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Le processus de démocratisation au Maroc et en Tunisie du printemps arabe à  aujourd'hui (2015).

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par Omar Khyari
Université Libre de Bruxelles - Mémoire 1 - Science politique 2015
  

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II / Description de la situation politique et sociale au Maroc et en Tunisie :

Dans ce chapitre nous examinerons dans une première partie le type d'organisation politique que connaissent ces pays avant et après le printemps arabe. Dans une seconde partie nous nous intéresserons à la sphère sociale et aux particularités de chacune des populations étudiées.

A/ Organisation de la vie politique :

Le régime politique du Maroc et la Tunisie est caractérisé par un système de gouvernance autoritaire. Néanmoins les formes d'autoritarisme mise en place sont très différentes entre ces deux Etats.

Cas de la Tunisie :

La Tunisie, indépendante depuis 1956 n'a jamais connu d'alternances de par son histoire avant les évènements du printemps arabe. Le parti Néo-Destour, dont le chef est Habib Bourguiba, joue un rôle clé en obtenant l'indépendance.

32

Ibid

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Bourguiba, qui argumentait de la maturité du peuple tunisien pour conquérir l'indépendance, ne jugea pas la relève assez préparée à la démocratie et au pluralisme. Pour lui, « le peuple n'était pas encore mûr pour la démocratie », démocratie qui a été éludée au nom de l'unité qu'impliquait son projet. En conséquence, une fois jetés les fondements d'un État tunisien moderne, Bourguiba se laissa peu à peu « choir dans un autoritarisme paternaliste ». Dans ce contexte, le PSD était devenu un « alibi dans un désert idéologique ». Charles-André Julien33 y voit, quant à lui, « une démocratie conduite » que Bourguiba « pense par le haut ». Cette formulation dissocie les deux composantes de la démocratie : le jeu électoral et l'enjeu social. La conception bourguibienne évacue du concept de démocratie sa première composante mais elle lui garde la seconde : son contenu réformiste.

Le concept Tunisianité politique et autoritarisme tunisien semblent quasiment confondus chez Michel Camau, Universitaire français et spécialiste de la Tunisie et du Maghreb, et Vincent Geisser, sociologue et politologue français dans leur ouvrage34.

Qu'entendre par tunisianité ? La tunisianité, c'est « d'abord [É] un projet politique,

inauguré par les réformateurs du 19e siècle, repris par le mouvement de libération nationale, conforté par le régime bourguibien au lendemain de l'indépendance et poursuivi aujourd'hui par son successeur » (p. 20). Un projet politique cependant en permanence ambigu,

« largement cultivé par les gouvernants comme par les gouvernés, par les dominants comme par les dominés ». C'est dans ce sens que, sous les espèces de l'autoritarisme politique, la tunisianité est « le syndrome d'une dynamique paradoxale affectant l'ensemble des relations sociales » (p. 20). La tunisianité n'est pas un destin, c'est un projet, une volonté des élites comme des masses. Abdallah Hammoudi35 considère que l'autoritarisme arabe, contrairement à Mustapha H. Sharabi n'est pas dû à la forte prégnance dans les sociétés arabes de la fonction de père, mais à la force du rapport maître-disciple en tant que « symbolisation

33Charles-André Julien, Histoire de l'Afrique du Nord : Tunisie, Algérie, Maroc, Paris, Omnibus, 2002, 500p.

34 CAMAU, Michel, GEISSER Vincent, Le Syndrome autoritaire. Politique en Tunisie de Bourguiba à Ben Ali, Paris, Presses de Sciences Po, 2003, 366 pages.

35 HAMMOUDI, Abdellah, Master and Disciple : The cultural foundations of Moroccan Authoritarianism, University of Chicago Press, 222p.

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particulière qui réélabore la fonction de père » (p. 85), ce qui serait le propre d'un schème culturel arabe - toutefois ambivalent : soumission vs rébellion (p. 86) -, l'autoritarisme marocain (à la base de l'étude de Hammoudi) étant pensé comme une variation locale de l'autoritarisme arabe.

M. Camau et V. Geisser doutent de la pertinence de la généralisation à l'ensemble de la scène arabe de la thèse hammoudienne, et récusent à coup sûr sa validité dans le cas tunisien. On comprend alors mieux pourquoi M. Camau et V. Geisser estiment improbable, voire impossible, une véritable alternance (p. 20). « Le syndrome autoritaire apparaît ainsi comme le coût d'une visée réformiste paradoxalement antipolitique » (p. 24). La tunisianité serait ainsi l'envers d'une même médaille, le réformisme, dont le revers serait le syndrome autoritaire.

M.Camau et V. Geisser affinent leur conception de l'autoritarisme tunisien en distinguant des « discontinuités de formes » (ou « types » ou « configurations ») sous la « permanence du système » (chapitre 4). Ils distinguent - en fait, uniquement depuis l'indépendance du pays - deux « types » d'autoritarisme selon la manière dont se combinent les relations « entre élites politiques, élites sectorielles et gouvernées » (p. 153). « Le premier se caractérise par la monopolisation de la politique par une élite professionnalisée confinant les élites sectorielles dans une position subordonnée. Le second consiste dans le déclassement de l'élite politique au profit d'un réseau d'élites sectorielles dont les éléments dominants relèvent de la sécurité, de l'armée et des milieux d'affaires » (p. 153). Les élites « politiques » auraient perdu leur position stratégique acquise au lendemain de l'indépendance et de « gouvernantes » seraient devenues « subordonnées », « gouvernées », tandis que les élites sectorielles - plus ou moins informellement constituées en réseau, apparemment hétéroclite (sécurité, armée, milieux d'affaires) - ne seraient devenues ni « politiques », ni donc à proprement parler

« gouvernantes » ?

M. Camau et V. Geisser décrivent alors le fonctionnement du régime tunisien avec son élite politique et ses élites « sectorielles » pratiquant à la fois une forme de « servitude

volontaire » à l'égard du pouvoir (p. 157) et une « privatisation de l'État » (p. 156).

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M. Camau et V. Geisser voient dans la crise yousséfiste de 195536 un moment fondateur de l'autoritarisme. Ils écrivent en effet : « L'acte de naissance de l'autoritarisme en Tunisie date de cet épisode, qui a emprunté des formes de violence et a donné lieu à une répression implacable » (p. 109) ; ou encore : « L'autoritarisme apparaît [...] comme une issue de crise » (p. 140) ; et enfin : « L'autoritarisme tunisien constitue assurément une dérive. La propension du Néo-Destour à la violence et au coup de force durant le Protectorat pouvait s'expliquer par les conditions de la lutte. Elle ne prédisposait pas particulièrement le parti à une banalisation de ces pratiques, une fois au pouvoir. [...] Ce sont les circonstances de la crise de l'indépendance et le jeu des différents protagonistes qui ont noué les fils de l'autoritarisme. La dérive autoritaire se révèle inhérente aux conditions mêmes de l'accès de la Tunisie à l'indépendance » (p. 151-152).

Pour Michel Camau, c'est dans cette crise que l'on peut voir les premières occurrences de l'autoritarisme. On peut voir à travers celle-ci le début de la dépendance des classes sociales pour une élite monopolisant la politique et la représentation de ses intérêts. En outre, avec cette crise, les élites sont épurées de tous les éléments séditieux et se structurent autour d'un leader, désormais guide incontesté. On assiste à la naissance d'un dispositif personnalisé du pouvoir, dont dépend le fonctionnement des organisations et institutions. L'ensemble social, les individus et les groupes passent sous le contrôle du nouvel État tunisien. Un nouveau découpage quadrille le pays : les instances régionales et locales sont désormais subordonnées au centre politique. Il transcende également les solidarités communautaires et fait évoluer le cadre patriarcal de la famille. Avec la promulgation d'un code du statut personnel nouveau, on met en valeur la famille conjugale en insistant sur l'émancipation de la femme. Les années 1960 voient une phase intensive de réformisme étatique où les institutions sociale, religieuse ou économique sont contrôlées par l'État.

L'État lui-même est touché par cette vague des réformes autoritaires. L'élite dirigeante perçoit le peuple comme des gouvernés n'étant pas en mesure de s'extraire des particularismes. Elle s'identifie donc à l'État et le monopolise. Le pouvoir personnel d'Habib

36 CORET, Alain, La lutte contre l'opposition politique en Tunisie, Mémoire d'études supérieures de la Faculté de Droit et Sciences économiques, 1955-1958.

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Bourguiba en est la manifestation : s'y mêlent en effet une personnalisation et une gestion privée des intérêts publics. Ce chef omnipotent et entouré d'une cour attentive aux volontés, aux inclinations du leader, et souligne le phénomène de la personnalisation du pouvoir en Tunisie. On assiste donc à un double mouvement, selon Michel Camau, qui met en relation une « étatisation de la société » avec pour contrepartie la « privatisation de l'État », c'est-à-dire l'appropriation de la représentation par un groupe de professionnels de la politique. Dans ce schéma, le Néo-Destour et Bourguiba ne font qu'un : l'État-parti bourguibien. Ce dernier incarne une continuité historique et bientôt quasiment mythologique selon la propagande officielle. C'est sur cette même logique que s'est appuyé Zine El Abidine Ben Ali, en fondant l'héritier du parti socialiste destourien, par le Rassemblement Constitutionnel Democratique (RCD) qui continu de réaliser les même taux record lors de chaque election présidentielle que le PSD, avec un score toujours au dessus des 89% 37 .

Comme en atteste ces scores électoraux records, de 1990 à 2011 l'opposition était quasi inexistant en Tunisie, ce qui accentué l'inintérêt de la population par rapport à la vie politique du pays et les décisions ainsi que les choix politiques qui se limitaient à des échanges au palais de Carthage entre le chef de l'Etat et le Premier ministre, sans faire participer aucunes autres instances et en l'absence totale de débat. De plus le pouvoir de Ben Ali s'appuyait sur un appareil policier très puissant, qui avait pour but d'éliminer tout opposant, en particulier les islamistes qui servaient de bouc émissaires et d'alibi à la répression en particulier suite aux attentats du 11 septembre 2001.

La chute de Ben Ali en janvier 2011 ouvre la voie à un affaiblissement continu de la souveraineté étatique. Les deux premiers gouvernements de transition de Muhammed Ghannouchi, ancien premier ministre de Ben Ali, font face à une contestation populaire, réclamant sa démission. C'est ainsi que les élections d'une Assemblée nationale constituante voient le jour, ce qui ouvre à la Tunisie, la voie de la seconde république de leur histoire, pour la première fois effective, avec des élections libres et concurrentielles.

Suite à cette élection Moncef Marzouki est élu président de la République de Tunisie par l'Assemblée nationale constituante. Ce dernier nomme Hamadi Jebeli, issu du parti victorieux

37 http://fr.wikipedia.org/wiki/Élection_présidentielle_en_Tunisie

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aux elections, le parti islamiste Ennahda. L'assassinant d'un opposant politique au parti Ennahda, Chokri Belaid, crée la plus grave crise gouvernementale depuis le départ de Ben Ali. Le parti islamiste d'Ennahda est accusé d'en être le responsable. Hamadi Jebeli présente sa démission ainsi que celle de son gouvernement suite à cet assassinat. De nouvelles élections sont donc organisées en 2014, remporté par Béji Caid Essebsi, ancien ministre de l'intérieur sous Bourguiba. Cette élection semble relevée d'un compromis ne tenant pas forcément aux orientations religieuses et identitaires, mais plutôt aux orientations économiques et politiques, afin d'assurer une logique de stabilité politique et institutionnelle, plutôt que de choisir la voie d'une rupture trop brusque avec l'ancien régime.

Le cas du Maroc :

Le Maroc est depuis le 8e siècle est une monarchie qui a vu se succéder plusieurs dynasties, les Idrisside : 788-974, les Almoravides : 974-1147, les Almohades : 1147-1248, les Mérinides : 1248-1465, Wattasside 1465-1555 ; jusqu'à la dynastie Alaouite, régnante toujours sur le Maroc depuis la seconde moitié du XVIIe siècle. Ceci confère à la dynastie actuelle une légitimité historique se trouve confortée par la légitimité religieuse qui de tout temps en constitue les fondements et les piliers de la monarchie marocaine. Le Roi étant le commandeur des croyants.

Au Maroc, l'autoritarisme revêt différentes formes. De par son pouvoir monarchique, le Royaume du Maroc fonctionne sous un système centralisé autour de la personne du roi.

Cette monarchie pluriséculaire a organisé son pouvoir à travers un système appelé Makhzen. Avant l'indépendance marocaine, le Makhzen était l'appellation du gouvernement du sultan du Maroc. Le Makhzen étant un ensemble d'institutions régaliennes qui perdure jusqu'à aujourd'hui représentant les forces politiques du pays. Ce système se caractérise par une forte centralité autour de la personne du roi, ce qui a favorisé une organisation politique centralisé aux mains du roi mais a également contribué à soumettre les esprits au culte du pouvoir, chacun espérant être le plus proche possible du pouvoir, au plus proche du roi.

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Cette obsession de la distinction, tel que l'avait déjà observé Montesquieu38, fonde le socle du système monarchique marocain. Cette forme d'autoritarisme pourrait s'apparenter à un Etat profond qui résiste de par lui-même aux modifications où les habitudes ont pris une telle force, qu'une auto-gestion du système politique s'est mis en place, pour se maintenir, en utilisant les différents organes régaliens.

L'ensemble des constitutions précédentes, à celle faisant suite au printemps arabe octroyaient au roi de larges prérogatives.

Avant l'avènement de la nouvelle constitution de 2011 en réponse au printemps arabe, le roi avait de très large pouvoir sur la scène politique. Il avait le droit de dissolution sur le parlement et le premier ministre était choisi par ses soins, sans obligation de nommer le chef de la formation politique arrivée vainqueur aux élections législatives comme ce fut le cas en 2002. Depuis la nouvelle constitution le roi dispose toujours de larges pouvoirs mais une certaine normalisation des affaires de l'Etat se mit en place avec la création d'instances autonomes chargées de faire respecter la nouvelle constitution. Ainsi fut créer, le Conseil Constitutionnel (art133), le Conseil d'Etat. Ces deux organes étaient auparavant rassemblés au sein de la Cour Suprême, et de la Cour des Comptes(art147). Cette nouvelle constitution est venu renforcée une spécialisation organique des pouvoirs législatifs et exécutif et qui se revendique pour la première fois de son histoire comme une monarchie constitutionnelle, démocratique, parlementaire et sociale (art1). Cela constitue une rupture avec le système précédent dont le principe d'unicité du pouvoir, concentré entre les mains du roi, était la règle. Le pouvoir du gouvernement s'est vu élargi, le premier ministre doit être nécessairement issu du parti politique victorieux aux élections législatives mais ce dernier conquiert également une double autonomie constitutionnelle par rapport au roi. Il n'est plus responsable devant le roi mais seulement devant la Chambre des représentants, il dispose également du pouvoir de dissolution du parlement.

Au niveau de l'alternance politique, celle-ci survient au Maroc en 1998 avec l'arrivée au pouvoir de l'USFP, représentant de la gauche marocaine. Néanmoins cette alternance était purement de façade car celle-ci se faisait dans un système politique pleinement contrôlé par

38MONTESQUIEU, L'esprit des lois, Genève, 1748.

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le roi, qui se réservait le droit de choisir certains ministres notamment concernant tous les ministères régaliens en particulier celui de l'Intérieur.

En 2011, les protestations issues de l'action tunisienne se développe au Maroc. La contestation au Maroc tente de remettre en cause le fonctionnement du régime. À l'instar de la Tunisie les manifestants demandent plus de libertés et de démocratie, l'égalité sociale, la fin de la corruption ainsi qu'un plus grand respect des droits de l'Homme. Ce mouvement protestataire s'organise et prend le nom de Mouvement du 20 Février, communément appelé M20. Particularité notable, le mouvement ne conteste pas la forme monarchique du pays, mais le fonctionnement du gouvernement. Suite à ces revendications, le roi Mohammed VI prononce un discours historique le 9 mars 2011 39 promettant l'élaboration d'une nouvelle constitution qui aura pour but de satisfaire les revendications. Plus de 98% des électeurs ont voté oui à cette nouvelle constitution. Suite à cela des élections législatives sont organisées dans la foulée, et qui permettent au Parti Justice et développement (PJD) de remporter les élections et de voir son secrétaire général, Abdelilah Benkirane nommé par le roi au poste de premier ministre.

Avant la constitution de 2011, l'opposition ne disposait d'aucun statut constitutionnel. La Constitution de 2011 marque un tournant de l'organisation à la vie politique des différentes forces politiques. Elle garantit un accès aux médias officiels, le bénéfice des financements publiques, ainsi qu'une participation effective au processus législatif avec la présidence de droit de la commissions des lois de la Chambre des représentants ainsi que la possibilité d'inscrire des propositions de lois à l'ordre du jour des deux chambres législatives.

Par ailleurs, outre l'organisation du système politique des deux pays, ces derniers sont tous deux fortement sujets à une corruption de masse organisée.

De par cette privatisation de l'Etat, Ben Ali avait élevé le niveau de clientélisme et de corruption en associant à l'appareil d'Etat, la famille très puissante de sa seconde épouse,

39 http://www.maroc.ma/fr/discours-royaux/texte-intégral-du-discours-de-sm-le-roi-loccasion-de-la-cérémonie-dinstallation-de

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Leila Trabelsi. Selon un rapport de la Banque mondiale40, les proches de Ben Ali ont bénéficié d'un cadre réglementaire qui protégeait leurs intérêts de la concurrence, au point que ce groupe de privilégiés avait la mainmise, à la fin de 2010, sur plus de 21 % des bénéfices réalisés par le secteur privé dans le pays. Intitulée « All in the Family, State Capture in Tunisia », l'étude a été menée dans le cadre de la série des documents de travail de la Banque mondiale, consacrés à la recherche sur les politiques, et conclut que le « clan » de l'ancien dirigeant tunisien, défini comme le groupe de personnes reconnues coupables de corruption dont les biens ont été confisqués, a investi dans des secteurs lucratifs dont l'accès était protégé, principalement par un système d'autorisations préalables et le recours aux pouvoirs exécutifs pour modifier la législation en faveur du régime, créant ainsi un système à grande échelle de capitalisme de copinage.

L'analyse des données de la commission de confiscation portant sur 220 entreprises révèle que les entreprises étudiées étaient étroitement liées à la famille de l'ancien président. L'examen des données des entreprises et des décrets signés par Ben Ali sur une période de 17 ans prouve que la législation a souvent servi à promouvoir les intérêts du clan et à les protéger de la concurrence. Toujours selon cette étude les données collectées font état de 25 décrets promulgués au cours de cette période qui introduisaient de nouvelles exigences d'autorisation préalable dans 45 secteurs différents et de nouvelles restrictions en matière d'investissements directs étrangers (IDE) dans 28 secteurs. Conséquence : plus d'un cinquième des bénéfices du secteur privé revenait aux entreprises des proches du régime. Selon le chercheur au Département de la recherche de la Banque mondiale et auteur principal de l'étude Bob Rijkers « Il a été en effet prouvé que l'État a permis aux membres du régime à la recherche de rentes d'accaparer une partie importante du secteur privé en mettant les entreprises proches de la famille à l'abri de la réglementation en vigueur ou en leur octroyant des avantages particuliers . Plus pernicieux encore, nous avons la preuve que les règlements ont été aménagés pour servir des intérêts personnels et favoriser la corruption. »

40Bob Rijkers, Caroline Freund, Antonio Nucifora, All in the Family. State Capture in Tunisia.. The World Bank. Middle East, mars 2014.

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Au Maroc, la tolérance sociale vis-à-vis de la corruption est très forte, influencée par un sentiment d'impunité et d'inégalité des citoyens devant la loi en fonction de leur statut social. La corruption s'apparente à un comportement normal, la perception de la sanction étant faible, la dissuasion étant quasiment inexistante. La pratique étant même encouragée par les agents d'autorité, et plus la normalisation de la corruption au sein de la société est croissante. Contrairement à la Tunisie, cette corruption est moins institutionnalisée, cette dernière profitant principalement à la famille du chef de l'Etat en l'occurrence Trabelsie. Au Maroc la corruption est diffusée à l'ensemble de la société et s'exerçant entre toutes les classes sociales de la société allant du policier de circulation au responsable de région. Cette généralisation à l'ensemble de la société contribue à considérer que d'un côté on aurait le droit de voter des lois, des normes et des obligations et de l'autre une « pratique sociale » où se développent les possibilités de faire ce que les lois ne permettent pas. En 2011, le Corruption Index Perception publié annuellement par Transaprency International, donne la note de 3,4/10 plaçant au Maroc à la 80ème place sur un total de 183 pays. Ce score plaçait le Maroc dans la catégorie des pays à « corruption systémique ».

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams