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La protection des droits fondamentaux au sein de l'Union européenne

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par Stéphanie Ducret
Université Lumière Lyon 2 - droits de l'homme 2010
  

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Section 2. La nécessaire prise en compte des spécificités communautaires par le système conventionnel

L'adhésion de l'Union à la Convention engendrera des difficultés quant à l'interprétation de certains termes aux vues de la spécificité de l'Union [§1]. L'adhésion permettra également un contrôle du droit de l'Union par la Cour de Strasbourg, à laquelle l'Union devrait participer [§2]. Le contrôle du respect de la Convention passant également par celui de l'exécution des arrêts de la Cour de Strasbourg, l'Union devrait pouvoir participer au Comité des Ministres [§3].

374 supra note 372, A7-0144/2010, document du Parlement européen, p.14

375 CHALTIEL, Florence, Le traité de Lisbonne : les droits fondamentaux, Les Petites Affiches, 10 avril 2008, n°73, p.10

376 BADINTER, Robert, La Charte des droits fondamentaux à la lumière des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.143, p.154

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§1. L'inadaptation de certains notions à l'Union

Le protocole n°8 au Traité dispose que des modalités pour l'adhésion de l'Union à la Convention doivent être prises, notamment dans le but « de préserver les caractéristiques spécifiques de l'Union et du droit de l'Union »377.

Le Comité directeur pour les droits de l'Homme a relevé en 2002378 trois grands types de dispositions à prendre dans le cadre d'une adhésion de l'Union à la Convention. En premier lieu, des amendements à la Convention devront être pris. En second lieu, les termes de la Convention spécifiques aux Etats devront faire l'objet d'une interprétation pour une application à l'Union. Enfin, l'adhésion devra également prendre en compte des aspects plus techniques, tel que la participation de l'Union au budget de fonctionnement de la Cour de Strasbourg379.

Le premier point de la Convention qui devait être amendé est celui de l'article 59 indiquant que seuls des Etats pouvaient adhérer. L'entrée en vigueur du protocole n°14 à la Convention, le 1er juin 2010, a permis la modification de cet article. Il prévoit expressément à son article 17 la possibilité pour l'Union d'adhérer à la Convention.

Concernant les incohérences de vocabulaire entre la Convention, écrite à l'origine pour des Etats souverains, et l'Union, organisation sui generis, certains termes devront être adaptés par des amendements aux différents articles de la Convention. Ainsi, les termes se rapportant à la notion d'État devront être étendus pour prendre en compte également l'Union. Le préambule devra ainsi être amendé, faisant directement référence à la notion d' « État », tout comme l'article 10 et 27 de la Convention pour ne citer qu'eux. Les références à la « sécurité nationale »380 et à la « nation »381 devront également être amendées.

Mais, « la redéfinition de certains termes peut s'avérer difficile. Il pourrait donc être préférable d'adopter une clause générale d'interprétation ayant pour effet d'indiquer que ces termes se réfèrent également à l'UE ou sont applicables mutatis mutandis à l'UE »382.

377 article 1 du protocole n°8 au Traité

378 Conseil de l'Europe, Strasbourg, 28 juin 2002, DG-II(2002)006 [CDDH(2002)010 Addendum 2], Etude des questions juridiques et techniques d'une éventuelle adhésion des CE/de l'UE à la Convention européenne des droits de l'Homme, Rapport adopté par le Comité directeur pour les Droits de l'Homme

379 supra note 340, DG-II(2002)006, p.4

380 par exemple à l'article 6 et 8 de la Convention, article 2 du protocole additionnel à la Convention n°4

381 par exemple à l'article 7 et 15 de la Convention

382 IMBERT, Pierre-Henri, De l'adhésion de l'Union européenne à la CEDH - symposium des Juges au Château de Bourglinster - 16 septembre 2002, Droits fondamentaux, n°2, janvier-décembre 2002, p11-19, p13

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La modification des termes de la Convention pourrait s'effectuer au sein même de la Convention ou plus simplement par une clause générale d'interprétation qui permettrait de prendre en compte les dispositions particulières liées à la qualité juridique de l'Union.

Mais c'est bien entendu la place de l'Union au coeur des organes de contrôle de la Convention qui sera une difficulté à surmonter.

Il est également à noter que des droits particuliers reconnus par la Convention seront difficilement applicables à l'Union. « La question d'un éventuel déficit démocratique de l'Union »383 pourrait constituer une violation de la Convention.

« La notion de « déficit démocratique », selon une première acception, renvoie à l'écart qui s'est creusé entre les pouvoirs transférés à l'UE et l'efficacité des procédures de surveillance et de contrôle du Parlement européen »384. Cette conception se limite donc à une seule institution alors même que l'Union est composée de multiples organes permettant la création du droit de l'Union et d'une démocratie indirecte.

Pourtant, les pouvoirs conférés au Parlement européen n'ont cessé de s'étendre au fil des révisions et de la construction communautaire. En outre, de nouvelles voies ont été introduites au profit des citoyens de l'Union, telle que le droit de pétition au Parlement européen385.

Le fait que le Parlement européen soit élu au suffrage universel direct par les citoyens de l'Union depuis 1979 ne semble pas suffire à dissiper ce doute. Pourtant, ses pouvoirs et compétences se sont renforcés au fil de la construction communautaire, notamment avec le Traité de Lisbonne. Ainsi, la procédure ordinaire lors du vote d'une norme communautaire est devenue la codécision. En outre, dans le domaine délicat de la coopération policière et judiciaire en matière pénale, le Parlement a acquis un rôle de co-législateur alors qu'il demeurait cantonné auparavant à un rôle consultatif. Plus généralement, le Traité de Lisbonne renforce la démocratie participative au sein de l'Union en élaborant un droit d'initiative populaire386 et renforce la place des Parlements nationaux387.

383 supra note 345, DOLLAT, point 176

384 BELORGEY, Nicolas, Les origines de la légitimation non démocratique de l'Union européenne, Cités 2003/1, n°13, p.67-79, p.67

385 article 227 TFUE

386 article 11, §4 TUE

387 article 12 TUE

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Par l'arrêt Matthews, la Cour de Strasbourg indique au sujet du Parlement européen qu'il est « la partie de la structure de la Communauté européenne qui reflète le mieux le souci d'assurer au sein de celle-ci un régime politique véritablement démocratique »388 et que le Parlement européen peut être considéré comme un « corps législatif » au sens de l'article 3 du Protocole additionnel n°1 à la Convention389.

La difficulté de la conception de la démocratie au sein de l'Union repose sur deux préceptes. En premier lieu, la souveraineté doit appartenir au peuple. Cette souveraineté a longtemps été limitée à une démocratie indirecte, représentée par les chefs d'Etat et de gouvernement des Etats membres et par des parlementaires nationaux. L'élection de ses représentants était liée au processus de chaque Etat. La mise en place d'un Parlement européen élu au suffrage universel direct et l'extension de ses compétences ont permis de réduire les critiques dans ce domaine. Cependant, l'on en vient aujourd'hui à remettre en cause la démocratie au sein de l'Union par le fait que le socle de la démocratie dans l'Union n'existe pas. En effet, bien que les institutions de l'Europe soient issues d'élection, « il faut aussi et avant tout qu'il y ait un « peuple », c'est-à-dire une communauté d'hommes et de femmes adhérant suffisamment aux mêmes valeurs et au même projet politique pour constituer une nation »390. La Charte revendiquant dans son préambule des peuples de l'Europe et non un peuple, le professeur Gilles Lebreton en déduit qu'il n'y a pas de peuple européen et donc pas de démocratie au sein de l'Union391. De même, selon la Cour constitutionnelle allemande, « il n'existe pas de peuple européen, sujet d'une démocratie européenne »392.

L'article 35§2 de la Convention indique que les requêtes « précédemment examinée par la Cour ou déjà soumise à une autre instance internationale d'enquête ou de règlement » sont rejetées. Dans ce cas, les requêtes ayant déjà étaient soumises à la Cour de Luxembourg peuvent-elles être examinées par la Cour de Strasbourg ? Pour se faire, la Cour de Strasbourg devrait considérer la Cour de Luxembourg comme faisant partie des voies de recours internes, comme précisé par l'article 35§1 de la Convention. Bien que la Cour de Luxembourg soit compétente pour résoudre les conflits liés au droit de l'Union, et que la procédure des questions

388 arrêt Matthews, §52

389 arrêt Matthews, §54

390 LEBRETON, Gilles, Critique de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, Recueil Dalloz, 2003, p.2319

391 ibid.

392 CHALTIEL, Florence, Le Traité de Lisbonne devant la Cour constitutionnelle allemande : conformité et démocratie européenne (A propos de la décision du 30 juin 2009), Les Petites Affiches, 23 juillet 2009, n°146, p.4

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préjudicielles lui donne un lien direct avec les juridictions nationales, il est cependant difficile de considérer que la Cour de Luxembourg puisse faire partir, à part entière, du système juridique interne des Etats membres, à moins de ne la considérer alors comme un quatrième degré de juridiction. D'autant plus que « l'Europe, en particulier les deux plus importantes organisations européennes que sont le Conseil de l'Europe et l'Union européenne, a donné naissance, sous différentes formes, à un ordre juridique intermédiaire, ni purement interne, ni purement international »393.

Certains auteurs affirment que la Cour de Luxembourg serait soumise à la Cour de Strasbourg et considérée comme une juridiction interne394, tandis que d'autres rappellent le fait que le système conventionnel est basé sur une coopération entre les juridictions et non à une hiérarchisation395. Pourtant, l'évolution de la place de la Cour de Strasbourg vis-à-vis des juridictions nationales laisse présager des difficultés en la matière396.

Les requêtes devant la Cour de Strasbourg doivent répondre à des critères stricts pour être retenues. Le principe de subsidiarité a été intégré au sein de l'article 35 de la Convention, « la Cour ne peut être saisie qu'après l'épuisement des voies de recours internes, tel qu'il est entendu selon les principes de droit international généralement reconnus, et dans un délai de six mois à partir de la date de la décision interne définitive »397. La violation de la Convention doit avoir été alléguée lors de ces différents recours, « au moins en substance »398. Cette procédure permet aux Etats de réparer leurs erreurs, jusqu'au dernier recours possible. L'interprétation de « l'épuisement des voies de recours internes » doit être stricte. En effet,

« il s'agit d'une condition de recevabilité qui renferme, en fait, une règle de compétence : un État n'a accepté de répondre de ses actes devant la Cour que dans la mesure où les autorités nationales ont eu, au préalable, la

393 BERGE Jean-Sylvestre et ROBIN-OLIVIER Sophie, Introduction au droit européen, Thémis droit, PUF, 2008, 1ère édition, 551p ; p.29 point 18 et 19

394 supra note 390, LEBRETON

395 BADINTER, Robert, La Charte des droits fondamentaux à la lumière des travaux de la Convention sur l'avenir de l'Europe, in « Mélange en hommage au Doyen Gérard COHEN-JONATHAN - Libertés, justice, tolérance », volume I et II, Bruyant, 2004, 1784p, p.143 ; PECHEUL, Armel, La Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, RFDA, 2001, p.688

396 FLAUSS, Jean-François, actualité de la Convention européenne des droits de l'homme (novembre 1998- avril 2000), AJDA 2000, p.526 ; De DECAUX, Emmanuel et De TAVERNIER, Paul, Chronique de jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme Journal du droit international (Clunet) n° 3, Juillet 2008, chron. 5 ; FLAUSS, Jean-François, Actualité de la Convention européenne des droits de l'homme (février-juillet 2004),AJDA 2004, p.1809

397 Art 35§1 de la Convention

398 CEDH, 19 mars 1991, Cardot c/ France, requête n° 11069/84, point 34

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possibilité de redresser la situation dénoncée dans leur ordre juridique interne et avec les ressources qui y sont prévues. »399

Cette règle devra également être appliquée à l'Union et la Cour de Luxembourg devra donc avoir rendu une décision avant que la Cour de Strasbourg ne soit saisie. La Cour de Strasbourg contrôlera donc la décision, ou l'ordonnance, rendue par la Cour de Luxembourg. Faudra-t-il attendre, dans le cas d'un jugement du Tribunal de Première Instance, la décision de la Cour de justice ou la décision du Tribunal sera-t-elle considérée comme étant du dernier degré ? En outre, le recours préjudiciel entre le juge national et la Cour de Luxembourg devra-t-il être pris en compte pour permettre à cette dernière d'avoir tranché le conflit existant ?

La Cour de Strasbourg a jugé concernant le refus de saisir la Cour de Luxembourg d'une question préjudicielle que ce refus « opposé par une juridiction nationale, appelée à se prononcer en dernière instance, puisse porter atteinte au principe de l'équité de la procédure,[...], en particulier lorsqu'un tel refus apparaît entaché d'arbitraire »400. Pourtant, la Cour de Strasbourg ne vérifie pas systématiquement que le renvoi préjudiciel a été effectué401.

Dans le cas précis du renvoi de décisions de la Cour de Luxembourg devant la Cour de Strasbourg, cette dernière

« ne pourrait en aucun cas être considérée comme une juridiction supérieure mais plutôt comme une juridiction spécialisée exerçant un contrôle externe sur le respect par l'Union des obligations de droit international découlant de son

adhésion à la convention européenne des droits de l'Homme »402.

Le fait d'être considéré comme une juridiction interne par la Cour de Strasbourg ne devrait cependant pas nuire au prestige de la Cour de Luxembourg. En effet, les Cours constitutionnelles nationales sont soumises à la juridiction conventionnelle, ce qui ne remet en aucun cas en cause leur importance et leur valeur.

399 Art. 567 à 621, Fascicule 20 : CONVENTION EUROPÉENNE DE SAUVEGARDE DES DROITS DE L'HOMME ET DES LIBERTÉS FONDAMENTALES. - Juridiction : organisation et procédure ; JurisClasseur Procédure pénale, mise à jour 11 avril 2005, point 26

400 Commission EDH, 22 juin 2000, Coëme et autres c/ Belgique, n°32492/96, 32547/96, 32548/96, 33209/96 et 33210/96, point 114

401 POTTEAU, Aymeric, A propos d'un pis-aller : la responsabilité des Etats membres pour l'incompatibilité du droit de l'Union avec la Convention européenne des droits de l'homme, Revue trimestrielle de droit européen, 2009, p.697

402 supra note 345, DOLLAT, 1 point 1128

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La place de l'avocat général au sein de la Cour de Luxembourg pourra également être remise en cause, ces derniers étant « soustrait statutairement au principe du contradictoire »403 ce qui est contraire à la jurisprudence de la Cour de Strasbourg concernant l'article 6 de la Convention. L'avocat général a une place prépondérante durant la procédure devant la Cour de Luxembourg. En effet, il présente ses conclusions, basées sur l'interprétation du Traité, qui permettent de mettre fin à la procédure orale. L'avocat général est impartial et indépendant, il propose une réponse à l'affaire en cause devant la Cour de Luxembourg. Il fait parti intégrante de l'institution de la Cour de Luxembourg et ne représente en aucun cas une partie à l'instance.

Etant donné la position particulière de l'avocat général, la Cour de Luxembourg a jugé, dans l'ordonnance Emesa Sugar404, que la jurisprudence de la Cour de Strasbourg dans l'affaire Vermeulen c/ Belgique405 ne pouvait s'appliquer à l'organisation de la Cour de Luxembourg et particulièrement à l'avocat général. En effet, le statut même de l'avocat général précise son indépendance406. En outre, l'avocat général ne participe pas au délibéré de la Cour de Luxembourg et n'est pas soumis hiérarchiquement aux juges de la Cour407.

Cependant, un rapprochement avec la fonction de commissaires du gouvernement en France a été relevé408. La Cour de Strasbourg a d'ailleurs, un mois après l'ordonnance de la Cour de Luxembourg qui démontrait que le rôle de l'avocat général ne violait pas l'article 6 de la Convention et ainsi le principe de l'égalité des armes et du contradictoire, jugeait dans l'affaire Kress409 que le rôle du commissaire du gouvernement auprès du Conseil d'État n'était pas en adéquation avec les principes d'un procès équitable.

« La pratique de la Cour de justice devrait évoluer vers un accroissement de la garantie du contradictoire. A défaut, l'autorité et la légitimité de ses arrêts risquent d'être remises en cause devant les autorités nationales et internationales »410.

403 PESCATORE, Pierre, Etudes de droit communautaire européen 1962-2007, avec une liste bibliographique complémentaire, Grands écrits, collection droit de l'Union européenne dirigée par Fabrice Picod, Bruyant 2008, 1005p, p.884

404 CJCE, ordonnance du 4 février 2000, Emesa Sugar, aff. C-17/98, Rec., p. I-665

405 CEDH, 20 février 1996, Vermeulen c/ Belgique, Rec.1996-I

406 article 252 § 2 TFUE

407 SPIELMANN, Dean, Cour de justice des Communautés européennes, 4 février 2000, Revue trimestrielle de droits de l'Homme, 2000, p.581-615, p. 589

408 ibid, p.590

409 CEDH, 7 juin 2001, Kress contre France, Req. no 39594/98.

410 Op.cit. SPIELMANN, p. 612

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De nombreuses questions restent ainsi en suspens. Pourtant une des grandes difficultés de l'adhésion est également la prise en compte de l'Union au sein même de la Cour de Strasbourg. L'Union devenant membre à part entière de la Convention, des droits équivalents à ceux accordés aux Etats membres devraient lui être consentis.

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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus