WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Conditions d'éligibilité du président de la république et démocratie en Afrique subsaharienne

( Télécharger le fichier original )
par Eveline RODRIGUES PEREIRA BASTOS
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 droits africains 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

II) Le contrôle du fond

La question du contrôle du fond, qui touche au contenu de la révision constitutionnelle, n'est pas sans soulever des questionnements sur le plan théorique. En effet, ces questionnements tiennent au rôle du juge constitutionnel, qui ne peut supplanter le pouvoir constituant dérivé, seul habilité constitutionnellement et du point de vue de la légitimité électorale, à modifier la Constitution. Ainsi, par exemple, dans le commentaire que le Conseil constitutionnel français fait de sa décision n° 2003-469 DC du 26 mars 2003, il rappelle que « Le Conseil constitutionnel doit se montrer d'autant plus respectueux de la souveraineté du pouvoir constituant que, comme l'a rappelé le

128 Séni Mahamadou Ouédraogo, La lutte contre la fraude à la Constitution en Afrique noire francophone, op. cit., p. 296.

129 Décision n° 04/CC/ME du 12 juin 2009.

130 Article 49 de la Constitution du 18 juillet 1999 : « Le président de la République peut, après avis de l'Assemblée nationale et du président de la Cour constitutionnelle, soumettre au référendum tout texte qui lui paraît devoir exiger la consultation directe du peuple à l'exception de toute révision de la présente Constitution qui reste régie par la procédure prévue au titre XII ».

60

doyen Vedel [...], c'est elle qui fonde la légitimité du contrôle de constitutionnalité et interdit que l'on puisse parler, à propos de l'institution de la rue de Montpensier, de «gouvernement des juges»131 ». Il serait effectivement dangereux que le juge constitutionnel soit accusé de confisquer le pouvoir normalement dévolu au pouvoir constituant dérivé. Néanmoins, un tel risque ne doit pas occulter l'idée que le juge constitutionnel a également un rôle moteur à jouer dans les avancées démocratiques prescrites par les Constitutions africaines. Le contrôle de la révision constitutionnelle s'articule autour du contrôle du respect des limites posées par la Constitution à la révision constitutionnelle. Séni Mahamadou Ouédraogo opère une distinction entre limites explicites et limites implicites132. Toutes deux permettent de justifier un contrôle du fond par le juge.

Les limites explicites sont celles qui sont clairement inscrites dans la Constitution et qui prennent la forme de limites matérielles ou circonstancielles. L'article 220 de la Constitution de la République démocratique du Congo133 prévoit une série de limites matérielles parmi lesquelles il y a le nombre et la durée des mandats du président de la République, ainsi que des limites circonstancielles, telles que l'interdiction de la révision pendant l'intérim à la présidence. Le contrôle du respect des limites matérielles permet au juge constitutionnel de s'introduire dans le contenu du texte de révision et d'y rechercher les éléments qui seraient susceptibles d'empiéter sur les domaines interdits à la révision. Cette disposition constitutionnelle est une disposition de supraconstitutionnalité, car les matières qu'elle vise ne sont pas mises sur le même plan que les autres. Même si la disposition a le mérite de protéger des matières sensibles de révisions intempestives, elle ne donne que peu de marge de manoeuvre au juge constitutionnel dans le cas où il serait confronté à une révision constitutionnelle violant des droits et libertés garanties par d'autres dispositions constitutionnelles. Certainement dans le but de pallier cette difficulté, l'article 313 de la Constitution cap-verdienne prévoit de façon judicieuse, après l'énumération des limites matérielles en alinéa 1, un alinéa 2 selon lequel « les lois de révision ne peuvent restreindre ou limiter les droits,

131 Le Conseil constitutionnel, « Commentaire de la décision n° 2003-469 DC du 26 mars 2003 », Les Cahiers du Conseil constitutionnel, Cahier n° 15, 2003, 5 p.

[Réf. du 30 mai 2012]. Format pdf. Disponible sur : http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/root/bank/download/2003469DCccc_469dc.pdf.

132 Séni Mahamadou Ouédraogo, La lutte contre la fraude à la Constitution en Afrique noire francophone, sous la direction de Jean du Bois de Gaudusson, op. cit., p. 240.

133 Constitution du 18 février 2006.

61

les libertés et les garanties établis dans la Constitution134 ». Cette disposition a le mérite de permettre d'étendre le champ de compétence du juge constitutionnel et, ainsi, de lui permettre d'empêcher la mise en place de révisions allant, par exemple, à l'encontre du droit de participer aux affaires publiques de l'État. La disposition cap-verdienne entraîne d'ailleurs des effets proches de ceux que produit le contrôle, par le juge constitutionnel, des limites implicites posées par la Constitution.

Les limites implicites sont définies par Séni Mahamadou Ouédraogo comme étant « associée en droit constitutionnel à l'idée de l'esprit ou du sens profond de la constitution ». Il s'agit donc de limites tacites empêchant la violation de certains principes primordiaux dégagés de l'esprit de la Constitution. Le doyen Vedel estime qu'elles « sont tellement fondamentales que le pouvoir constituant a nécessairement dû lui conférer l'immutabilité, car son altération priverait la Constitution de toute base135 ». On constate néanmoins, dans le constitutionnalisme africain, un refus généralisé d'utiliser ce mécanisme consistant à opérer un contrôle plus large par la découverte de principes intangibles issus de l'esprit de la Constitution.

On peut néanmoins donner des exemples de la mise en application de ce mécanisme, ainsi la décision du juge constitutionnel béninois, en 2006, qui a rejeté un projet de révision constitutionnelle en établissant que « la sécurité juridique et la cohésion nationale commandent que toute révision tienne compte des idéaux qui ont présidé à l'adoption de la Constitution136 ». Dans le même sens, il faut saluer la récente décision constitutionnelle burkinabée qui, en date du 26 avril 2012, est venue opérer un changement d'orientation de la jurisprudence137. Cette décision a accepté d'opérer le contrôle matériel de la révision constitutionnelle et est venue annuler la loi constitutionnelle en se fondant sur son incompatibilité avec une norme constitutionnelle non écrite. Stéphane Bolle a estimé qu'il fallait saluer une telle jurisprudence, qui sanctionne « ces révisions dangereuses qui déstabilisent la Constitution, qui la décrédibilisent, qui en font une source majeure d'insécurité juridique138 ».

134 Constitution du 14 février 1981.

135 Georges Vedel, « Souveraineté et supra-constitutionnalité », Pouvoir, n° 67, p. 89. Cité par Séni Mahamadou Ouédraogo, La lutte contre la fraude à la Constitution en Afrique noire francophone, op. cit., p. 241.

136 Décision n° 06-074 du 13 juillet 2006.

137 Décision n° 2012-008/CC du 26 avril 2012.

138 Stéphane Bolle, « Les révisions dangereuses. Sur l'insécurité constitutionnelle en Afrique », in Constitution et Risque(s), Paris, L'Harmattan, 2010, p. 253.

62

En revanche, l'usage de normes ou de principes internationaux, afin de limiter la révision constitutionnelle antidémocratique, n'est pas présent dans le constitutionnalisme africain, faute de reconnaissance interne de la supériorité des normes internationales sur la Constitution. Une telle reconnaissance permettrait, par exemple, de rejeter des révisions constitutionnelles qui s'opposeraient aux principes reconnus par la Charte africaine de la démocratie, des élections et de la gouvernance du 30 janvier 2007. Cette charte, prise dans le cadre de l'Union africaine, impose aux États membres d'appliquer des principes tels que celui de l'alinéa 11 de l'article 3, selon lequel il faut garantir « Le renforcement du pluralisme politique, notamment par la reconnaissance du rôle, des droits et des obligations des partis politiques légalement constitués, y compris les partis politiques d'opposition qui doivent bénéficier d'un statut sous la loi nationale ».

Ainsi, on observe que les outils constitutionnels mis à la disposition du juge sont très souvent insuffisants. En effet, puisque celui-ci agit dans le cadre de sa compétence d'attribution, celle-ci se doit d'être étendue afin qu'il puisse remplir un rôle réel de garant des principes et libertés prévus par la Constitution. Le contrôle du respect des règles de forme en matière de révision constitutionnelle est largement reconnu, mais soumis parfois à des restrictions importantes, notamment lorsque le juge constitutionnel refuse d'opérer le contrôle de la révision constitutionnelle. En revanche, le contrôle du fond de la révision constitutionnelle, quant à lui, est beaucoup plus controversé, et là où l'outil Constitution s'avère insuffisant, on constate que l'outil conceptuel, lui, par l'invocation de l'esprit de la Constitution, serait utile à combler les lacunes en la matière. Néanmoins, le juge constitutionnel africain est encore largement hostile à son utilisation.

En conséquence, dans le cadre de la lutte contre la fraude à la Constitution, on ne peut que constater la faiblesse du juge constitutionnel dans la protection de la Constitution contre les révisions intempestives. D'ailleurs, dans les faits, on constate que le juge constitutionnel africain ne s'est que très rarement opposé à ces révisions, lesquelles permettaient, par exemple, de lever la limitation de mandat. Néanmoins, on peut espérer une évolution allant dans le sens des jurisprudences nigérienne, béninoise et burkinabée. Qu'en est-il cependant du rôle protecteur du juge constitutionnel dans le cadre de son statut de juge électoral, et cela plus précisément dans sa fonction de juge de l'éligibilité ?

63

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Nous devons apprendre à vivre ensemble comme des frères sinon nous allons mourir tous ensemble comme des idiots"   Martin Luther King