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Les lanceurs d'alerte français, une espèce protégée ?

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par Julia Le Floc'h - Abdou
Paris X Ouest - Nanterre La Défense - Master II Droit pénal et Sciences criminelles 2015
  

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ANNEXE 7 - DÉMONSTRATION DE L'EXCEPTION DE

CITOYENNETÉ ET L'ÉTAT DE NÉCESSITÉ

Tribunal Correctionnel d'Orléans, 9 décembre 2005, n0 de jugement 2345/S3//2005, Mouvement Faucheurs Volontaires c/ Société Monsanto

Il était reproché aux quarante-quatre personnes prévenues d'avoir, sur la commune de Greneville en Beauce, le 14 août 2004 volontairement détérioré ou dégradé un bien, en l'espèce une parcelle de maïs génétiquement modifié, au préjudice de la société Monsanto. Cette dégradation étant commise par plusieurs personnes agissant en qualité d'auteurs ou de complices, les faits étaient réprimés par les articles 322-1, 322-3 et 322-15 du Code pénal.

Le Tribunal mentionne que les personnes prévenues ne contestent pas la matérialité des faits qui leur sont reprochés mais qu'ils fondent leur défense sur l'état de nécessité, fait justificatif prévu par l'article 122-7 du Code pénal.

Les juges correctionnels vont évoquer ce qui caractérise l'état de nécessité au vu de la loi et de la doctrine.

Aux termes de la loi, l'état de nécessité « c'est la situation dans laquelle se trouve une personne qui, pour sauvegarder un intérêt supérieur, n'a d'autre ressource que d'accomplir un acte défendu par la loi pénale » et au terme de la doctrine « celui qui agit en état de nécessité commet un acte « socialement utile », que la collectivité concernée n'a aucun intérêt à punir et au regard duquel la sanction ne remplit aucune de ses fonctions traditionnelles de rétribution, d'intimidation ou de réadaptation ».

Le tribunal énonce que « l'état de nécessité, ainsi défini, apparaît en relation nécessaire avec les « intérêts sociaux supérieurs » ou les valeurs sociales dominantes, tels qu'ils peuvent être appréciés au moment de la commission de l'infraction ,
· Que cet état de nécessité est donc nécessairement relatif et contingent ,
· Qu'il dépend des valeurs sociales « utiles » à la date de la commission de l'infraction, et donc de l'état de la société et des connaissances qui sont au fondement de ces valeurs considérées comme éminentes ».

S'ensuit une analyse approfondie du tribunal « le Tribunal, sauf à manquer à son office pour cause de partialité, ne saurait écarter, sans en débattre, l'argumentation des prévenus fondant l'éventuelle pertinence du moyen tiré de l'état de nécessité [É]. Attendu, encore, qu'il convient de relever que le Tribunal ne peut pas, non plus, simplement prendre acte de l'existence d'une controverse scientifique relative aux organismes génétiquement modifiés et

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à leur utilisation dans le cadre d'essais en plein champ, et affirmer qu'il ne lui appartient pas de la trancher pour en déduire, sur le plan juridique, que les prévenus ne rapporteraient pas la preuve leur incombant d'un danger actuel ou imminent, composante de l'état de nécessité justifiant la commission de l'infraction ».

Le Tribunal Correctionnel relaxe les prévenus du mouvement sur le fondement de l'état de nécessité. C'était une première jurisprudentielle. Mis à part cette exception, le parcours judiciaire des Faucheurs volontaires sera jonché d'appel et de cassation refusant l'état de nécessité.

Tribunal correctionnel Paris, 12ème Chambre, 25 mars 2013, n° parquet 09317034048, Collectif des Déboulonneurs c/ Société JCDecaux

Le Collectif des Déboulonneurs, créé en 2005, dénonce la publicité agressive, qui envahie l'espace publique et harcèle les citoyens. Il lutte contre son excroissance et à cette fin, lance une action d'envergure nationale contre le système publicitaire.

Il souhaite l'ouverture d'un débat national sur la place de la publicité dans l'espace public, la réforme de la loi encadrant l'affichage publicitaire et qu'un nouveau droit soit reconnu : la liberté de réception. Corollaire de la liberté d'expression, cette nouvelle liberté permet, selon eux, à chacun d'être libre de recevoir ou non les messages diffusés dans l'espace public.

Devant l'inertie des pouvoirs publics, après de nombreuses années de travail sur le terrain légal, les Déboulonneurs choisissent la désobéissance civile pour alerter l'opinion et amener les élus à faire évoluer la loi dans le sens de l'intérêt collectif. Ce collectif se propose de déboulonner la publicité, c'est-à-dire, selon eux, « de la faire tomber de son piédestal, de détruire son prestige. Non pas de la supprimer, mais de la mettre à sa place, pour qu'elle soit un outil d'information au service de toutes les activités humaines » 464. Selon eux, en pratiquant la dégradation non violente des panneaux publicitaires et la réduction des tailles d'affiches, leurs actions se situent sur le terrain de la désobéissance civile.

Pour des faits, du 28 février 2009 au métro Pigalle, six membres du collectif comparaissent devant le Tribunal Correctionnel de Paris le 25 mars 2013. Poursuivi sur le fondement de l'article R. 635-1 du Code pénal465, l'état de nécessité sera accepté par les juges.

Ayant mobilisé l'état de nécessité, les juges vont analyser chacun des éléments le constituant.

464 Site internet des Déboulonneurs : http://www.deboulonneurs.org/

465 Pour avoir apposé des slogans à la peinture sur des affiches que supportaient des panneaux publicitaires.

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Sur la difficulté d'échapper à la contrainte publicitaire : les juges énoncent que « la publicité, dans les très grandes dimensions d'affiches ou de panneaux, qu'elle impose désormais dans l'espace public, comporte une contrainte morale pour les passants. À la différence de la publicité télévisée, radiophonique ou même informatique, il est impossible d'y échapper en fermant la télévision, la radio ou l'ordinateur. S'agissant de l'affichage de grande dimension, il n'est en quelque sorte pas possible d'y échapper de manière consciente ou inconsciente, pour des raisons de fonctionnement neurologique du cerveau humain, ce qui peut s'apparenter à de la contrainte morale des publicitaires à l'encontre du citoyen ».

Sur le danger imminent de la publicité : les juges correctionnels reprennent des exemples pré existants en la matière. À cette fin, ils remontent les publicités encourageant à manger tel ou tel aliment gras ou sucré (alors que l'obésité est reconnue par les professionnels de la santé comme dangereuse) et les publicités incitant à consommer telle ou telle boisson alcoolisée (alors qu'une grande partie des accidents de la route sont causés par l'alcool au volant).

Ainsi, il est indéniable, pour les juges, que « la publicité par affichage public de très grande dimension peut, dans certains cas, présenter un danger imminent pour la santé ».

Sur la nécessité de l'infraction et sa proportionnalité avec la gravité de la menace : les juges reviennent sur tous les moyens légaux que les prévenus ont usés pour un changement de politique en la matière. Les juges rappellent que le collectif a participé, en 2006, au débat national sur l'environnement « Grenelle I » et au débat du « Grenelle II » espérant une réglementation plus contraignante de la publicité, qui a abouti, au contraire, à la possibilité pour les afficheurs de faire défiler des panneaux publicitaires comportant de très grands écrans dans les espaces publics, et de poser d'immenses bâches sur les échafaudages, supportant de très grandes publicités. Dès lors, « le Collectif a donc, sans succès, tenté d'utiliser la voie législative pour réduire les effets nocifs des affiches publicitaires dans l'espace public. Il a aussi tenté d'alerter les pouvoirs publics, sans plus de succès ».

En conclusion, le tribunal va adhérer à l'état de nécessité et relaxer les prévenus, en estimant que « devant la nocivité pour la santé de certaines publicités, à l'origine du décès d'un nombre non négligeable de personnes, il peut être considéré que de commettre des contraventions de dégradations légères, est proportionné au danger de maladie ou de mort couru par ces personnes ».

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"Il faut répondre au mal par la rectitude, au bien par le bien."   Confucius