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Responsabilité civile et assurance des constructeurs au Maroc. Limites et carences de la législation

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par Mohamed Jamal BENNOUNA
Université de Perpignan Via Domitia  - Master en droit  2012
  

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§ 2 - Les articles 1792 et suivants du code civil français et l'obligation d'assurance

La loi française gérant les responsabilités des intervenants dans l'acte de construire a connu un développement1 et qui a été traduit par la promulgation de la loi du 4/1/1978 dite "loi SPINETTA" du nom de son auteur. Cette loi avait pour objectif de protéger le consommateur français et en même temps améliorer la qualité de la construction à travers l'obligation de contrôle technique pour certains ouvrages.

Avant l'établissement de cette loi, les constats du rapport SPINETTA établi en 1975 font ressortir les points suivants :

A - Accroissement des sinistres en fréquence et en coûts moyens dus à des causes techniques et professionnelles (préfabrication des éléments lourds, les immeubles sont de plus en plus hauts, sous sols de plus en plus profonds, etc...).

Les statistiques montrent que le coût moyen des sinistres progresse de 50 % plus vite que le coût de la construction : les réparations coûtent plus chères que les constructions neuves en raison de la main oeuvre.

B - Les délais de règlement des sinistres par les assureurs sont longs:

L'enquête menée a montré la répartition des délais de règlement des sinistres comme suit2:

25 % 2 ans

25 % entre 2 et 4 ans

1 Ce développement est considéré par certains comme une révolution

2 Lambert-Faivre (Y), Risques et assurances des entreprises, Paris, Éditions DALLOZ, 1991

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25 % entre 4 et 8 ans

25 % au delà de 8 ans et peut arriver à 20 ans

C - La sous assurance du secteur de la construction est constante laissant les victimes

ainsi sans recours :

L'enquête du rapport SPINETTA a conclu à la répartition de la sous assurance

dans le secteur de la construction comme suit:

50 % de non assurés dans l'ingénierie et la maîtrise

oeuvre.

40 % de non assurés dans les entreprises de

construction.

90 % de non assurés chez les fournisseurs, fabricants

des matériaux et équipements utilisés dans la

construction.

Ces constats ont conduit à la conclusion suivante : la création d'un système légal d'assurance est obligatoire sans pour autant imposer un bouleversement symétrique des règles de la responsabilité en la matière.

On peut retenir quatre principaux axes de la loi SPINETTA:

1) Les responsabilités

Les responsabilités des intervenants sont définies par les articles 1792 et suivants ainsi que par les articles 2270 et 1646 du code civil français. Afin d'analyser cette composante de la loi SPINETTA qu'est la responsabilité, nous analyserons les articles concernés et ferons dans la mesure du possible une analyse comparative avec la loi marocaine.

L'article 1792: Définition des responsabilités

"Tout constructeur est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.

Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère."

Cet article a fait ressortir deux points importants en matière de responsabilité des intervenants :

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- La responsabilité d'un intervenant est engagée aussi bien envers le maître d'ouvrage qu'envers l'acquéreur. En d'autres termes, la responsabilité de l'intervenant demeure engagée même en cas de cession de l'ouvrage à un nouvel acquéreur. Contrairement à l'article 769 du DOC marocain qui ne retient la responsabilité des intervenants qu'en vers le maître d'ouvrage

- La présomption de responsabilité des constructeurs en tant que professionnels est explicitement exprimée dans cet article « Une telle responsabilité n'a point lieu si le constructeur prouve que les dommages proviennent d'une cause étrangère » alors que l'article 769 du DOC marocain n'en parle pas.

- Contrairement à l'article 769 du DOC marocain qui ne retient la responsabilité des intervenants professionnels qu'en cas d'écroulement ou menace d'écroulement, l'article 1792 du code civil français avance le concept selon lequel le dommage est lié à l'impropriété à destination ou encore "l'ouvrage impropre à sa destination". Concept très contesté d'ailleurs par les professionnels du BTP. En effet, ce concept peut être utilisé à tort et à travers pour porter l'affaire devant les juridictions. L'interprétation de la notion de l'impropriété à destination dépend de tout un chacun. On peut remarquer d'ailleurs l'augmentation du nombre des contestations des assurés envers les assureurs et particulièrement envers les bureaux de contrôle suite à des dommages constatés ; même minimes soient ils ; constatés dans l'ouvrage.

Nous faisons remarquer que plusieurs réassureurs étrangers se sont retirés du marché français à cause de cette loi craignant ainsi un déficit de la branche d'assurance décennale.

L'articles 1792-1 : Définition du constructeur

Cet article avait pour vocation la définition exacte du constructeur. Les

constructeurs aux yeux de la loi sont les suivants :

? Architecte

? Entrepreneur

? Tout technicien

? Toute personne liée au Maître d'Ouvrage par contrat

En d'autres termes, tout intervenant dans l'acte de réalisation et ayant la qualité

de technicien ou ayant un lien contractuel avec le maître d'ouvrage a la qualité de

constructeur et de ce fait, sa responsabilité décennale peut être retenue en cas de

sinistre.

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L'article 1646- 1 : Responsabilité du vendeur

Le vendeur d'un immeuble est responsable au même titre que les intervenants directs : Le promoteur immobilier est impliqué autant que les intervenants directs. Les garanties souscrites par le premier acquéreur bénéficient aux propriétaires successifs.

Article 1792-2 : Équipements indissociables de l'ouvrage

Cet article précise que la présomption de responsabilité est retenue aussi pour les équipements indissociables de l'ouvrage 1. En d'autres termes, le législateur ne s'est pas contenté uniquement des travaux de gros oeuvre mais a étendu la responsabilité des constructeurs à la détérioration des équipements indissociables au bâtiment. Il a voulu visé la non seulement la pérennité de l'ouvrage mais la pérennité et la continuité de son fonctionnement dans un environnement techniquement valable et correct.

Par contre le DOC marocain s'est contenté uniquement de la stabilité et la solidité de l'ouvrage et a réduit la responsabilité des professionnels aux seuls dommages pouvant toucher la structure porteuse.

L'article 1792-4 : Responsabilité des fabricants

Cet article précise que la responsabilité des fabricants et importateurs est retenue au même titre que celle des autres intervenants directs objet de l'article 1792. Nous considérons que cet article a rendu une certaine équité aux entreprises de construction qui peuvent être poursuivies pour l'utilisation d'un matériau, matériel ou équipement défectueux sans le savoir.

Alors que le législateur marocain est resté muet à ce sujet et les entreprises doivent se retourner contre les fournisseurs en cas de vice des matériaux tel qu'il stipulé dans l'article 769. Cette procédure ne peut que retarder les recherches de responsabilité et l'aggravation des dommages subis par la construction objet du litige.

2) L'obligation d'assurance

La loi SPINETTA a défini deux assurances différentes et qui se veulent

complémentaires :

- l'assurance "Dommages" devant être souscrite par le maître d'ouvrage,

- l'assurance de "Responsabilité" devant être souscrite par les intervenants dans

l'acte de construire.

Cette obligation est définie par deux articles:

1 Un équipement est dit indissociable de l'ouvrage lorsque sa dépose, son démontage ou son remplacement ne peut s'effectuer sans détérioration ou enlèvement de matière de cet ouvrage.

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L'article 1792 - 3

Outre les assurances Dommages ( Maître d'ouvrage ) et l'assurance de Responsabilité décennale des intervenants, le législateur français a conçu deux autres garanties à savoir la garantie biennale et la garantie de parfait achèvement :

- les équipements dissociés de l'ouvrage doivent bénéficier d'une garantie de bon fonctionnement pour une durée de deux années. Cette garantie connue sous le nom de « garantie biennale ». Par le biais de cet article, on comprend que le législateur français voulait protéger au maximum le consommateur in fine par le truchement de cette garantie biennale.

Le code de la consommation marocain loi 31.08 ; récemment adopté ; applique ce principe de garantie ; dans son article 65 ; de deux ans pour les biens immeubles et une année pour les biens meubles. Mais notons que cet article ne peut s'appliquer qu'à un consommateur défini par l'article 2; du même code ; par une personne physique ou morale qui achète une marchandise, un équipement ou un service pour un usage non professionnel. Les entreprises de construction ne peuvent être considérées comme des consommateurs puisqu'ils aquièrent des équipements à des fins purement professionnelles et en vu de les intégrer dans une construction. Même si encore le DOC précise dans son article 549 que « le vendeur garantit les vices de la chose qui en diminuent sensiblement la valeur, ou la rendent impropre à l'usage ... etc » ne résout nullement les problèmes liés à la garantie des équipements incorporés dans la construction puisqu'il ne définit pas une durée rédhibitoire (durée de vie minimale pour un fonctionnement normal) pour ces derniers.

L'article 1792 - 6

Comme on l'avait dit précédemment, le législateur a prévu une garantie supplémentaire appelée la garantie de parfait achèvement. En fait, l'entrepreneur est tenu par une garantie de pérennité de sa construction pour une durée d'un an. L'idée étant de donner une année au maître d'ouvrage la possibilité de constater les défauts et vices pouvant se manifester durant cette période dans son ouvrage et de les déclarer à l'entrepreneur. Ce dernier sera tenu de les réparer durant cette année dite période de parfait achèvement. En fin de compte, cette période coïncide avec la période de maintenance pour les chantiers couverts par une police d'assurance du type TRC avec la garantie supplémentaire appelée garantie de maintenance. En effet, la garantie maintenance offre deux variantes : la maintenance limitée et qui ne prend en charge que les sinistres survenus pendant la maintenance et ayant leur origine pendant la période de maintenance. Quant à la maintenance étendue, elle couvre tous les sinistres survenus pendant la période de maintenance que leur origine soit en priode travaux ou

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en période de maintenance. Il est clair que la maintenance étendue offre plus de garantie et propose un éventail d'indemnisation plus intéressant que celui de la maintenance limitée. 1

La loi précise que ces défauts constatés par le maître d'ouvrage doivent être mentionnés sur le procès verbal établi lors de la réception de l'ouvrage ou notifiés par voie écrite à l'entrepreneur (après réception).

L'Obligation d'assurance

Le législateur a rendu obligatoire deux types d'assurances différentes et distinctes mais complémentaires.

A - L'assurance de responsabilité est obligatoire pour tous les intervenants dont la responsabilité peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du code civil à propos de travaux de bâtiments.

En effet, l'article L24-1 du code des assurances français stipule dans son premier paragraphe :

"Toute personne physique ou morale, dont la responsabilité décennale peut être engagée sur le fondement de la présomption établie par les articles 1792 et suivants du Code civil, doit être couverte par une assurance".

B - L'assurance dommage : Tout propriétaire d'ouvrage, vendeur ou mandataire du propriétaire de l'ouvrage doit souscrire cette assurance avant l'ouverture du chantier, pour son compte ou pour celui des propriétaires successifs, une assurance garantissant, en dehors de toute recherche de responsabilité, le paiement des travaux de réparation des dommages de la nature de ceux dont sont responsables les constructeurs au sens de l'article 1792 et suivants relatifs aux responsabilités des constructeurs, fabricants, importateurs et bureaux de contrôle.

Cette assurance a pour but de favoriser les réparations rapides des ouvrages endommagés. La recherche des responsabilités et les recours envisagés viennent ensuite. Certes, cette démarche évite les dégradations des ouvrages endommagés et donne la possibilité au maître d'ouvrage de réparer son édifice juste après la survenance du sinistre.

Dans le cadre de l'explication des mécanismes de l'application de cette loi, la circulaire N° 79 - 38 du 5 avril 79 du ministère de l'environnement français précise que ces assurances (responsabilité et dommages) ne sont pas obligatoires pour les ouvrages de génie civil et ; implicitement ; ne concernent donc que les travaux de bâtiment. Par

1 BENNOUNA (M.J), Pathologie et Management de la construction, Mohammedia, IMPRIMERIE FEDALA,, 1998, P 173 et 174

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ailleurs, l'article L243-1-1 précise les ouvrages non concernés par l'obligation de ces deux assurances.

Le législateur marocain ne précise nullement pour quel type d'ouvrage la responsabilité décennale doit être retenue. Ce problème se pose avec acuité au niveau technique. Le cas flagrant est celui des routes. La pérennité de ces ouvrages ne peut pas être garantie pour une durée de dix ans au vu des risques naturels auxquels ils doivent faire face. A ce niveau nous faisons remarquer que rien que le phénomène ; par exemple ; de gel et de dégel peut être à la base de dommages importants qui peuvent apparaitre dès la première année et sans attendre les dix ans.

Art. L242-2 Dans les cas prévus par les articles 1831-1 à 1831-5 du Code civil relatifs au contrat de promotion immobilière, ainsi que par les articles L. 222-1 à L. 222-5 du Code de la construction et de l'habitation les obligations définies aux articles L. 241-2 et L. 242-1 incombent au promoteur immobilier.

Art. L243-1 Les obligations d'assurance ne s'appliquent pas à l'État lorsqu'il construit pour son compte.

Art. L243-1-1

I.-Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les articles L. 2411, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages.

Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d'équipement, sont également exclus des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance.

II.-Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles

3) Le contrôle technique

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La loi SPINETTA a clairement défini les obligations ainsi que le champ

d'action du contrôle technique en précisant les points suivants :

? les missions du bureau de contrôle,

? les cas d'obligation de contrôle technique1,

? les conditions d'agrément des bureaux de contrôle.

La loi SPINETTA (Titre II article 9) précise que le bureau de contrôle est soumis lui aussi au régime de la présomption de responsabilité au titre de l'article 1792.

Par ailleurs, la loi a clairement précisé l'incompatibilité du contrôle technique avec la conception, l'exécution ou l'expertise d'un ouvrage.

Le décret du ministère de l'environnement et du cadre de vie n° 78 - 1146 du 7/12/78 a précisé les types d'ouvrages soumis à l'obligation du contrôle technique (article R.111.38):

- les établissements recevant du public,

- les bâtiments hauts (dépassement du plancher bas du dernier niveau de 28 m les engins des pompiers),

- les bâtiments autres qu'à usage industriel et ayant les caractéristiques spéciales suivantes:

· les portes à faux > 20 m,

· les poutres ou arcs de portée > 40 m,

· les parties enterrées de profondeur > 15 m,

· les fondations de profondeur > 30 m,

· les reprises en sous oeuvres,

· les travaux de soutènement d'ouvrages voisins sur une hauteur > 3 m. En d'autres termes, la responsabilité décennale ne concerne pas tous les ouvrages mais s'intéresse qu'à une catégorie de construction dont la liste est exhaustive.

4) Passage d'un régime de gestion des primes à un autre

La loi SPINETTA a permis le passage du régime de gestion des primes en semi-répartition à un régime de gestion des primes en semi-capitalisation.

Le passage du régime de gestion en semi répartition au régime de gestion en semi-capitalisation a été fixé par l'arrêté du 27/12/1982 pour tous les chantiers ouverts à partir du 1/1/1983.

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"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault