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Approche par compétences et changement de paradigmes représentations d'un échantillon d'enseignants à  propos de leur métier, de l'apprentissage et de l'enseignement

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par Badya LAGE
Université de Rouen - Master recherche 2 2007
  

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II/ Concept de compétence et approche par compétences

A/ Compétence et statut de la connaissance :

Le statut de la connaissance (Roegiers & De Ketele (col), 2000) a évolué avec le temps sous l'influence de différents facteurs, entre autres, les conditions socio-économiques régnantes et les résultats des recherches scientifiques surtout en domaine de psychologie cognitive. Cette évolution a aussi un impact sur l'apprentissage et sur « comment une personne apprend ». Ceci a eu des répercussions sur le monde de l'éducation que ce soit au niveau des contenus scolaires programmés ou au niveau des pédagogies adoptées. Toutefois, si la conception de connaître et donc de comment apprendre a évolué, peut-on déduire aussi que cette conception a évolué dans le même sens chez les acteurs éducatifs ? Ou bien y a-t-il des décalages entre ces évolutions ? Une question qu'on tentera de vérifier aussi au niveau de cette recherche. Mais avant, nous allons présenter en premier, l'évolution du statut de la connaissance jusqu'à l'émergence du concept de la compétence avant de ne présenter quelques interprétations qui découlent des définitions de ce concept.

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1) Evolution du statut de la connaissance :

Le statut de la connaissance a connu une évolution à travers le temps et sous la pression de différents facteurs. Cette évolution avait des influences sur les programmes scolaires et donc sur l'enseignement. Nous allons présenter dans ce qui suit les quatre grands mouvements qui ont influencé cette évolution, en se basant sur les travaux de Roegiers & De Ketele (col), (2000).

a) Premier mouvement :

Le terme connaître correspondait, jadis, à la connaissance des textes fondateurs de la civilisation et de leurs commentaires. Les programmes contenaient les grands auteurs avec leurs productions qu'il fallait étudier et transmettre au cours du processus scolaire. La philosophie était la discipline la plus dominante.

b) Deuxième mouvement :

Au début du XXème siècle, par le développement de dispositifs d'observation provoquée, on commence à s'intéresser dans les programmes scolaires au développement de « l'esprit scientifique ». Les deux guerres mondiales ont contribué au développement de la science et au besoin de la transmission des résultats de recherches afin de former des chercheurs de plus en plus pointus dans leur recherche, des ingénieurs capables d'utiliser les découvertes et des praticiens plus performants.

Connaître dans ce cadre, correspondait à l'assimilation des découvertes scientifiques et techniques. De ce fait, les programmes scolaires correspondaient à un moment donné, à des inventaires de connaissances à transmettre. Les disciplines scientifiques surtout les mathématiques ont pris le dessus par rapport à la philosophie et aux langues.

c) Troisième mouvement :

Le monde en devenant de plus en plus industrialisé, a permis à deux courants de prendre plus de l'ampleur : le taylorisme (cherchait à introduire plus de rationalité et de rationalisation dans la gestion des processus de fabrication en vue d'une production rapide et avec moins de défauts, dans l'optique d'une plus grande rentabilité) et le béhaviorisme (issu de la transposition de la démarche des sciences dures aux sciences humaines, il était également à la recherche d'une démarche plus rationnelle, basée sur l'observable, à savoir ce

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qui est de l'ordre du comportement et non de l'intention ou de l'ordre des processus inscrits dans la boîte noire (le cerveau de l'apprenant). Ces deux mouvements, afin de réduire la complexité, tentent de découper les objets d'études en éléments plus simples et en séquences plus courtes observables, où chaque élément de départ ou stimulus est associé ou suivi d'un effet produit ou réponse...

Ces mouvements ont inspiré le monde de l'éducation à travers la pédagogie par objectifs et la pédagogie de maîtrise de Bloom. Selon ce pédagogue, on peut enseigner n'importe quoi à n'importe qui (sauf les handicapés mentaux) si on s'y prend bien (Roegiers & De Ketele (col), 2000). L'objet de l'enseignement est de découper les connaissances en objectifs suffisamment précis et hiérarchisés et s'assurer que les objectifs prérequis soient réellement maîtrisés et suffisamment stabilisés, avant de passer à un apprentissage nouveau.

Ces mouvements ont eu pour conséquence une vague de réforme des programmes durant les années 70 et 80. Les programmes ne sont plus réfléchis en terme de contenus mais en termes de capacité à exercer sur un contenu, ce qu'on désire apprendre à faire sur ce contenu. Pour chaque discipline, des objectifs généraux ont été élaborés. Chaque objectif général était décomposé en objectifs intermédiaires, puis en objectifs spécifiques. Ces derniers sont à leur tour subdivisés en objectifs opérationnels tout en précisant les conditions de réalisation et les critères de maîtrise. Des questions d'évaluations sont élaborées pour chaque objectif opérationnel.

Connaître dans cette perspective correspondait à la démonstration de la maîtrise d'objectifs traduits en comportement observables.

d) Quatrième mouvement :

Dans ce quatrième mouvement, « connaître » a changé de sens pour se diriger vers la démonstration de la compétence. Cela peut être expliqué par les processus de mondialisation, de globalisation, d'économie de marché, de compétitivité croissante...qui ont poussé les entreprises à créer leur propre service de formation continue afin de rendre les personnes recrutées performantes dans l'accomplissement de leurs tâches et dans la résolution des problèmes qu'elles peuvent rencontrer. Ceci a entraîné la naissance du concept de référentiel de compétence des métiers. Ces référentiels, surtout pour les métiers de haut niveau, exigeaient des compétences transversales et génériques, s'exerçant sur des situations très diverses (recherche d'information, interprétation de problème...). Des

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compétences que normalement l'école devrait développer chez ses élèves. (Roegiers & De Ketele (col), 2000)

Par ailleurs, des travaux réalisés par des organismes internationaux (UNESCO, Banque Mondiale, UNICEF, PNUD...) ont montré la nécessité de viser, par les systèmes éducatifs, un rendement qualitatif en plus de celui quantitatif existant. Ceci a entraîné la naissance de l'idée de développer un curriculum basé sur l'apprentissage d'un ensemble de compétences de base liées à la vie citoyenne, nécessaire pour permettre à toute personne de vivre dans une société caractérisée par un « développement durable » (p. 35).

Plusieurs pays ont développé alors de tels curriculums avec des appellations différentes : « basic skills » ou « basic competencies » dans les pays anglo-saxons ; « compétences socles » et « objectifs d'intégration » successivement dans l'enseignement secondaire et primaire belge ; « objectifs noyaux » dans l'enseignement suisse ; « compétences minimales » dans certains secteurs de l'enseignement français primaire ; « compétences par cycles » dans l'enseignement primaire français ; « compétences de base » dans plusieurs pays africains ;...(Roegiers & De Ketele (col), 2000).

2) Concept de compétence :

Le concept de compétence a connu une évolution dans le temps et dans différents domaines (juridique, linguistique, industriel...). C'est un concept issu du monde de l'entreprise et qui a été développé dans le domaine pédagogique dans le but d'articuler au mieux les savoirs enseignés à l'école, et leur application dans le monde extérieur.

Dans la littérature scientifique, différentes définitions sont avancées, avec des prises de positions parfois divergentes (Jonnaert 2006). Tantôt ce concept désigne un point d'arrivée marqué par un niveau de haute performance, tantôt un processus dont le déroulement est ponctué par des bilans d'évaluation. Les auteurs sont loin de s'entendre sur la définition de ce concept -clé (Boutin, 2004).

Roegiers & De Ketele (col), (2000) nous font remarquer que la confusion faite entre « performance » et « compétence » donne une image négative de cette dernière. La performance, selon toujours ces auteurs, relève du lieu de production de la tâche (...). Elle désigne souvent un niveau d'atteinte d'objectifs professionnels en regard d'une obligation de résultats. La compétence relève du milieu de formation (...). Elle se mesure en terme de potentiel à accomplir des tâches données (scolaires ou professionnelles). Elle complète

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d'autres compétences que possède la même personne. De ce fait elle ne fait mesurer l'individu qu'à lui-même et non par rapport à d'autres personnes.

a) Quelques définitions :

Nous présenterons dans ce qui suit, en premier, les définitions de certains auteurs les plus rencontrés dans les écrits pédagogiques marocains, en second, les quelques interprétations qui découlent des définitions du concept de compétence.

Selon Le Boterf (1995), la compétence correspond à « un savoir agir, c'est-à-dire un savoir intégrer, mobiliser et transférer un ensemble de ressources (connaissances, savoirs, aptitudes, raisonnements...) dans un contexte donné pour faire face aux différents problèmes rencontrés ou pour réaliser une tâche».

Pour De Ketele (1996) elle est un ensemble ordonné de capacités (activités) qui s'exercent sur des contenus dans une catégorie donnée de situations pour résoudre des problèmes posés par celles-ci. »

Perrenoud (1999), voit dans la compétence une capacité d'action efficace face à une famille de situations, qu'on arrive à maîtriser parce qu'on dispose à la fois des connaissances nécessaires et de la capacité de les mobiliser à bon escient, en temps opportun, pour identifier et résoudre de vrais problèmes ».

Les savoirs, en tant que ressources, donnent rarement la solution, ils permettent de poser le problème, d'envisager des hypothèses, d'imaginer ce qui va se passer, de décider « en connaissance de cause ». Donc les connaissances aident à penser, à peser le pour et le contre, mais à certains moments, il faut s'avancer en faisant aussi confiance à l'intuition, en prenant certains risques. Pour en être capable, il ne suffit pas d'accumuler les ressources mais il faut prendre du temps pour exercer leur mobilisation.

L'acteur aux prises avec une situation complexe va utiliser différentes ressources, les orchestrer et souvent aller au-delà.

Pour Roegiers & De Ketele (col), (2000) la compétence est définie comme « la possibilité, pour un individu, de mobiliser de manière intériorisée un ensemble intégré de ressources en vue de résoudre une famille de situations problèmes. »p.66

Selon Jonnaert & al. (2004, 2005): La compétence est la mise en oeuvre par une personne en situation, dans un contexte déterminé, d'un ensemble diversifié, mais coordonné de

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ressources (internes et externes10). Cette mise en oeuvre repose sur le choix, la mobilisation et l'organisation de ces ressources et sur les actions pertinentes qu'elles permettent pour un traitement réussi de cette situation.

Toutes ces définitions montrent un point en commun concernant les éléments suivants : - la compétence ne se développe qu'en situation et dans un contexte donné ;

- elle fait intervenir différentes ressources ;

- elle est finalisée : la mobilisation se fait dans le but de résoudre des problèmes après les avoir identifiés ou pour traiter des situations.

Les ressources et les situations constituent apparemment les éléments variables du concept de compétence. De quelles ressources et de quelles situations s'agit-il exactement ? Selon l'interprétation donnée à chacun de ces éléments, l'application de la définition en pratique pourrait changer.

Jonnaert et ses collaborateurs ont analysé les principales conceptions de la notion de compétence véhiculée par des champs disciplinaires utilisant fréquemment ce concept. Ces champs sont rassemblés dans trois catégories :

- catégorie A : didactique / pédagogie / curriculum

- catégorie B : sociologie / psychologie du travail / psychologie cognitive

- catégorie C : ergonomie / didactique professionnelle

La conception de compétence dégagée de l'analyse de la catégorie C est la conception la plus claire et la plus homogène. Selon cette catégorie, la compétence ne peut être la simple description d'une action ou d'un comportement attendus, elle est plus que cela. Elle correspond alors à une structure dynamique organisatrice de l'activité, qui permet à la personne de s'adapter à une classe de situations, à partir de son expérience, de son activité et de sa pratique. Jonnaert pense qu'il existe « un flou épistémologique » qui entoure les propos de la catégorie A et qui rend l'utilisation de la compétence aléatoire. Pour la catégorie B, le fait que leurs propos sont limités à des finalités restreintes, ils n'en permettent pas aussi l'utilisation de ce concept. (p.16)

10 Jonnaert parle de ressources internes qui sont d'ordre cognitif (connaissances), d'ordre conatif (motivation) ou d'ordre corporel (comportement), et ressources externes, qui sont d'ordre social, d'ordre spatial et temporel ou d'ordre matériel (documents..).

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b) Quelques interprétations du concept de compétence:

Le sens donné au mot compétence(s), d'après Boutin (2004), varie selon qu'il est employé par les tenants de telle ou telle école de pensée. Il peut se faire dans le cadre d'une perspective comportementaliste ou dans celui d'une perspective constructiviste ou socioconstructiviste. Selon Boutin, les béhavioristes utilisent le mot compétence pour désigner des comportements observables et mesurables qui adviennent à la suite d'un apprentissage donné, alors que pour les constructivistes, ils l'utilisent pour illustrer une construction de capacités qui proviennent d'une interaction entre individus engagés dans une démarche commune.

Les cadres de références de ces écoles de pensée sont différents et incompatibles. Ils conçoivent la connaissance et le « comment se fait l'apprentissage » de façon différente. Cela peut expliquer en partie l'ambiguïté du concept quand il s'agit de l'appliquer par différents acteurs éducatifs. Selon Boutin, malgré le fait que le concept de compétence a été défini par plusieurs auteurs, son opérationnalisation dans le domaine de l'éducation reste encore flou (Boudin 2004) et même difficile. De ce fait, Jonnaert & al. (2006) insistent sur l'importance d'une clarification épistémologique quand il s'agit de l'utilisation du concept de compétence. Chose qui est absente dans plusieurs réformes curriculaire, y compris celle du Maroc.

Dans ce sens, Roegiers nous fait remarquer que même si les curriculums adoptés par les différents pays qui se sont engagés ces dernières années dans des réformes curriculaire, portent tous le nom de « curriculum en termes de compétences », ces curriculums désignent souvent des réalités différentes. Les choix pédagogiques qui les sous-tendent sont parfois radicalement opposés, mais toujours sous un même vocable de « compétence » (Rogiers, 2004). Les pratiques pédagogiques induites par ces curriculums ont différentes orientations soit constructiviste (Jonnaert 2002), intégratif (De Ketele, 1996 ; Perrenoud, 1997 ; Rogiers, 2000, 2003 ; Rey, 2000), néo-béhavioriste (dans le monde anglosaxon), interdisciplinaire (Lenoir et Sauvé 1998 ; Maingain, Dufour et Fourez, 2002) ou autres. Les changements qui en découlent se déclinent de façon différente selon la façon dont est comprise la notion de compétence qui fonde ces curriculums (Roegiers 2004).

Ces confusions existantes dans la compréhension et l'utilisation du concept de compétences, surtout au niveau de l'élaboration des programmes scolaires, peuvent être dues, selon Jonnaert & al. (2006), au fait qu'il existe au niveau de la littérature pédagogique,

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un important corpus théorique et empirique en relation avec la pédagogie par objectifs, avec de nombreuses recherches construisant et appuyant les outils et les méthodes utilisés par cette pédagogie dans l'élaboration des curriculums. Et c'est avec ce cadre de référence riche, que certains experts conçoivent les nouveaux curriculums par compétences.

Par ailleurs, ce manque de clarification que connaissent le concept de compétence et les différents entendements qu'il fait véhiculer est expliqué par une carence dans le cadre théorique (Belisle et Linard, in Boutin 2004) et même par l'absence d'un cadre de référence clairement établi. Plus précisément par l'absence d'une théorie des compétences permettant de faire la nuance entre les différentes facettes du concept tout en montrant comment elles s'articulent entre elles (Jonnaert & al. 2004 ; 2005). Les deux modèles (béhaviorisme et cognitivisme) utilisés actuellement comme cadre de référence au concept de compétence et à l'approche par compétences sont insuffisants d'après Belisle et Linard (in Boutin 2004), pour prendre en compte un niveau de fonctionnement cognitif réflexif et synthétique nécessaire à la mise en oeuvre de véritables compétences. Un cadre théorique reste à développer pour l'approche par compétences.

Perrenoud (1999) explique les choses autrement. Pour lui, la compétence est un nouveau mot-clé, créer pour nous donner l'impression qu'il y a un enjeu et un nouveau défi. Si le langage est nouveau, l'approche par compétences répond à un vrai et ancien problème de l'école. Ce problème est en relation avec la mobilisation du savoir scolaire à l'extérieur de l'école. Actuellement, l'école veut s'en occuper dès la scolarité de base car on estime que tous ont besoin de savoirs et de compétences.

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"Le don sans la technique n'est qu'une maladie"