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"L'appropriation" des enjeux d'un projet par les habitants: cas de l'Agrocité à  Colombes

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par Hadrien Basch
Université Lille 1 - Master de sciences et technologies spécialité ECODEV montage de projets en éco- territoires 2012
  

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2. Des solutions concrètes face aux crises globales

2.1 De multiples crises sociétales

Nos sociétés sont engagées dans un mouvement constant de transformation. Ces transformations sont plus ou moins perceptibles, sauf lorsque des moments de ruptures apparaissent. La structure des révolutions scientifiques mises au jour par Thomas Kuhn peut permettre d'établir un parallèle avec les changements de société qui interviennent de façon sporadique, à la lumière d'un évènement marquant. Pour ce scientifique du XXème siècle, la science évolue par à coups : « Si la communauté ne peut plus résoudre les anomalies de plus en plus nombreuses, c'est alors la crise qui peut déboucher sur cette fameuse révolution scientifique. Le nouveau paradigme produira de nouveaux cadres de recherche, de nouveaux outils et sera en contradiction avec l'ancien. »34. De même, les crises sociétales et les révolutions façonnent brusquement le monde en redéfinissant ses bases. Une crise est généralement suivie d'une profonde remise en cause du paradigme de développement antérieur.

Actuellement, la crise semble diriger nos sociétés. Etymologiquement le terme de crise nous viens de la médecine moyenâgeuse: « Moment d'une maladie caractérisée par un changement subit et généralement décisif, en bien ou en mal »35.

L'utilisation actuelle du mot n'en conserve que l'aspect négatif, alors qu'une crise porte en elle même l'affirmation positive d'un autre système. En effet le thème de la crise et de ses conséquences désastreuses est très présent dans les medias et les articles scientifiques. Mais depuis quelques années seulement cette tendance s'est confirmée avec la crise économique et financière de 2008.

34 Véronique Bedin, « Thomas S. Kuhn », La Bibliothèque idéale des sciences humaines 1, no 1 (s. d.): 229, consulté le 10 août 2013. P.229

35 Le Robert, Le Nouveau petit Robert: dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française, éd. par Josette Rey--Debove et Alain Rey, 1 vol., Dictionnaires Le Robert (Paris, France: Dictionnaires le Robert, 1994). P. 586

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Cette crise a rejailli sur l'ensemble des secteurs de la société et mis en avant une crise plus globale qui ne se limitait pas au système financier et à la sphère économique dématérialisée36. Néanmoins cette crise intervient alors que depuis les débuts du capitalisme des intellectuels dénoncent les risques inhérents au fonctionnement du modèle dominant.

Depuis le milieu du siècle l'ampleur du désordre crée par le système économique s'est accentué. La crise économique est étroitement liée à la crise écologique, énergétique, démocratique et plus généralement de sens.

Les crises s'alimentent et se répondent pour amener selon l'auteur Olivier Mongin à un état de « crise continue »37. Par exemple, selon lui, « le krach a débouché sur une conscience accrue des impératifs et exigences écologiques »38. De même les crises écologiques ont de graves répercutions économiques 39 . En outre le rapport du Programme des Nations Unies pour l'environnement présente une situation mondiale catastrophique: « Des points de basculement majeurs, entraînant des changements irréversibles dans les principaux écosystèmes et systèmes terrestres, ont déjà été atteints ou dépassés. »40. L'effondrement de la biodiversité comme le changement climatique sont des problématiques urgentes dont les enjeux dépassent les contingences nationales. De la déplétion des ressources halieutiques à la hausse du niveau des mers, les Etats ne pourront plus se permettre de penser en termes nationaux. Pourtant, les réponses à ces crises se doivent d'être agencées au niveau des individus et des communautés. Une autre réponse dangereuse consisterait à croire que la technique et la technologie pourront gommer les erreurs écologiques du passé: « Le XXIe siècle ne connaîtra pas la même exubérance énergétique que le XXe. Face à cette inexorable réalité, reste le miracle technologique qui consisterait à reconstituer, grâce à la technique, la corne d'abondance de la nature prodigue »41.

36 Olivier Mongin et Marc--Olivier Padis, « Une crise qui n'est pas seulement économique », Esprit Novembre, no 11 (2009): 7, doi:10.3917/espri.0911.0007.

37 Ibid.

38 Ibid.

39 « Retraites et marée noire, par Serge Halimi (Le Monde diplomatique) », consulté le 11 août 2013, http://www.monde-- diplomatique.fr/2010/07/HALIMI/19356.

40 « Changements climatiques : les Nations Unies envisagent le pire », bastamag.net, consulté le 11 août 2013, http://www.bastamag.net/article678.html.

41 Agnès Sinaï, « Mirages verts et sobriété californienne », Le Monde diplomatique n°664, no 7 (1 juillet 2009): 10?10.

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Un « désordre global » appelle des « solutions locales » selon Coline Serreau, auteure et cinéaste42. En effet, ces crises, formant un tout, appellent une réponse globale plutôt qu'une approche qui étudierait chaque problème séparément. Pour de nombreux auteurs proches de la pensée marxiste, l'écologie est la porte d'entrée d'une résolution des crises globales.

Selon Felix Guattari, la crise écologique est de plus en plus flagrante et ses conséquences sont telles qu'elle menace à terme « l'implantation de la vie sur la surface » de la terre43. De même pour André Gorz, philosophe et théoricien majeur de l'écologie: « il est impossible d'éviter une catastrophe climatique sans rompre radicalement avec les méthodes et la logique économique qui y mène depuis cent cinquante ans ». C'est donc bien le mode de fonctionnement capitaliste de la société qui est mis en cause.

En effet, depuis le début du XXème siècle le modèle économique et social Etatsunien s'est peu à peu imposé au monde comme un horizon indépassable. Le documentaire La fin de suburbia: L'épuisement des réserves de pétrole et l'effondrement du rêve américain, réalisé par Gregory Greene44, explore l'histoire des villes étatsuniennes et démontre comment la société s'est construire autour de l'utilisation de la voiture et de la route, des valeurs d'abondance matérielle, surtout à travers l'idée d'un pétrole disponible à l'infini, portant une société basée sur l'individualisme et la réussite personnelle. Ces caractéristiques fondamentales du style de vie americain ont ensuite été diffusées à travers le monde sous le signe du « développement» et de la croissance des richesses à tout prix, ce que Serge Latouche, économiste français et penseur de la décroissance, nomme « l'occidentalisation du monde »45.

Selon lui les normes prônées par ce modèle sont incompatibles avec la survie de l'humanité: « Théoriquement reproductible, le développement n'est pas universalisable. D'abord pour des raisons écologiques: la finitude de la planète rendrait la généralisation du mode de vie américain impossible et explosif. »46. De même, dans son ouvrage, de la

42 Coline Serreau, Solutions locales pour un désordre global, 1 vol. (Arles, France: Actes Sud, impr. 2010, 2010).

43 Félix Guattari, Les trois écologies (Paris: Éditions Galilée, 1989). p. 11

44 Gregory Greene, The End of Suburbia: Oil Depletion and the Collapse of the American Dream, Documentary, 2004.

45 Serge Latouche, « En finir, une fois pour toutes, avec le développement », Le Monde diplomatique n°566, no 5 (1 mai 2001): 6B?6B.

46 Ibid.

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convivialité, Ivan Illich, penseur fondamental de l'écologie politique écrit: « Au stade avancé de la production de masse, une société produit sa propre destruction »47.

Cette occidentalisation est allée de pair avec un affaiblissement des relations sociales, une « colonisation des imaginaires »48. I. Illich écrit écrit: « La nature est dénaturée. L'homme déraciné, castré dans sa créativité, est verrouillé dans sa capsule individuelle. »49. Il affirme que l'Homme, crée à partir du modèle occidental, n'est plus connecté avec son environnement et n'a plus les outils pour vivre intensément sa vie mentale comme sociale.

En outre, l'instauration du travail salarié imposé comme norme pour tous est hautement aliénante: « le monopole du mode industriel de production fait des hommes la matière première que travaille l'outil ». L'homme est désormais soumis à la machine dans sa vie quotidienne comme dans son travail. De même A. Gorz explique que le mot travail vient du mot « tripalium » qui désigne un instrument de torture et en déduit que la forme actuelle du travail n'a plus rien à voir avec ce qu'il a été au début du siècle, où l'artisanat prédominait50. L'homme pouvait alors comprendre et maitriser toutes les étapes du processus de production.

De tous ces constats alarmants tant que pour l'homme que pour son milieu de vie, ces différents penseurs construisent une réflexion axée sur une critique radicale du système capitaliste en même temps qu'ils en proposent un dépassement. Ce dépassement prend des formes diverses selon les théories et les expériences vécues. L'abandon de la poursuite de la croissance et d'un « développement » axé sur l'homme plutôt que sur le profit apparaît comme deux conditions indispensables à un changement de paradigme. A. Gorz écrit: « La décroissance est un impératif de survie. Mais elle suppose un autre style de vie, une autre économie, une autre civilisation, d'autres rapports sociaux »51. Pour amener ces transformations il postule sur la mise en oeuvre d'une autonomie aussi bien au niveau individuel qu'au niveau des communautés.

47 Ivan Illich, La convivialité, Points (Paris), ISSN 0768--0481 ; 65 Points. Civilisation (Paris: Éd. du Seuil, 1990), http://www.sudoc.fr/011301473.p.11

48 Latouche, « En finir, une fois pour toutes, avec le développement ».

49 Illich, La convivialité. p.11

50 « Andre Gorz » film by Marian Handwerker. part1, 2010,

http://www.youtube.com/watch?v=R5BoVDcBpYY&feature=youtube_gdata_player.

51 André Gorz, Écologica, 1 vol., Débats (Paris), ISSN 0152--3678 (Paris, France: Galilée, 2008).

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Le projet R-urban s'inscrit dans le prolongement de ces critiques du modèle dominant de création de richesses. Pour Constantin Petcou et Doina Petrescu : « À micro échelle, l'espace capitaliste est noyé sous une pression publicitaire qui s'exerce en continu, à travers l'ensemble des médias et des moyens de communication (poste, téléphone, télévision, Internet), transformant le foyer familial en centre absolu d'une culture consumériste de l'éphémère. Tous les objets sont jetables, rien n'est plus recyclable ou réparable par soi-- même. »52 L'atelier d'Architecture Autogérée s'inspire beaucoup de ces penseurs de l'écologie radicale pour imaginer et construire des dynamiques du quotidien: « Afin de dépasser les crises actuelles (climatique, ressources, économique et financière, démographique), nous devons, comme dit André Gorz, `produire ce que nous consommons et consommer ce que nous produisons'. Ce rééquilibrage entre production et consommation à travers des circuits courts locaux ne pourra pas se faire sans des changements de modes de vie, d'habitation et de travail et sans l'implication active des citoyens dans ces changements à travers des pratiques collaboratives et des réseaux de solidarité »53. Ce projet vise à remettre l'individu en lien avec sa communauté en même temps qu'il tente de l'inclure dans des expériences de transformation concrètes de ses conditions d'existence. L'AAA postule l'importance d'un changement global et le refus de se limiter à questionner les seules nuisances engendrées par le système capitaliste.

De même, la nécessité pour les individus de se réapproprier les processus de production (d'objets, d'énergie, d'aliments, de relations etc...) passe par l'existence et le maintien de lieux dédiés au rassemblement et à l'expérimentation. Le projet R-urban tente de redonner aux individus la possibilité de comprendre les mécanismes de production et montrer qu'ils ne sont pas inatteignables et qu'ils doivent au contraire être réinvestis par les utilisateurs, avec l'aide de professionnels.

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote