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L'Eglise catholique et le processus démocratique au Cameroun: une analyse de la participation des archidiocèses de Douala et de Yaoundé

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par Magloire NDONGMO
Université de Douala Cameroun - Master II en sociologie politiique 2013
  

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CONCLUSION

La présente recherche posait le problème de la participation différenciée et controversée de l'Eglise Catholique dans le processus démocratique au Cameroun. Nous sommes partis de l'évolution des positions de l'Eglise sur les questions de démocratie et des libertés humaines pour parvenir à cette question principale qui a constitué le fil d'Ariane de notre recherche : comment rendre compte de laparticipation différenciée et controversée de l'EgliseCatholique au processus démocratique au Cameroun, en dépit de sa volonté manifeste à contribuer à la construction de cette démocratie ?

Ce qui nous a conduits à l'analyse des différentes formes de sa participation politique, aussi bien celle de l'acteur institutionnel que celles des acteurs individuels que sont les clercs et les fidèles.

A cet effet, nous avons inscrit notre analyse principalement dans les champs de la sociologie politique, de la sociologie des religions et de la sociologie critique. Ce qui nous a permis de mettre en exergue les interrelations qui se tissent entre le politique et le religieux à travers les discours politico-religieux des acteurs catholiques. La sociologie critique a rendu possible la démystification des non-dits de cette participation et des formes d'aliénation politique et religieuse qui l'entravent. A partir de ces champs sociologiques, nous avons élaboré un cadre théorique constitué aussi bien des paradigmes interactionnistes et constructivistes que des théories de l'interactionnisme symbolique et du constructivisme social. A l'aide de ces théories, nous avons analysé de nombreux documents catholiques, les faits, dits et attitudes politiques d'un échantillon de 20 leaders sociaux (catholiques, politiques et civiles) et de 250 fidèles catholiques de Douala et de Yaoundé.

Cette analyse nous a conduits aux résultats que nous pouvons sommairement présenter de la manière suivante :

v A travers ses interactions avec le champ politique, l'institution ecclésiale ici en question parvient à produire un discours politico-religieux, dans le but de contribuer à la restructuration du jeu politique camerounais. C'est ce que traduisent les nombreuses lettres pastorales des évêques comme les autres documents officiels de l'Eglise en la matière. Dans le même sillage, les organisations catholiques, dont principalement Justice et Paix sont engagées auprès des autres organisations de la société civile pour la veille citoyenne. Cependant, cette participation institutionnelle de l'Eglise n'est pas parfaite mais limitée par les stratégies mises en oeuvre par celle-ci. En effet, voulant à la fois accompagner le processus et sauvegarder aussi bien ses rapports avec le régime monopolisateur en place que ses propres valeurs non démocratiques, celle-ci ne contribue qu'avec peu de zèle à la construction de la démocratie camerounaise.

Le type de rapport de l'institution à l'Etat est aussi déterminant pour l'orientation et l'intensité de cette participation. Si l'Eglise Catholique avait une participation plus prononcée au début des années 1990, c'est parce que la CENC était présidée par des évêques dit de l'opposition. Des évêques « Anglo-Bami » qui étaient par exemple le Cardinal Christian Tumi et Mgr André Wouking et dont les discours politiques étaient des discours de contestation. L'arrivé des « évêques du pouvoir » a donné à cette participation en cette dernière décennie une orientation qui va davantage dans le sens du soutien du pourvoir en place. Ce rapport de l'institution au pouvoir permet de rendre compte du caractère mitigé de la participation institutionnelle de l'Eglise.

v Dans la même perspective, la différenciation de la participation des clercs répond à la fois aux logiques d'actions qui les conduisent dans leurs trajectoires politiques, et aux contextes sociopolitiques à l'intérieur desquels s'inscrit cette participation. Au sujet des formes de rationalité, il existe d'une part des rationalités par rapport au but visé, à travers lesquels certains clercs orientent leur participation dans le sens du soutien du pouvoir en place. Ce qui se fait en vue de garder leur bonne collaboration avec celui-ci. Dans ce premier cas peuvent être classés des clercs tels que Mgr. Jean Zoa et Mgr.TonyeBakot, dont les discours politico-religieux sont favorables au régime en place. D'autres parts, il existe des rationalités par rapport aux valeurs que défendent les clercs catholiques. En référence au rôle « prophétique de l'Eglise », c'est-à-dire à ses fonctions tribuniciennes ; elles opposent dans la plupart des cas les clercs ici concernés au pouvoir politique. Dans cette deuxième catégorie sont classés les clercs tels Cardinal Christian Tumi, Samuel Kléda, Ludovic Lado, dont le discours-religieux revêt davantage un caractère de contestation du pouvoir politique.

En outre, ces rationalités sont socialement construites dans des contextes d'incitation politique et tribale différents. Par conséquent, ces contextes influencent leur formation ; selon qu'on est à Yaoundé qui est le siège des institutions politiques, ou plutôt à Douala, le fief de l'opposition. Ainsi, la participation politique des clercs est le produit d'un mélange des incitations sociales et des logiques d'action qui meuvent ceux-ci. Ce qui permet de comprendre que cette participation soit différente en fonction des clercs et de leur positionnement politique et tribal dans le champ sociopolitique.

v Concernant les attitudes des fidèles catholiques de la base vis-à-vis des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise, leur manque de réappropriation de celles-ci s'explique par plusieurs facteurs. D'abord, les représentations de la chose politique par ceux-ci sont caractérisées par la désaffection qui traduit les attitudes politiques de l'ensemble de la société. Ceux-ci estiment en plus que la participation n'est pas une exigence de leur foi, mais peut néanmoins être admise comme un devoir civique. Leur connaissance des préoccupations sociopolitiques de l'Eglise est très limitée. Ce qui s'explique par la faiblesse de l'institution ecclésiale à diffuser l'enseignement social de l'Eglise. Elle s'explique également par le fossé qui sépare l'élite catholique dépositaire du savoir religieux de la masse des fidèles. Ce fossé rend difficile la transmission d'un discours du haut vers le bas. Leur perception de ces préoccupations sociopolitiques déjà peu connues est marquée d'un désintérêt, car ils se sentent moins concernés par celles-ci mais s'occupent davantage d'autres choses : la lutte pour la survie. C'est pourquoi, ils sont plus intéressés par un discours qui leur permet de protester contre la prégnance des réalités sociopolitiques asservissantes et de se mettre à l'abri de celles-ci. Les motivations de leur intégration religieuse sont davantage d'ordre spirituel et répondent à une logique de fuite du monde. Par conséquent, ayant perdu toute confiance dans le système politique et, en raison de la faiblesse de leur culture de participation, ils ont une participation politique très faible, qui ne fait pas d'eux des cas particuliers mais qui traduit le climat général de la société dans laquelle ils vivent.

Ainsi, l'Eglise Catholique n'a pas encore assuré une assez grande socialisation de ses fidèles de sorte que leurs comportements sociopolitiques en dépendent. Le catholicisme camerounais est encore un catholicisme de façade. C'est pourquoi le vécu de la foi catholique, loin d'être un idéal de vie, reste une ressource à laquelle l'on recourt, selon les circonstances.

Quant aux Mouvements d'Action Catholiques ou Association de base Catholique, leur participation politique est moins visible. Plus attachées aux préoccupations de spiritualité, celles-ci s'inscrivent dans des dynamiques de gestion psycho-spirituelles de la frustration perpétrée par la domination politique et de l'impact des crises sociopolitiques sur leur vécu. C'est ainsi que, dans ce milieu marqué d'un apolitisme relatif, les problèmes politiques sont convertis ou stigmatisés comme étant des problèmes spirituels que la vie du groupe consiste à résoudre. On a par conséquent à faire au péché et non pas directement à la corruption, la mal gouvernance, la domination politique etc.

Au vu de tout ceci, le rapport de ces résultats à nos hypothèses de départ est le suivant :

L'hypothèse générale était la suivante : « la participation des acteurs catholiques dans le processus démocratique est orientée par le champ de participation et les différentes formes de rationalité socialement construites, qui les motivent lors de leurs interactions de sens avec le champ politique».Au regard de tous ces résultatsprésentés ci-dessus, nous pouvons dire que cette hypothèse a été confirmée. 

L'hypothèse spécifique 1 était la suivante : « Le caractère mitigé de la participation de l'institution catholique au processus démocratique camerounais relève de son souci à contribuer à la restructuration du jeu politique camerounais tout en conservant son héritage culturel et les intérêts qu'elle tire de ses rapports harmonieux avec le pourvoir politique ». Au vu de nos résultats sur la participation institutionnelle de l'Eglise Catholique, il s'avère que l'hypothèse a été corroborée.

L'hypothèse spécifique 2 était la suivante : « Les interventions discordantes des clercs catholiques dans le processus démocratique camerounais sont orientées par les logiques d'actions de ceux-ci, et leurs rapports au champ politique avec lesquels ils interagissent ». Au vu de nos résultats sur les interventions discordantes des clercs catholiques dans le processus démocratique camerounais, il s'avère que cette hypothèse a été validée.

L'hypothèse spécifique 3 était la suivante : « Le manque d'adhésion des fidèles catholiques aux préoccupations sociopolitiques de l'Eglise s'explique par la construction par ceux-ci des rapports d'incompatibilité entre le politique et le religieux, dans un contexte de déficit de socialisation politique». Au vu de nos résultats sur les attitudes politiques des fidèles catholiques de la base, il s'avère que cette hypothèse a été validée.

Au bout du compte, à partir de ces résultats auxquels nous a conduit cette recherche, nous pouvons faire un certain nombre de recommandations en fonction des catégories d'acteurs politiques ou ecclésiales ici concernées par elle.

Ø Au Vatican,

Au regard de l'influence de l'autorité vaticane sur l'Afrique, nous recommandons au Vatican de mettre en place des stratégies efficaces de conversion du christianisme africain. De mettredes moyens multiformes (financier, politiques etc.) pour la vulgarisation de l'Enseignement Social de l'Eglise en milieu populaire catholique. Ceci, pourra se faire à travers l'organisation des campagnes de sensibilisation à cet effet, comme cela se fait abondamment pour la socialisation spirituelle.

Ø Au Clergé Catholique

Au haut clergé (les prélats), nous recommandons de renforcer leurs luttes pour la démocratie camerounaise, en élaborant un véritable programme d'action pour accomplir les fonctions tribuniciennes qui incombent à l'Eglise. En d'autres termes, il s'agit de l'élaboration d'un programme de restructuration systématique du jeu politique camerounais, à travers des prises de position ouvertes sur le processus en cours, et des actions de dénonciation des stratégies de destruction de la jeune démocratie camerounaise.

Au bas clergé (le clergé paroissial), nous recommandons la prise de conscience de la mission sociale de l'Eglise, de se former davantage sur la Doctrine Sociale de l'Eglise, d'intégrer dans leurs sermons d'Eglise la dimension sociopolitique du vécu de la foi catholique. Puisque la messe qu'ils président est le seul véritable rendez-vous où se rend la grande majorité des fidèles, elle serait le lieu indiqué pour les socialiser à l'Enseignement Social del'Eglise. C'est dont ils ont besoin pour la conversion des « structures de péchés»414(*)qui les a pris en otage et les asservissent.

Ø Aux fidèles catholiques

A ceux-ci nous proposons de sortir de leur logique de dualisme spirituel/temporel comme le recommande Vatican II415(*),afin d'accéder à une foi incarnée qui inclue à la fois la dimension spirituelle et la dimension sociopolitique du vécu chrétien ;de porter dans leurs associations de base (CEV, MAC etc.) des réflexions sur les enjeux sociopolitiques de la foi chrétienne. Ceci leur permettra de transformer leur société à partir de leurs valeurs chrétiennes, qui sont favorables pour la plupart, à l'avènement du bien commun, d'une société de «Justice, Paix et Réconciliation »416(*). En effet, la fuite du monde ne les soustraira jamais de la prégnance des réalités sociopolitiques brutales de leurs pays,comme l'a d'ailleurs reconnu l'Abbé J.M.Ela417(*). C'est pourquoi nous les invitons à s'engager dans un véritable combat de démocratisation de leur pays, parce qu'une véritable action politique de la masse de citoyens est plus à même de conduire un pays à des changements radicaux.

Ø A l'Etat Camerounais.

A l'Etat Camerounais, nous recommandons de remplir ses fonctions de socialisation politique de ses citoyens. Cette étude nous a en effet permis de mettre en exergue le déficit de socialisation politique de ces fidèles-citoyens. Or, il n'y a pas de démocratie sans citoyens responsables, et il n'y a pas de citoyens responsables sans une véritable culture de la participation. De même qu'il n'y a pas de culture de la participation sans socialisation politique. En outre, nous recommandons à l'Etat de respecter le principe de la laïcité à travers lequel la constitution du Cameroun préconise la distance des Eglises vis-à-vis de l'Etat. Il en va de la capacité de celles-ci à assurer leurs fonctions de contrepoids en vue d'un équilibre des forces dans la société et donc de l'avènement d'une véritable démocratie au Cameroun.

* 414 Jean Paul II, Jean Paul II, Sollicitude Rie sociales : la sollicitude de l'ordre social n° 36 Edition polygala vaticane p.70.

* 415 Voir Jean Paul II, Exhortation apostolique post synodale Christi fideleslaici, sur la vocation et la mission des fidèles laïcs dans l'Eglise et dans le monde, n°5.

* 416 Thème majeur de toutes les réflexions officielles de l'Eglise depuis plus d'une décennie.

* 417 J.M. Ela, Repenser la théologie Africaine, Op.cit., P.9.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus