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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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2 - Les prémices d'une jurisprudence à un déploiement aux lanceurs d'alerte ?

C'est dans le cadre des procès contre les Faucheurs volontaires d'OGM que l'état de nécessité a été mis en avant. Le mouvement des Faucheurs volontaires307, créé en 2003 sur le plateau du Larzac, s'attaque à la prolifération des cultures OGM en détruisant les parcelles d'essais transgéniques et d'OGM. Qualifiés par le droit pénal et civil de destruction grave du bien d'autrui en réunion, ces actes constituent un délit dont la peine maximale est de cinq ans d'emprisonnement et 75 000 euros d'amende.

306 Article 122-7 du Code pénal : « N'est pas pénalement responsable la personne qui, face à un danger actuel ou imminent qui menace elle-même, autrui ou un bien, accomplit un acte nécessaire à la sauvegarde de la personne ou du bien, sauf s'il y a disproportion entre les moyens employés et la gravité de la menace ».

307La défense des Faucheurs s'appuie sur la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 qui rappelle le droit de résistance à l'oppression. Les sympathisants des Faucheurs affirmant qu'ils agissent selon les principes de non-violence et de désobéissance civile. Leurs opposants considèrent que la destruction doit être condamnée car elle freine la recherche.

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Pour le fauchage d'un essai de maïs OGM à Menville le 25 juillet 2004, les avocats des Faucheurs demandaient la relaxe en vertu de l'état de nécessité et sur ce fondement mettaient à jour un nouveau fait justificatif intitulé « exception de citoyenneté ». Celui-ci n'apparaissant nullement dans le droit positif français.

Lors du jugement du 9 décembre 2005308 une avancée ostentatoire sera faite par les juges correctionnels dans une affaire de fauchage d'OGM par les Faucheurs volontaires.

Le Tribunal Correctionnel d'Orléans va relaxer les prévenus sur le fondement de l'état de nécessité, après en avoir analysé chaque élément constitutif. C'était une première jurisprudentielle 309 . Mis à part cette exception, le parcours judiciaire des Faucheurs volontaires est jonché d'appel et de cassation refusant l'état de nécessité. En effet, de nombreuses audiences suivront le jugement de 2005 qui toutes infirmeront cette première décision. Néanmoins, selon William Bourdon, « Le verdict rendu par le Tribunal correctionnel d'Orléans restera dans les annales judiciaires de la désobéissance citoyenne en France comme un précédent exemplaire »310.

Dans le cadre du procès contre les Déboulonneurs l'état de nécessité a également été mobilisé. Le Collectif des Déboulonneurs, créé en 2005, dénonce la publicité agressive qui envahie l'espace publique et harcèle les citoyens. Il lutte contre son excroissance et a lancé une action d'envergure nationale contre le système publicitaire. Selon eux, en pratiquant la dégradation non violente des panneaux publicitaires et la réduction des tailles d'affiches, leurs actions se situent sur le terrain de la désobéissance civile. Pour des faits du 28 février 2009 au métro Pigalle, six membres du collectif comparaissaient devant le Tribunal Correctionnel de Paris le 25 mars 2013. Au cours de cette audience, l'état de nécessité sera accepté par les juges, qui vont relaxer les prévenus311. En effet, les juges vont estimer que « devant la nocivité pour la santé de certaines publicités, à l'origine du décès d'un nombre non négligeable de personnes, il peut être considéré que de commettre des contraventions de dégradations légères, est proportionné au danger de maladie ou de mort couru par ces personnes »312.

Les jugements évoqués concernaient des collectifs obéissants à la désobéissance.

308 T. Corr. d'Orléans, 9 décembre 2005, n0 2345/S3//2005, Mouvement Faucheurs Volontaires c/ Société Monsanto

309 Voir annexe 7, p.151

310 W. BOURDON, Petit manuel de désobéissance citoyenne, Editions JC Lattès, février 2014, p. 55-217

311 Voir annexe 7, p.151

312 T. Corr. de Paris, 12ème Chambre, 25 mars 2013, n° parquet 09317034048, Collectif des Déboulonneurs c/ Société JCDecaux http://www.deboulonneurs.org/article656.html

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La question des lanceurs d'alerte et de l'état de nécessité est apparue dans l'affaire de l'ancien policier Philippe Pichon et des fichiers STIC (précédemment examinée)313.

Poursuivi pour les chefs de violation du secret professionnel, d'accès frauduleux à un système automatisé de données, son audience s'est déroulée le 22 octobre 2013 à la 17ème Chambre correctionnelle du TGI de Paris. Le Tribunal l'a condamné à une peine symbolique de 1500 euros d'amende avec sursis, quand le ministère public demandait quatre à six mois d'emprisonnement avec sursis. Les juges ont reconnu qu'il avait tenté d'alerter sa hiérarchique sur les différents dysfonctionnements du fichier STIC, les manquements aux législations et aux recommandations prévues par la CNIL, avant de communiquer à un journaliste des informations personnelles sur deux personnalités inscrites sur le fichier.

Les juges ont déployé la formule suivante : « sans que les alertes, sans doute infructueuses, que le prévenu a lancées, d'abord à sa hiérarchie, puis, par d'autres moyens, ne puissent caractériser un état de nécessité justifiant la commission des infractions à défaut de proportionnalité entre les atteintes aux droits des administrés et les infractions, le tribunal ne peut que constater que les faits qui lui sont reprochés sont partiellement motivés par les convictions d'intérêts publics du prévenu ». Certes ils n'admettent pas l'état de nécessité mais ils usent du terme « alertes infructueuses » et « de convictions motivées par l'intérêt public ». Par ailleurs, ils évoquent la hiérarchie des canaux utilisés, le prévenu « ayant lancé, d'abord sa hiérarchie, puis, par d'autres moyens ».

Son avocat se félicitera de la bienveillance des juges en déclarant que « même si l'expression lanceur d'alerte n'est pas utilisée dans le jugement. C'est un droit nouveau qui en train de s'élaborer et qui se trouve en miroir avec une grande demande de transparence de la société civile internationale»314.

Cette fameuse « exception de citoyenneté » basée sur l'état de nécessité pourrait-elle à l'avenir se concrétiser et exister de manière autonome de l'état de nécessité ? Cette création prétorienne pourrait-elle être déployée aux lanceurs d'alerte ?

Consacrer une telle exception devra s'accompagner de critères cumulatifs à respecter (tels des actes motivés par l'intérêt public, une proportionnalité et une exigence de nécessité, la nécessité des moyens employés pour la divulgation, etc.).

313 Voir : Titre I, Section 1, Paragraphe II, B, 1 (page 42)

314 L. BORREDON, « La clémence du tribunal de Paris envers l'ex-flic Pichon, qui avait dénoncé les fichiers de police », Le Monde, Blogs, publié le 22 octobre 2013 (consulté le 3 juin 2016).

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