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Le processus de démocratisation au Maroc et en Tunisie du printemps arabe à  aujourd'hui (2015).

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par Omar Khyari
Université Libre de Bruxelles - Mémoire 1 - Science politique 2015
  

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B/ Des structures sociales différentes

Pour mieux comprendre les conséquences et les dérives de l'autoritarisme, il faudra s'intéresser aux structures sociales et à leurs caractéristiques au niveau de ces deux pays. Après avoir développé l'organisation politique de chacun des deux Etats, nous nous intéresserons dans cette partie à la population et ses caractéristiques pour mieux comprendre son fonctionnement.

Tout d'abord, la population tunisienne et marocaine est caractérisée par leur forte proportion de jeunes.

En 2011, la population tunisienne a étéì estimée à 10 673,8 habitants. Les jeunes représentent 18,9%, si l'on retient les individus recensés appartenant à la tranche d'âge 15-24 ans et

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28,4% si l'on adjoint la classe immédiatement supérieure (25-29 ans)41.

Cette forte proportion de jeunes au sein de la population se retrouve également au Maroc. Les jeunes de 15 à 24 ans constituent près du cinquième de la population marocaine, d'après le Haut-Commissariat au Plan (HCP) dans un recueil d'indicateurs et de données statistiques sur cette catégorie de la population intitulé «Les jeunes en chiffres». Leur effectif est estimé en 2011 à près de 6,3 millions de personnes, dont 50,6% sont des garçons et 49,4% des filles, indique le HCP à l'occasion de la journée internationale de la jeunesse, placée cette année sous le thème «Construire un monde meilleur en association avec les jeunes«. Les jeunes Marocains représentent 30 % de la population du pays.

En dépit de la jeunesse qui caractérise la population de ces deux pays, celle-ci est très différenciée de par son niveau de formation, d'alphabétisation et de qualification.

Au Maroc, les jeunes sont particulièrement touchés par l'exclusion : une étude récente et novatrice de la Banque mondiale révèle que 49 % des jeunes Marocains ne sont ni à l'école ni au travail. Ce nouveau rapport intitulé, « Promouvoir les opportunités et la participation des jeunes »42, rédigé par Gloria La Cava, coordinatrice de la Banque Mondiale au Moyen-Orient et en Afrique du nord, analyse les raisons de cette inactivité généralisée et préconise un ensemble de mesures et d'approches centrées sur la jeunesse. Ce rapport démontre que les jeunes au Maroc (âgés de 15 à 29 ans) représentant quelque 30% de la population totale du Maroc et 44% de la population en âge de travailler (âgée de 15 à 64 ans) ont été exclus de la croissance économique soutenue que le pays a connu durant la dernière décennie.

Bien que le taux de chômage des jeunes soit élevé, se situant en moyenne entre 22% chez les hommes et 38% chez les femmes, il ne donne pas une image complète de l`exclusion de la jeunesse de la vie économique. En 2009-2010, environ 90% des jeunes femmes et 40% des jeunes hommes qui n'étaient pas à l'école étaient soit au chômage soit exclus de la population active, ce qui indique que les progrès réalisés dans le rendement scolaire ne s'est pas traduit

41 UNICEF, statistiques sur la Tunisie : http://www.unicef.org/french/infobycountry/ Tunisia_statistics.html

42Gloria La Cava ,Royaume du Maroc : Promouvoir les Opportunités et la Participation des Jeunes, Région Moyen-Orient Afrique du Nord Département du Développement Durable, 2012.

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par une transition satisfaisante vers le marché du travail. La politique de formation des jeunes mises en place dès le règne du roi Hassan II servait d'autres ambitions. Arabisation de l'enseignement, islamisation de l'enseignement avec l'introduction de l'éducation islamique tout en limitant l'enseignement de la philosophie, dans le but de contrecarrer la montée du communisme dans les années 1970 pour limiter toute contestation envers la monarchie. C'est donc ce système qui a débouché sur ses résultats catastrophiques en matière d'éducation de la population jeune et de sa formation. En 2011, les chiffres officiels du PNUD évaluent le taux d'analphabète au Maroc à 29,9% de la population totale.

Contrairement au Maroc, la Tunisie bénéficie d'un système d'éducation beaucoup plus développé. Les statistiques de l'UNICEF indique que le taux d'alphabétisation des jeunes, 15-24ans atteint 98% et que le taux de participation à l'enseignement secondaire est de 69% pour les hommes et 77% pour les femmes. Les dépenses d'éducation en pourcentage du PIB sont de 6,2%, ce qui constitue l'un des taux le plus élevé en Afrique et qui est supérieur à la moyenne européenne, qui elle représente 5,97% du PIB. C'est donc une génération formée qui existe en Tunisie. Néanmoins, une frustration est née de cette formation en raison l'absence de travail. Une grande quantité de diplômés arrivent sur le marché du travail sans possibilité d'obtenir un emploi. En 2011, en Tunisie, arrivait sur le marché du travail près de 70000 jeunes, un chiffre important pour un pays de 10 millions d'habitants. Sur ces 70 000 jeunes, 30 000 ne trouvent pas d'emploi et venaient s'ajouter à ceux qui n'en avaient pas encore trouvé l'année précédente, dépassant les capacités d'absorption du marché de l'emploi. C'est un chômage structurel qui se met donc en place, renforcé par la crise économique de 2008 qui est venu surajouté à ce chômage structurel un chômage conjoncturel43.

Le rapport annuel sur le marché du travail en Tunisie réalisé en 2013 44 , montre que les jeunes âgés de 15 à 29 ans sont davantage touchés par le chômage. En 2012 et leur taux de chômage n'a cessé d'augmenter en passant de 25 % en 2007 à 38,2% en 2011 avant de subir une légère baisse pour se situer à 35,2% en 2012. Le taux de chômage de la tranche d'âge (15-24 ans)

43 Bauchard, Denis, Le nouveau Monde Arabe : enjeux et instabilités, 2012, p.31.

44 Ministère de la Formation Professionnelle et de l'Emploi, Rapport annuel sur le marché du travail en Tunisie, Novembre 2013, 75p.

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est très élevé en comparaison avec les pays développés. Il est passé de 27,9 % de la population active en 2007 à 29,5% en 2010 pour atteindre 37,6% en 2012, la moyenne mondiale étant de 12,2% au cours de cette période. On observe donc qu'il existe en Tunisie une jeunesse formée avec peu d'espoir de débouchés professionnels à la clé.

Pendant longtemps, comme c'est le cas pour de nombreux pays en voie de développement, la classe moyenne s'est insuffisamment développée et ces pays sont souvent divisés entre une catégorie (très minoritaires) de très riche d'un côté, et la grande majorité, vivant dans la pauvreté. Au Maroc, le Haut-Commissariat au Plan45 a mené une enquête pour déterminer la part de la classe moyenne au sein de la société. Il résulte de cette étude que 53% de la population correspond à la classe moyenne contre 34% pour la classe modeste et 13% pour la classe aisée. La structure du revenu est dominée par le mode salarial avec 44,5%. Un autre fait saillant, dégagé par l'étude du HCP, montre que la classe moyenne est la plus touchée par le chômage du fait de son poids démographique. Elle a un taux de 14,6%, contre 10,9% pour la classe modeste et 10,4% pour la classe aisée. Au-delà des critères de définition, la classe moyenne serait en manque de représentativité, selon Salah Jaydane, directeur de la collection «Le royaume des idées». Ce dernier prône la mise en place d'un pacte social de responsabilité qui lierait les gouvernants aux gouvernés pour favoriser la mobilité sociale. «Ce serait un signal fort envoyé à cette classe moyenne en guise de reconnaissance de ses efforts et de ses sacrifices, car au final elle constitue le seul couloir possible pour l'évolution sociale», précise l'enseignant de philosophie. En dépit de leur relative importance numérique, les classes moyennes, ou les personnes qui les composent, n'exercent pas toutes une activité rémunérée : 48% sont des actifs occupés, 8,3% des chômeurs et 43,7 % des inactifs (femmes au foyer, étudiants, personnes âgées et infirmes, retraités et rentiers et autres).

Contrairement aux ménages aisés dont le taux de chômage est de 10,4 %, soit sensiblement le même que celui qui touche les classes modestes (10,9%), les classes moyennes connaissent un taux de chômage de 14,6%. Et ce taux grimpe considérablement dans les villes (22 %). L'explication est simple : les membres composant la classe modeste ou pauvre acceptent n'importe quelle activité, ils ne peuvent se permettre le «luxe» de rester au chômage, ce qui

45 Haut Commissariat au Plan, Etudes sur les classes moyennes au Maroc, 2009.

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n'est pas le cas des classes moyennes et surtout de la classe aisée.

En réalité, l'incidence de la pauvretéì est en baisse tendancielle depuis les années 1970. « La poursuite de la baisse de la pauvretéì au rythme observé entre 1984 et 2004 indique que le Maroc n'atteindrait le taux réaliséì aujourd'hui par la Tunisie (moins de 5%) qu'en 2060 » ( source HCP)

En Tunisie, la classe moyenne est développée depuis bien plus longtemps qu'au Maroc. En effet la Tunisie, pays dépourvu des ressources naturelles a réussi, grâce à son modèle de développement a misé sur ses capacités et son potentiel propres, notamment ses ressources humaines, principale richesse du pays.

La Tunisie a favorisé ainsi l'émergence d'une classe moyenne à même de faire face aux défis. Celle-ci constitue en effet le coeur battant de la société. La part de la classe moyenne en Tunisie est différente. En 2010, une enquête nationale sur le budget et la consommation des ménages a été menée. Elle révèle à environ 75.62% de la population. Quant à la classe des riches, elle est estimée à 10.03% contre 14.36% pour les pauvres. Ce taux est nettement supérieur à celui du Maroc.

Par ailleurs, l'autre élément marquant de la différence sociale entre le Maroc et la Tunisie réside dans la place que les femmes occupent au sein de la société. Au niveau de l'éducation, cet écart est criant. En effet, selon les statistiques de l'UNICEF46, 74% des femmes sont alphabétisées au Maroc alors que ce taux atteint les 96% en Tunisie. De plus au niveau de l'enseignement secondaire, seul 36% des femmes marocaines s'y sont inscrites contre 77% pour les femmes supérieurs, taux qui est même supérieur à celui des hommes en Tunisie qui est de 69%. Ce retard social au niveau de l'éducation de la femme s'explique par le fait de la « dépatriarcalisation » de la société. Dans tous les cycles de l'enseignement, la proportion de filles est supérieur à celle des garçons dans le secondaire, mais également au niveau du baccalauréat ou elles représentent près de 60% des candidats et ont un taux de réussite plus

46UNICEF, statistiques sur la Tunisie : http://www.unicef.org/french/infobycountry/ Tunisia_statistics.html

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élevé chez les garçons. Au niveau de la structure familiale, le Maroc a entériné en 2004, une réforme majeure en matière de droits familiaux : le nouveau code de statut personnel et successoral, venu remplacé l'ancienne Moudawana, qui était fortement imprégné des valeurs patriarcales. Cette réforme a permis d'accompagner des changements que connait la société marocaine, même si ses avancées restent insuffisantes.

La structure familiale en Tunisie, quant à elle, évolue avec un fort taux d'éducation des femmes, associé au fait que ces dernières n'ont plus que pour rôle de s'occuper de la famille, mais travaillent également au sein de la société, grâce notamment à un code de la famille moderne, promulgué bien avant celui du Maroc, et qui permet d'expliquer cette différence de positionnement des femmes sur le marché du travail. Cette dématérialisation de la famille traditionnelle à encourager la concurrence entre les membres de la famille à amoindri la figure autoritaire du père, chef de famille. Le taux de natalité étant également inférieur à deux, la taille moyenne des familles baisse et les hiérarchies familiales ne sont plus aussi claires et précises, ce qui ouvre la porte à une prise de conscience de soi plutôt qu'au strict respect du système patriarcal.

Sur le plan religieux, le Maroc et la Tunisie sont deux pays fortement attaché aux valeurs de l'Islam. L'Islam et la religion principale et officielle des deux pays. Néanmoins la fracture entre laïque et religieux est très forte en Tunisie, alors qu'au Maroc, l'unicité politique et religieuse tient aussi du fait que le Roi est considéré comme le « commandeur des croyants », et ce n'est qu'avec le printemps arabe qu'une frange de la population s'est décidée à remettre en cause cet acquis séculaire de la royauté marocaine.

Enfin, au Maroc comme en Tunisie, la place des élites joue un rôle central dans la pérennité du régime. Au Maroc l'élite continue de prospérer en bénéficiant des meilleures offres pour l'éducation. En effet dans son ouvrage « Ecoles, élites et pouvoir È 47 Pierre Vermeren voit en l'arabisation du système scolaire un moyen d'assurer une éducation à deux vitesse. Dans un premier temps, l'auteur analyse celle-ci comme un moyen politique pour « endiguer la contestation «progressiste» qui a fait de ce thème un cheval de bataille idéologique

47VERMEREN Pierre, École, élite et pouvoir, Alizée, 2002, la thèse d'histoire sociale de l'auteur

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central » (p. 320). Plus avant dans l'ouvrage cependant, l'auteur considère la politique d'arabisation comme une « véritable ruse de l'histoire » (p. 400), permettant aux « classes dirigeantes anciennes, ou [à] la nouvelle élite en cours de recomposition » (p. 399) de reprendre le contrôle du système de formation et de ses « filières d'excellence ». Le mouvement de démocratisation de l'enseignement est perçu « comme un moment de flottement dans le contrôle exercé par les classes supérieures sur la perpétuation (ou la reproduction) des élites ».

Les filières d'excellence dont parle Pierre Vermeren représente les « missions françaises » dans lesquelles seules les classes aisées ont les moyens d'envoyer leurs enfants au sein de ces établissements. De l'autre part, la masse qui est éduquée par le système éducatif marocain, défaillant, comme l'atteste les chiffres vus plus haut. Selon l'auteur, cela serait le résultat d'un calcul politique pour éviter d'éclairer la majorité et maintenir sous sa coupe les individus privilégiés qui, comme déjà aisés, n'ont pas d'aspirations particulières à modifié l'ordre établi, même si cette réalité semble elle aussi muter. De plus cela est confirmé par le fait que les quasi-ensembles des fils de décideurs politiques ont tous suivi un enseignement autre que celui du système national (américain ou français majoritairement).

Dans ce chapitre, nous allons analyser en quoi les différences au niveau du régime politique et de l'organisation social du Maroc et de la Tunisie ont débouché sur des mouvements de contestations qui n'ont pas eu les mêmes buts et effets et ce au sein du cadre théorique que nous avons présenter dans notre première partie et de par l'analyse des événements décrit dans notre deuxième partie.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams