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"L'appropriation" des enjeux d'un projet par les habitants: cas de l'Agrocité à  Colombes

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par Hadrien Basch
Université Lille 1 - Master de sciences et technologies spécialité ECODEV montage de projets en éco- territoires 2012
  

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INTRODUCTION

« Les manières de faire sont toujours des manières de penser ».1 Jean-Louis Commolli, réalisateur et critique de jazz

J'ai rencontré les concepteurs de l'Atelier d'Architecture Autogérée il y a plus d'un an lors d'un workshop organisé avec le collectif ETC2. Au cours de leur « détour de France »3, ils ont participé à la conception de l'espace de la future friche Michelet. En construisant la Pergola et le chemin technique, ils ont posé les premières pierres de ce qu'est devenu l'Agrocité.

En passant une semaine près du projet j'ai compris qu'il était en lien avec ma réflexion sur l'écologie et la manière dont je concevais le montage d'un projet ambitieux aussi bien sur les questions sociales et économiques que culturelles.

L'Atelier d'Architecture Autogérée (AAA) a été crée en 2001 par Constantin Petcou alors professeur à l'école d'architecture de Paris Malaquais et doctorant à l'Ecole Haute Etudes en Sciences Sociales (EHESS)4 et Doina Petrescu doctorante en Etudes féminines après une formation de philosophie5. Ces deux chercheurs se sont intéressés à l'application pratique de leurs théories à partir de travaux réalisés avec les étudiants sur le quartier de la Chapelle dans le XVIIIème arrondissement de Paris. Ce quartier pauvre de Paris regorgeait de lieux et de friches abandonnées, ou qui plutôt servaient comme refuge a la petite criminalité du nord de Paris. Progressivement l'action de ce qui allait devenir l'AAA s'est centrée autour de la réhabilitation et de la

1 « Entretien avec Jean-Louis Comolli », consulté le 21 août 2013, http://annebrunswic.fr/197-Entretien-avec-Jean-Louis-Comolli.

2 « Collectif Etc, | Architecture, espace public et urbanisme participatif. Vers une fabrique citoyenne de la ville. », consulté le 16 septembre 2013, http://www.collectifetc.com/.

3 « Le Détour de France | Collectif Etc, », consulté le 16 septembre 2013, http://www.collectifetc.com/le-detour-de-france-du-collectif-etc/.

4 « Petcou, Constantin - Multitudes Web », consulté le 16 septembre 2013, http://multitudes.samizdat.net/_Petcou-Constantin_.

5 « Petrescu, Doina - Multitudes Web », consulté le 16 septembre 2013, http://multitudes.samizdat.net/_Petrescu-Doina_.

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réappropriation de ces lieux grâce au jardinage et à la participation des habitants. S'inspirant de diverses expériences en cours autour du monde6 et grâce à leur approche « scientifique » de l'urbanisme, des liens sociaux et de l'architecture ils ont développé une approche transversale de la construction de l'espace urbain. L'Atelier d'Architecture Autogérée (AAA) se définit comme « une plate--forme collective d'exploration, action et recherche autour des mutations urbaines et des pratiques culturelles, sociales et politiques émergentes de la ville contemporaine. »7 Cette construction de la ville s'appuie sur de nombreux acteurs qui se trouvent être complémentaires dans leurs fonctions et leurs ressources : habitants de tous bords, mairie, bailleurs sociaux, chercheurs et étudiants en sciences sociales.

Comme nous le verrons cette pratique sociale s'articule avec une forte vocation à la recherche scientifique au sein d'équipes pluridisciplinaires qui auscultent l'activité de l'association et mettent leurs compétences au service des projets. Une rencontre de deux mondes à priori déconnectés qui forment une synergie susceptible de transformer durablement la conception urbaine et le regard que portent les acteurs sur la ville que ce soit les habitants ou les institutions traditionnelles.

L'AAA est une association encore jeune mais son équipe, qui évolue au fil des années, accompagne des projets ambitieux. Depuis les projets menés avec les étudiants à la réflexion qui se veut globale initiée par R-urban, les actions mises en place ont gagnées en complexité. Des prix internationaux (Prix Zumtobel et CurryStone..) et des expositions (Biennale de Venise et Pavillon de l'Arsenal entre autres) ont récompensés le travail engagé depuis ces douze années et permis d'accroître la reconnaissance et la légitimité de l'association.

Son action se place dans un mouvement informel de transformation des façons de concevoir l'urbanisme et l'architecture et leur implication citoyenne dans la construction de la ville.

En effet, de nombreux collectifs à travers le monde s'investissent dans des actions artistiques et architecturales pour permettre aux individus de se réapproprier leur habitat tout en recréant du lien social8.

Dans le projet R-urban, initié en 2008, l'AAA a souhaité impliquer les individus dans un projet très ambitieux qui vise à redéfinir le rapport entre le monde urbain et rural :

« Afin de dépasser les crises actuelles (climatique, ressources, économique et financière, démographique), nous devons, comme dit Andre Gorz, `produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons'. Ce rééquilibrage entre production et consommation à

6 Bénédicte Manier, Un million de révolutions tranquilles: travail, environnement, santé, argent, habitat..., 1 vol. (Paris, France: les Liens qui libèrent, impr. 2012, 2013).

7 « urban tactics », consulté le 29 août 2013, http://www.urbantactics.org/.

8 « generalizedempowerment.org », consulté le 4 septembre 2013, http://www.generalizedempowerment.org/conference.html.

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travers des circuits courts locaux ne pourra pas se faire sans des changements de modes de vie, d'habitation et de travail et sans l'implication active des citoyens dans ces changements à travers des pratiques collaboratives et des réseaux de solidarité »9. Ce projet est très ambitieux car il entend remodeler le mode de vie des individus et participer à une transformation sociale d'ampleur. Ce projet s'inspire des autres projets menés par AAA en ce qu'il pose la question de

10 Celle ci inclut nécessairement la participation et l'implication des habitants dans le projet. C'est cette question fondamentale qui a suscitée mon envie de travailler avec AAA et qui a orienté le contenu de mon mémoire de recherche.

J'ai dès lors choisi d'utiliser une définition restrictive du terme d'habitants considérant que seuls certains individus s'impliquaient au départ dans le projet sans rôle précis. Les autres s'investissent à l'inverse en prenant immédiatement une place donnée par leur statut ( institutionnel ou associatif) . Bien que celle ci soit par la suite amenée à changer, elle contrait l'action et son champ des possibles. Pour mon travail de recherche il m'a dès lors sembler nécessaire d'étudier l'appropriation des enjeux du projet par les habitants: « Quelle appropriation du projet pour les habitants ? L'exemple de l'Agrocité dans le projet R-urban »

Mon travail chez AAA et la définition de mes missions ont évolué au cours de mon stage. Je devais au départ travailler avec les habitants à la définition de leurs projets et à la construction d'un outil foncier pour acquérir des terrains en ville afin mener des expériences sociales innovantes. Je devais également bricoler, jardiner, organiser etc. mais dans une moindre mesure. L'association AAA m'avait été présentée comme ayant un fonctionnement similaire un collectif avec une répartition équilibrée des tâches. Mais finalement avec le retard de construction sur le chantier du bâtiment de l'Agrocité et de Recyclab, je me suis retrouvé à bricoler presque sans interruption sans pouvoir trouver réellement ma place dans le projet. Ce qui m'intéressait depuis le départ, avant même de commencer mon stage, était la participation des habitants et les conséquences de leur implication dans le projet. Mon mémoire de Master 1 portait déjà sur ce thème. Il s'intitule: Les mobilisations en faveur d'un habitat durable: l'exemple de la zone de l'Union. J'y ai étudié et analysé l'action d'un groupe d'habitants et de chercheurs dans la définition et la conception d'une zone urbaine d'ampleur. Les enjeux écologiques et sociaux étaient mis en avant par l'association qui souhaitait influer

9 « Stratégie | R-Urban », consulté le 11 août 2013, http://r-urban.net/accueil/.

10 Constantin Petcou et Doina Petrescu, « Agir l'espace », Multitudes n° 31, no 4 (7 janvier 2008): 101?114, doi:10.3917/mult.031.0101.

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en profondeur le projet défini par Lille Métropole Communauté Urbaine (LMCU) par le biais de la Société d'Economie Mixte (SEM) Ville Renouvelée.

Mon travail de recherche effectué lors de mon stage chez AAA s'inscrit donc dans une continuité universitaire et dans un réel désir d'appréhender les différentes étapes et les contraintes du montage d'un projet du point de vue d'une association avec un projet de long terme.

Mais les implications de ce projet sont extrêmement larges. J'ai dès lors pris le parti d'axer mon travail d'abord sur la capacité d'un tel projet à amener un changement social puis sur la notion d'appropriation du projet par les habitants. A partir d'entretiens semi-directifs menés avec les habitants j'ai pu récolter certaines de leurs impressions et transformations qui ont eu lieu. J'ai ensuite recherché une notion qui pourrait appuyer théoriquement ce travail d'enquête de terrain.

Je me suis d'abord penché sur la notion d'écologie radicale avant de m'intéresser à la théorie écosophique développée par Felix Guattari. Ce philosophe français du XXème siècle a développé à la fin de sa vie une théorie très stimulante sur l'écologie. Face aux crises multiples qui traversent le monde contemporain, il propose une redéfinition des valeurs et met en avant le rôle crucial de l'expérimentation. Son approche se lie de façon très proche avec mon sujet car il envisage l'action comme le pendant naturel de la théorie. De même les concepteurs de R-urban, dont l'action est basée sur un corpus de texte rassemblant de nombreux auteurs proches de la sensibilité de F. Guattari, sont en lien avec des chercheurs, comme Anne Querrien, qui ont connu F. Guattari.

La théorie écosophique, que nous détailleront par la suite, s'intéresse de très près à la participation des habitants. Celle ci est cruciale a l'Agrocité, une des « unités » du projet R-urban.

Concernant ce projet j'ai choisi de travailler sur le concept d'appropriation. Il se différencie de celui de participation en ce qu'il entend constater les changements chez l'habitant et ne mesure pas simplement son degré d'implication dans le projet.

Comme l'affirme Felix Guattari : « La crise écologique renvoie à une crise plus générale du social et du politique. En fait, ce qui se trouve mis en cause c'est une sorte de révolution des mentalités qui cautionnent aujourd'hui un certain type de développement, un productivisme ayant perdu toute finalité, hors celle du profit et du pouvoir, un idéal de consommation qui confine à l'infantilisme. L'humanité sera-t-elle capable, dans ce contexte de prendre en main son

destin ? »11. L'appropriation apparaît ainsi être une question cruciale en ce qu'elle atteste de la possibilité d'un changement radical. Ainsi la philosophie de F. Guattari est celle d'un changement de société et de mentalité profond: « Comment modifier les mentalités, comment réinventer des pratiques sociales qui redonneraient à l'humanité le sens de sa responsabilité, non seulement à l'égard de sa propre survie, mais également de l'avenir de toute la vie sur cette planète, celle des espèces animales et végétales comme celle des espèces incorporelles, si je puis dire, telles la musique, les arts, le rapport au temps, le sentiment de fusion au sein du cosmos. »12 Ces phrases nous révèlent l'ampleur de la mutation envisagée pour les individus. Mais ces transformations ne se feront pas d'elles mêmes. Felix Guattari s'intéresse ainsi à l'expérimentation tout en soulignant l'importance d'une démarche transversale qui lie les questions politiques, sociales, environnementales et psychologiques.

Afin de répondre a cette problématique nous axerons notre analyse autour de la contextualisation et la présentation du projet puis sur ses liens avec la théorie écosophique et l'appropriation des enjeux du projet par les habitants.

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11 « L'enjeu éthique de l'écologie », www.liberation.fr, 11 juillet 2013, http://www.liberation.fr/societe/0101581582--l--enjeu--ethique--de--l--ecologie.

12 « L'écosophie selon Guattari », www.liberation.fr, 11 juillet 2013, http://www.liberation.fr/societe/0101581583--l--ecosophie--selon--guattari.

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