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Sagesse et destinée tragique dans la philosophie de Schopenhauer

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par Sylvain Sella
Université Paul Valéry Montpellier III - Master 1 2011
  

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III,2 /Fatalisme transcendant.

Analogies entre le rêve ,la tragédie,le sens du destin

La volonté dans la Nature est toute puissante dans le système du philosophe ,et tout espoir de liberté semble disparaître face à la lucidité inexorable du penseur ;plus d'amour, de sujet,ni de libre arbitre. Pourtant,le cours d'une vie ne semble pas toujours se dérouler en vain,il y a même peut-être un message derrière le chaos insignifiant des événements;il y a des voix émanant de la source profonde (la Volonté),elles ont été entendues par Socrate ,Hamlet,Jeanne d'Arc,signaux d'un appel impérieux vers l'accomplissement de quelque but ultime .Les génies perçoivent l'essence des choses et leur vie se trouve dédiée à son expression. Chaque homme à son niveau est la Volonté elle-même et participe de son

Odyssée ,de son destin tragique,faire l'expérience de qui elle est et finalement se nier. : « . .tout le monde visible n'est que l'objectivation de la volonté,son miroir qui la conduit jusqu'à la connaissance d'elle-même et même comme nous allons bientôt le voir,jusqu'à la possibilité de sa délivrance »26 C'est pourquoi chaque homme ,par quelques fils invisibles se relie à la Volonté et « choisit »son destin. Chez Platon,ce n'est pas la Volonté mais l'âme qui décide d'une individualité et de la destinée qui va avec mais la psyché est oublieuse et c'est justement pour ça qu'elle effectue son parcours terrestre, et de la même façon,ce n'est pas une décision consciente de l'individu qui produit la connaissance,mais c'est l'affaire de la Volonté qui finit par se comprendre. Ainsi,le sens du destin individuel est métaphysique et moral,reflet microcosmique de la Volonté. Le sens profond du destin est plus difficile à percevoir dans la vie

ordinaire : « Puisque le destin a tenu a ajouté la dérision à la misère de notre existence,notre vie doit contenir toutes les douleurs de la tragédie sans que nous puissions nous prévaloir de la dignité des personnages tragiques;dans les plats détails de la vie,nous devons être au contraire des personnages comiques inévitablement niais »27 C'est la raison pour laquelle ,le sens du destin pour Schopenhauer ,tel qu'il est traité dans la

Spéculation transcendante sur l'intentionnalité apparente dans le destin de l'individu -Parerga et Paralipomena (1851),ne peut prendre pleinement son relief que dans l'art de la tragédie : « l'art est la mise en évidence de cette visibilité,la camera obscura qui montre les objets sous un mode plus pur,permettant de mieux les embrasser du regard et de les résumer,pour ainsi dire le spectacle dans le spectacle,la scène sur la scène dans Hamlet »28 . Cette façon de se pencher sur le problème du sens et de la compréhension du destin n'est pas une affaire doctrinale pour Schopenhauer et son essai consacré à cette question ne saurait avoir le même statut que son grand ouvrage. Il n'en reste pas moins que, au regard de « l'oeuvre »de la Volonté dans la nature,dans les différents domaines touchant l'homme que sont l'amour, le sujet et l'inconscient,la liberté,tout ceci peut être rapporté au destin individuel et à la connaissance de soi. Dans cette perspective,notre vie doit être élevée au rang d'oeuvre d'art dramatique ,réconciliant ainsi notre nature profonde et le cours de notre vie : « ..est-il possible qu'il y ait un désaccord total entre le caractère et le destin d'un homme?Ou alors,considéré pour l'essentiel,chaque destin s'accorde-t-il avec chaque caractère?Ou bien enfin,une nécessité secrète,inconcevable,comparable à l'auteur d'un drame agence-t-elle toujours les deux en les accordant l'un à l'autre? »29. Le personnage d'Anne boleyn incarne très bien la conversion de la Volonté face à la tournure impitoyable que peuvent prendre les événements d'une vie. C'est certainement la personnalité brillante,le caractère bien trempé et l'ambition qui tout à la fois ont causé le succès et la perte,d'une reine aux « cent jours »qui passe de la courtisane à la renonçante alors qu'elle est condamnée injustement à mort. Depuis son cachot,elle n'endurcit pas son coeur mais au contraire ,elle dépose avec grâce le fardeau de l'existence et ainsi allégée ,pardonne au roi, son mari accusateur,et finit par plaisanter avec son bourreau. Personnage historique et de légende,sa dimension tragique fait d'elle un sujet bien présent dans la culture européenne et notamment du Henri VIII de Shakespeare. La tragédie fascine certainement car elle exprime avec force le paradoxe de la vie humaine. Alors même que se laisse voir au grand jour la folie du vouloir-vivre,s'offre la possibilité d'en sortir : « La tragédie nous présente la douleur sans nom,la misère de l'humanité,le triomphe de la méchanceté,l'empire narquois du hasard et la chute irrémédiable des justes et des innocents:voilà qui nous indique de la manière la plus insigne la nature du monde et de l'existence. Ce qui se révèle ici sous un jour effrayant,c'est le conflit de la Volonté avec elle-même,déployée dans sa

plus grande perfection au plus haut degré de son objectité »30 Schopenhauer énonce les trois traits majeurs du conflit tragique:L'extrême méchanceté,comme dans Macbeth,Richard III de Shakespeare;et le destin aveugle dans OEdipe roi de Sophocle,Roméo et Juliette toujours de Shakespeare. Les autres tragédies mettent plutôt en scène le cours

« ordinaire » du conflit des volontés. Schopenhauer cite le Faust de Goethe,le Cid de Corneille et aussi Hamlet de Shakespeare. Il y a quelque chose dans la tragédie qui nous touche profondément,message du caractère inexorable et profond du destin ,offrant une compréhension intuitive dont le rêve aussi est porteur. L'analogie qui existe entre la vie,le rêve permet de penser le destin comme nue mise en scène dont nous sommes au fond les auteurs ,mais sans le savoir consciemment. Nous attendons des songes et des oracles, des promesses futur de bonheur mais ce n'est pas leur véritable message pour Schopenhauer. Il cite Sénèque « les destins conduisent une volonté docile;ils entraînent celle qui

résiste »31;ainsi nous allons plutôt apprendre à nous connaître en faisant l'expérience de l'échec,lequel va nous conduire à réviser nos choix et à occuper une place conforme à notre caractère. A l'image de la Volonté,à la fois complétement métaphysique et insondable,mais aussi parfaitement concrète en tant que vouloir vivre,le destin a son siège « dans les étoiles supérieures »,nous dit l'auteur en citant Paracelse,mais il est surtout le lieu où s'opèrent les renoncements nécessaires. Les héros de la tragédie sont ceux qui quittent cette vie sans regrets et pour eux tout semble

accomplit : « Nous voyons ainsi dans la tragédie que les personnages les plus nobles,après une longue et douloureuse lutte,finissent par renoncer tant aux buts qu'ils poursuivaient jusque là avec tant de véhémence ,qu'aux plaisirs de la vie,ou quittent la vie elle-même et de plein gré et avec joie:ainsi le prince Constant de Calderón;ainsi Gretchen dans le Faust;ainsi Hamlet que son Horatio suivrait volontiers,..:ils meurent tous purifiés par la souffrance,.. »32 . Le rêve,bien compris, est une mise en scène personnelle de nos vrais aspirations,et il en est ainsi pour notre destin particulier mais cela n'est pas saisi au premier coup d'oeil,notre ego souhaiterait plutôt le contraire : « ..de même que chacun est le directeur caché de son propre rêve,,de même ce destin,qui gouverne le cours effectif de notre vie,provient en définitive de cette Volonté-là qui est proprement nôtre. Pourtant,là où elle est apparue comme destin,elle a agi à partir d'une région située bien au delà de notre conscience représentante individuelle..Par conséquent,notre volonté empirique est souvent amenée à combattre avec la plus grande violence cette Volonté-là ,nôtre aussi ,qui se

représente à nous comme destin ..»33. Paradoxe et mystère de l'individu,réduit à néant par les étroits conditionnements et cependant appelé au plus haut destin métaphysique. Cette lecture du destin ,pourrait être appliquée à la vie de Schopenhauer lui-même;ces échecs professionnels et amoureux,le bénéfice d'une rente, lui auront permis de se consacrer pleinement à la réalisation de son oeuvre .En accord avec la situation donnée, le philosophe ne s'est jamais départi de sa vision hiérarchique et élitiste;l'humanité n'a aucun sens historique et les réalisations techniques et scientifiques n'ont qu'une importance mineure. Seules les oeuvres d'art et la philosophie trouve grâce à ses yeux,tout au moins à leur sommet ,dans les réalisations du génie,dont la connaissance de l'essence même des choses permet un dépassement au moins temporaire de la nature et de la Volonté. C'est ainsi que l'étude du sens du destin chez le philosophe,trouve son modèle dans la personnalité du génie,dans l'aberration tragique de l'être voué à la connaissance,dont la capacité visionnaire n'en égale pas moins la fragilité psychologique et l'inadaptation.

Grandeur et misère du génie .

Le génie révèle un mode de connaissance pur,au delà de la raison intéressée et de la tyrannie de la Volonté. De ce fait, l'oeuvre d'art n'est pas vraiment intéressante par elle-même ,mais bien plutôt par le type de changement qualitatif qu'elle produit à la fois sur l'acteur et le spectateur. Toute l'esthétique de Schopenhauer repose sur cet étroit rapprochement entre contemplation et création,artiste et amateur,sujet et objet dans l'acte de connaître : « Ce que nous connaissons de la sorte,ce sont les Idées des choses à travers lesquelles s'exprime maintenant un savoir supérieur à celui qui ne connaît que les simples relations. Nous aussi nous sommes alors affranchis des relations pour devenir le pur sujet de la connaissance. Or ce qui par exception provoque cet état,ce sont des processus physiologiques internes qui épurent et élèvent l'activité du cerveau au point de susciter une soudaine montée de cette activité. »34

Le génie est donc bien investi d'un rôle ultime ,d'une véritable mission consistant à apporter au monde une connaissance d'une « autre

dimension ». Schopenhauer cite un extrait de la poésie de Lord Byron afin d'illustrer ce moment de la connaissance où l'homme devient le monde et vice versa,instant où tout semble se justifier et s'apaiser : « Je ne vis pas en moi-même,mais je deviens une partie de ce qui m'entoure;et pour moi Les hautes montagnes sont une émotion . »

Le génie nous fait partager un instant d'éternité,en dehors de l'utilitaire ,du

machinal,de la répétition aveugle et mortifère. Intuition des essences,la faculté géniale qui dépasse la raison ne saurait être l'affaire d'une maîtrise technique et Schopenhauer de préciser que le génie ne s'apprend pas .A la différence de l'homme de talent qui répond très bien aux goûts et aux attentes de son époque,le génie est en décalage et son oeuvre intemporel. Le paradoxe du génie c'est qu'il se distingue de « l'homme fabriqué en série »mais qu'en même temps,en lui la volonté s'efface pour laisser place à la connaissance. Il est à l'opposé de la forte personnalité charismatique et mondaine;il garde plutôt les traits de l'enfance,exprimant en toute liberté la joie gratuite et ludique de la pensée théorique et imaginative : « Chaque enfant est réellement un génie,et chaque génie est pour ainsi dire un

enfant »35. On retrouve chez le philosophe le thème évangélique de l'enfant élu et aimé .L'allégorie religieuse est utilisée pour désigner l'élection du génie et Schopenhauer parle des sutures du crâne ,mystérieux chiffre de Brahma grâce auquel peut se lire la vocation particulière d'un homme. L'auteur du Monde est plutôt favorable à l'existence de signes du destin,lisibles même dans la physionomie particulière au génie:petite stature et prépondérance cérébrale ,allure éthérée qui contraste avec la lourdeur de l'homme ordinaire .Curieusement,le génie est animé par un volonté véhémente, excentrique, la contemplation est le fruit d'une activité nerveuse et cérébrale intense. Tout homme a peut -être son « démon » qui le guide ,ce qui fait l'objet de son essai rencontré plus haut Spéculation transcendante sur intentionnalité apparente dans le destin de

l'individu ,mais c'est particulièrement vrai du génie : « Le génie nous renvoie à la dimension transcendante de la Volonté toute puissante qui oeuvrerait à l'accomplissement des dons exceptionnels de l'élu »36. La vie du génie est elle-même l'oeuvre d'art,mise en scène d'une destinée tragique qui est celle de la Volonté même;hormis les joies de la création ,le génie souffre d'un déficit de sens pratique car son énergie est tournée vers des buts plus élevés. Il incarne parfaitement le drame du déchirement de la Volonté. Sa sensibilité raffinée l'expose à ressentir plus durement les difficultés de la vie .En tant qu'héritier ,Schopenhauer n'aura pas à lutter pour gagner sa vie mais il n'en sera pas moins exposé au dédain des hommes pour sa personne et son oeuvre philosophique. Le thème du génie,en soi ,n'est pas très original,car de tous temps on a souligné la grandeur et la misère de l'être théorique ;ainsi le trébuchement du philosophe raillé par la servante de Thrace,la condamnation de Socrate,et plus récemment l'éblouissant pathos de Van Gogh. Surtout ,le génie est la figure romantique par excellence,l'être assoiffé d'absolu en complet

décalage ici-bas,cherchant asile et refuge dans l'Orient éternel .Les romantiques allemands font sans cesse référence à une Inde mythique,à la puissance évocatrice,incantatoire du sanskrit. L'art génial nous fait passer de l « 'autre côté du miroir » ,l'existence par delà la volonté,peut-être une anticipation sur la mort. La musique est au delà du sens,elle est le chant de la Volonté elle-même,et ineffable en tant que telle. Il existe cependant une étape encore au delà de l'esthétique pour Schopenhauer ,représentée par la sainteté, mais envisagée sous son aspect ascétique et quiétiste .Le système de Schopenhauer se veut complet et à ce titre peut-on encore bien parler de philosophie,seulement aimer la sagesse et tendre vers elle? De son propre aveu, Schopenhauer a bien le sentiment d'avoir résolu l'énigme du monde,et pense que son travail peut simplement être complété d'un point de vue documentaire. Sagit-il d'un ésotérisme ,du sens intérieur et secret de la mystique universelle,d'une gnose ?

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"Il ne faut pas de tout pour faire un monde. Il faut du bonheur et rien d'autre"   Paul Eluard