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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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ANNEXE 2 Ð PRÉSENTATION DES RÉGIMES RELATIFS AU DROIT À LA LIBERTÉ D'EXPRESSION EN FRANCE ET AUX ÉTATS-UNIS

La liberté d'expression diverge selon les modèles européens et américains. Néanmoins, la différenciation est de plus en plus ténue, des convergences apparaissent.

1 Ð Une approche française positive

La liberté d'expression a été constitutionnellement garantie par la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen de 1789. Selon l'article 10 « Nul ne doit être inquiété pour ses opinions, même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas l'ordre public établi par la loi ». Ce principe général a été précisé par l'article 11 « La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme : tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre à l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi ».

La liberté d'expression a été consacrée conventionnellement par l'article 10 al 1 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui énonce que « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations ou des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière ». Cependant l'al 2 dispose : « L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre et à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire ».

Enfin, l'article 19 § 2 du Pacte international des droits civils et politiques de 1966 « Toute personne a droit à la liberté d'expression ; ce droit comprend la liberté de rechercher, de recevoir et de répandre des informations et des idées de toute espèce, sans considération de frontières, sous une forme orale, écrite, imprimée ou artistique, ou par tout autre moyen ».

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En France, la liberté d'expression a une source législative : la loi du 29 juillet 1881 relative à la liberté de la presse.

Cette approche positive proclame un principe général de liberté d'expression et, dans le même temps des exceptions (donc des « infractions de presse »).

2 - Une politique américaine négative

Aux États-Unis, la liberté d'expression est absolue et la loi ne peut pas la restreindre. Le Premier amendement de la Constitution américaine a cette approche négative. Ainsi, elle interdit au législateur toute intervention pour limiter la liberté d'expression. Pourtant, la Cour suprême des États-Unis a maintes fois développé des positions jurisprudentielles qui ont restreint certaines formes d'expression. Le Congrès, allant dans ce sens, a également adopté des lois punissant de lourdes sanctions les individus exerçant leur liberté d'expression dans un domaine interdit. Conséquence de ces réglementations, des personnes qui divulguent des informations sensibles au public sont accusés d'avoir eu des comportements infractionnels.

Les restrictions à la liberté d'expression sont au nombre de quatre.

L'une qui touche particulièrement les whistleblowers est l'Espionnage Acte de 1917. Il punit de peines très lourdes les agents ou soldats qui divulguent des informations relatives à la défense nationale à une personne non habilitée à recevoir ce type d'information. Deux ans après l'adoption de cette loi, la Cour suprême va étendre cette dérogation à « tout danger manifeste et présent pour la sécurité nationale »440 et condamner des militants qui avaient distribué des tracts incitant les militaires à ne pas participer à la Première Guerre mondiale. Par la suite, la Cour suprême a dû interpréter le Premier amendement et l'Espionnage Acte dans le cadre de publications effectuées par la presse. En effet, dans sa jurisprudence des Pentagone Papers, la Cour a considéré que l'interdiction faite à la presse de publier des documents classés secret-défense, en application de l'Espionnage Acte, était contraire au Premier amendement441.

440 Cour suprême, Schenk c/ United States, 9 janvier 1919 - 249 U.S 47.52

441 Cour suprême, 30 juin 1971, New York Times Co c/ United States - 403 U.S 713. Les papiers du Pentagone est une expression populaire désignant 7 000 documents secret-défense émanant du département de la Défense à propos de l'implication politique et militaire des Etats-Unis dans la guerre du Viêt-Nam de 1945 à 1971. Les papiers révèlent que le gouvernement américain a délibérément étendu et intensifié la guerre du Viêt-Nam alors que le Président Lyndon Johnson avait promis de ne pas s'impliquer davantage dans le conflit. Daniel Ellsberg, l'un des rédacteurs de ce rapport, les avait photocopiés et offerts au New-York Time, qui les publiera en juin 1971. Le Président arrivera à obtenir de la Cour fédérale une injonction ordonnant l'arrêt de la publication sur le fondement de l'Espionnage Act. La Cour suprême va rappeler avec force la liberté de la presse même en présence d'une question de sécurité nationale. On peut se demander pourquoi cette décision n'a pas été appliquée à certains whistleblowers.

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La loi de 1917 et la notion de « tout danger manifeste et présent pour la sécurité nationale » restent les véritables grandes restrictions américaines à la liberté d'expression, qui ont un impact considérable sur la protection des whistleblowers442. En France, une disposition converge vers ce type d'interdiction. En effet, les articles 413-11 et 413-11-1 du Code pénal sanctionnent les divulgations, les destructions, les reproductions et diffusions d'informations classées secret-défense.

Identique à l'ordonnancement juridique français, on retrouve la diffamation, limitant l'exercice de la liberté d'expression. La diffamation porte atteinte à la moralité, la renommée ou la réputation d'un individu. Elle est un comportement infractionnel très utilisé contre les whistleblowers que cela soit en France ou aux États-Unis. En 1964, la Cour suprême américaine a mis en place le critère de « l'intention effective de nuire » (Cour suprême, New York Time c/ Sullivan, 9 mars 1964 - 376 U.S 254) permettant à une personne d'intenter un procès en diffamation sous la seule exigence de prouver l'intention de nuire.

Il existe un dernier obstacle à la liberté d'expression américaine : l'obscénité.

La Cour suprême a affirmé, en 1973, que l'obscénité n'est pas protégée par le Premier amendement et adopta le « test Miller » (Miller test) pour déterminer ce qui constitue ou non du matériel obscène (Cour suprême, Miller c/ Californie, 21 juin 1973 - 13 U.S 15).

442 Edward Snowden (poursuivi sur le fondement de l'Espionnage Act), Thomas Drake, (ancien agent de la NSA, qui a révélé la mauvaise gestion des écoutes, a été poursuivi sur le même fondement), le soldat Manning (poursuivit sur le fondement de l'Espionnage Act, pour avoir fourni à Wikileaks des documents classés, a été condamné à trente-cinq d'emprisonnement) et John Kiriakou (ancien agent de la CIA qui a révélé publiquement l'usage de la torture pendant les interrogatoires, en particulier le « waterboarding », et qui fut poursuivi et condamné sur le fondement de l'Intelligence Identity Protection Act à deux ans d'emprisonnement).

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"Entre deux mots il faut choisir le moindre"   Paul Valery