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Le parti unique et la question de l'unité nationale au Togo de 1961 à  1990.

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par Balowa KOUMANTIGA
Université de Kara - Maîtrise ès Lettre Sciences Humaines 2013
  

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1.3- L'armée, un instrument au service de l'unité nationale

Très embryonnaire dans les pays africains, sauf dans ceux ayant connu les luttes armées avant l'accession à l'indépendance, mais dans l'ensemble sous équipée, l'action de l'armée en politique fut au prime abord sous estimée par les spécialistes des études militaires (Gonidec 1971 : 243). Et surtout dans un pays comme le Togo ex pupille de l'ONU, où le recrutement était interdit, le rôle politique des militaires fut minimisé. Les pronostiques des spécialistes furent déjoués. Au Togo, on sait que l'armée s'est illustrée deux fois de suite en 1963 et en 1967, remettant ainsi en cause la consigne d'Aristote dont la trilogie sociale refusait aux soldats de prendre les rênes du pouvoir.

En dehors de quelques querelles hégémoniques qui proviennent de la volonté des uns de mieux se repositionner dans la hiérarchie, l'armée togolaise va vite apparaître comme le corps le plus solidaire, présentant une unité relative depuis le temps où elle fut dirigée par le général Eyadema. Au Togo, le rôle de l'armée évolua selon les époques et selon les circonstances : sous la première République, elle joua le rôle d'« arbitre entre les gouvernants et les gouvernés », celui d'« arbitre de conflit entre gouvernants » sous la deuxième République (Danioue 1994 : 514, 516). Sous la troisième République, il fut confié à l'armée le rôle de pierre angulaire de l'unité. Dans son message à la nation, à la veille du 13 janvier 1973, le président déclarait que :

« L'union de tous les Togolais s'est faite sans heurt, autour de son armée parce quelle était latente au coeur des fils de ce pays qui souffraient de la désunion. Voulant que tous les Togolais participent à cette entreprise de rénovation, ne voulant exclure de cette immense tâche aucune énergie, aucune bonne volonté, aucune compétence, nous (armée) avons décidé l'amnistie générale, vidé les prisons et rappelé les exilés. L'appel de Palimé fut lancé sans aucune exclusive et le Rassemblement du Peuple Togolais est né. »

Cette déclaration montre à suffisance le rôle assigné à l'armée. Le parti même fut un produit de l'armée et s'articulait autour de celle-ci. Ceci se reflète dans le programme du parti qui stipule que :

« Tous les citoyens d'un pays naissent civils. C'est plus tard que ceux qui se destinent à la carrière des armes endossent l'uniforme. [...] Le « New-Deal » propose ici comme ailleurs une reconversion totale des mentalités ; ne serait-ce que parce que l'exclusion de l'armée de la vie politique des Nations est aujourd'hui un phénomène dépassé. [...] Par ailleurs cette intégration de l'armée à la Nation ne peut que donner à celle-ci stabilité et solidité. »111(*)

Ainsi l'armée se fit présente dans les différents organes du parti ainsi que dans l'administration, et au gouvernement aux côtés des civiles appelés à l'accompagner dans sa mission. L'armée fut donc fortement politisée comme ce fut le cas de nombreux groupes sociaux. Elle fut placée sous le contrôle du parti dont elle était devenue une des filiales. L'armée devait ainsi se consacrer à cette oeuvre délicate : faire de l'Etat togolais une nation, c'est-à-dire persuader les Togolais à accepter la notion d'une nation, d'un Togo nouveau avec une conscience nouvelle, celle de la « Nouvelle marche ». Ceci justifierait l'attitude de certains Togolais qui s'opposaient à la volonté de l'armée de se retirer de la vie politique et appelaient celle-ci à s'intégrer progressivement à la vie de la nation togolaise.

La volonté d'intégration de l'armée avait aussi pour avantage disait-on, de permettre un bon encadrement du peuple pour aboutir à l'unité y compris par la contrainte. Ceci explique qu'elle soit capable d'imposer sa volonté. Les fêtes nationales étaient l'occasion pour elle de montrer sa force et sa puissance dissuasive (Toulabor 1986 : 98). A l'ouverture du deuxième congrès du RPT, le général Eyadema décrivait les caractéristiques de l'armée en ces termes :

« Une armée nouvelle, cohérente, authentique, décidée à garantir la sécurité du peuple a vu le jour au Togo. Elle milite ardemment dans les organes du mouvement et nous savons tous que, dans les camps, nous n'avons pas que des soldats éprouvés, connaissant leur métier, celui des armes, mais également et surtout des militants militaires. C'est pour cela que l'armée n'hésite pas à développer, en dehors de ses casernes, des opérations spécifiques et utiles. C'est pour cela que dans la mesure du possible, et pour autant que les besoins en encadrement le permette, des officiers sont appelés à diriger services ou administration »112(*).

Ses effectifs sont allés, comme l'affirme C. Toulabor (1986 : 101), en crescendo ainsi que les moyens. De 229 militaires à l'indépendance y compris les forces de police, leur nombre avait atteint 12 000 en 1990.

Mais l'armée extrapola quelquefois dans sa mission en régentant les libertés publiques selon sa seule appréciation, ce qui suscita l'attention du général qui lui adressa une mise en garde en ces termes : « Vous n'avez pas le droit de retourner contre le peuple les armes dont le peuple vous a doté pour assurer sa sécurité. »113(*)

Cette omniprésence de l'armée fut aussi l'un des handicaps à l'unité nationale d'autant plus que celle-ci ne faisait pas l'unanimité au sein des populations de par sa composition. Lors de la conférence nationale le délégué du comité d'action contre le tribalisme évoquant cette composition l'accusait de tribalisme114(*). Voici les statistiques sur lesquels il avait fondé son accusation : effectif en 1991 = 12 000 dont 2 000 pour le Sud et 10000 pour le Nord. Une telle accusation qu'elle soit vraie ou fausse n'est pas de nature à favoriser un climat de confiance indispensable à l'édification de l'unité nationale. A l'heure du multipartisme, son ombre hante la vie politique togolaise et elle est accusée dans ses prestations de partialité même quand, elle agit par simple devoir de loyauté vis-à-vis de l'autorité politique de qui elle dépend. Le verrouillage politique sous le parti unique, eut plusieurs conséquences.

* 111 Programme et statuts du RPT p. 13

* 112 Allocution prononcée par le général Eyadema à l'ouverture du 2e congrès statutaires du RPT à Lama-Kara, le 27 novembre 1976.

* 113 Eyadema cité Toulabor 1986 : 103

* 114 Le déséquilibre régional dans l'armée qui n'est pas un fait exclusif au Togo peut s'expliquer par des raisons historiques sociales et sociologiques. Historiquement le statut du Togo d'abord comme colonie sous mandat de la SDN puis ensuite comme territoire sous-tutelle de l'ONU excluait les recrutements militaires. Mais il on a constaté que les Togolais dans le nord, pauvre estime-t-on, passaient la frontière dahoméenne pour aller se faire recruter. Eyadema, comme l'ensemble des démobilisés de l'armée française qui intégrèrent l'armée togolaise, s'était fait recruter au Dahomey. En 1962 les ressortissants du nord constituaient 89,04% contre 10,96% pour le sud (Danioue 1994 : 512). Il n'est pas exclu cependant que d'autres facteurs soient venus perpétuer ce déséquilibre.

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"Un démenti, si pauvre qu'il soit, rassure les sots et déroute les incrédules"   Talleyrand