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Enjeux et pratiques de la mobilisation des compétences des migrants subsahariens du grand Lyon

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par Issopha NSANGOU
Université Paris 1 Panthéon Sorbonne ( IEDES ) - Master 2 Professionnel 2012
  

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Partie 4

LES MIGRANTS SUBSAHARIENS DU GRAND LYON,
LES ASSOCIATIONS ET LE CAPITAL HUMAIN

Cette partie engage une analyse des discours et des pratiques des migrants réunis en associations autour de la question des compétences, leur construction , développement et mobilisation (chapitre 7) et enfin le corpus de solutions proposées par les migrants eux-mêmes pour aller vers la construction d'une diaspora forte, intégré, en dépit des spécificités culturelles propres à chacun, de manière à mobiliser toutes les ressources et compétences disponibles et utiles afin de s'accompagner soi-même et accompagner l'ensemble des publics migrants subsahariens vers une intégration pleine et réussie (Chapitre 8).

Chapitre 7 : Discours et pratiques autour de la construction, la mobilisation et le développement des compétences (ou « Capacity building ») des migrants dans le Grand Lyon p. 141

Section 1. Les principales dimensions du concept de « compétence » 141

Section 2. Mobiliser les compétences des migrants pour réussir l'intégration 145

Section 3 : Pratiques et témoignages des associations des migrants subsahariens du Grand Lyon en matière de gestion des compétences

des migrants pour le développement et l'intégration 155

Chapitre 8 : Pour une diaspora forte, intégrée et entreprenante. Corpus de Préconisations par les acteurs associatifs eux-mêmes p.165

1. Entamer une révolution copernicienne au niveau des mentalités et des comportements 165

2. Engager une transformation structurelle en profondeur 166

3. La valorisation et la mobilisation des compétences au service des associations des migrants 166

4. Quel rôle pour les acteurs étatiques ? 167

141

Chapitre 7. DISCOURS ET PRATIQUES AUTOUR DE LA CONSTRUCTION, LA MOBILISATION et le DEVELOPPEMENT DES COMPETENCES DES MIGRANTS OU « CAPACITY BUILDING » DANS LE GRAND LYON

Ce chapitre tente de mettre en lumière l'impact des pratiques de mobilisation des compétences multiples des migrants en France, puis celle des acteurs associatifs, des entreprises et des institutions sur le processus d'intégration professionnelle et socioéconomique des immigrés dans les régions d'installation et ses implications sur les retombées des actions de développement des localités d'origine.

À travers cette section, nous analysons les modes de mobilisation des compétences individuelles et collectives observés au cours de notre enquête ayant au cours au sein de la communauté associative africaine du Grand Lyon, le recours aux compétences externes au réseau des migrants, aux dispositifs génériques du développement des compétences et les pratiques en la matière puis l'état des discussions relatives à la constitution des bases de données des compétences et annuaires de professionnels subsahariens et réseaux d'origines diverses.

Revenons toutefois dans un premier temps sur quelques éléments théoriques du concept de compétences.

Section 1. Les principales dimensions du concept de « COMPETENCE»

Le concept de « compétence » a pour principale caractéristique son hétérogénéité. C'est un terme polysémique dont la définition varie suivant les auteurs et la diversité des champs d'application : organisation du travail, mobilité interne, externe, rémunération, mise en place de changements organisationnels, management développement, etc... Nous y voyons cependant la capacité à réaliser les activités professionnelles attendues d'une personne dans le cadre du rôle qu'elle doit remplir, dans une organisation ou dans la société.

1. Les Compétences et l' « agir »

Pour les besoins de l'analyse de notre sujet d'enquête, dans la partie introductive de ce rapport, nous entendions par compétence un ensemble de connaissances théoriques et techniques acquises par la formation ou par l'expérience, mobilisables et surtout utiles à l'exercice d'une activité. En d'autres termes, l'ensemble des savoirs, savoir-faire et savoir-être mis en oeuvre dans un contexte donné. Dans le détail, nous verrions dans la compétence, avec certains auteurs dont Guy Le Boterf180, la combinaison de trois attributs :

- Le savoir-agir : c'est un savoir-faire opérationnel qui implique une capacité à rassembler les

ressources adéquates pour accomplir avec succès une tâche ou une mission précise ;

- Le vouloir-agir qui relève plutôt de la motivation à agir, de l'attitude, du savoir-être ;

- Le pouvoir-agir qui se rapporte lui à un contexte qui peut être plus ou moins contraignant, un

environnement, une conjoncture (une organisation de travail par exemple, un style de gouvernance...) qui vont influer sur le vouloir agir par exemple.

La compétence se situe à l'intersection entre les individus, leurs capacités, les structures organisationnelles et les activités à réaliser au sein, pour le compte et en dehors de celles-ci. Aussi, pour optimiser les compétences des

180 Guy Le Boterf, Professionnaliser. Le modèle de la navigation professionnelle, Paris, 2007.

142

migrants en vue de l'a réussite du processus d'intégration, faut-il prendre en compte à la fois la démarche individuelle au sens du développement des compétences individuelles , mais aussi la démarche organisationnelle au sens de la structuration associative la plus féconde possible au sens où l'organisation associative serait le lieu de génération et d'amélioration les capacités à agir socialement , professionnellement et économiquement des migrants.

2. Compétences, Performances et gestion des compétences

Les compétences sont l'essence même de la performance au sens où les premières contribuent à augmenter augmentent significativement les secondes. Si les compétences sont essentielles pour l'action, encore faut-il que celles-ci soient efficientes, d'où l'idée de de gérer mais aussi de développer les compétences de façon à produire des performances de meilleure qualité. De ce point de vue, les migrants disposant des compétences particulières peuvent être considérés comme des sources d'efficience et de richesse.

Les pratiques de gestion des compétences dans les organisations de travail telles les entreprises par exemple reposent traditionnellement sur différents types d'approches, selon Daniel Held et Jean-Marc Riss181, très souvent centrés exclusivement sur l'individu à travers sa formation de base, son savoir-faire opérationnel, sa personnalité ou sa manière d'aborder les problèmes. Or, la prise en compte de la notion de performance, qui ne va donc pas de soi, est indispensable. Held et Riss précisent ici la frontière de même que la corrélation existant entre les deux concepts : « La performance consiste à atteindre des résultats définis. La compétence pour sa part concerne la capacité à réaliser des d'activités, pour atteindre ces résultats. La compétence devient alors l'essence même de la performance et se situe au coeur de l'organisation apprenante ».

Le contexte concurrentiel au sein desquels évoluent les associations des migrants subsahariens dans le Grand Lyon est marqué par une réduction drastique du nombre d'associations partenaires de l'État dans la politique d'intégration et par la monopolisation des financements publics par les associations d'envergure régionale et nationale et par celles portant des offres de service aux publics en difficulté et reconnus d'utilité publique. L'efficience de ces services contribue à en assurer à la qualité. Ce contexte oblige par conséquent les associations des migrants à prendre en compte non seulement la nécessité de mobiliser l'ensemble des ressources disponibles et à en développer d'autres, mais aussi l'impératif de la performance qui tient à la qualité de l'action engagée. Il ne s'agit donc plus d'agir pour agir mais agir pour obtenir les résultats les plus efficaces possibles en termes de développement économique et social des publics visés.

Or la situation des associations des migrants rencontrées laisse davantage entrevoir une faiblesse des moyens humains et matériels, des capacités opérationnelles et de management stratégique. Ce déficit ne permettant pas d'accéder à la performance.

3. Déficit et Solutions de développement des compétences

Les causes des lacunes en matière des compétences au sein d'une organisation associative ou une entreprise, eu égard aux activités à réaliser et des résultats à atteindre, peuvent se rapporter selon les situations à :

- la non-identification et la non-mobilisation des acteurs individuels et collectifs qui en disposent, pour toutes sortes de raisons ;

181

Daniel Held et Jean-Marc Riss : « Le développement des compétences au service de l'organisation apprenante », Employeur Suisse, n°13, 1998. Les approches évoquées sont :

- Approche basée sur les savoir-faire

- Approche basée sur les connaissances, le savoir

- Approche basée sur les comportements

- Approche intégrant les savoir, savoir-faire et savoir-être

- Approche basée sur les « compétences cognitives »

143

- l'écart important entre les niveaux des compétences attendues et les compétences disponibles ;

- Le manque des savoirs : que l'on peut exprimer par la formule « je n'ai jamais fait cela, ni même abordé la question », ce que nous avons souvent entendu au cours de notre enquête concernant les pratiques d'accueil et d'intégration formelle des migrants par les associations des migrants subsahariens ;

- Le comportement indispensable non acquis eu égard au contexte économique, culturel et social : difficulté d'adaptation aux règles et normes de management, d'organisation, le déficit de la culture du contrat et de la parole donnée, la non-maîtrise des procédures ;

- Le déficit personnel plus profond : la peur d'aborder les conflits par exemple ou de sortir du connu, de sa zone de confort, la faible tendance à la prise de risques, à l'élargissement de son horizon opérationnel, partenarial, social ...)182

Aussi, dans l'optique de maîtriser son activité, des mesures spécifiques et individualisées peuvent-elles permettre de développer les compétences manquantes des acteurs associatifs, au sein ou à l'extérieur du réseau, pour chaque action ou groupe d'actions :

- Améliorer les savoirs généraux, spécifiques et pratiques, la connaissance : pour en revenir à notre étude, il peut s'agir de donner accès aux acteurs, par la formation ou les sessions d'information collectives, à l'ensemble des renseignements (bien informationnel) dont il vaut mieux disposer pour agir plus efficacement dans un contexte qui apparait fortement concurrentiel. Ce sont entre autres données :

· Les dispositifs législatifs et opérationnels des politiques d'intégration et d'insertion au niveau national et leur déclinaison au niveau local,

· les publics, les champs d'intervention et zones géographiques prioritaires au sein du périmètre départemental d'action,

· les marchés des subventions publiques et privées et former à la pratique d'une veille stratégique (internet, presse, journal officiel, etc.) pour être au fait quand il y a lieu de l'ouverture des marchés publics à tous les échelons administratifs : commune, département, région, État, Europe, fondations, mécénat, etc. ;

· les problématiques et profils socio-économiques et culturels des publics cibles (migrants jeunes, âgés, femmes, résidants des quartiers prioritaires de la politique de la ville, etc.) ;

· les associations partenaires de l'État qui constituent la concurrence au niveau local, régional et national ;

· les méthodes et procédures efficientes de réponse aux appels d'offres et appels à projet, de même que les process de montage , suivi et évaluation et optimisation de l'efficacité des projets d'insertion en direction des migrants dans le Grand Lyon ;

· L'identification des acteurs clés (associations, entreprises, institutions, particuliers) pour construire des partenariats stratégiques gagnant-gagnant sur le long terme.

- Développer et renforcer les savoir-faire c'est-à-dire les méthodes appliquées pour la gestion d'un projet, la maîtrise des procédures institutionnelles et techniques, les recours aux expertises externes, les techniques de management, d'encadrement;

- Améliorer et gérer au mieux les savoir-être : les comportements individuels et collectifs, la motivation des membres de la communauté, la valorisation des ressources humaines, les « bonnes ou mauvaises raisons » qui poussent à agir ou pas ;

- Détecter et tirer parti du potentiel intellectuel et personnel des acteurs au sein de l'organisation. Ce point peut faire référence par exemple à la manière d'aborder les sujets et leurs enjeux (concepts, analyses et stratégie à mettre en oeuvre...) et les problèmes concrets (adaptation aux situations nouvelles, équilibre personnel, valorisation, image et estime de soi...)

182

Daniel Held et Jean-Marc Riss, idem.

144

Ainsi, lorsque ces déficits sont comblés et le degré de maîtrise de l'activité dépasse les attentes, il peut en résulter « des « réserves » de compétences, qui peuvent être utilisées pour d'autres projets ou missions, ou pour former d'autres collaborateurs »183.

Cependant, pour agir dans ce sens, encore faut-il que les acteurs cibles des actions du développement des compétences le veuillent. Le vouloir-agir est d'autant plus essentiel que les associations subsahariennes du Grand Lyon ont adopté quasiment toutes un modèle économique reposant essentiellement sur le bénévolat. Parmi toutes celles que nous avons enquêtées et ayant consulté différents supports répertoriant les associations qui salarient dans le Rhône, seule le COSIM salarie une très infime parti de son personnel.

Cela étant, le désir de combler un déficit de compétences relatives à une activité donnée ne peut émaner que du bénévole lui-même si cette initiative entre en résonnance avec ses objectifs professionnels ou personnels et si ceux-ci sont en adéquation avec ceux de l'organisation. L'initiative peut aussi résulter d'une action de l'organisation elle-même qui va amener le bénévole à améliorer ses compétences par la valorisation des atouts exprimés et non-exprimés, du potentiel (ses capacités virtuelles) de ce dernier, ou encore en lui confiant des responsabilités plus importantes.

Le développement des compétences individuelles s'accompagne d'une amélioration des compétences de l'équipe (salariés et/ou bénévoles) sur laquelle repose l'organisation associative ; l'équipe étant vue ici non plus comme une somme de compétences individuelles disponibles, mais comme une « dynamique créée par des individus, aux profils variés, mobilisés par le fait de réussir ensemble un projet, une mission». Et dans la perspective du développement des compétences de l'équipe, HELD et RISS déjà cités estiment qu'il faut :

« (...) obtenir l'adhésion de tous par rapport à la mission et aux objectifs, valoriser au mieux les complémentarités, par rapport à l'ensemble des activités à remplir dans le cadre de l'équipe, clarifier les règles du jeu, pour favoriser un feedback permanent, source de progression pour chacun. Connaître les profils individuels de chacun (compétences, potentiels et objectifs) se révèle alors essentiel pour la dynamisation des équipes. La performance des organisations en profitera directement ».

L'organisation elle-même n'échappe pas à cet impératif du renforcement des compétences dès lors qu'elle vise la performance, la pérennité et la participation de toutes les parties. En orientant l'organisation vers une politique de développement permanent des compétences, les migrants feraient alors de l'association un espace de construction et de génération du capital humain en même temps que de la construction et la reconnaissance identitaires. En somme l'acquisition des compétences supplémentaires est un avantage collatéral, un effet intentionnel qui va apporter à la structure associative des ressources complémentaires pour l'atteinte de ses objectifs. C'est par cet investissement massif et permanent sur le développement humain qu'une organisation dite « apprenante » définit les conditions de la performance.

En résumé, la mobilisation des compétences des migrants en vue contribuer à la construction de l'agir social et économique des immigrés en France et donc d'accompagner le processus pour une intégration réussie, implique de prendre en compte les Hommes, les Moyens de l'action et le Contexte de l'action, tryptique qui rejoint la triple dimension qui fonde l' « agir » : le savoir-agir, le vouloir-agir et le pouvoir-agir.

Les associations des migrants subsahariens du Grand Lyon sont-elles motivées agir dans le sens de leur pleine participation aux actions publiques et privées d'accompagnement des immigrés à l'insertion socio-économique ? Si oui, disposent-elles des savoir-faire opérationnels pour ce faire ? Dans quelle mesure peuvent-elles agir en matière par exemple des mobilisations des ressources financières, relationnelles, cognitives, institutionnelles, culturelles dont pourraient disposer leurs pairs au niveau local ? Et comment agissent-elles en ce sens précisément.

183

Daniel Held et Jean-Marc Riss, idem.

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard