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Conditions d'éligibilité du président de la république et démocratie en Afrique subsaharienne

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par Eveline RODRIGUES PEREIRA BASTOS
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 droits africains 2011
  

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PARTIE III : L'existence de freins à l'instrumentalisation

des conditions d'éligibilité ?

Dans l'analyse du contexte africain, on a réalisé que celui-ci se caractérise par une carence en contre-pouvoirs effectifs face au pouvoir du chef de l'État. Même si les Constitutions créent des institutions censées bénéficier de la division du pouvoir, on se rend compte, dans la réalité, que celui-ci est souvent détenu en quasi-totalité par le président de la République. Les parlements africains font très souvent office de chambres d'enregistrement plutôt que d'organes décisionnels. De ce fait, l'action du chef de l'État est soumise à peu de contraintes. Par la recherche de freins aux actions des autorités en place, qui chercheraient, par l'instrumentalisation, à se maintenir au pouvoir, on vise les institutions et dispositions internes ou externes au pays permettant de dissuader ou d'annuler de tels agissements. De forts espoirs sont suscités par le rôle important de garant démocratique que peut jouer le juge dans la lutte contre le détournement des conditions d'éligibilité. En effet, il conviendra de déterminer l'étendue de la fonction du juge117, dans sa fonction de contrôle de la révision et de l'application des conditions d'éligibilité, dans le cadre de la lutte contre l'instrumentalisation (Chapitre 1). À côté du contrôle du juge, vient se poser la question de la sanction, en cas de constatation de l'instrumentalisation des conditions d'éligibilité. Sans sanction, on ne peut, en effet, que difficilement garantir l'application d'une règle de droit. Ainsi, celle-ci aurait à jouer un rôle capital. Nous verrons ce qu'il en est dans le constitutionnalisme des États africains (Chapitre 2).

117 Il existe deux types de juge de la constitutionnalité et de l'éligibilité en fonction des États : une cour constitutionnelle, qui constitue une juridiction séparée, ou une cour suprême, qui fait office de derniers degrés de juridiction.

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Chapitre 1 : Le contrôle du juge constitutionnel dans l'élaboration

et l'application des conditions d'éligibilité

L'action du juge constitutionnel est considérée comme « une garantie dans le processus électif ; une garantie pour la régularité des procédures électorales, une garantie quant au respect de la sincérité du scrutin et cela dans le cadre strict des dispositions constitutionnelles118 ». Le juge constitutionnel semble être l'acteur privilégié de la lutte contre le détournement des conditions d'éligibilité, puisque cette fraude, comme on l'a déjà dit, se concentre autour du détournement des règles constitutionnelles par l'outil de la révision constitutionnelle, ou celui de l'interprétation de la norme de façon déviante de l'esprit de la Constitution. En effet, celui-ci tient un rôle primordial dans le contrôle de l'action des pouvoirs publics. Par son contrôle de la révision constitutionnelle, il pourrait s'avérer être un frein à l'instrumentalisation de la Constitution, qu'il est chargé de protéger (Section 1). Le juge, dans sa fonction de juge de l'élection, a également un rôle à jouer dans la lutte contre l'instrumentalisation des conditions d'éligibilité, puisqu'il est chargé de mettre en application les dispositions régissant l'éligibilité et peut donc, par leur interprétation, avoir un impact sur l'accès à la candidature présidentielle (Section 2).

Section 1 : Le contentieux de la révision constitutionnelle

Il a été précédemment démontré l'importance du régime juridique des conditions d'éligibilité dans la mise en place d'un jeu politique démocratique. C'est pourquoi les conditions d'éligibilité sont exposées à de nombreuses modifications, allant souvent dans le sens de leur durcissement, du moins à l'encontre des candidats potentiels opposés au président au pouvoir. Face au danger des révisions constitutionnelles antidémocratiques, le juge constitutionnel, qui est, comme l'indique l'article 114 de la Constitution béninoise du 11 décembre 1990, « l'organe régulateur du fonctionnement des institutions et de l'activité des pouvoirs publics », suscite de nombreux espoirs. C'est son contrôle de la loi de révision constitutionnelle qui lui permettrait de freiner le phénomène de la révision effrénée. Cependant, dans la plupart des cas, ce contrôle ne

118 Marie-Madeleine Mborantsuo, La contribution des Cours constitutionnelles à l'État de droit en Afrique, Paris, Economica, 2007, p. 210.

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peut avoir lieu que sur saisine du juge constitutionnel, lequel, dans le constitutionnalisme africain, ne peut que rarement s'autosaisir. D'où l'importance de promouvoir l'ouverture de la saisine du juge constitutionnel au plus grand nombre de sujets. Bien que la question de la révision constitutionnelle soit une question primordiale dans le constitutionnalisme africain, le contrôle de cette révision ne va pas de soi et la question même de son existence est parfois l'objet de vifs débats doctrinaux. On se pose la question de savoir de quels types sont les limites portées au pouvoir constituant en Afrique ? Pour répondre à cette question, il faut opérer une distinction entre contrôle de la forme, généralement admis par les Constitutions africaines (I), et contrôle du fond de la révision constitutionnelle, qui, lui, est sujet à des questionnements plus larges (II). Le contrôle de la forme repose sur le contrôle du respect des procédures de révision prévues par la Constitution, et celui du fond concerne le contrôle de la conformité du contenu à la norme constitutionnelle.

I) Le contrôle de la forme

Lorsque le juge constitutionnel est amené à opérer un contrôle du respect de la procédure de révision constitutionnelle, il contrôle en réalité le respect de deux types de procédures : dans un premier temps, le respect des règles de prise d'initiative et d'élaboration du projet de révision constitutionnelle ; dans un second temps, le respect de la procédure d'adoption du projet de révision constitutionnelle.

Dans le constitutionnalisme africain, l'initiative de la révision constitutionnelle est, comme il a été dit, donnée concurremment au président de la République et à l'Assemblée nationale. L'initiative doit, la plupart du temps, être votée par le Parlement ou l'Assemblée nationale pour acquérir le statut de projet constitutionnel. Néanmoins, ces règles sont en pratique peu contraignantes pour le président de la République lorsque celui-ci jouit d'une majorité favorable à l'Assemblée nationale. Le contrôle du juge constitutionnel n'a donc pas beaucoup de portée sur ce point. Il peut, tout au mieux, lorsque la Constitution le prévoit, vérifier, par exemple, que la décision présidentielle a bien été prise en Conseil des ministres, comme l'exige, par exemple, l'article 162 de la Constitution malgache119. Lorsque l'initiative émane de l'Assemblée nationale ou du Parlement, le juge constitutionnel se contente de vérifier que le vote de l'organe collégial en faveur de l'initiative de révision a bien été pris dans le quorum

119 Constitution du 11 décembre 2010.

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exigé par la Constitution. Le juge constitutionnel n'a, a priori, pas à exercer de contrôle d'opportunité sur l'initiative de révision constitutionnelle. À ce sujet, Marie-Madeleine Mborantsuo nous dit, en parlant du contrôle de constitutionnalité des lois ordinaires, que « la question de l'opportunité est intimement liée au pouvoir discrétionnaire dont dispose une autorité dans l'exercice de son pouvoir décisionnel, pouvoir discrétionnaire auquel il n'appartient pas aux Cours constitutionnelles de se substituer120 ». Admettre un contrôle d'opportunité est perçu comme une confiscation, par le juge, du pouvoir constituant donné à des institutions légitimement élues. Néanmoins, une sorte de contrôle d'opportunité est parfois introduite lorsque la Constitution prévoit une forte limitation de l'initiative de révision constitutionnelle. C'est, par exemple, le cas de la Constitution malgache, qui dispose qu'« Aucune révision de la Constitution ne peut être initiée, sauf en cas de nécessité jugée impérieuse121 ». Dans ce cas-là, on peut dire qu'une forme de contrôle de l'opportunité de l'initiative est admise, mais uniquement parce qu'il est clairement stipulé par la Constitution, la seule chose devant motiver la réforme constitutionnelle étant non seulement la nécessité, mais une nécessité « jugée impérieuse ». En dehors de ce cas de figure, le contrôle du respect de la procédure de création du projet de révision constitutionnelle laisse peu de marge d'appréciation au juge constitutionnel.

La seconde étape de la procédure de révision qu'est l'adoption du projet a fait, quant à elle, couler plus d'encre. En effet, des questionnements sont arrivés en même temps que la pratique présidentielle consistant à contourner la procédure de révision constitutionnelle normale, en recourant au référendum, alors même qu'il n'est pas prévu comme mode de révision constitutionnelle. Aujourd'hui, dans le constitutionnalisme des États africains, ce cas de figure est plus difficile à rencontrer puisque la majorité des Constitutions africaines place le référendum comme mode privilégié d'adoption de la réforme constitutionnelle, loin devant l'adoption classique par vote de l'Assemblée nationale. Néanmoins, les décisions jurisprudentielles statuant sur la possibilité, pour le président de la République, de recourir au référendum pour modifier la Constitution, alors même qu'il existait une autre procédure dédiée à la révision, auront permis de préciser les contours du champ de compétence du juge constitutionnel. Ainsi, comme il a été vu précédemment, en 2001, au Sénégal, sous l'égide de la Constitution du 7 mars

120 Marie-Madeleine Mborantsuo, La contribution des Cours constitutionnelles à l'État de droit en Afrique, Paris, Economica, 2007, p. 171.

121 Article 161 de la Constitution malgache du 11 décembre 2010.

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1963, le président Abdoulaye Wade a utilisé l'article 46 de la Constitution afin de faire adopter une nouvelle Constitution. L'article prévoyait que « Le Président de la République peut, sur la proposition du Premier ministre et après avoir consulté les présidents des assemblées et recueilli l'avis du Conseil constitutionnel soumettre tout projet de loi au référendum ». Néanmoins, plusieurs observateurs ont estimé qu'il s'agissait là d'un détournement de l'application normale de l'article, lequel ne visait que la loi ordinaire et ne devait nullement être utilisé comme moyen de révision constitutionnelle. En effet, il existait un article 89 prévoyant la procédure de révision et se trouvant d'ailleurs dans le titre X sur la révision constitutionnelle, contrairement à l'article 46 qui, lui, se trouvait au titre III concernant le président de la République et le gouvernement. Cette procédure obligeait le président à obtenir le vote des assemblées, qui lui étaient, à l'époque des faits, hostiles122. Le Conseil constitutionnel de l'époque a été saisi par un groupe de seize députés afin que celui-ci juge de l'inapplicabilité de l'article 46. La réponse du Conseil sur ce point a été de se déclarer incompétent pour opérer un contrôle de la loi référendaire. Le juge constitutionnel s'est cantonné à une interprétation stricte de sa compétence d'attribution issue de l'article 82 de la Constitution. L'alinéa 1 de l'article 82 établit ainsi qu'il est compétent pour connaître « de la constitutionnalité des lois et des engagements internationaux », et, selon la Cour, cet article ne viserait pas la loi référendaire123. Le Conseil constitutionnel ira encore plus loin, dans sa décision du 9 octobre 1998, où il affirmera ne pas être compétent pour contrôler la conformité à la Constitution de toute révision constitutionnelle. Il s'agissait cette fois d'une révision adoptée par l'Assemblée nationale et donc par voie non référendaire124. Le Conseil confirmera cette position en 2003125, puis en 2006, où il aura l'occasion de dire qu'il « ne saurait être appelé à se prononcer dans d'autres cas que ceux limitativement prévus par les textes126 ». Ainsi, il se contente de vérifier que la révision constitutionnelle ne porte pas sur le domaine pour lequel la Constitution exclut la révision127. Ces décisions s'analysent en une autolimitation de son champ de compétence. Cette restriction du contrôle n'est pas

122 Voir Ismaïla Madior Fall, Évolution constitutionnelle du Sénégal, de la veille de l'indépendance aux élections de 2007, op. cit., p. 92.

123 Décision n° 77-Affaire n° 6/C/2000 du 2 janvier 2001.

124 Décision n° 44/98-Affaire n° 9/C/98 du 9 octobre 1998.

125 Décision n° 90/2003-Affaire n° 1/C/2003 du 1er juin 2003.

126 Décision n° 92/2005-Affaire 3/C/2005 du 18 janvier 2006.

127 L'article 103 prévoit que « La forme républicaine de l'État ne peut faire l'objet d'une révision ».

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favorable à la mise en place d'un pouvoir juridictionnel permettant de lutter contre les détournements des conditions d'éligibilité par la voie de la révision constitutionnelle128.

Néanmoins, on peut citer un contre-exemple à la situation sénégalaise. Il s'agit de celui de la Cour constitutionnelle du Niger, laquelle s'est dressée courageusement, en 2009, contre le projet de révision anticonstitutionnelle initié par le président Tandja. La nouvelle Constitution proposée par le président ne comportait pas de limitation de mandat qui l'aurait empêché de se représenter. La Cour, dans un arrêt du 12 juin 2009129, s'est non seulement déclarée compétente pour statuer de la conformité de la procédure d'adoption de la révision constitutionnelle au texte fondamental, mais a également prononcé l'annulation du décret présidentiel prévoyant l'organisation du référendum, car la Constitution interdisait formellement le recours à l'article 49 pour réformer la Constitution130.

Au regard des observations précédentes, le seul contrôle de la forme de la révision constitutionnelle nous apparaît comme insuffisant à garantir le respect des principes démocratiques prévus par la Constitution, dès lors que celle-ci ne prévoit pas une procédure de révision suffisamment contraignante ou qu'elle n'est pas très précise sur ce qui est autorisé ou non en matière de procédure. Par conséquent, la marge de manoeuvre du juge constitutionnel est limitée en la matière et il semble que seul le contrôle du fond permet au juge constitutionnel de s'exprimer.

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