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Le maintien de l'ordre public en haute mer

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par Sophie Ruth ABE SAMBA
Institut des Relations Internationales du Cameroun (IRIC) - Master II option Contentieux International 2013
  

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SECTION II : LES MECANISMES DE REPRESSION

Ces mécanismes reposent d'une part sur une procédure (Paragraphe I) bien précise qui est l'intervention, et d'autre part sur les sanctions (paragraphe II) qui sont les conséquences de toute atteinte à l'ordre public en haute mer en matière répressive.

PARAGRAPHE I : LA PROCEDURE : L'INTERVENTION

L'intervention en haute mer est un corolaire de la compétence de la loi de l'Etat du pavillon, dans la mesure où l'Etat peut exercer ses pouvoirs de police en haute mer. Ainsi l'Etat exerce la police maritime uniquement à l'égard de ses navires, aux fins de respect des règles internationales de la navigation et de la pêche. Toutefois, ce principe préconise l'autorisation de l'Etat du pavillon pour que les autres Etats puissent intervenir193(*).

Les modes d'intervention diffèrent en fonction de l'action illicite à laquelle les navires de guerre se trouvent confrontés, mais aussi en fonction du droit applicable : droit national, international, ou conventions particulières. L'intervention s'articule autour du principe de la compétence de la loi de l'Etat du pavillon (A) et ses exceptions (B).

A- Le principe de la compétence de la loi de l'Etat du pavillon

On peut considérer l'intervention en haute mer comme la base de l'exercice des pouvoirs de police194(*) de l'Etat en haute mer. Il ne s'agit pas d'analyser les procédures judiciaires, vu qu'elles sont majoritairement pareilles, qu'on soit devant les juridictions nationales ou internationales. Il s'agit plutôt d'analyser les différentes opérations195(*) de contrainte dont disposent les Etats pour intervenir en haute mer. Les techniques d'intervention s'effectuent à bord du navire (1) et en mer (2).

1) Les techniques d'intervention à bord du navire

Selon la CNUDM, les actions de police doivent être menées par les navires affectés à un service public ou par les aéronefs de guerre et assimilés. Le navire de guerre est le représentant de l'Etat du pavillon dont il aborde le pavillon196(*). Il agit en matière de police à l'encontre des navires marchands ou de plaisance de sa nationalité, quelle que soit la zone considérée. Ces différentes techniques sont encadrées dans la CNUDM aux articles 107 et 110.

Ainsi, l'approche197(*) consiste à manoeuvrer de façon à reconnaître les signes extérieurs de la nationalité d'un navire. La reconnaissance198(*) consiste à s'assurer de l'identité et de la nationalité d'un navire privé rencontré en mer en l'invitant à hisser son pavillon ; elle peut être effectuée à l'égard de tout navire privé en haute mer, sans condition particulière. Par ailleurs, sa portée est limitée dans la mesure où elle ne s'exerce que dans les cas de piraterie, traite, émissions pirates, absence ou refus pour un navire d'arborer son pavillon.

L'enquête a pour but de vérifier la nationalité du navire et son droit à arborer le pavillon qu'il présente, et est autorisée en vertu de la « sûreté des navigateurs paisibles199(*) ». L'Etat interviendrait donc pour une mission de protection rapprochée. En cas de refus du navire suspect, le navire de guerre va tirer un coup de boulet qui devrait interpeller l'autre navire de son intention d'avoir recours à des mesures plus coercitives200(*).

La visite à bord a lieu après une reconnaissance active du navire suspect et doit de ce fait reposer sur des soupçons sérieux. Cette visite se divise en deux opérations : l'examen des papiers de bord (enquête de pavillon) et la perquisition, c'est-à-dire l'examen de la cargaison et l'interrogatoire de l'équipage. Ce n'est que si les soupçons persistent, après vérification, que le navire suspect pourra être soumis à l'examen des intervenants, mais « avec tous les égards possibles.201(*)Lorsque les circonstances l'exigent, le navire peut être arrêté et redirigé vers un port de sa nationalité ou de celle de l'Etat du navire intervenant.

Le déroutement vise à assurer l'effectivité du contrôle en mer dans le cas où l'accès à bord est refusé ou matériellement impossible, en raison des conditions météorologiques notamment. Il peut aboutir à l'immobilisation du navire, c'est-à-dire à la saisie du navire et de sa cargaison pour prouver ou sanctionner une infraction commise en mer. Lorsque la pollution par les hydrocarbures en haute mer est constatée, le navire doit se rapprocher de l'Etat côtier afin de déterminer le port dans lequel l'inspection sera effectuée202(*). Cette procédure peut également être effectuée en cas d'abordage203(*). A présent il convient d'étudier les autres techniques d'intervention notamment en mer.

2) Les techniques d'intervention en mer

Ces techniques s'effectuent lorsque le navire ne peut intervenir à bord d'un autre navire pour diverses raisons notamment du fait du principe de son intervention (escorte et accompagnement), du fait de la non coopération du navire interpellé (poursuite) et dans les cas extrêmes de destruction.

Une distinction doit être faite entre l'accompagnement et l'escorte. Dans le premier cas, le navire accompagnant n'a pas la lourde charge de la responsabilité de celui qu'il accompagne. C'est l'accompagné qui décide de choisir un navire accompagnant, qui adopte une position neutre. Contrairement à l'accompagnement, le navire escorteur endosse la responsabilité de celui qui l'accompagne, car il s'agit du placement de l'escorté sous le contrôle opérationnel de l'escorteur.

Suite à l'appel du Programme Alimentaire Mondial en 2007, il y a ainsi eu l'opération Alcyon, afin de protéger les navires du PAM acheminant l'aide humanitaire en Somalie204(*). Cette opération a été relayée par le Canada, le Danemark et les Pays-Bas.

Trois cas de figures sont à distinguer en ce qui concerne le champ d'application de la poursuite205(*). On parlera de poursuite chaude qui commence dans les eaux territoriales et qui se poursuit en haute mer. Il s'agit d'un transfert en haute mer des compétences de police exercées par le riverain206(*) dans ses zones sous souveraineté ou sous juridiction. Le droit de poursuite chaude207(*) a pour fondement la commission d'une infraction constituant une atteinte à la souveraineté et la sécurité de l'Etat côtier, alors que le navire tiers transitait dans ses eaux. L'Etat côtier peut donc le poursuivre en haute mer, l'arraisonner, le dérouter vers l'un de ses ports, et sanctionner les auteurs de l'infraction. Le TIDM a reconnu la condition du lien avec l'Etat de contravention, dans son arrêt du 1erjuillet 1999 rendu dans l'Affaire du Saïga208(*).

Le droit de suite est l'inverse du droit de poursuite chaude dans la mesure où la poursuite commence en haute mer et se poursuit dans les eaux territoriales. De ce fait, le navire intervenant pourra le poursuivre le navire contrevenant même à l'intérieur de ces eaux, à la seule condition d'en avoir pour cela reçu au préalable l'accord de l'Etat côtier. Le problème n'est toutefois pas pour autant résolu, puisque le plus souvent cette poursuite demeure impossible, le temps de requérir l'accord et d'en recevoir la réponse étant beaucoup trop long pour une poursuite qui a lieu en temps réel. C'est pourquoi l'accord préalable, par convention209(*) bilatérale par exemple, serait bien préférable.

Le recours à la force, en ce qui concerne la destruction d'un navire, interdit par le droit international, peut être autorisé dans le cadre de l'article 51 de la Charte des Nations Unies en cas de légitime défense. Ainsi un navire qui serait en situation de légitime défense pourrait être amené à détruire le navire menaçant. Cela pourrait par exemple se produire lors d'un arraisonnement en cas de résistance des occupants ; mais aussi en cas de grave pollution, comme cela a été le cas dans l'affaire du Torrey Canyon.

Par ailleurs, l'application stricte du principe de la compétence de la loi de l'Etat du pavillon serait un obstacle à l'efficacité de la répression en haute mer, dans la mesure où certaines infractions seraient restées impunies, résultant de la rigidité du droit international.

B- Les exceptions au principe

Il s'agit d'une part l'intervention des navires étrangers et les autorisations du CSNU (1), et d'autre part les autres exceptions (2) liées à l'extension de la compétence d'intervention à d'autres organismes.

1) L'intervention des navires étrangers et les autorisations du CSNU

La CNUDM a prévu trois cas de figures offrant la possibilité aux navires étrangers d'intervenir en haute mer. Ce qui permet ainsi de pallier aux difficultés de répression dues à une application stricte de la compétence de la loi du pavillon. L'originalité du régime juridique de la piraterie est que les navires publics de tous les Etats ont le droit de contrôler, visiter, arraisonner les navires suspects et de capturer les coupables. Dans ce cas s'applique le principe de juridiction pénale internationale, en vertu duquel les Etats capteurs ont compétence pour juger les individus auteurs des infractions.

Ensuite, l'article 110 de la CNUDM permet aux navires et aéronefs, militaires ou autorisés à cette fin, de tout Etat, d'arraisonner ou de visiter tout navire suspecté de se livrer à la traite d'esclaves.

Enfin, l'article 109 de la CNUDM habilite non seulement les Etats qui disposent d'un titre de compétence juridique à l'égard des biens utilisés par les stations et des personnes, mais aussi tous les Etats qui reçoivent les émissions ou subissent un brouillage, à intervenir en matière de répression des émissions de radio non autorisées en haute mer. Les personnes peuvent être arrêtées et les biens saisis, dans un souci d'efficacité maximum.

Les résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies peuvent apparaître comme des palliatifs du droit international et peuvent autoriser l'intervention des Etats sur la base du Chapitre VII de la Charte des Nations Unies210(*).Ainsi selon la résolution 1816 du 2 juin 2008, le Conseil a permis aux navires de guerre des Etats étrangers de continuer la poursuite des pirates dans les eaux territoriales somaliennes, après l'accord de l'Etat côtier211(*).La résolution 1851 du 16 décembre 2008 va plus loin et autorise le droit de suite à terre, mais uniquement pour les Etats dont la liste a été préalablement dressée par le gouvernement transitoire somalien, et dont la France fait partie. Aussi, ces résolutions du Conseil de sécurité ne constituent en rien une déclaration d'un droit nouveau, mais permettent de combler des insuffisances dans une situation bien précise, notamment celle de la piraterie dans le Golfe d'Aden212(*). Les résolutions du conseil permettent ici de pallier le droit international afin de résoudre une crise d'impact mondial dans le souci de préserver la paix et la sécurité internationales.

2) Les autres exceptions

Ces exceptions portent non seulement sur l'extension de la compétence d'intervention aux navires étrangers, dans les domaines où la CNUDM a prévu le droit exclusif des Etats pavillon ; mais aussi sur l'extension de ces compétences à certains organes. En ce qui concerne l'intervention des navires étrangers pour des trafics de stupéfiants la Convention des Nations Unies contre le trafic illicite de stupéfiants et de substances psychotropes du 19 décembre 1988, dite Convention de Vienne, a mis en vigueur de nouvelles dispositions internationales et posé les bases d'une véritable coopération. Ainsi, l'article 17 de cette Convention prévoit qu'une partie qui, pour des motifs raisonnables, soupçonne qu'un navire se livre au trafic illicite de drogue, cet Etat   peut le notifier à l'Etat du pavillon, demander la confirmation de la nationalité du navire. Si cette nationalité est confirmée, l'Etat partie peut demander à cet Etat l'autorisation de prendre les mesures appropriées à l'égard de ce navire. L'article 4 de la Convention de Vienne introduit par ailleurs la possibilité pour les Etats parties, au travers des accords développés en application de l'article 17, de déroger au principe de compétence exclusive de l'Etat du pavillon, et de prévoir les conditions dans lesquelles l'Etat intervenant pourra poursuivre et juger les auteurs d'infractions à la législation sur les stupéfiants commises en haute mer, à bord des navires battant pavillon de l'autre partie213(*).

Dans le domaine de la pêche, la CNUDM (articles 61,62, 117 à 120) impose aux Etats de conserver les ressources biologiques de la haute mer et des eaux internationales, et de coopérer tant pour la conservation que pour la gestion de ces ressources. Par ailleurs, cette coopération est mise en oeuvre par les organisations régionales, sous régionales ou mondiales des pêches214(*). Ainsi, ces Etats sont habilités à contraindre le navire présumé en infraction à s'arrêter. Ils peuvent procéder à une enquête à bord et établir un rapport. Les Etats parties conservent cependant le monopole en matière répressive. La surveillance commune repose ainsi sur une sorte de mandat mutuel auquel les parties consentent.

Le Protocole additionnel de Palerme du 15 novembre 2000 contre le trafic illicite de migrants par terre, air et mer, en son article 8, reprend le même mécanisme que celui mis en place pour la lutte contre le narco trafic. Il permet ainsi à un Etat de déléguer ses pouvoirs de police à un autre Etat qui apparaît mieux à même de les exercer. Ce texte s'applique aux activités transnationales avec implication d'un groupe criminel organisé, ce qui en réduit sa portée. L'Etat intervenant peut demander confirmation de l'immatriculation à l'Etat du pavillon, et autorisation d'intervenir et de prendre les mesures nécessaires : arraisonnement, visite, ou autres mesures autorisées par cet Etat. Suite à ces différents développements de l'intervention en haute mer, il paraît primordial d'étudier les questions de sanction qui font partie des finalités de la répression avec l'effet dissuasif.

* 193 Nous précisons ici que Ce principe exclut donc (ou plutôt évite) la constitution d'une police universelle de la haute mer, afin d'assurer et de conserver la liberté de cet espace.

* 194 Du point de vue matériel, la police désigne les modalités de l'action publique visant soit à prévenir les troubles à l'ordre public, soit à réprimer les infractions.

* 195 Ces opérations s'effectuent très souvent à l'aide de moyens sophistiqués.

* 196Selon la CMB, les actions de police doivent être menées par les navires affectés à un service public ou par les aéronefs de guerre et assimilés.

* 197Selon la Commission de droit international (1950), le droit d'approche, ainsi que la vérification du pavillon, est la seule exception de droit coutumier au principe général interdisant toute ingérence en haute mer dans la navigation d'un navire battant pavillon d'un autre Etat en temps de paix.

* 198C'est le premier stade permettant de confirmer ou non les soupçons que l'on peut avoir sur un navire tiers.

* 199 WAHAB BIAD (A.), « La lutte contre la prolifération des armes de destruction massive à la croisée des chemins »in AFRI, vol.5, 2004, p. 772.

* 200 DUMOUCHEL (A-C.), Les atteintes à la sûreté en haute mer, Université de Panthéon-ASSAS-Paris, 2009, P. 83.

* 201Si le navire intervenant agit alors que les soupçons s'avèrent finalement infondés, la responsabilité de l'Etat de son pavillon pourra être engagée et l'indemnisation de toute perte ou tout dommage sera due au navire inspecté, mais à la seule condition qu'il n'ait commis aucun acte le rendant suspect (Art. 110 alinéa 2 de la CNUDM).

* 202MONTEIL (L.), L'évolution de la répression pénale de la pollution maritime par les hydrocarbures, CDMT, Université de Droit d'Economie et des Sciences d'Aix-Marseille III, P.97.

* 203Affaire Sokalike contre Ocean Jasper 2007.

* 204 Cette opération a débuté en 2007, assurée par la France de novembre 2007 à février 2008, ce qui a permis l'acheminement par le PAM de 300 000 tonnes de nourriture.

* 205 D'abord le cas dans lequel le navire est poursuivi des eaux territoriales en haute mer ; ensuite celui dans lequel le navire est poursuivi de la haute mer dans les eaux territoriale et enfin celui dans lequel les occupants du navire seraient poursuivis à terre.

* 206 Ce droit de poursuite peut être exercé en haute mer par un Etat côtier à l'encontre d'un navire civil battant pavillon d'un Etat tiers qui a commis une infraction à ses lois et règlements dans les eaux intérieures, la mer territoriale, la zone contiguë ou la ZEE.

* 207 Les conditions d'exercice de ce droit sont encadrées par l'article 11 de la CNUDM.

* 208TIDM, arrêt rendu le 1er juillet 1999 dans l'affaire du Saïga, R.G.D.I.P. 2000, p.514.

* 209L'autorisation du Conseil de sécurité (Résolution 1816) dans le cadre de la lutte contre la piraterie au large de la Somalie est ici très intéressante, et surtout très efficace, puisque permettant par avance la poursuite d'un navire pirate dans les eaux territoriales somaliennes ; il s'agit là d'une exception donnée uniquement pour la Somalie, et qui n'est pas valable ailleurs.

* 210Le Conseil de sécurité est intervenu à plusieurs reprises au titre de la lutte contre la piraterie dans le Golfe d'Aden, par le biais de résolutions dans la mesure où la piraterie est considérée comme une menace la paix et à la sécurité internationales.

* 211 Il en est de même pour la résolution 1838 du 7 octobre 2008

* 212DUMOUCHEL (A-C.), Les atteintes à la sûreté en haute mer, Université de Panthéon-ASSAS-Paris, 2009, P. 80

* 213C'est sur ce fondement qu'ont été conclus notamment le Traité du 23 mars 1990 entre l'Italie et l'Espagne pour la répression du trafic illicite de drogue par mer et l'Accord du Conseil de l'Europe relatif au trafic illicite par mer du 31 janvier 1995.

* 214D'une façon générale, les modalités du contrôle sont déterminées au sein de chaque OIP : procédure d'inspection mutuelle adoptée par l'Organisation des Pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO) avec embarquement d'observateurs à bord des navires de pêche, schéma de contrôle de la Commission des Pêcheries de l'Atlantique Nord-Est (CPANE), etc.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld