WOW !! MUCH LOVE ! SO WORLD PEACE !
Fond bitcoin pour l'amélioration du site: 1memzGeKS7CB3ECNkzSn2qHwxU6NZoJ8o
  Dogecoin (tips/pourboires): DCLoo9Dd4qECqpMLurdgGnaoqbftj16Nvp


Home | Publier un mémoire | Une page au hasard

 > 

Les apprentissages entre pairs: construction d'une identité plurielle

( Télécharger le fichier original )
par Carine Amouriaux-Menou
Université Rennes 2-Haute Bretagne - Master 2 Education, apprentissage et Didactique. Département des Sciences de l'éducation 2013
  

précédent sommaire suivant

Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy

4.2.2 Comment devient-on accompagnateur ?

L'étudiant P3 a une relative liberté d'action dans ce qu'il propose à son binôme : le stagiaire plus avancé dans la formation suggère en général au P1 de faire ce qu'il peut et veut, de lui poser des questions et lui montrer sa propre pratique. Ces actions ne sont pas commandées par l'institution puisque chaque P3 fonctionne comme il le souhaite avec son binôme : les formateurs ont simplement précisé au début de l'année que le P3 est présent pour aider son collègue P1. Fanette, P3, décrit la situation : « en soins, comme tout le monde doit faire son pied, en début d'année, on nous dit qu'il y a les premières année qui arrivent, qui n'ont pas d'expérience, et que petit à petit, il va falloir qu'il fassent seuls mais que le prof ne va pas être derrière chaque P1 donc que c'est à nous de faire attention à ce qu'ils font et de les aider si y'a besoin... s'ils le demandent189.» De la même façon pour les travaux de groupe en examen clinique, les P3 ont liberté de fonctionnement avec les P2. Ce sont donc les étudiants qui gèrent ces situations collectives et les interrelations. Plusieurs étudiants P3 rapportent que « personne, ni les formateurs, ni le directeur, nous a dit `'faites comme ça.''190» Chris, étudiant P3, explique que « personne ne m'a vraiment expliqué comment faire avec le P1 ou le P2 qui se trouve à coté de moi. Mais bon, c'est sympa, c'est moins académique. On fait des choses un peu comme on a envie191.» Le libre choix dans ces situations est-il illusoire ? Le P3 peut-il par exemple ne rien montrer, ne rien dire au

188 J.-P. Boutinet, Anthropologie du projet. Paris. Puf. 1990.397 p.

189 Cf. annexes entretiens, F.4.

190 Cf. annexes entretiens, B.10, Cl. 2.

191 Cf. annexes entretiens CT 6.

85

P1 qui est installé à côté de lui ? Fanette, P3, explique : « c'est toujours le P3 qui est sollicité, celui à qui on demande et qui ne dit jamais non.192» Thom, P1, ajoute : « quels que soient les individus, même ceux qui parlent peu, dès qu'on leur demande de l'aide, ils ne vont jamais nous envoyer `'bouler'', ils sont toujours d'accord pour nous apporter leur savoir. Il y en a qui sont plus loquaces que d'autres. Mais même ceux qui ne parlent pas beaucoup, dès qu'on leur demande de l'aide, ils nous l'apportent.193» Les situations de binômes créent de fait une relation entre les étudiants et ceux-ci se trouvent dans une sorte d'obligation implicite de communiquer. Concernant le choix des binômes, les P3 ne s'autorisent pas à désigner leur P1 : « c'est tout le temps, les P3 s'installent, et les P1 disent `'est-ce que je peux me mettre avec toi'' et `'oui'Ç évidemment dit le P3...et justement, c'est tout le temps `'oui''...moi, j'oserais jamais dire à un P1 `' non, pas toi'Ç parce que ce ne sont pas des choses qui se font. Mais ça ne me choquerait pas non plus sur le fond parce que y'a des gens qui ne sont pas faits forcément pour bosser ensemble. Mais pour le coup, ici, ça ne se fait pas194.» C'est donc le P1 qui choisit avec quel P3 il va travailler. Les étudiants ont bien intégré un ensemble de règles, de normes et de valeurs propres à l'institution qui les forme.

D'ailleurs, le formateur présent dans la salle conforte généralement ce que l'étudiant P3 explique au P1, par exemple, au niveau de la répartition des opérations à mener (l'enseignant passe voir chaque binôme au début et au cours des soins). Ce qui signifie que le P3 connaît le fonctionnement de la formation, la reconnaît et applique les règles instituées. Le P3 est également celui qui apprend au P1 comment se comporter avec les enseignants. Baptiste, étudiant P3, illustre ce phénomène par ses propos : « quand tu vas être examiné par tel formateur, faut pas dire ça ; ça l'énerve.» Ou encore « là, faut le faire parce que... c'est comme ça, ici195.»

Les activités de groupe entre pairs constituent un ensemble de rapports sociaux entre des individus. Chacun adopte des comportements, forme des souhaits et conçoit des projets conformes à ses normes. Tout cela témoigne d'un rapport au monde, à l'espace et au temps qui a été précédemment inculqué. Chaque étudiant intègre un nouveau « monde », ici, un institut de formation en pédicurie-podologie, avec sa propre

192 Cf. annexes entretiens F. 21.

193 Cf. annexes entretiens T. 22.

194 Cf. annexes entretiens, F.14.

195 Cf. annexes entretiens, B.14.

86

histoire, son vécu, ses habitudes, ses valeurs. Les stagiaires créent-ils leur propre chemin ? Ou est-ce le milieu (l'institution) qui s'en charge pour eux ? Les règles de fonctionnement sont acceptées et respectées par l'ensemble des étudiants. François, P1, décrit la situation : « quand on est avec le P3, on est le P1 qui apprend, on est toujours le `'petit» qui apprend. On a un statut de `'jeune» qui est là en apprentissage. C'est logique. 196» Les rôles attribués paraissent légitimes et ne sont pas discutés. Les P3 précisent : « je me souviens, quand j'étais en P1 et qu'il y avait les P3, je ne sais pas, y'a une notion de respect du fait que le P3 a des connaissances, ce sont nos ainés, quoi ! (rire)197». Baptiste, P3, se souvient : « moi quand j'étais en P1, je ne faisais même pas la différence si c'était un P2 ou un P3 à côté de moi ; pour moi, c'était quelqu'un qui savait plus que moi, donc j'écoutais ce qu'il me disait et voilà198

Les étudiants emploient des termes comme « normal, logique, naturel...» lorsqu'ils décrivent ces situations. Ils ont parfois du mal à expliquer ce qui se passe. Quand je leur demande les raisons pour lesquelles ils aident leurs confrères, ils hésitent et répondent par ces mots qui reviennent fréquemment « je ne sais pas... c'est normal.» Que signifie l'acceptation de règles, de normes ?

précédent sommaire suivant






Bitcoin is a swarm of cyber hornets serving the goddess of wisdom, feeding on the fire of truth, exponentially growing ever smarter, faster, and stronger behind a wall of encrypted energy








"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote