présidence à vie.

On a pu voir que bien que qualifiables de classiques, les conditions d'éligibilité précédemment citées ne sont pas sans soulever quelques interrogations. Dans le cas des conditions d'éligibilité de bonne gouvernance, les interrogations demeurent, mais sont spécifiques d'un État à un autre. En effet, ces conditions sont moins systématiques, variant d'un État à un autre et répondant à des objectifs précis.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote