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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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B - Des perceptives incertaines

Ce conditionnement des différents canaux d'alerte fait état de carences dans la réception ou le traitement de l'alerte. Afin de juguler cette instabilité, des solutions, propices à un meilleur protectionnisme, doivent être prises. D'une part avec l'élaboration d'une unique autorité de contrôle indépendante (1), d'autre part avec l'ouverture de supports informatiques (2).

1 - L'instauration d'une autorité de contrôle indépendante

Dans les pays anglo-saxons, des autorités ou fondations indépendantes ont été implantées pour analyser les alertes et prendre en charge les lanceurs201. Ces autorités ont limité la

200 Pour rappel, un Inspecteur du travail peut également être poursuivi suite à une dénonciation. En la matière, l'affaire de Laura Pfeiffer est marquante. Inspectrice du travail, elle a été condamnée en première et deuxième instance pour avoir transmis à des syndicats des documents confidentiels appartenant à TEFAL faisant état de pratiques douteuses exercées contre elle par la multinationale. Elle a été condamnée pour violation du secret professionnel et recel de documents volés à 35000 euros d'amende avec sursis par la Cour d'appel de Chambéry le 16 novembre 2016.

201 Dès les années soixante-dix, aux États-Unis, l'Office of Special Counsel voit le jour. Elle est créée par la loi Civil Service Reform Acte de 1978 qui protège les agents fédéraux lanceurs d'alerte. La même année est instituée une fondation juridique reconnue d'utilité publique, dont l'objectif est la défense des lanceurs d'alerte (Government Accountability Project ou GAP). En Angleterre, une autorité régulatrice voit le jour en 1993 nommée Public Concern at Work.

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crainte, pour les individus, de révéler des informations puisque des outils utiles à un bon traitement de l'alerte ont été posés ; tels la confidentialité, des pouvoirs d'investigation importants, des instruments permettant la levée de certains secrets, l'analyse de la bonne ou mauvaise foi du lanceur, etc. Comme le relève Nicole Marie Meyer « En Angleterre l'autorité Public Concern at Work, a permis le traitement de plus de 20 000 alertes, dont 74 % avaient été lancées en vain en interne ». Elle ajoute que « 86 % des cadres britanniques déclarent, aujourd'hui, ne pas craindre de faire un signalement contre seulement 54 % de leurs homologues européens »202.

Face à des dispositifs incomplets et hétérogènes, certains préconisent l'instauration de telles autorités administratives indépendantes en France. En effet, les autorités de régulation ne sont compétentes que pour des domaines particuliers (à l'instar du SCPC en matière de corruption), ne disposent d'aucun pouvoir d'enquête, ni de moyen pour mettre fin aux atteintes dénoncées (à l'instar de la CNDA). Enfin, dans plusieurs cas, les lanceurs d'alertes ne peuvent les saisir directement.

Créé par la loi du 29 mars 2011, le Défenseur des droits est une autorité indépendante disposant de pouvoirs d'instruction, recevant des plaintes portant en particulier sur des questions de discriminations. Il aide les personnes à engager des procédures et le secret de l'instruction ne peut lui être opposé lors de ses investigations. Il ne peut intervenir que dans le cas de lanceurs d'alerte faisant l'objet de discriminations. Son champ d'action est, dès lors, limité. D'une part, il ne peut être compétent pour la protection de lanceurs d'alerte « catégoriels », tels que les agents de renseignement dénonçant des abus à la vie privée. D'autre part, il n'a aucun pouvoir en matière de protection contre d'éventuelles mesures de représailles (cette protection relève, a priori, du juge judiciaire ou administratif selon les cas).

C'est pour ces raisons que le Conseil d'État, dans son étude récente sur le droit d'alerte203, a recommandé d'étendre les compétences du Défenseur des droits à la protection, dès le lancement de l'alerte, des lanceurs d'alerte s'estimant victimes de mesures de représailles.

Toujours dans son étude sur le droit d'alerte, le Conseil d'État privilégie l'obligation de désigner des personnes chargées de recueillir l'alerte interne et externe dans l'ensemble des administrations de l'État, des établissements de santé et des grandes collectivités territoriales. Ces destinataires de l'alerte pourraient être une inspection générale, un comité d'éthique ou de

202 N. MARIE MEYER, « Le droit d'alerte en perspective : 50 années de débats dans le monde », Revue AJDA n°39, Dossier Les lanceurs d'alerte, 24 novembre 2014, p. 2243-2248.

203 Etude Conseil d'Etat « Etude sur le droit d'alerte : signaler, traiter, protéger », La Documentation Française, adoptée par l'Assemblée plénière le 25 février 2016 (proposition 15).

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déontologie ou un référent déontologue. Ils devront disposer d'une autonomie suffisante et être placés à un niveau élevé de la hiérarchie. Cette proposition entérine l'idée d'une autorité administrative indépendance chargée de recueillir et de traiter les différentes alertes. Il préconise également d'étendre la compétence de la Commission nationale de la déontologie et des alertes, créée par la loi Blandin de 2013, au-delà du seul champ sanitaire et environnemental, plutôt que de créer une autorité unique en charge du traitement de l'alerte.

Néanmoins, l'instauration d'une autorité administrative indépendante serait une amélioration dans la protection des lanceurs d'alerte. Elle aurait de vaste pouvoir d'investigation, ses compétences s'étendraient à plusieurs champs d'alerte (financier, économique, sanitaire, environnemental, atteintes graves aux personnes tels que les trafics d'êtres humains ou pédopornographiques, etc.), elle pourrait filtrer et analyser les alertes avant de les transmettre aux autorités compétentes (procureur de la République, Autorité des marchés financiers, Inspecteur du travail, etc.), elle serait une coordinatrice et un relais entre les différents acteurs et institutions. Elle prendrait, également, en charge le lanceur d'alerte. Développant un dialogue nécessaire avec lui, elle l'aiderait dans cette phase délicate tout en contrôlant la véracité des informations, le bien-fondé de l'alerte et les motivations de l'individu. William Bourdon préconise une composition pluraliste au sein de cette autorité204. Des supports électroniques gérés par l'autorité (et non par les entreprises) permettraient, de manière confidentielle, de recevoir et de traiter les alertes. L'autorité assurerait la confidentialité du lanceur. Celle-ci pouvant être levée avec le consentement de l'individu. Sa saisine ou auto saisine directe fournirait au lanceur d'alerte une protection durant le temps de l'instruction. Pouvant empêcher toute mesure vexatoire et assurer le maintien de salaire pour le lanceur d'alerte. Cette autorité, après investigations, pourrait émettre des avis consultatifs à joindre ultérieurement au dossier judiciaire. Ceux-ci permettant de débattre dans le prétoire de justice du bien-fondé de l'alerte et de la pertinence des poursuites engagées contre le lanceur. En effet, rappelons que l'autorité pourrait limiter les représailles envers le lanceur d'alerte mais l'intérêt à agir d'une action en justice d'une entreprise ou d'une institution ne peut être retiré. Si celle-ci persiste dans son action judiciaire contre le lanceur d'alerte, l'avis consultatif procurerai, lors des débats, une réflexion extérieure au dossier judiciaire.

Garante du bon fonctionnement de la loi, son indépendance absolue à tout autre organisme et instruction légitimerait les actions entreprises.

204 « L'assemblée nationale devra choisir les représentants qui la composeront. La majorité et l'opposition devront être à parité afin d'en assurer une composition pluraliste, qui sera aussi plurielle, des représentants de la société civile et du monde professionnel devant s'ajouter aux politiques. (É) Cette autorité devra comporter une commission d'arbitrage, notamment dans le cas épineux des obstacles que peuvent constituer les secrets, y compris pourquoi pas le secret défense » - W. BOURDON, Petit manuel de désobéissance citoyenne, Editions JC Lattès, février 2014, p. 147-217

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"Piètre disciple, qui ne surpasse pas son maitre !"   Léonard de Vinci