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Conditions d'éligibilité du président de la république et démocratie en Afrique subsaharienne

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par Eveline RODRIGUES PEREIRA BASTOS
Université Paris I Panthéon-Sorbonne - Master 2 droits africains 2011
  

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Section 2 : Le contrôle du contentieux de l'éligibilité aux élections présidentielles

Le contrôle de l'éligibilité est le second domaine d'action du juge constitutionnel contre l'instrumentalisation des conditions d'éligibilité constitutionnelle. Ce contrôle intervient en en second temps, lorsque le contrôle de la révision s'est avéré insuffisant à permettre que les modifications constitutionnelles ne se fassent pas au détriment de la libre compétition électorale. Le juge de l'éligibilité, parce qu'il apprécie l'application de la Constitution en matière de réalisation des conditions d'éligibilité pour un candidat, a un impact certain sur l'ouverture ou non du jeu démocratique et peut, s'il le souhaite, constituer un frein à la volonté antidémocratique d'un gouvernement en place.

C'est ici la fonction de juge électoral des institutions, chargé de contrôler le respect de la Constitution qui est invoquée. Il s'agit d'une fonction qui, bien souvent, est partagée avec les commissions électorales indépendantes, mises en place dans les États africains au lendemain des conférences nationales afin de garantir la régularité et la transparence des élections. Bien que ces dernières aient un rôle dans le contrôle de la recevabilité des candidatures électorales, c'est bien souvent le juge constitutionnel ou à la Cour suprême qui a le dernier mot, par le biais du recours formé devant lui pour contester les décisions des commissions électorales. Ainsi, notre étude portera uniquement sur la jurisprudence des juridictions constitutionnelles des États dans le cadre, d'une part, du contentieux de la réalisation des conditions d'éligibilité (I) et, d'autre part, dans le contentieux de l'éligibilité impliquant l'application d'une disposition de limitation de mandat (II).

I) Le contentieux de la réalisation des conditions d'éligibilité

Le juge constitutionnel africain est chargé par la Constitution de statuer sur la régularité des élections. C'est ce qu'indique l'alinéa 1 de l'article 84 de la Constitution gabonaise du 26 mars 1991, par la disposition selon laquelle la Cour constitutionnelle se doit de contrôler « la régularité des élections présidentielles, parlementaires, des collectivités locales et des opérations de référendum dont elle proclame les résultats ». Dans le cadre du contrôle de la régularité des élections présidentielles, le juge constitutionnel est amené à statuer sur la recevabilité des candidatures. Cependant, les personnes ayant qualité pour agir peuvent formuler des réclamations motivées contre la liste des candidats. Ces personnes sont celles qui ont un intérêt à agir : il s'agit

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essentiellement des autres candidats. Pour se prononcer sur la recevabilité d'une candidature, le juge va vérifier que celle-ci remplit bien toutes les conditions posées par la Constitution et le code électoral.

L'appréciation qui sera faite des conditions d'éligibilité par le juge conduira à restreindre ou non le nombre des personnes amenées à participer à l'élection présidentielle. Selon Ismaïla Madior Fall, le juge de l'éligibilité en Afrique fait une application stricte de la loi électorale139 et interprète ces dispositions de façon restrictives.

Pour illustrer ce propos, on peut observer l'interprétation de la condition de domicile par le juge béninois. Lorsque la disposition ne donne pas de précision sur ce qui est entendu par « domicile », l'interprétation revient au juge de l'éligibilité, et celui-ci semble être exigeant en la matière. Ainsi la Cour constitutionnelle béninoise, dans une décision EL 95-092 du 19 mai 1995, a établit que « la notion de domicile retenue par le législateur en matière électorale coïncide avec celle de résidence effective sur le territoire national », ce qui l'a conduite à rendre irrecevable la candidature du candidat Baba-Moussa au motif que celui-ci occupait les fonctions de président de la BOAD, dont le siège se trouve au Togo et que, par conséquent, comme ses fonctions « exigeaient sa présence constante au siège de l'institution à Lomé et ne lui laissaient, comme il l'écrit lui-même, que les fins de semaine pour se rendre au Bénin », il n'était pas considéré comme ayant résidé effectivement sur le territoire béninois pendant la période antérieure aux élections. On en déduit donc qu'une présence régulière sur le territoire se limitant à des fins de semaines n'est pas suffisante pour constituer le domicile du candidat, ici entendu par la Cour comme synonyme de résidence effective. Bien que la décision porte sur l'éligibilité d'un candidat aux élections législatives, on peut penser que cette jurisprudence est extensible aux élections présidentielles.

Il faut rappeler également que les décisions prises par le juge de l'éligibilité africain sont très fréquemment non susceptibles de recours dans le constitutionnalisme africain. À titre d'exemple, on peut citer l'article 92 alinéa 2 de la Constitution sénégalaise140, qui renferme une disposition que l'on retrouve dans les constitutions francophones de façon quasi-identique : « Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont susceptibles d'aucune voie de recours. Elles s'imposent aux pouvoirs publics et à toutes les autorités

139 FALL Ismaïla Madior, le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique, Paris, L'Harmattan, op. cit., p. 131.

140 Constitution du 22 janvier 2001.

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administratives et juridictionnelles ». Ainsi, le Conseil constitutionnel sénégalais a toujours refusé d'accueillir les réclamations des candidats indépendants contre sa propre décision de rejeter leur candidature141, leur opposant l'article 92 alinéa 2 suscité. La décision du Conseil était fondée sur le fait que ceux-ci avaient fourni un nombre de signatures d'électeurs inférieur aux 10 000 exigées par la Constitution, toutes leurs signatures n'étant pas vérifiables.

De plus, on constate que, dans le cadre du contrôle de la recevabilité des candidatures à l'élection présidentielle, les décisions rendues par le juge de l'éligibilité sont généralement très peu, voire pas du tout motivées. Ainsi, avant 2006, la Cour constitutionnelle du Bénin se contentait de dresser la liste des candidats dont la candidature était jugée irrecevable, sans plus d'explications. Depuis la décision EL-P 06-004 du 27 janvier 2006, la Cour accepte de déclarer les motifs de l'irrecevabilité des candidatures présentées. La jonction du phénomène de la faible motivation des décisions d'irrecevabilité de candidature et du principe d'absence de voie de recours des décisions du juge constitutionnel conduit à faire de ce contentieux un contentieux sensible, laissant peu de marge de manoeuvre aux candidats recalés.

Selon Ismaïla Madior Fall « lorsque le juge des candidatures a été saisi pour statuer sur des cas de recevabilité de candidature, il a une inclination normale à appliquer les dispositions constitutionnelles et législatives régissant la candidature. Concrètement, cette attitude juridictionnelle peut être problématique lorsqu'elle a pour effet de rejeter des candidatures sérieuses de la compétition pour le pouvoir, et que ce rejet puisse générer des tensions pernicieuses pour la stabilité politique du pays142 ». L'auteur estime que le juge constitutionnel africain, dans ce type de contentieux, devrait, plutôt que d'appliquer strictement la Constitution et la loi électorale, faire preuve de plus de libéralisme dans ses décisions. Il reprend une proposition, faite par Jean-Claude Masclet dans son rapport de synthèse au Colloque de Cotonou sur les aspects du contentieux en Afrique, selon laquelle le juge devrait avoir recours à des textes de droit électoral internationaux que les États ont ratifiés, tels que le Pacte international relatif aux droits civils et politiques du 19 décembre 1966 ou la Charte africaine des droits de l'homme et

141 Décision N° 98/2007 Affaire N° 2/E/2007 : réclamation de Yoro Fall C/ le rejet de sa candidature à l'élection présidentielle et Décision N° 1/E/2012 Affaire 2/E/2012, 11/E/2012 et 15/E/2012 : réclamation de Abdourahmane Sarr, Youssou Ndour, Keba Keinde C/ le rejet de leur candidature à l'élection présidentielle.

142 Ismaïla Madior Fall, Le pouvoir exécutif dans le constitutionnalisme des États d'Afrique, op. cit., p. 64.

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des peuples. Ainsi, l'article 25 du Pacte prévoit que : « tout citoyen a le droit et la possibilité, sans aucune des discriminations visées à l'article 2 et sans restrictions déraisonnables : a) de prendre part à la direction des affaires publiques, soit directement soit par l'intermédiaire des représentants librement choisis ; b) de voter et d'être élu, au cours d'élections périodiques, honnêtes, au suffrage universel et égal au scrutin secret, assurant l'expression libre de la volonté des électeurs ; c) d'accéder, dans des conditions générales d'égalité aux fonctions publiques de son pays ». La reconnaissance de la supériorité de la norme internationale sur la Constitution permettrait alors au juge d'« interpréter les dispositions pertinentes en matière de liberté de candidature en ayant à l'esprit la préoccupation de sauvegarder la liberté de candidature et l'égalité des chances de tous d'accéder aux fonctions politiques, notamment à la Présidence de la République143 ».

Si on a pu caractériser la jurisprudence du juge de l'éligibilité comme restrictive en matière de contentieux de la candidature, il est important d'analyser celui touchant à l'application de la limitation de mandat, afin d'apprécier au mieux la capacité du juge à garantir le respect de la Constitution et à promouvoir la démocratie.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault