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La protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne

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par Stéphanie Ducret
Université Lumière Lyon 2 - droits de l'homme 2010
  

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« La place dévolue aux droits fondamentaux n'a cessé au long du siècle de s'affirmer»1. Après la Seconde Guerre Mondiale, de nombreux Etats européens ont intégré au sein même de leur Constitution une déclaration des droits fondamentaux ayant pour but de protéger les individus de toute violation de leurs droits. « La Communauté puis l'Union connaissent le même mouvement : les traités originaires ne contenaient pas de dispositions générales relatives aux droits de la personne mais la Cour de justice a dû rapidement pallier cette lacune »2, l'Union européenne (ci-après « l'Union ») adoptant finalement une déclaration des droits de l'Homme par la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (ci-après « Charte »).

La distinction qui voudrait que le terme de « droits de l'Homme » renvoie à la Convention et celui de « liberté fondamentale » à l'Union3 ne sera pas suivie ici. En effet, il existe un flou en la matière, la doctrine ne semblant plus faire de différence entre les droits de l'Homme et les droits fondamentaux4. « La protection des droits de l'homme ou des droits fondamentaux, comme on voudra les appeler, les deux expressions étant synonymes »5, bien que des distinctions puissent encore exister entre les deux termes. Les droits de l'Homme excluraient, en principe, les droits reconnus aux personnes morales. De même, le terme de droit fondamental permettrait d'inclure les droits économiques, attachés à la matière communautaire6.

L'Union, et avant elle la Communauté européenne, n'avait pas pour premier objectif la protection des droits de l'Homme. « Il n'est pas exagéré de penser que la protection des droits de l'homme n'était pas la préoccupation prioritaire des négociateurs du traité instituant la Communauté européenne »7. En effet, les droits reconnus aux personnes au sein des traités initiaux n'étaient liés qu'à la nécessité de créer un marché commun entre les Etats membres.

L'étude de Hans von der Groeben, l'un des négociateurs des Traités de Rome, met « en lumière le fait que les traités européens, [...], ont consacré d'une manière positive, dans un

1 Actes du colloque de Caen, 23 février 1996 publiés sous la direction de Constance GREWE, Questions sur le droit européen, Presses Universitaires de Caen, Centre de recherche sur les droits fondamentaux, 1996, 273p, p.161

2 DOLLAT Patrick, Droit européen et droit de l'Union européenne, 2ème édition, 2007, Sirey, édition Dalloz, 475p, point 165

3 BERGE Jean-Sylvestre et ROBIN-OLIVIER Sophie, Introduction au droit européen, Thémis droit, PUF, 2008, 1ère édition, 551p, p.209

4 PELISSIER, Catherine, La protection des droits économiques et sociaux fondamentaux dans la Communauté européenne, thèse sous la direction de SUDRE Frédéric, ANRT, Lille, collection thèse à la carte, 2004, 469p, p.18

5 BRUN, Alain, Les droits fondamentaux et le citoyen européen, in Actes du colloque international organisé par le Centre de Recherches Hannah Arendt les 16 et 17 mars 2006, Les droits fondamentaux à l'épreuve de la mondialisation, édition Cujas, institut catholique d'études supérieures, 2006, 166p, p.45, p.46

6 op.cit. BERGE et ROBIN-OLIVIER, p.209

7 SIMON, Denys, Des influences réciproques entre CJCE et CEDH : « Je t'aime, moi non plus » ?, Revue Pouvoirs, 2001/1, n°96, p31-49, p32

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ensemble de dispositions d'allure tantôt plus générale, tantôt plus concrète, certains principes qui sont, pour le moins, proches d'une garantie des droits fondamentaux »8. Ainsi, la reconnaissance de la liberté de circulation des travailleurs et de la non discrimination entre les citoyens des Etats membres a permis une première approche de la protection des droits de l'Homme au sein de la Communauté.

L'objectif premier de la construction communautaire était la création d'un lien solide entre les Etats membres. Pour se faire, une approche basée uniquement sur l'aspect économique des relations étatiques était préférable. En effet, les Etats européens avaient montré des réticences à mettre en place une coopération politique d'intégration, ce qui s'est traduit par l'échec de la mise en place de la Communauté européenne de défense et de la Communauté politique européenne. Les rédacteurs des traités de Rome ont donc choisi de ne consacrer que les droits fondamentaux pouvant contribuer à la création du marché commun. En outre, l'Europe possédait déjà une organisation qui avait fait de la protection des droits de l'Homme sa priorité, le Conseil de l'Europe.

Créé en 1949, le Conseil de l'Europe adopte un an plus tard un instrument particulier de protection des droits de l'Homme, la Convention de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales9 (ci-après « la Convention »). La particularité de cette Convention est l'instauration d'un juge spécifique chargé du contrôle du respect des droits de l'Homme énoncés. La Cour européenne des droits de l'Homme10 (ci-après « la Cour de Strasbourg ») a ainsi été instituée dans le but de s'assurer que les Etats signataires (ci-après « Hautes Parties ») de la Convention respectaient leurs engagements. La jurisprudence que la Cour de Strasbourg adopta, et les divers protocoles additionnels à la Convention, permirent à la Convention de développer la protection des droits de l'Homme au sein des différentes Hautes Parties en permettant la prise en compte de l'évolution sociale.

Mais les deux organisations européennes ne restent pas étrangère l'une à l'autre et les relations se développent. Dès 1959, une coopération s'installe de manière informelle par

8 PESCATORE, Pierre, Les droits de l'homme et l'intégration européenne, Cahiers de droit européen, Bruyant, 1968, p.629-673, in PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.127, p.146

9 Convention de Sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales, Rome, 4.XI.1950, telle qu'amendée par les protocoles n°11 et 14

10 A noter que la Cour européenne des droits de l'Homme n'a été instituée qu'en 1998, précédemment c'est la Commission européenne des droits de l'Homme qui procédait au contrôle du respect de la Convention

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l'échange de lettres, de rapports mais également d'experts11. Cette première relation a eu pour mérite de permettre un premier rapprochement entre les deux organisations européennes, même si elle n'a pas permise la mise en place d'une réelle coopération au sens strict. En 1987, les deux organisations décident de mettre en place un rapport annuel étudiant leurs relations12. Deux ans plus tard, l'on prévoit un dialogue politique entre la Communauté européenne et le Conseil de l'Europe par l'instauration de réunions annuelles. Depuis 1996, la Commission est autorisée à participer aux réunions du Comité des Ministres. En outre, en 2001, les deux organisations ont adopté un programme commun pour permettre le développement de la démocratie dans les Etats de l'Est de l'Europe.

« A priori, la concurrence entre systèmes, et partant entre juridictions ne devrait pas exister »13. Mais les organisations se chevauchant territorialement et évoluant vers plus de compétence. Les relations entre les deux organisations sont complexes depuis que l'Union étend ses compétences dans le domaine des droits de l'Homme.

En effet, assez rapidement, les Etats membres de la future Union (ci-après « les Etats membres ») ont désiré de renforcer les liens qui les unissaient, notamment à travers le domaine des droits fondamentaux14. Dès 1973 au sein de la déclaration de Copenhague,

« les chefs d'État et de gouvernement des Neuf énoncent dans la déclaration sur l'identité européenne [...] qu' : « ils entendent sauvegarder les principes de la démocratie représentative, du règne de la loi, de la justice sociale - finalité du progrès économique - et du respect des droits de l'Homme, qui constituent des éléments fondamentaux de l'identité européenne... » »15.

Cet attachement est renouvelé au sein même du préambule de l'Acte unique en 1986. « On assiste à un phénomène d'accrétion qui tôt ou tard finit par produire ses effets dans l'ordre communautaire, soit en constituant un bain qui imprègne de façon diffuse l'activité communautaire, soit en se traduisant par un amendement au traité »16. L'activité de l'Union et les révisions successives des traités démontrent clairement ce cheminement. Les déclarations du passé ont conduit à une évolution des objectifs de l'Union, passant progressivement d'une Union uniquement économique à une Union également politique.

11 Fascicule 6100 : Conseil de l'Europe - objectifs et structures politiques, JurisClasseur Europe Traité, mise à jour 1er novembre 2009, point 41

12 ibid., point 42

13 BURGORGUE-LARSEN, Laurence, Le fait régional dans la juridictionnalisation du droit international, colloque de Lille « La juridictionnalisation du droit international », SFDI, Paris, Pedone, 2003, 552p, p.203-264

14 C'est le cas du projet de traité pour une union politique de 1953, de la déclaration des chefs d'État lors du sommet de Paris de 1972, du projet dit Spinelli de 1984 ou de la déclaration des droits et des libertés fondamentaux de 1989.

15 Supra note 2, DOLLAT, point 159

16 ibid., point 159

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En 1992, le Traité de Maastricht marque un tournant de la conception du rôle de l'Union dans le domaine de la protection des droits fondamentaux. En effet, il énonce que

« l'Union respecte les droits fondamentaux, tels qu'ils sont garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, [...], et tels qu'ils résultent des traditions constitutionnelles communes aux Etats membres, en tant que principes généraux du droit communautaire »17.

Le Traité de Maastricht a également créé la citoyenneté de l'Union à l'égard des nationaux des Etats membres18, permettant notamment l'obtention de droits politiques spécifiques. « L'institution de la citoyenneté européenne et la proclamation des droits y afférents constitue sans doute la première tentative d'envergure en vue de dépasser la logique essentiellement économique des origines »19.

Cinq ans plus tard, le Traité d'Amsterdam indique à son article 6 §1 que l'Union « est fondée sur les valeurs de respect de la dignité humaine, de liberté, de démocratie, d'égalité, de l'État de droit, ainsi que de respect des droits de l'homme ». Cet article rejoint les critères politiques, élaborés lors du Conseil européen de Copenhague de 1993, que les Etats candidats à l'adhésion de l'Union doivent respecter. Mais c'est surtout un symbole du changement de perspective de la politique de l'Union et de son ouverture vers la rédaction d'un texte de protection des droits fondamentaux propres à l'Union20.

De plus, le droit de l'Union21 ne se contente pas uniquement d'énoncer des droits et libertés, il prévoit les moyens de les faire respecter par les Etats membres. En effet, le Traité d'Amsterdam prévoit à son article 7 des sanctions à l'encontre des Etats membres qui violeraient gravement et avec persistance les principes énoncés à l'article 6.

En outre, la valeur de principes directeurs est conférée aux droits fondamentaux. Ainsi, les droits fondamentaux ne sont plus uniquement des droits subjectifs mais doivent permettre de guider les activités de l'Union et de créer une Communauté de droit, aujourd'hui devenue Union de droit.

L'Union de droit et l'État de droit reposent sur des critères identiques. « D'une part la soumission de l'ensemble des autorités publiques, y compris le législateur, à des normes supérieures préalablement édictées ; d'autre part, l'organisation de procédures de contrôle

17 article F§2 du traité de Maastricht

18 article 8 du traité de Maastricht

19 AKANDJI-KOMBE, Jean-François, Le développement des droits fondamentaux dans les traités, in LECLERC, Stéphane, AKANDJI-KOMBE, Jean François et REDOR, Marie-Joëlle, L'Union européenne et les droits fondamentaux, CRDF Université de Caen, Bruyant, 1999, 235p, p.31, p.42

20 ibid, p.48 et 56

21 Anciennement droit communautaire. A noter que nous n'utiliserons que le terme de « droit de l'Union » permettant de faire référence tant aux droits anciens qu'actuels

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garantissant le respect des normes et de leur hiérarchie afin d'éviter l'arbitraire »22. L'Union de droit a ainsi pour objectif de protéger les droits et les libertés des citoyens. Il est à noter que la Cour de Luxembourg avait, dès 1986, jugé que « la Communauté économique européenne est une communauté de droit en ce que ni ses Etats membres ni ses institutions n'échappent au contrôle de la conformité de leurs actes à la charte constitutionnel de base qu'est le traité »23.

L'entrée en vigueur, le 1er décembre 2009, du Traité de Lisbonne renforce l'Union de droit, l'article 19 §1 du Traité sur l'Union européenne (ci-après « TUE ») disposant que la Cour de Luxembourg « assure le respect du droit dans l'interprétation et l'application des traités », et la protection des droits de l'Homme au sein de l'Union. En effet, le Traité de Lisbonne fait dans un premier temps référence, à son article 2 TUE, aux « valeurs » de l'Union24. Il consacre également, comme l'un des objectifs de l'Union, la protection des droits de l'Homme25. Mais l'apport principal se trouve à l'article 6 TUE, le paragraphe 1 accordant à la Charte la valeur juridique d'un traité, tandis que le paragraphe 2 prévoit l'adhésion de l'Union à la Convention.

Jusqu'à l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne, la protection des droits de l'Homme au sein de l'Union était basée, essentiellement, sur la jurisprudence de la Cour de Justice des Communautés européennes26 (ci-après « Cour de Luxembourg ») et non sur le droit originaire ou dérivé, même si ce dernier a permis la reconnaissance de droits fondamentaux27. La jurisprudence de la Cour de Luxembourg a ainsi permis d'instaurer au sein de l'Union une protection des droits de l'Homme basée sur la création prétorienne des principes généraux du droit de l'Union européenne.

Mais, « l'Union européenne ne constitue pas une organisation internationale de défense des droits de l'homme en tant que telle. La protection des droits de l'homme constitue une mission essentielle, mais non exclusive, pour cette organisation »28. Le fait que les Etats membres de l'Union soient également Hautes Parties à la Convention devait permettre une

22 supra note 2, DOLLAT, point 163

23 CJCE, 23 avril 1986, Les Verts c/ Parlement européen, aff. 294/83. Rec.1986 p 01339

24 dignité humaine, liberté, démocratie, égalité, Etat de droit et droits de l'Homme

25 notamment dans ses relations extérieures, article 3§5 TUE

26 devenue Cour de Justice de l'Union européenne après l'entrée en vigueur du Traité de Lisbonne en 2009

27 Directive 2000/43/CE du Conseil, du 29 juin 2000, relative à la mise en oeuvre du principe de l'égalité de traitement entre les personnes sans distinction de race ou d'origine ethnique (JO L 180 du 19 juillet 2000, p.22) ; Directive 97(80(CE du Conseil, du 15 décembre 1997, relative à la charge de la preuve dans les cas de discrimination fondée sur le sexe (JO L 14 du 20 janvier 1998, p.6) ; Directive 95/46/CE du Parlement européen et du Conseil, du 24 octobre 1995, relative à la protection des personnes physiques à l'égard du traitement des données à caractère personnel à la libre circulation de ces données (JO L 281 du 23 novembre 1995, p.31)

28 LE BOT, Olivier, Charte de l'Union européenne et Convention de sauvegarde de l'Homme : la coexistence de deux catalogues de droits fondamentaux, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, n°55/2003, p.781-811, p.810

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protection des droits fondamentaux au sein de l'Union29. Pourtant, très rapidement des limites se sont posées, notamment par le fait que le droit de l'Union prime sur le droit interne des Etats membres et soit d'effet direct. L'idée d'une adhésion de l'Union à la Convention est donc rapidement née.

La proposition de l'adhésion de l'Union à la Convention a été lancée pour la première fois en 197930. A la suite de divers appels à l'adhésion de la part des Communautés31 mais également du Conseil de l'Europe32.

En 1996, c'est le refus de la Cour de Luxembourg33 qui avait arrêté le processus en indiquant qu'une révision des traités était nécessaire pour permettre l'adhésion de l'Union à la Convention. Elle relevait ainsi que

« si le respect des droits de l'Homme constitue (...) une condition de la légalité des actes communautaires, force est toutefois de constater que l'adhésion à la convention entraînerait un changement substantiel du régime communautaire actuel de la protection des droits de l'Homme, en ce qu'elle comporterait l'insertion de la Communauté dans un système institutionnel international distinct ainsi que l'intégration de l'ensemble des dispositions de la convention dans l'ordre juridique communautaire »34.

Par la suite, la place réservée aux droits de l'Homme dans le Traité d'Amsterdam a conduit à considérer ce Traité comme étant « un coup fatal à l'adhésion de l'Union à la Convention »35, voir même à « une disparition du système de la Convention européenne des droits de l'Homme dans l'Union »36. Les dispositions du Traité de Lisbonne montre qu'il n'en est rien, l'adhésion de l'Union à la Convention n'ayant jamais été aussi vraisemblable, l'Union en ayant fait une de ses priorités pour les prochains mois37.

29 BERTONCINI Yves, CHOPIN Thierry, DULPHY Anne, KAHN Sylvain et MANIGAND Christine, Dictionnaire critique de l'Union européenne, Armand Colin, Paris, 2008, 489p, p.127

30 Commission Memorandum, Accession of the Communities to the European Convention on Human Rights, Bulletin of the European communities, Supplement 2/79, adopted by the Commission on 4 april 1979, COM(79)210 final, 21p

31 entre autres : communication de la Commission du 19 novembre 1990, SEC(90)2987 final ; communication de la Commission du 9 octobre 1995, SEC(90)2087 final - C3 - 0022/93 ; proposition de résolution du Parlement européen, P.E. Doc. 80/79 ; document de travail du Parlement européen du 6 mars 1986, Doc. B 2-1692/85.

32 Entre autres: APCE, Résolution 745 (1981) sur l'adhésion des Communautés européennes à la Convention des Droits de l'Homme ; APCE, Résolution 1068(1995) relative à l'adhésion de la Communauté européenne à la Convention européenne des droits de l'homme

33 CJCE, avis 2/94, 28 avr. 1996, Adhésion à la CEDH : Rec. CJCE 1996, I, p. 1759

34 supra note 2, DOLLAT, point 1123

35 RENUCCI, Jean-François, L'Union européenne : futur justiciable de la Cour européenne, Les Petites Affiches, 2 mars 2006, n°44, p.41

36 ibid

37 Conseil de l'Union européenne, Adhésion de l'Union européenne à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 6180/10, LIMITE, CATS14, JAI114, COHOM26, DROIPEN14, Bruxelles, 8 février 2010 (10.02) (OR. en)

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Le Traité de Lisbonne, issu de l'échec du Traité établissant une Constitution pour l'Europe, a permis de remettre à l'ordre du jour la question de l'adhésion de l'Union à la Convention. C'est notamment « sous l'influence de l'élaboration de la Charte des droits fondamentaux que la question de l'adhésion est revenue à l'ordre du jour européen »38. L'idée de l'adhésion de l'Union à la Convention a été relancée par la Finlande en 200039. Dès 2001, le Comité directeur pour les droits de l'homme était chargé d'étudier les implications juridiques d'une telle adhésion40. En 2005, la Commission indiquait que « l'adhésion à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales renforcera l'engagement européen de protéger les droits de l'homme, en introduisant un contrôle juridictionnel externe du respect des droits fondamentaux par l'Union européenne »41.

Pourtant, la distinction était que « deux voies s'ouvraient pour assujettir la Communauté au respect des droits fondamentaux »42. La première voie était l'ajout d'un catalogue des droits fondamentaux aux traités communautaires, la seconde l'adhésion à la Convention. Le Traité de Lisbonne ne tranche pas entre ces deux possibilités mais les cumuls. Ainsi, il intègre la Charte et prévoit l'adhésion de l'Union à la Convention au sein d'un seul et même article, l'article 6 TUE.

L'adhésion de l'Union à la Convention est restée d'actualité car son absence en tant que Haute Partie à la Convention projette une image négative de la protection des droits de l'Homme par l'Union, d'autant plus que les Etats candidats à l'adhésion de l'Union doivent au préalable faire partie de la Convention et que l'Union intègre dans ses accords multilatéraux avec les Etats tiers des clauses sur le respect des droits de l'Homme.

En outre, cette non-adhésion provoque des distorsions de droit entre les deux organisations européennes et entre l'Union et ses Etats membres. La protection même des droits de l'Homme est remise en cause puisque les deux Cours européennes pourraient avoir des discordances jurisprudentielles sur certains points des droits fondamentaux. Enfin, les violations des droits de l'Homme par le droit de l'Union ne peuvent être pleinement contrôlées et les

38 IMBERT, Pierre-Henri, De l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH - symposium des Juges au Château de Bourglinster - 16 septembre 2002, Droits fondamentaux, n°2, janvier-décembre 2002, p11-19, p11

39 Conférence des représentants des gouvernements des Etats membres, CIG 2000 : Compétence pour adhérer à la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, signée à Rome le 4 novembre 1950, Délégation finlandaise, CONFER4775/00, LIMITE, Bruxelles, 22 septembre 2000 (28.09) (OR. En)

40 op. cit. IMBERT

41 Communication de la Commission au Conseil et au Parlement européen établissant pour 2007-2013 un programme-cadre « droits fondamentaux et justice », 6 avril 2005, COM(2005)122 final, p4

42 GAUTRON Jean-Claude, Droit européen, mementos Dalloz, Dalloz, 13ème édition, 2009, 337p, p.47

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modifications du droit de l'Union restent difficilement réalisables par la condamnation d'un Etat membre et non de l'Union.

« Ainsi que le fait remarquer l'Assemblée, « les lacunes les plus graves sont constatées dans les institutions de l'Union européenne elle-même : il s'agit des seules autorités publiques actives dans les Etats membres du Conseil de l'Europe qui échappent à la juridiction de la Cour européenne des Droits

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de l'Homme [...] » ».

Mais cette double approche de la protection des droits de l'Homme dans l'Union, avec la Charte et l'adhésion à la Convention, n'est pas sans posée des difficultés. « De ce foisonnement ressortent des relations complexes entre les deux droits européens en présence »44.

Comment les deux ordres européens vont-ils pouvoir co-exister ? Le Conseil de l'Europe doit faire face à la concurrence de l'Union, d'autant plus que le territoire de celle-ci tant à s'élargir au fur et à mesure des nouvelles adhésions45. L'adhésion de l'Union à la Convention permettrait de renforcer les liens entre les deux organisations et de permettre une coopération entre les différentes institutions.

Comment l'Union pourra-t-elle concilier l'application de deux normes de protection des droits de l'Homme ? « La multiplication des textes, au même titre que l'inflation législative, peut nuire à la qualité et à l'applicabilité de l'ensemble »46, d'autant plus lorsque ce domaine d'action est déjà couvert par une organisation qui a prouvé sa capacité de protection. « Les risques résultant d'une protection à géométrie variable et de la coexistence de deux mécanismes parallèles de protection des droits et libertés ne doivent pas être sous-estimés »47.

Face également aux difficultés qu'engendrerait une telle adhésion, l'on peut se demander « si le jeu en vaut la chandelle »48 ? En effet, l'adhésion de l'Union à la Convention permettra-t-elle un renforcement de la protection des droits fondamentaux des citoyens de l'Union ?

43 Assemblée parlementaire du Conseil de l'Europe, Adhésion de l'Union européenne/Communauté européenne à la Convention européenne des Droits de l'Homme, doc.11533, 18 mars 2008, 38p, p.7

44 supra note 42., GAUTRON, p.26

45 supra note 11, fascicule 6100, point 46

46 BLUMANN, Claude, Citoyenneté européenne et droits fondamentaux en droit de l'Union européenne : entre concurrence et complémentarité, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.265, p.274

47 supra note 26, BERTONCINI et al., p.127

48 CHALTIEL, Florence, L'Union européenne doit-elle adhérer à la Convention Européenne des Droits de l'Homme ?, Revue du Marché Commun et de l'Union Européenne, 1 janvier 1997, n°404, p.34-50, p.47

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Des incertitudes quant à l'utilité d'une telle adhésion, au moment où l'Union se dote d'un instrument de protection des droits de l'Homme, ont été soulevées [Partie 1]. D'autant plus que les modalités de l'adhésion et les répercutions sur les deux organisations européennes, l'Union et le Conseil de l'Europe, risquent de déstabiliser le système de protection mis patiemment en place en Europe depuis soixante ans [Partie 2].

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Partie 1. Le contrôle de la conformité des actes de l'Union vis-à-vis des droits fondamentaux

En 2000, l'Union s'est dotée d'un instrument de protection des droits de l'Homme, la Charte. Cette dernière est entrée en vigueur le 1er décembre 2009 et est opposable aux institutions de l'Union et aux Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union. La Charte devrait donc permettre une valorisation des droits fondamentaux au sein de l'Union et une protection des droits des citoyens de l'Union [Titre 2].

Mais la mise en oeuvre de cette Charte a été précédée de la volonté des deux Cours européennes de protéger les droits de l'Homme. Ainsi, une véritable appropriation de la Convention par la Cour de Luxembourg avait eu lieu, tandis que la Cour de Strasbourg s'efforçait, par des moyens détournés, d'appliquer la Convention aux actes de l'Union [Titre 1].

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"I don't believe we shall ever have a good money again before we take the thing out of the hand of governments. We can't take it violently, out of the hands of governments, all we can do is by some sly roundabout way introduce something that they can't stop ..."   Friedrich Hayek (1899-1992) en 1984