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La protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne

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par Stéphanie Ducret
Université Lumière Lyon 2 - droits de l'homme 2010
  

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§ 2. Une clause de « opting-out » efficace ?

Le protocole n°30 exclu l'application de la Charte au Royaume-Uni et à la Pologne. « C'est une clause dite « opting-out » assez contestable sur le plan juridique »312, la Charte étant censée avoir valeur de traité.

Le Royaume-Uni a souhaité l'insertion de ce protocole dans le but de protéger son modèle social et de « rassurer la City londonienne »313.

« L'acharnement du Royaume-Uni à l'égard des droits sociaux est particulièrement vif et se traduit en amont par un noyautage du texte, en aval par un corsetage de son interprétation et au total, par un abandon final et une totale disgrâce »314. Dès l'élaboration de la Charte, le Royaume-Uni avait en effet insisté pour que les droits sociaux adoptés ne soient que de faible portée et que ces droits soient clairement expliqués pour éviter toute dérive jurisprudentielle. Ces

307 supra note 306 JACQUE

308 droit à l'environnement (article 37 de la Charte), accès aux services d'intérêt général (article 36 de la Charte), protection des consommateurs (article 38 de la Charte) etc.

309 CORREARD, Valérie, Constitution européenne et protection des droits fondamentaux : vers une complexité annoncée ?, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2006, n°2, p501, p.507

310 L'Union, une communauté de valeurs ?, Revue Trimestrielle de droit européen, 2008, p.1

311 ANGEL Benjamin, CHALTIEL-TERRAL Florence, Quelle Europe après le traité de Lisbonne ? Bruyant, LGDJ, Montchrestien, Lextenso éditions, 2008, 195p, p.138

312 supra note 236, GAUTRON, p.50

313 ZILLER, Jacques, Les nouveaux traités européens - Lisbonne et après, CLEFS Politique, Lextenso Editions, Montchrestien, 2008, 159p, p.123

314 supra note 281, KAUFF-GAZIN

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précautions auront été vaines puisque le Royaume-Uni demandera, et obtiendra, un statut spécifique pour l'application de la Charte.

Si le Royaume-Uni avait la volonté de limiter la portée des droits sociaux en adoptant ce protocole, l'objectif pour la Pologne est tout autre. En effet, la Pologne voulait s'assurer que « la Charte ne porte atteinte en aucune manière au droit des Etats membres de légiférer dans le domaine de la moralité publique, du droit de la famille ainsi que de la protection de la dignité humaine et du respect de l'intégrité humaine physique et morale »315. La Pologne désirait ainsi protéger sa conception de la famille. « A vrai dire, on voit mal comment le protocole pouvait répondre aux préoccupations polonaises puisque celles-ci portent sur des aspects du droit de la famille qui sont déjà largement couvertes par la Convention européenne des droits de l'homme à laquelle la Pologne est partie »316.

Les déclarations de la Pologne et du Royaume-Uni conduisent à ce que la Charte ne leurs soit pas appliquée.

« En réalité elle doit s'imposer aux institutions européennes. « C'est plus symbolique qu'autre chose », affirme un diplomate. Ce qui est loin d'être certain. En effet, dès lors que la charte a une valeur juridique contraignante pour les institutions, la Cour de justice devient officiellement compétente pour en garantir l'application »317.

Ainsi, pour le Royaume-Uni et la Pologne, « ni la Cour de justice ni une juridiction de l'un des ces Etats ne peut constater l'incompatibilité d'une règle de l'un de ces Etats avec la Charte, laquelle, par ailleurs, ne crée aucun « droit justiciable » applicable à l'un de ces Etats »318.

Les critiques sur ce protocole sont nombreuses. En effet, « il suffit de lire le protocole (avec soin et sans rire) pour voir qu'il n'a guère de sens »319. En effet, l'applicabilité d'une telle immunité semble difficilement envisageable.

La Charte sera cependant applicable à ces deux pays si elle protège les mêmes droits que la législation nationale. En outre, l'apport de ce protocole est d'autant plus incertain que les deux Etats reconnaissent que la Charte ne fait que reprendre des droits déjà reconnus et protégés. Bien que la Charte ne puisse s'appliquer à ces deux Etats, la Convention et les principes généraux du

315 déclaration n°61 au Traité de la République de Pologne sur la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne

316 supra note 306, JACQUE

317 supra note 311, ANGEL et CHALTIEL-TERRAL, p.137

318 supra note 230, FALLON et SIMON, p.248

319 supra note 313, ZILLER,p.123

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droit eux sont applicables. La référence aux principes généraux affaiblit donc la portée du protocole320. « Comment justifier un opting out sur une partie de l'acquis alors que le même préambule confirme par ailleurs le respect de cet acquis par le Royaume-Uni et la Pologne ? »321. Les Etats sont donc déjà liés à ces droits par d'autres instruments de protection des droits de l'Homme que la Charte, tels la Convention ou les principes généraux du droit. Le juge aura alors la délicate mission de définir si oui ou non ces droits sont similaires.

« En ce qui concerne le contrôle juridictionnel, le protocole prévoit certes que la Charte n'en étend pas le champ de ce contrôle, mais elle ne le restreint pas non plus. Il en résulte que le contrôle de la cour et des juridictions nationales

322

continuera à s'exercer de la même manière qu'auparavant ».

Premièrement, les juridictions des autres Etats membres, qui appliquent la Charte, pourraient être « amenées à connaître de l'application d'une disposition émanant de l'un de ces Etats »323 et leurs appliquer alors la Charte.

En outre, dans le cas de la transposition en droit interne des directives, ces dernières devant respecter la Charte, l'on peut être amené à en déduire « qu'il doit en aller de même pour leur mise en oeuvre »324 et que la Cour de Luxembourg appliquera alors la Charte à tous les Etats membres si un contrôle devait avoir lieu.

De plus, ces Etats ayant obtenu des dérogations, « leurs citoyens ne pourront pas bénéficier des mêmes droits que ceux des autres Etats membres »325. Ceci va à l'encontre même de l'égalité qui doit exister entre tous les citoyens mais respecte le principe que les Etats membres demeurent souverains et qu'ils peuvent refuser de participer à certains domaines en négociant des dérogations lors des traités.

L'utilité de ce protocole a donc été remise en cause. En effet, le protocole « n'empêche pas les avocats de demander l'application des droits codifiés par la Charte, étant donné qu'ils s'imposent de toute façon au Royaume-Uni sur la base des dispositions ou décisions de jurisprudence dont ils proviennent »326.

« tout au plus l'article 2 pourrait avoir pour effet de rendre inopérante sur le territoire de la Pologne et celui du Royaume-Uni une interprétation d'un droit consacré par la Charte qui aurait sa source dans les traditions constitutionnelles

320 BROSSET, E. et al., Le Traité de Lisbonne - Reconfiguration ou déconstitutionnalisation de l'Union européenne ?, Bruyant, 2009, 352p, p.153

321 ibid., p.156

322 supra note 306, JACQUE

323 supra note 230. FALLON et SIMON, p.248

324 supra note 311, ANGEL et CHALTIEL-TERRAL, p.138

325 supra note 210, AVGERI et MAGNILLAT p.239

326 supra note 313, ZILLER, p.124

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communes aux Etats membres de l'Union, mais qui n'existerait justement pas dans l'un de ces pays »327.

De plus, l'article 1§2 du protocole n°30 stipule que « rien dans le titre IV de la Charte ne crée des droits justiciables à la Pologne ou au Royaume-Uni, sauf dans la mesure où la Pologne ou le Royaume-Uni a prévu de tels droits dans sa législation nationale ». Cette disposition semble aller à l'encontre de l'article 52§5 de la Charte328 qui précise que

« les dispositions de la présente Charte qui contiennent des principes peuvent être mises en oeuvre par des actes législatifs et exécutifs pris par les institutions, organes et organismes de l'Union, et par des actes des Etats membres lorsqu'ils mettent en oeuvre le droit de l'Union, dans l'exercice de leurs compétences respectives ».

Il est également à noter que le protocole ne reprend pas la distinction entre les droits et les principes énoncés dans la Charte. Il semblerait donc qu'aucune des dispositions du titre IV de la Charte ne soient applicable. Pourtant, ces droits peuvent être protégés par d'autres instruments,

« il est vraisemblable que le pouvoir de nuisance de ce Protocole soit plus insidieux, rendant la saisine de la CJCE par voie préjudicielle par les juridictions nationales britanniques et polonaises, plus incertaine si celles-ci rencontrent un problème de compatibilité au regard des droits sociaux fondamentaux d'une mesure nationale de mise en oeuvre du droit communautaire »329.

Ce refus du titre IV par la Pologne est d'autant plus étrange qu'elle avait déclaré

« que, compte tenu de la tradition liée au mouvement social « Solidarité » et de sa contribution importante à la lutte en faveur des droits sociaux et du travail, elle respecte intégralement les droits sociaux et du travail établis par le droit de l'Union, et en particulier ceux qui sont réaffirmés au titre IV de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne »330.

Bien que les déclarations n'aient pas de valeur juridique, elle va à l'encontre de l'objectif du protocole. Le Titre IV de la Charte serait-il alors applicable également à la Pologne, ou au contraire, la Pologne soulignerait-elle que son droit national protège suffisamment les droits sociaux ? Les juges auront de nouveau la délicate mission d'interpréter ces intentions331.

« Il est évident que ce protocole risque de créer une situation d'insécurité juridique »332. Certains auteurs indiquent que le protocole priverait la Commission de pouvoir saisir la Cour de Luxembourg pour manquement de ces Etats aux dispositions de la Charte. En outre, les juges nationaux de ces Etats ne pourraient saisir la Cour de Luxembourg d'une question préjudicielle

327 supra note 313, ZILLER, p.124

328 supra note 281, KAUFF-GAZIN

329 ibid.

330 déclaration n°62 aux traités « Déclaration de la République de Pologne relative au protocole sur l'application de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne à la Pologne et au Royaume-Uni »

331 op. cit. KAUFF-GAZIN

332 VAN DER JEUGHT, Stefaan, Le Traité de Lisbonne et la Cour de justice de l'Union européenne, Journal de droit européen, 1 décembre 2009, n°164, p.297-303, p.301

sur l'interprétation d'une disposition de la Charte, cette dernière n'étant pas applicable dans les Etats, la réponse de la Cour de Luxembourg ne pourrait avoir d'effet en droit interne333.

Pourtant, des auteurs indiquent également que ce protocole n'a aucune portée juridique, les Etats étant liés à la protection des droits fondamentaux et à la Charte par l'article 6§3 TUE.

« Ainsi, sur un sujet aussi essentiel que la protection des droits fondamentaux, le traité de Lisbonne consacre une Europe à géométrie variable, où l'étendue de la protection des droits n'est pas partout identique »334.

La volonté de l'Union de créer véritablement espace de liberté, de sécurité et de justice serait rendue plus vraisemblable par l'adhésion de l'Union à la Convention qui permettrait de combler les lacunes communautaires de protection des droits de l'Homme, notamment vis-à-vis de la procédure juridictionnelle. « Dans une optique de clarté et de sécurité juridique, l'adhésion de l'UE à la CEDH complèterait logiquement et utilement les dispositions contenues dans la Charte »335. En outre, le fait que la Cour de Strasbourg voit se multiplier les plaintes contre le droit de l'Union montre qu'il y a une véritable attente des citoyens.

Il faut assurer la sécurité juridique au sein du continent européen. « L'Europe doit se doter d'une juridiction homogène en matière de droits de l'homme »336. L'adhésion de l'Union à la Convention semble alors être le meilleur moyen d'y parvenir.

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333 supra note 332 VAN DER JEUGHT

334 supra note 257, BERTONCINI et al, p.128

335 supra note 243, KRUGER et POLAKIEWICZ, p.4

336 ibid., p.6

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"L'ignorant affirme, le savant doute, le sage réfléchit"   Aristote