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"L'appropriation" des enjeux d'un projet par les habitants: cas de l'Agrocité à  Colombes

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par Hadrien Basch
Université Lille 1 - Master de sciences et technologies spécialité ECODEV montage de projets en éco- territoires 2012
  

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Partie II : Un projet écosophique ?

L'appropriation du projet par les habitants

A. La théorie écosophique et ses conséquences pratiques.

1. Les trois ecologies de Felix Guattari

1.1 Ecologie mentale, sociale et

environnementale : un processus global

Après avoir décrit le projet R-urban, le rôle de l'AAA dans le processus participatif, il semble désormais important de replacer les évènements et les actions décrites dans un cadre de pensée envisagé comme global. J'ai eu la volonté, avant même de commencer mon stage, de replacer mon travail de recherche comme de terrain dans un cadre théorique plus large. Je me suis, au départ, penché sur le terme d'écologie radicale. Celui ci incarne bien l'idée d'une écologie militante. Etymologiquement le terme de radical renvoie au mot racine.

Cette étymologie à plusieurs implications :
- Il s'agit, avec l'écologie radicale, de venir ou revenir ou principes fondamentaux de l'écologie et de revendiquer une démarche globale qui s'oppose à une pure gestion des nuisances et propose une remise en cause profonde de notre société. - Par la mise en avant du terme d'écologie radicale l'on cherche à revenir à l'essence de l'écologie en refusant l'éco-blanchiment93 qui dénature les véritables enjeux de l'écologie. Les « penseurs » de l'écologie radicale effectue une rupture complète d'avec le capitalisme, aussi bien dans ses discours que dans ses actions. De nombreux penseurs marxistes sont à l'origine de l'écologie radicale : André Gorz, Ivan Ilich, Felix Guattari

entre autres.
- Mais de même que l'écologie "non radicale" est reprise par chacun à son compte,

93 Michael Ash, James K. Boyce, et Éloi Laurent, « Justice environnementale et performance des entreprises: Nouvelles perspectives et nouveaux outils », Revue de l'OFCE 120, no 1 (2012): 73, doi:10.3917/reof.120.0073.: « La préoccupation à l'égard du « greenwashing » (« éco--blanchiment »), par lequel les entreprises tentent de projeter une image plus respectueuse de l'environnement que leurs pratiques véritables ».

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l'écologie radicale sont accusée de tous les maux par beaucoup. Exemple : lorsque l'on effectue une recherche sur Google du mot écologie radicale la première page renvoie à plusieurs articles ou les auteurs évoquent "la peste verte"94 pour décrire ces mouvements

qui envisageraient une dictature écologique.
-- Le terme d'écologie radicale est souvent assimilé à celui de Deep ecology ou Ecologie profonde. Celle ci rassemble elle même des courants très divers qui s'opposent parfois sur les thèses qu'ils défendent95. Il faut dès lors différencier l'écologie radicale proposée par le projet R--Urban et cet autre type d'écologie.

Après avoir analysé ce terme d'écologie radicale, mieux problématisé mon sujet et fait une recherche bibliographique sur le terme, j'ai compris qu'il n'avais pas suffisamment été utilisé dans des travaux universitaires et qu'il portait trop à confusion tant il était utilisé par des penseurs d'horizons différents.

Mes recherches m'ont ainsi porté à m'intéresser à un cadre de recherche plus clair, avec une importante bibliographie et une possibilité de comparer l'approche théorique avec ses conséquences pratiques. La théorie de l'Ecosophie, développée par F. Guattari me paraît particulièrement intéressante. De plus, l'AAA se revendique de cette théorie dans de nombreux textes pour asseoir et définir leurs pratiques. Anne Querrien, une des théoriciennes de l'AAA a longtemps travaillé avec Felix Guattari et connaît bien la question de l'écosophie96.

Felix Guattari est un philosophe français. Il s'est intéressé à de nombreuses questions et problématiques humaines. Il a passé la majeure partie de sa vie à la clinique de La Borde où il n'eu de cesse de développer les principes de la psychothérapie institutionnelle dont il est, en partie le théoricien. Cette théorie produit une pratique où les soignants et les soignés sont indissociables, de même qu'un faible recours aux médicaments. Le groupe se partage les tâches à l'intérieur de l'institution et de nombreux ateliers d'expressions corporelles et artistiques sont programmés.

Felix Guattari a également travaillé avec Gilles Deleuze, philosophe français, à la définition de nouveaux concepts philosophique, notamment la notion de désir, de micropolitique et de subjectivé dont nous verrons les profonds enjeux par la suite.

94 « écologie radicale -- Recherche Google », consulté le 29 août 2013, https://www.google.fr/search?q=%C3%A9cologie+radicale&ie=utf--8&oe=utf-- 8&rls=org.mozilla:fr:official&client=firefox--a&gws_rd=cr.

95 « Arne Naess et l'écologie politique de nos communautés -- Mouvements », consulté le 29 août 2013, http://www.mouvements.info/Arno--Naess--et--l--ecologie--politique.html.

96 Entretien avec Anne Querrien, 18 juillet 2013.

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Il est venu tardivement à la pratique d'une écologie politique en se présentant sur la liste des élections régionales en 1992.

L'écosophie, telle que définie par Felix Guattari dans son ouvrage écrit en 1989, les Trois écologies, est une théorie tridimensionnelle qui entend donner un cadre à l'action comme à la réflexion sur l'écologie. Pour ce penseur du milieu du XXème siècle (1930-- 1992), l'écologie ne doit pas « chapeauter » les autres domaines de la vie mais peut être « une problématisation qui leur devienne transversale »97.

Cette théorie postule ainsi un découpage non excluant de la notion d'écologie en trois champs qui s'entrecoupent: l'écologie mentale, l `écologie sociale et l'écologie environnementale. Cette approche « ne sera ni une discipline de repli sur l'intériorité, ni un simple renouvellement des anciennes formes de « militantisme ». Il s'agira plutôt d'un mouvement aux multiples facettes mettant en place des instances et des dispositifs à la fois analytiques et producteurs de subjectivité »98. En effet il s'agit de créer un nouveau rapport au monde et de permettre aux individus de s'inscrire dans une dynamique de « subjectivité tant individuelle que collective, débordant de toutes parts les circonscriptions individuées ». Tout au long de son ouvrage F. Guattari dénonce « la progressive détérioration {...} des modes de vie humain, collectifs et individuels » 99 et une « standardisation des comportements» et préviens des dangers inhérents à cette dynamique. Nous avons vu dans la partie I) A) 2) les différentes crises qui traversent le monde et les liens qui les unissent. Il s'agit dès lors de réinterroger tous les domaines de la vie pour lutter contre cette uniformisation globale.

Face à ces problèmes en liens les uns avec les autres F. Guattari propose une nouvelle écologie des relations accompagnée d'une nouvelle éthique qui permettrait une transformation de vie: « A toutes les échelles individuelles et collectives, pour ce qui concerne la vie quotidienne aussi bien que la réinvention de la démocratie dans le registre de l'urbanisme, de la création artistique, du sport, etc..., il s'agit à chaque fois de se pencher sur ce que pourraient être des dispositifs de production de subjectivité allant dans le sens

97 Guattari, Les trois écologies. P. 20

98 Ibid.

99 Ibid. p.11

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d'une re--singularisation individuelle et/ou collective, plutôt que dans celui d'un usinage mass médiatique synonyme de détresse et de désespoir. »100.

Cet ouvrage propose ainsi d'apporter un éclairage sur les liens qui existent entre la reconstruction de liens entre les individus qui ne soient plus uniquement marchands et standardisés mais qui puissent puiser dans les réalités individuelles pour créer de nouveaux « agencements » collectifs. Le découpage en trois écologies distinctes et complémentaires, écologie sociale, mentale et environnementale permet de rendre compte de l'importance de la conduite d'une démarche globale. Ces trois écologies distinctes qui forment l'écosophie ont des rôles différents.

L'écologie sociale « consistera à développer des pratiques spécifiques tendant à modifier et à réinventer des façons d'être au sein du couple, au sein de la famille, du contexte urbain, du travail etc. »101. Il s'agit de susciter un nouveau rapport au monde en même temps qu'au groupe. Le développement de l'individualisme a crée une dissolution des liens sociaux forts qui caractérisaient les sociétés basées sur des solidarités organiques décrites par E. Durkheim102. Il préconise l'expérimentation au niveau micro et macro de nouvelles sociabilités autour de projets questionnant et redéfinissant en profondeur les nouveaux rapports sociaux.

L'écologie mentale, qui s'inspire de la pratique de F. Guattari à La Borde, a pour objectif de créer de nouveaux imaginaires. La colonisation de l'imaginaire par l'économie et le système capitaliste dénoncée par Serge Latouche appelle un processus de décolonisation103. Ce processus demande une prise de conscience et un recul par rapport à l'éducation et à l'inculcation des normes dominantes réalisées dès l'enfance. A l'inverse de la rationalité et du matérialisme écrasant qui caractérise la société capitaliste, l'on doit substituer un nouveau rapport au monde qui redéfini « le rapport du sujet aux corps, au fantasme, au temps qui passe, aux « mystères » de la vie et de la mort. »104. Contre le déversement absurde d'informations incessant qui conforment les individus à une matrice quasi--unique, F. Guattari propose une vision exigeante et intense de la vie. Il s'est beaucoup intéressé à l'animisme et à ses manifestations, à sa capacité de redéfinir ce qu'il

100 Ibid. p.21

101 Ibid. p.22

102 Durkheim, De la division du travail social.

103 « Pour une société de décroissance, par Serge Latouche (Le Monde diplomatique) », consulté le 27 août 2013, http://www.monde-- diplomatique.fr/2003/11/LATOUCHE/10651.

104 Guattari, Les trois écologies.

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nomme des « territoires existentiels »105. Ce terme, qui reprend l'usage courant du terme pour l'appliquer à des processus mentaux, postule que les individus, en relation avec la communauté, s'approprient des codes et des valeurs, une interprétation de leur vécu qu'ils inscrivent dans un univers personnel106. F. Guattari invite à une reterritorialisation de l'univers des individus par le biais de nouvelles constructions mentales. Ceux ci permettent aux communautés d'être plus à même de saisir la poésie du monde et les enjeux de la destruction de ce dernier.

L'écologie environnementale désigne ce que l'on réserve habituellement à l'écologie classique par la protection de la nature: « elle n'a fait qu'amorcer et préfigurer l'écologie généralisée que je préconise ici »107. Il prévient néanmoins que l'écologie ne doit pas rester l'apanage d'une « minorité d'amoureux de la nature ou de spécialistes attitrés »108. En effet elle doit être une prise de position politique, qu'il ne faut pas, selon F. Guattari, laisser « à certains de ces courants archaïsants et folklorisant, optant quelquefois pour un refus de tout engagement politique à grande échelle. »109. Cet engagement politique indispensable par l'auteur est une réminiscence des principes du marxisme qui préconise la création d'organisations de masse pour transformer la société et abroger progressivement le capitalisme.

La définition de ces trois écologies nous éclaire sur la nécessité de penser l'écologie comme encastrée dans une trame de réflexion plus large sur les conditions d'existence et sur la capacité des individus d'apporter un changement grâce à une nouvelle éthique de vie.

Par rapport à ces questions, que propose l'Agrocité, en quoi peut on dire qu'elle est une manifestation de la théorie écosophique ?

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams