WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Contribution socio-anthropologique à  l'analyse de la protection des civils par les forces de défense républicaine dans les conflits armés en RCA

( Télécharger le fichier original )
par Blandine Laurette NGNOLO
Institut des Relations Internationales du Cameroun - Master 2 2015
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

B. L'IMPACT DE LA SOCIOLOGIE DES ARMEES SUR LA SPECIFICITE MILITAIRE : DISSOLUTION DES CARACTERISTIQUES DE L'INSTITUTION

Le but de la sociologie militaire est de proposer une connaissance systématique des organisations militaires, des conflits armés, des emplois effectifs et potentiels de la force armée et des implications de son existence au sein des sociétés. Depuis les années soixante-dix et quatre vingt, un grand nombre de chercheurs surtout américains (Janowitz, Moskos, Segal, etc.), ont permis aux raisonnements sociologiques et aux techniques des sciences sociales d'être appliqués au champ militaire.

La sociologie militaire américaine a permis de comprendre les motivations individuelles de recrutement et de rétention. Elle a aussi joué un rôle important dans la gestion des questions sociales qui agitent les forces armées, tout en facilitant la compréhension des ressorts de l'efficience des unités de combat, des motivations et des compétences du personnel, des relations entre civils et militaires, etc.

La sociologie militaire, par des études statistiques ou des observations, est devenue incontournable pour qui veut avoir une bonne connaissance du milieu militaire sur un plan plus pratique.

Dès la fin du 19ème siècle, Durkheim161(*) notait déjà le recul du vieil « esprit militaire » partout en Europe, et remarquait à son propos que les « habitudes d'obéissance passive, de soumission absolue, en un mot d'impersonnalisme, si l'on veut nous permettre ce barbarisme, se sont trouvées de plus en plus en contradiction avec les exigences de la conscience publique ». Autrement dit il voyait dans la transformation de « la conscience publique » en général un des facteurs fondamentaux de la transformation du monde militaire lui-même. L'armée vit aujourd'hui, bien moins qu'à son époque, hors de la société qui l'entoure. Sujette à d'importants changements institutionnels (mutation technologique, changement de nature des conflits militarisés, spécialisation professionnelle lié à la qualification et à la division du travail de plus en plus poussée, féminisation du personnel militaire, importance accrue du personnel civil, etc.) elle a su pour une part au moins se départir des traits hors d'âge qui la caractérisaient effectivement. Ces mutations sont en grande partie dues au rapprochement entre armée et société et ce, dans tous les secteurs de la vie militaire : professionnel, technologique, organisationnel social, identitaire, idéologique, etc.

Une partie des sociologues de la chose militaire fut en effet amenée à proposer la thèse selon laquelle les institutions militaires changent tellement, qu'elles perdent leurs caractères distinctifs et s'apparentent aujourd'hui à de grandes bureaucraties civiles. C'est en partie la thèse défendue par Huntington162(*), dès 1957.

Sébastien Jakubowski à cet effet soutient comme hypothèse que :

« L'institution militaire de sa professionnalisation connait un processus de convergence vers un modèle de fonctionnement de type organisationnel qui appelle à une recomposition de la logique de fonctionnement de l'institution.»163(*)L'armée s'est toujours efforcée d'établir et maintenir une relative autarcie du fait des exigences contradictoires que lui imposait sa mission de défense, elle exige des individus qui la constituent un mode de vie et de comportement qui les retranche du reste de la société. Mais elle est traversée et profondément affectée par les évolutions sociales, l'armée se voit transformée et ses caractéristiques sociales rejoignent la société civile. »

Ce constat se vérifie à travers les travaux de certains chercheurs notamment ElyamineSettoul :

«  Ce que j'ai pu apercevoir assez nettement au cours de mon travail doctoral sur l'engagement des jeunes au sein des armées, c'est qu'aujourd'hui les motivations qui fondent le désir d'engagement sont, comme le théorisait le sociologue américain Charles Moskos, principalement occupationnelles. Ceci signifie qu'une grande partie des engagés abordent les métiers militaires avant tout comme des opportunités professionnelles comparables à celles du civil. » 164(*)

Nous nous référons à une étude faite par le CREDOC165(*) sur la participation des militaires à la vie à la cité

A la question posé de savoir qu'est ce que l'armée pour vous ?

« Une opportunité parce que je sais que j'ai ce truc alimentaire pour me permettre de vivre ma passion. Et des contraintes, je n'en vois pas, je ne fais pas de garde, j'ai 45 jours de vacances. Je suis payé 7400 francs et je n'ai pas de loyer (...) la grande famille de l'armée, c'est fini » (homme, 25 ans, soldat, armée de l'air) »

« Je me sens d'abord secrétaire et après seulement militaire » (femme, 29 ans, second maitre marine) »

De même l'étude menée par Jean- François Léger166(*)auprès des jeunes militaires français rend compte que la place occupée par l'institution militaire au sein de la société et sa permanence historique contribuent à crédibiliser les contrats offerts par cette dernière et à leur conférer un caractère sécurisant. L'armée a toujours existé, et cette existence ne saurait être remise en cause. Elle n'est donc pas dépendante des aléas socio-économiques, comme l'est le monde de l'entreprise. Être militaire, c'est en quelque sorte, être protégé du risque de licenciement économique. En ce sens, le fait de s'engager est, d'un point de vue strictement contractuel, sécurisant : en s'engageant, les jeunes savent que leur statut est garanti. Cette sécurité contractuelle se double d'une rémunération qui est compétitive par rapport à ce que l'on propose sur le marché civil.

La RCA évoluant dans un contexte de crise sociale, l'armée est obligée dans la plupart des cas, de recruter ses hommes parmi une population civile désoeuvrée et souvent analphabète, s'engageant plus pour garantir un avenir incertain que par amour du métier.Il se trouve que le pays est l'un des plus pauvres du monde (PIB 2012 : 2 170 000 000$, soit 446$ par habitant et par an) : son indice de développement humain est de 0,352, ce qui la classe au 180ème rang sur 187 pays évalués, 82% de la population dispose de moins de 2$ par jour.167(*)

Les motifs pour lesquels les individus adhèrent à l'armée, l'esprit du service de la nation n'est pas mis en avant, l'attrait du métier est devenu comme tous les autres la recherche d'un gain, d'une sécurité. Ainsi le métier des armes dont les valeurs sont primordiales se voit contourné, les motifs d'adhésions ont trait à la personnalité voir à la condition sociale de tout un chacun. Claude Weber, Maitre de conférences aux écoles de Saint-Cyr Cooetquidan lui aussi relève ce constat en disant :

 « Aujourd'hui, les motivations purement ou exclusivement militaires (gout pour la vie militaire, aventure, camaraderie, attachement à certaines valeurs,...) ne sont plus majoritaires parmi les candidats à l'engagement, contrairement à celles inhérentes à l'accès à un métier, une première expérience professionnelle ou encore une formation qualifiante en vue d'un retour à la vie civile plus ou moins rapide.»168(*)

La professionnalisation de l'armée est le coeur du processus qui fait que les limites qui séparent la société militaire de la société civile tendent à s'estomper, sans néanmoins disparaitre, les militaires sont de plus en plus motivés par les plans de carrière et les bénéfices annexes et de moins en moins par la coercition ou la recherche de la gloire militaire.

La professionnalisation des armées est précisément le signe de son intégration à la société civile, cette intégration de plus en plus poussée est bien l'expression d'une banalisation même comme la société militaire demeure une réalité spécifique dans une société globale. L'interpénétration profonde des cultures militaires et civiles, la similarité des attentes des membres de la société militaire et de la société civile.

Notons que cette professionnalisation des armées voit le jour aux États Unies en 1973, avec le « All-Volunteer Force » (armée de métier), le gouvernement pour mettre fin à l'armée de conscription symbole d'injustice qu'elle trouvait faible, à travers la commission Gates a décidé de créer une armée professionnelle par la mise en place d'un système de rémunération compétitif à celle du marché dans le but de rivaliser avec le secteur civil dans le recrutement de personnel compétent et motivé parce que leur engagement résulte d'un choix alors que la conscription est imposé par l'État.Les États-Unis choisissent d'abandonner la conscription sélective.

Ce passage à l'All-Volunteer Force entraina une véritable révolution militaire. Cette approche fut principalement critiquée par les sociologues de l'école de Chicago Janowitz et Mokos qui s'élevèrent contre cette professionnalisation des armées, car, l'armée y perdait sa spécificité et se banalisait. Pour eux le service militaire devait être considéré comme un service consubstantiel à la citoyenneté.

La professionnalisation des armées s'est ensuite radicalisée en Europe par le contexte stratégique né de la disparition de l'affrontement Est-Ouest. Elle est jusque là le plus souvent relative : elle tend aujourd'hui à devenir intégrale.

MorisJanowitz, considéré comme le père fondateur de la sociologie militaire, avait abordé pour la première fois l'organisation militaire en tant que « système ouvert » (système en interdépendance et en échange constant avec son environnement) dans son livre intitulé « The professionnal soldier » en 1960.

La thèse centrale de son ouvrage étant celle de la convergence croissante entre organisations militaires et civiles, il définit cette convergence par la civilisation des institutions militaires. Le titre assez révélateur, est amplement développé dans l'oeuvre dans la mesure où le sociologue établit un constat montrant que les institutions ont perdu leur spécificité martiale et s'apparentent de plus en plus aux institutions civiles notamment à travers l'intégration du corps civil dans l'institution militaire. Ce que nous appelons la civilianisation de l'institution militaire.

* 161 Cité par Thierry CYSIQUE, op. Cit. , P. 6.

* 162 Ibid. P. 7.

* 163Sébastien JAKUBOWSKI, cité in Kaya SUMBUL, « valeurs, métiers et action : évolutions et permanences de l'institution militaire », L'année Sociologique, Volume 61/2011, N° 2, Octobre 2011, consulté le 23 Mars 2015, URL : htttp//lectures.revues.org/7911

* 164Elyamine SETTOUL, Les évolutions de la sociologie militaire : entretien croisé sur l'engagement des militaires http://www.defense.gouv.fr/irsem/publications/lettre-de-l-irsem/les-lettres-de-l-irsem-2012-2013

* 165 La participation des militaires à la vie de la cité, Aout 2004, P.85 http://www.credoc.fr/pdf/Sou/militaires_vie_%20cite.pdf

* 166 Jean-François LEGER, « Pourquoi des jeunes s'engagent-ils aujourd'hui dans les armées ? », Revue française de sociologie, 2003/4Vol. 44, p. 713-734. DOI : 10.3917/rfs.444.0713, p 717 consulté le 27 Janvier 2015, URL : http://www.cairn.info/revue-francaise-de-sociologie-2003-4-page-713.htm

* 167 Patrice GOURDIN, op. cit.

* 168 Cité in Elyamine SETTOUL, op. Cit.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Qui vit sans folie n'est pas si sage qu'il croit."   La Rochefoucault