WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Sagesse et destinée tragique dans la philosophie de Schopenhauer

( Télécharger le fichier original )
par Sylvain Sella
Université Paul Valéry Montpellier III - Master 1 2011
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

III, 3/ Une gnose libératrice mais limitée

la parenté avec le gnosticisme.

Schopenhauer est fameux pour son pessimisme que l'on juge souvent provoquant et méchant,faisant de lui un misanthrope neurasthénique,une figure du ressentiment. De ce fait,nous oublions de voir le courage et l'audace que comporte en elle, l'idée d'une possible remise en question de la valeur de la vie elle-même. Descartes s'était demandé si nous n'étions pas la proie d'un mauvais démiurge et de cela,les anciens gnostiques de l'antiquité en étaient intimement convaincu. Mouvement plutôt atypique,qui s'est plutôt fait connaître par ses détracteurs,étant par nature une tradition orale et secrète , il se trouve au carrefour de plusieurs influences,le gnosticisme représente une tentative de conjurer et de vaincre le mal;lequel n'est pas accidentel mais bien consubstantiel à la création. Schopenhauer partage avec eux un pessimisme radical qui dont il a pris connaissance par l'intermédiaire de Clément d'Alexandrie,père de l'Église et farouche opposant des gnostiques : « Ce livre(livre III des Stromates Clément),est dirigé contre les gnostiques,qui enseignèrent précisement le pessimisme et l'ascèse,notamment l'enkrateia(l'absence de toute espèce et satisfaction sexuelle) »37. Schopenhauer partage les vues d'un des maîtres du gnosticisme concernant l'incompatibilité de l'Ancien et du Nouveau testament. En effet ,le premier se distingue par un historicisme,un attachement à un peuple et une terre élus ,en contradiction avec la révélation de Jésus dont le royaume n'est pas de ce monde. Du reste ,la

plupart des gnostiques,estiment que ce sont eux les chrétiens authentiques,car le sauveur est venu précisement nous inciter à nous détourner du monde et de la création. La cosmologie gnostique peut-être fort complexe et fantaisiste avec ses cieux multiples,sept sphères gardées par des archontes,dieux jaloux qui retiennent les âmes prisonnières du monde crée inférieur. Ce qu'il faut retenir,c'est que le gnostique ne se sent pas dans son élément dans le monde manifesté,qui est le produit d'une déchéance, et qui comme tel ,nous expose à la souffrance : « le monde est un repaire de bêtes sauvages » et aussi « l'angoisse et la misère accompagnent l'existence comme la rouille couvre le fer »38. Il faut néanmoins tenir compte du contexte historique et de l'oppression sociale qu'ont pu connaître les gnostiques de l'époque:mutation de l'empire romain et formation d'une église chrétienne officielle et concrète. Le gnosticisme possède aussi son génie,son élu,son être spirituel prédestiné à recevoir l'initiation et la délivrance. La connaissance consiste justement à reconnaître l'étincelle divine en nous et à la libérer;sans principe semblable chez Schopenhauer,mise à part l'image de « l'oeil du monde »,on peut se demander comment est possible la connaissance dans ce cas? La grande originalité d'un certain gnosticisme,réside dans son dépassement de la morale;fort d'une connaissance « secrète »qui le situe à part d'un monde mauvais,l'initié doit aussi être par delà le bien et mal. Cet antinomisme a été érigé en système par Carpocrate et ses disciples : «:si le commun des mortels est obligé de plonger dans toutes sortes d'existences avant d'épuiser sa dette,l'homme supérieur lui se sauve en accomplissant du premier coup toutes les actions..Le Carpocratien ira plus loin que Jésus dans la voie de l'affranchissement:il s'affranchira de toute loi humaine,foulera aux pieds la distinction du bien et du mal »39. Sur ce point ,Schopenhauer reste parfaitement classique et n'exploite pas toutes les ressources que son système pouvait offrir et reste prisonnier d'une morale de la pitié et de la compassion ;seul Nietzsche tentera d'approcher la périlleuse contrée de l'amoralisme. Sur un plan gnoséologique ,le mystère de l'objectivation de la Volonté reste entier. Le Monde témoigne que Schopenhauer est un remarquable « chroniqueur » de la vie et des hommes mais finalement ,il n'est pas en mesure de donner une réponse ultime(il ne peut franchir l'interdit kantien) : « Après toutes mes explications,on pourrait par exemple demander encore:quelle est l'origine de cette volonté,qui est libre de s'affirmer,affirmation dont le phénomène est le monde,ou de se nier,négation dont le phénomène nous est inconnu? Quelle est la fatalité,située au delà de toute expérience,qui a acculé cette

volonté à l'alternative hautement contrariante où elle doit se

phénoménaliser comme monde dominé par la souffrance et par la mort,soit nier sa propre essence?Ou encore:qu'est-ce qui a poussé la volonté à quitter le repos éternellement préférable du néant bienheureux ? »40 Schopenhauer ne parvient pas à trouver la réponse que seule

certainement ,dans ce cas,peut être apportée par l'expérience mystique,une expérience spirituelle qui se passe bien entendu des concepts de Dieu et de l'âme. La certitude de le la valeur de l'expérience intérieure repose sur le témoignage des mystiques : « C'est ici que la mystique procède positivement,et au delà de ce point,il n'y a donc plus rien d'autre que la mystique »41 et Schopenhauer de citer les pages de la littérature spirituelle universelle,des Upanishads à Saadi en passant par Boehme. Mais c'est surtout dans le bouddhisme et le quiétisme qu'il trouve l'expression la plus parfaite de sa doctrine de l'affranchissement de la volonté : « Et dans le Manuel of Buddhism de Spencer Hardy,p258,le Bouddha parle ainsi:mes disciples rejettent la pensée que ceci est « je»ou ceci est « mien »Mais de façon générale,si l'on fait abstraction des formes suscitées par les circonstances extérieures,et que l'on va au fond des choses,on trouvera que Shâkyamuni et Maître Eckhart professent la même doctrine.. »42. Les ascètes et les mystiques de toutes les traditions illustrent la doctrine de la négation de la volonté mais Schopenhauer ne passera pas sa vie dans la pure contemplation. Il est aisé d'oublier ou de méconnaître qu'il existe un jeune Arthur d'avant le Monde,et qui pourtant,vit l'intensité d'une expérience intérieure qui va conditionner certainement toute se vision ultérieure .

La conscience meilleure .

.Le « but » de la vie est entraperçu mais semble inatteignable ,ainsi dans une note de Weimar en 1815: « Pour participer à la Paix de Dieu (c'est à dire pour le surgissement de la conscience meilleure)il est exigé que l'homme cet être accidentel ,fini, de rien,soit quelque chose de tout autre,qu'il ne soit plus du tout mais conscient de lui en tant que quelque chose de tout autre...c'est le pas difficile,la tâche insoluble dans la vie et résolue seulement par le secours de la mort -qui en soi résout non la folie mais le phénomène de celle-ci, le corps ».43 Schopenhauer ,un peu plus tôt a cependant nettement conscience que l'expérience mystique est ce qui s'offre à l'homme afin de l'emporter hors de la finitude : « En nous tous est en effet présente une faculté mystérieuse et merveilleuse,celle de nous retirer dans la partie la plus intime de nous-même,hors de l'altération qu'implique le temps,et de recouvrer notre ipseité après l'avoir dépouillée

de tout ce qui est venu s'y ajouter de l'extérieur,afin d'intuitionner l'éternel en nous.. »44 A ce moment là ,le philosophe parle d'intuition intellectuelle ,philosophie et mystique se conjuguent comme l'expression la plus achevée de l'expérience humaine,l'objectivation de la Volonté débouchant sur l'étonnement dans sa plus grande pureté théorique,et sur ce que Schopenhauer appelle alors « la conscience meilleure ».Cette connaissance si illuminante soit-elle ,ne saurait être érigée en méthode régulière d'accès au suprasensible,une incursion dans l'inconnu,une irruption dans un monde intemporel et non -ordinaire. Schopenhauer s'oppose sur ce point aux philosophes Fichte et Schelling,qui souhaiteraient « apprivoiser »cette conscience meilleure ,et de ce fait,la ramener au simple rang de la conscience empirique. Dans son commentaire de Philosophie und religion(1804) de Schelling,Schopenhauer montre sa fidélité à la critique kantienne en affirmant que l'entendement ne peut avoir le privilège de connaître l'Absolu : « ..là où il (Schelling) devrait dire : « ici commence le domaine de l'entendement et là celui de la conscience meilleure »,il écrit à la place,par exemple, p 62 : « En Dieu ,le sujet est l'objet,l'universel est le particulier »,propositions que l'entendement ne parvient jamais à

penser.. »45 et de la même façon , « Fichte a continué à tenir les lois de l'entendement pour absolues »46 .Les écrits de jeunesse de Schopenhauer montrent que le philosophe a fait une expérience métaphysique déterminante,révélation d'une conscience différente de celle du monde ordinaire , empirique,de ses limites et de sa finitude : « Mais la conscience meilleure en moi m'élève à un monde qui ne connaît ni personnalité ni causalité,ni sujet ni objet. Mon espoir et ma foi ,sont que cette conscience meilleure (supra-sensible ,supra-temporelle) devienne la seule »47 . C'est bien dans cette expérience mystique non-duelle que Schopenhauer va trouver toute l'intuition de son grand ouvrage car la révélation de la possibilité d'une conscience supérieure renvoie du même coup à l'irréalité et à l'absurdité de ce monde. A partir de ce moment décisif de sa vie intérieure,le penseur va se consacrer à la philosophie et ne dévient pas un saint et un pur contemplatif. Il sait le travail qui lui revient et la tâche à accomplir. A la fin de cet ouvrage tardif,Les aphorismes sur la sagesse dans la vie,publié la première fois à Paris chez Alcan en (1887),Schopenhauer termine l'ouvrage sur une interrogation,celle qui l'aura motivé toute sa vie et qui est l'essence même de l'interrogation métaphysique : « ..c'est de l'Orcus que tout vient,et c'est là qu'a déjà été tout ce qui a vie en ce moment:si seulement nous étions capables de comprendre le tour de passe-passe par lequel cela se pratique!alors tout

serait clair ».48 Le philosophe ne parvient pas à une sagesse absolue et les Aphorismes est un livre sur l'art de vivre ,un retour au sens commun,presque au bon sens populaire .Schopenhauer y vante les mérites de la gaieté,de la santé et de l'importance de la condition physique ,de la prépondérance de ce que nous sommes sur ce que l'on a,de la valeur des loisirs intellectuels .Sagesse et destinée convergent ; tout dépend de notre nature car le milieu n'exerce pas ,sur notre caractère immuable,une influence déterminante. Si la bonne nature peut avoir sa petite part de bien-être ,Schopenhauer nous rappelle au début de cet ouvrage que la vie n'est pas faite pour le bonheur.

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Ceux qui vivent sont ceux qui luttent"   Victor Hugo