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Le parti unique et la question de l'unité nationale au Togo de 1961 à  1990.

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par Balowa KOUMANTIGA
Université de Kara - Maîtrise ès Lettre Sciences Humaines 2013
  

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1.2- Les raisons et avantages officiels du choix du parti unique

Les raisons de l'institution de parti unique découlent du contexte politique ci-dessus décrit.

A l'origine, le parti unique n'était pas du goût du chef de l'Etat togolais Eyadema. Il déclarait à ce sujet en mai 1967 que : « Je suis opposé fermement au parti unique au Togo. Afin de favoriser la critique, il faut deux partis politiques. Un seul parti n'est pas la démocratie. Car alors, l'opposition n'a d'autre moyen pour s'exprimer que de comploter. »46(*)

Le 30 mai 1967, le Président par l'ordonnance numéro 67-22 créa un comité constitutionnel47(*) chargé de rédiger un projet de constitution qui sera présenté au peuple. Les membres de ce comité furent nommés par ordonnance numéro 67-202 du 06 octobre48(*). Mais ce projet ne connut aucun aboutissement à cause de l'opposition qu'il avait suscité (Amah 2010 : 67). Le 12 janvier 1969, le Président annonça lors d'une allocution49(*) à la nation la reprise prochaine des activités politiques et renouvela son désir de mettre en place une constitution. Ce message provoqua des manifestations de protestation dans le pays. (Danioue 1994 : 227). Des délégations des localités telles que Notsè, Tabligbo, Bafilo, Vogan, Dapaong, Sokodé avec leurs chefs traditionnels à leur tête furent reçues par le président. Celles-ci marquèrent leur opposition à la libéralisation de la vie politique et contre tout projet constitutionnel (Toulabor 1986 : 80). Le Président suspendit sa décision. A propos de ces manifestations et de leur motif, R. Taton cité par E. Amah (2010 : 67) écrit :

« De telles manifestations peuvent être naturellement considérées avec un certains scepticisme hors du continent africain. Pourtant, tous les observateurs étrangers ont constaté la ferveur et la sincérité de ces manifestations générales, le chef de l'Etat jouit d'une popularité considérable qu'explique son oeuvre de création d'une unité nationale que les précédents régimes n'avaient pas pu réussir. »

L'auteur n'a pas tort car Toulabor (1986 : 80) et Menthon (1993 : 151) sont dubitatifs sur leur caractère spontané.

En réalité l'hostilité de certaines populations à la libéralisation de la vie politique se justifie par leur méfiance vis-à-vis du multipartisme au regard des conséquences que celui-ci a engendrées pour elles. Et la popularité du Général président s'explique par les premières mesures qu'il a prises et qui ont abouti à un apaisement général.

« En effet, il libéra les prisonniers politiques, fit rentrer les exilés, bannit les méthodes de répression, donna aux citoyens togolais le droit à une expression libre et constructive, confia les postes de responsabilité politiques et administratives et techniques aux Togolais sur la seule base de l'efficacité et de la compétence sans tenir compte de leur origine ethnique. »50(*)

Face à toutes ces mesures qui auguraient une nouvelle ère et ajouter à cela la volonté politique des autorités de réaliser l'unité nationale, l'on ressuscita et adopta le parti unique51(*). Le Président lui-même déclarera : « Mon but est de réaliser la réconciliation nationale. Jusqu'à maintenant nous n'avons jamais eu la paix. » (Toulabor 1986 : 86).

L'adoption du parti unique s'inscrit également dans la lutte contre le néo-colonialisme caractérisée par le rejet des valeurs occidentales, l'affirmation de la personnalité, de l'authenticité africaine et de la dignité de l'homme noir. Elle marque la volonté des Africains d'asseoir sur des bases saines leur indépendance politique et économique débarrassées de toute domination étrangère. Dans tous les domaines, l'objectif a été de se rapprocher davantage des réalités profondes de la société africaine. Il sera déclaré dans le rapport politique, lors du deuxième congrès du Rassemblement du peuple togolais tenu à Lama-Kara52(*) que : « Il est en effet temps que l'Afrique trouve sa voie propre au développement. Les modèles qui ont prévalu dans d'autres pays et qu'on nous a tant vanté les mérites ont, après plusieurs décennies, démontré au grand jour leur inadéquation et leur inefficacité »53(*)

Et le rapport conclut qu'« A chaque peuple d'inventer son mode de développement en tenant compte de son authenticité et de sa spécificité. ».

Plus tôt, le chef de l'Etat togolais, dans son discours à l'ouverture de la commission paritaire CEE-EAMA en 1973 à Lomé, avait déclaré pour expliquer et justifier l'option politique faite par le Togo que : « Le multipartisme à l'européenne appliqué brutalement chez nous au lendemain des indépendances nous avait conduit au bord du gouffre »54(*)

Le cas du Togo qui vient d'être ici exposé n'est pas une exception. De manière générale sur le plan africain il se posait la question du type d'Etat à créer. Ainsi, pour les dirigeants il s'agissait de créer un Etat fort afin d'aboutir à de véritables nations. Les arguments évoqués par les dirigeants pour imposer l'unicité de point de vue furent entre autre la nécessité de construire l'unité nationale et d'assurer le développement économique. Pour ces défenseurs, le parti unique permet de surmonter les oppositions existantes et de réaliser l'unité nationale. Le parti unique permet d'empêcher la division du pays entre plusieurs partis politiques qui ont presque tous une base ethnique ou régionale.

Le choix du parti unique fut diversement apprécié. Beaucoup d'Africains et d'Européens avaient condamné ce système au nom des règles à la démocratie (Lavroff 1978 : 30). Pour J.-M. Denquin (2001 : 50), c'est un régime dictatorial qui vise à « restaurer l'apolitisme transcendant de jadis ».

Au Togo le choix du parti unique fut soutenu et encouragé par des populations pour des raisons que nous connaissons déjà. L'opposition à ce système ne fut pas ouvertement proclamée à l'intérieur. Mais elle se manifesta sous la forme de coup d'Etat visant le chef de l'Etat. Elle prit donc la forme d'une prise de revanche visant à assassiner le chef de l'Etat supposé être l'assassin du Président Sylvanus Olympio. C'est ainsi que la plupart de ces tentatives de déstabilisation furent attribuées aux partisans de se dernier.

Mais pour les autorités, le parti unique avait plusieurs avantages55(*) dont entre autres :

- créer l'union, la solidarité entre tous les Togolais sans distinction d'origine, de religion, de sexe, d'âge ;

- éteindre les discordes préexistantes du fait de la colonisation et du multipartisme d'antan, facteur ayant paralysé la marche du pays en avant. Cette union excluait obligatoirement le tribalisme, le régionalisme, bref tout esprit de « clocher » nuisible et préjudiciable à une action concertée et collective indispensable au progrès de la collectivité nationale ;

- il correspondait aux traditions africaines à base communautaire et aussi parce que l'état de sous-développement exige la mise en commun des ressources naturelles, humaines pour permettre le décollage économique ;

- il correspond à la conception africaine du pouvoir56(*).

De ce qui précède il ressortirait que le parti unique était le meilleur moyen de lutte contre le régionalisme et le reflexe ethnique. Il constituait de ce fait le ciment de l'unité nationale.

Dès lors, pour renforcer les acquis de la nouvelle politique entreprise depuis 1967 et vaincre le sous-développement et tous ses maux, le Général Eyadema créa le Rassemblement du peuple togolais (RPT).

* 46 Togo Presse du lundi 22 mai 1967.

* 47 JORT, n° spécial du 30 juin 1967, p. 1.

* 48 JORT, 1967, p. 521.

* 49 L'acte est devenu presqu'une tradition ainsi à la veille de chaque 13 janvier le chef de l'Etat prononçait un discours à la nation.

* 50 K. M'Gboouna, ancien député à l'Assemblée nationale et enseignant chercheur dans les universités du Togo, entretien réalisé le 15 décembre 2011 à son domicile à Lomé.

* 51 Nous parlons de résurrection parce que comme nous l'avons vue plus haut les dirigeants des précédents régimes ont été enclins à ce projet. Danioue (1994 : 229) dira d'ailleurs : « il est alors plus juste de dire que le Général Eyadema n'a fait que réaliser le rêve des hommes politiques qui eurent plutôt l'hypocrisie ou la pudeur de le proposer ouvertement à leurs concitoyens. »

* 52 Ancienne appellation de la ville de Kara

* 53 Rapport du deuxième congrès statutaire du Rassemblent du peuple togolais tenu à Lama-Kara, 1982, p. 54

* 54 Allocutions et discours du Président-Fondateur 1969- 1979, tome II, juillet 1973 à novembre 1976, p.508

* 55 Certains de ces avantages constitueront les objectifs du RPT.

* 56 K. M'Gboouna, ancien député à l'Assemblée nationale et enseignant chercheur dans les universités du Togo, entretien réalisé le 15 décembre 2011 à son domicile à Lomé.

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