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L'ONU et la résolution de la crise du Darfour.

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par Guylain MURHULA MUHIGWA
Université Officielle de Bukavu "UOB" - Licence en Relations Intérnationales 2010
  

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IV.2. L'ONU et le maintien de paix au Darfour

Dans le but de résoudre pacifiquement les différends qui ont éclaté depuis 2003, entre le régime de Khartoum et les principaux mouvements et groupes rebelles au Darfour, l'ONU participe sous deux formes d'interventions : d'une part elle participe par l'entremise des procédés diplomatiques ou juridictionnels : cela par la facilitation et la médiation dans des négociations politiques et d'autre part, sous forme d'opérations militaires de maintien de la paix. Ces deux formes d'interventions dont se sert l'ONU pour chercher à rétablir la paix au Darfour feront l'objet d'analyse pour ce point.

IV.2.1.L'ONU et les opérations de paix au Darfour

La diplomatie est la première arme dont dispose l'ONU. Le Conseil de sécurité doit encourager les nations à résoudre pacifiquement leurs conflits (par des recommandations, des négociations, la médiation, etc.). Si ces tentatives échouent, il peut avoir recours à des moyens non militaires (des sanctions économiques par exemple).

En dernier recours, il peut autoriser une action militaire pour imposer la paix. Celle-ci est menée par une coalition de pays, regroupés sous l'égide de l'ONU. Cette manière d'imposer la paix n'est utilisée que très rarement (par exemple lors de la guerre du Golfe en 1991) (141).

IV.2.1.1.L'ONU et les Négociations de paix au Darfour a. Des cessez-le-feu aux missions de paix

C'est le Tchad qui le premier se mettra sur la longue liste des médiateurs de la crise du Darfour. Dès le mois de septembre 2003, il organise une rencontre à Abéché, entre le gouvernement soudanais et les forces rebelles qui débouchera sur un premier accord de cessez-le-feu d'un mois et demi, connu sous le nom d'« Abéché I », suivi rapidement d'« Abéché II ». Ces deux accords ne réussirent en rien à calmer le jeu, à tel point que le général Al-Bachir pouvait rapidement déclarer, après quelques succès ultérieurs sur le terrain que les opérations militaires étaient terminées.

141 Microsoft ® Encarta ® 2009. (c) 1993-2006 Microsoft Corporation consulté le 5 Juillet 2010.

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Cette orientation des premières négociations sous égide internationale en faveur de la recherche de cessez-le-feu sera encore celle privilégiée lorsque l'Union africaine entrera à son tour en scène en mars 2004. A l'instar des discussions menées à Abéché, celles-ci, qui se tiendront à N'Djamena, mettront en avant la question de l'aide humanitaire à apporter aux populations, sans que celle de leur protection soit toutefois prévue.

Un nouveau cessez-le-feu était conclu début avril et pour la première fois aussi, une mission internationale d'observation militaire était constituée pour veiller à son application : la Mission de l'Union africaine au Soudan, MUAS.

L'extrême modestie des moyens de la mission et surtout des équipes d'observation sur le terrain - 60 observateurs et 300 militaires, dans un premier temps, à pied d'oeuvre à partir du mois de juin -, ne pouvait permettre à la Mission de tenter quelque action que ce soit à l'encontre de ceux qui violeraient l'accord sur un territoire de la surface de celui de l'Espagne. Cet accord ne pouvait qu'être piétiné et le fut effectivement, par toutes les parties. ( 142). Ainsi l'ONU jouera ici un rôle déterminant :

D'abord pour faire face à la situation humanitaire catastrophique, elle votera dé juillet 2004 des résolutions visant au retour à la paix civile, par le désarment des Janjawids et le retour des déplacé dans leurs foyers. Ses résolutions établissent des embargos sur les armes, des interdictions de survol aérien militaire et prévoient même des sanctions à l'égard des coupables d'atteintes aux droits de l'homme et des violateurs des cessez-le-feu antérieurs et des embargos et interdictions décrétés. Des sanctions qui consistent notamment en un gel des avoirs financiers et en une interdiction de se rendre à l'étranger. Ces pressions internationales contraignent le gouvernement de Khartoum à prendre divers engagements : dès le 3 juillet 2004, il assure à Kofi ANNAN qu'il entend désarmer les janjawids... dans les 30 jours. Le nouveau Représentant Spécial du Secrétaire Général de l'ONU pour le Soudan, Jan Pronk, signe le 5 août 2004 un plan d'action avec les autorités qui s'engagent en outre à protéger l'action humanitaire, à établir des tribunaux locaux chargés de juger les atrocités commises contre les civils, à respecter l'embargo sur les armes et les survols aériens offensifs, et même à engager des négociations politiques avec la rébellion.

142 Rapport d'information sur la situation au soudan et la question du Darfour par la commission des affaires étrangères présenté par serge JACQUIN et Patrick LABAUNE, Assemblée National, KHARTOUM ; 2009 ; p.171

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Ensuite le rôle de l'ONU se manifestera à ce stade des premières négociations par la mobilisation de toute la communauté internationale en vue de soutenir financièrement et logistiquement l'intervention de l'UA au Darfour. La France et l'Union Européenne tout entière répondirent à cet appel en octroyant au fonctionnement de la MUAS de financement énormes. Certains pays africains ont contribué également en ressource, humaines, financières et en matériels de logistique.

b. Les Négociation d'Abidjan

A la différence de ce qui s'est passé dans le cadre du conflit du Sud Soudan, où l'IGAD s'était fortement impliquée dans la conduite des négociations, c'est ici l'Union africaine qui prend l'initiative pour aider les Soudanais à entrer dans un processus de paix. Elle le fait sans tarder, dès la conclusion des cessez-le feu de N'Djamena, afin de profiter de la synergie possible avec le CPA, parallèlement en voie de conclusion. Les pourparlers entre les forces rebelles, JEM et SLM, et le gouvernement soudanais, commencèrent ainsi à Addis Abeba, siège de l'UA, en juillet 2004, pour se poursuivre ensuite sous le parrainage du président OBASANJO, à Abidjan, au Nigeria, dès le mois d'août. Sur un mode comparable à ce qui s'était passé dans la négociation entre le Nord et le Sud, une déclaration de principes fut signée après un an de négociations, le 5 juillet 2005, avant que la discussion n'entre dans le détail de la résolution des causes directes de la guerre : le partage des ressources et du pouvoir, auquel était jointe la question des arrangements de sécurité. En d'autres termes, on tentait de répliquer un scénario qui avait fait ses preuves ailleurs. Cela étant, à la différence notable de la négociation conclue par l'accord obtenu en juillet, à l'entrée dans ce second volet de négociations, les forces rebelles se présentent séparées, une scission intervenant notamment au sein du SLM, comme nous avons eu l'occasion de l'indiquer, entre ses deux leaders, Abdel Wahid al-Nour d'un côté et Mini Arkoi Minawi de l'autre. (143 )

Cette rupture conditionnera non seulement l'échec de la négociation mais aura aussi un impact profond et durable sur le déroulement du conflit du Darfour.

143 Rapport d'information sur la situation au soudan et la question du Darfour par la commission des affaires étrangères présenté par serge JACQUIN et Patrick LABAUNE, Assemblée National de la France, Paris ; 2009 ; p172

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Indépendamment des questions de fond, sur lesquelles nous reviendrons le moment venu, on aurait pu croire que lors des négociations d'Abuja, compte tenu de ce qui s'était débattu antérieurement autour de la nécessité du renforcement de la MUAS, les négociateurs s'attacheraient à traiter ce sujet. Il n'en fut rien. Des divergences importantes rendaient inconciliables les positions du gouvernement de Khartoum et les exigences des rebelles du Darfour, et il fallut attendre mars 2006 pour que soit finalement accepté le principe d'une force conjointe entre l'Union africaine et les Nations Unies. C'est sont ses négociations d'Abidjan qui ont données naissance à l'accord dit « Darfour Peace Agreement, DPA » dont malheureusement a tourné en échec.

? L'échec du Darfour Peace Agreement, DPA

Après avoir été parmi les premières au début des années 1990 à offrir ses services pour la résolution du conflit entre le Nord et le Sud, la diplomatie nigériane se proposa de nouveau d'abriter les pourparlers inter soudanais pour résoudre la crise du Darfour. A l'instar de ses médiations antérieures, mais pour d'autres raisons, celles-ci ne rencontrèrent pas non plus le succès qu'elles escomptaient.

Dans la foulée des tentatives de cessez-le-feu, la négociation pour le Darfur Peace Agreement (DPA) a été la première à tenter de régler les problèmes de fond à l'origine du conflit. En ce sens, l'Union africaine, qui a piloté les rencontres d'Abuja entre rebelles et gouvernement soudanais, avait d'une certaine manière pris la mesure du CPA entre le Nord et le Sud Soudan, sans peut-être toutefois en tirer toutes les conséquences. De fait, l'architecture du DPA reprend en grande partie celle du CPA et le document est articulé en plusieurs accords thématiques.

Un premier aspect a posé les bases d'un arrangement sécuritaire qui portait à la fois sur la question du cessez-le-feu mais aussi sur les étapes ultérieures, notamment l'intégration des troupes rebelles dans les forces armées, la démobilisation, ou encore le désarmement. Les divergences entre le gouvernement et les rebelles sur ce volet des négociations ont été considérables pour de multiples raisons.

En premier lieu, parce que d'autres cessez-le-feu avaient été signés préalablement au cours des mois précédents, que Khartoum se refusait à réviser. En second lieu, car la question du désarmement des combattants imposait à Khartoum de reconnaître ses liens

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avec les janjawids et de s'engager à les démilitariser, alors même que son argumentation considérait encore à l'époque le conflit comme ethnique, intertribal et non politique.

La question du partage des richesses est évidemment cruciale, compte tenu de la part que le déséquilibre régional et la marginalisation du Darfour ont eu dans le déclenchement du conflit et de l'importance qu'y attache entre autres le JEM, dont le Livre noir avait, peu avant le déclenchement des hostilités, mis en avant les déséquilibres et le sous-développement du Darfour. En conséquence, l'ensemble des questions est traité dans le texte de l'accord, qui se présente, à l'instar du CPA, comme un texte global, inclusif, traitant non seulement la résolution du conflit du Darfour mais l'inscrivant plus justement dans la problématique soudanaise d'ensemble. Il propose un rééquilibrage socioéconomique en faveur du développement du Darfour. A cet effet, des institutions, tel un Fonds de développement et de reconstruction du Darfour, sont créées et les moyens économiques et financiers sont prévus, moyennant des transferts financiers annuels de la part du gouvernement de Khartoum, une commission d'évaluation devant suivre l'application des mesures prévues. Une commission de compensation est aussi instaurée, chargée de venir en aide aux victimes du conflit, que le gouvernement s'engage à abonder.

(144 )

En ce qui concerne la question du partage du pouvoir, la place d'une représentation spécifique Darfouri au sein des institutions politiques nationales est centrale dans le schéma qui s'est dessiné à Abuja. C'est peut-être finalement la raison première de l'échec de ce processus. Ici aussi, ce thème est entré en résonance avec le texte du Comprehensive Peace Agreement, que les sudistes et le gouvernement venaient alors de conclure à Naivasha. Cette partie de la négociation fut parmi les plus conflictuelles dans la mesure où, précisément, la répartition des postes au sein de l'exécutif national venait d'être réglée par le CPA, sans qu'il soit fait de place particulière au bénéfice des représentants du Darfour. Une véritable avancée sur la revendication des rebelles darfouri aurait nécessairement supposé un retour en arrière sur le texte du CPA si péniblement obtenu, pour le réviser. Cette question était d'autant plus vive que le JEM tout comme le SLM d'AbdelWahid al- Nour, se positionnaient tous deux également en faveur d'une transformation nationale du Soudan, et ne prétendaient pas simplement régler une supposée « question » du Darfour.

144 Rapport d'information sur la situation au soudan et la question du Darfour, op. cit, p 178

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Consécutivement, l'impossibilité pour les négociateurs de dépasser le cadre du CPA et de revenir sur ce que le gouvernement et le SPLM avaient accordé, et notamment le partage politique des sièges dans les différentes instances, entre le PCN, parti dominant du Nord, et le SPLM, conduisait le processus à un échec certain. En complément de cet aspect, essentiel, d'autres questions institutionnelles étaient à régler, sans doute moins épineuses, mais néanmoins importantes, telles que la place des Darfouri dans les administrations et institutions nationales, le statut du Darfour, comme région unique, la détermination de ses limites géographiques et les structures administratives et politiques du Darfour même. Même si les revendications des rebelles n'ont pas été satisfaites sur plusieurs points, c'est sans doute sur cette question institutionnelle et politique que le DPA a achoppé essentiellement. Quoi qu'il en soit, en fin de négociations, le SLM/A d'Abdel Wahid al-Nour refusa de signer l'accord, arguant également du fait que les avancées obtenues tant au plan des arrangements de sécurité que du Fonds de compensation des victimes étaient insuffisants. Le JEM de Khalil Ibrahim, pour sa part, mit l'accent sur le traitement de la marginalisation de la région, tant politique que sociale et économique, insuffisant pour que les racines du conflit disparaissent. Il refusa de signer également (145).

Quelques temps auparavant, en février, Abdel Wahid al-Nour avait reconnu la divergence de positions entre son mouvement et le JEM et l'impossibilité pour les rebelles de négocier avec le gouvernement sur des bases communes. Son propre mouvement, le SLM, se scinda aussi en deux au cours de la phase finale des négociations, puisque, seul parmi les délégations rebelles, Mini Minawi quitta le SLM pour signer le DPA, avant d'ailleurs peu après de basculer résolument dans le camp de Khartoum jusqu'à retourner les armes contre ses anciens compagnons de lutte.

D'une certaine manière, comme on a pu l'analyser, le DPA aura agi comme un révélateur de tensions au sein des mouvements insurrectionnels dont il aura contribué à accélérer les divisions sur des bases ethniques (146). Selon diverses analyses, le processus de négociation a pu être mal conduit face à des mouvements rebelles et un gouvernement qui avaient chacun leur agenda à défendre vis-à-vis de la communauté internationale, compte tenu de ce qui se jouait par ailleurs. A aucun moment, semble-t-il, on ne s'est trouvé à Abuja dans le cadre d'une démarche véritablement constructive de la part des belligérants. Les combats, particulièrement, se sont poursuivis sans relâche au long de ce

145 International Crisis Group, « Darfur's Fragile Peace Agreement », juin 2006. 146ibidem

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processus, qui ont sans doute contribué à ce que l'attention de la communauté internationale continue de se focaliser essentiellement sur l'aspect humanitaire et sécuritaire plus que sur la résolution politique du conflit.

Enfin, last but not least, pour équilibré et positif qu'il ait pu alors paraître à certains, cet accord, contrairement à ce que les promoteurs du processus avaient cru lors des négociations d'Abuja, n'a pas été validé par les populations des camps consultées, comme prévu par le texte de l'accord. Le processus s'est donc déroulé entre négociateurs, sans que les victimes du conflit aient été associées, ni même informées de ce qui allait leur être proposé. Comme le dira ultérieurement le Rapport du groupe de travail présidé par Thabo MBEKI, « en l'absence de compréhension de la part de la population, ni même d'un soutien, le DPA fut tout de suite largement condamné au Darfour. » (147) Uniquement signé entre le gouvernement et Mini Arkoi Minawi, le DPA, comme on pouvait s'y attendre, n'a pas été appliqué, ou si peu. Mais on imagine mal le gouvernement central, toujours en guerre contre les rébellions, appliqué de son propre chef les dispositions d'un accord non accepté par l'ensemble des parties.

Ici également le rôle de l'ONU en collaboration avec l'UA ne pas négligeable : Dans un premier temps, les Nations Unies et l'Union africaine ont multiplié les initiatives pour tenter de sauver cet accord, des ultimatums ont été posés aux mouvements qui avaient refusé de signer le texte pour qu'ils y souscrivent. La position de la France, qui avait joué un rôle important dans les négociations d'Abuja, à la différence de ce qui s'était passé à Naivasha, a également oeuvré en ce sens. Elle a par exemple poursuivi ses médiations bilatérales avec les mouvements rebelles, obtenant du président Denis Sassou Nguésso, alors président en exercice de l'Union africaine, et du président Obasanjo, d'étendre les délais de signature initialement prévus, sans que cela aboutisse (148). Il a fallu plusieurs mois, sur fond de tensions entre mouvements rebelles, pour que l'Union africaine et les Nations Unies revoient leurs stratégies.

- En second, l'ONU et l'UA nommèrent chacune un médiateur, Salim Ahmed Salim, d'un côté et Jan ELIASION de l'autre, dont les initiatives ne furent cependant pas couronnées de succès. Au rejet proprement dit du DPA par les non signataires, qui ne

147 « La quête de la paix, de la justice et de la réconciliation », rapport du Groupe de haut niveau sur le Darfour, octobre 2009, page 42.

148 Entretien des rapporteurs de la commissions d'information sur la situation au soudan et la question du Darfour avec Henri de Cotignac, 30 septembre 2009 ; cité par le rapport d'information, op. cit, p.

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voyaient pas au nom de quoi, sans modifications substantielles, ils reviendraient sur leur refus d'autant que la position négative des populations étaient également connue, s'ajouta une tension croissante sur le terrain, pas exclusivement militaire : Scission des mouvements, en tout cas du côté du SLM, qui gardait néanmoins un soutien populaire important ; montée en puissance militaire du JEM sans qu'elle s'accompagne cependant d'une adhésion des populations ; et revendications émergentes des populations arabes frustrées du Darfour désireuses de ne pas être laissées pour compte même si elles n'étaient pas parties prenantes au conflit.

Au final, les médiateurs, malgré leurs efforts pour associer aussi les gouvernements de la région et donner une dimension plus large au traitement de la crise du Darfour, que ce soit à Arusha, en Tanzanie ou lors de la phase de Syrte, en Libye, ne réussirent pas mieux à faire progresser les pourparlers. A tel point que lorsque Djibril Bassolé, les remplaça en Juillet 2008 comme médiateur conjoint Nations Unies/Union africaine, il privilégiait au début de son mandat la négociation d'un cessez-le-feu sur la reprise d'un processus de paix, qu'il considérait alors comme encore prématuré.(149)

L'extrême complexité de la crise du Darfour, comme celle des autres conflits soudanais, impose d'avoir nécessairement une approche globale des problèmes. A considérer les développements ultérieurs, il apparaît que, sans doute, les négociations d'Abuja n'avaient pas pris suffisamment en compte certains des aspects qui, s'agissant d'un conflit civil, sont essentiels. Ainsi, la question de la réconciliation de la société Darfourie était certes abordée, mais dans le cadre des compétences de l'autorité régionale de transition du Darfour, moyennant la création d'un modeste « Conseil de paix et de réconciliation du Darfour ». Celle de la justice et de la lutte contre l'impunité des auteurs des massacres et exactions dont avaient souffert, et continuaient de souffrir les populations, n'était pas non plus traitée à sa juste valeur. Certes, en parallèle, le Conseil de sécurité des Nations Unies avait déféré au procureur de la CPI la situation au Darfour quelques semaines après avoir reçu le rapport de la Commission internationale d'enquête, et cela peut éventuellement expliquer cette omission.

149 Philippe T, SHIRAMBERE, la collaboration de l'organisation des Nations Unies et de m'Union Africaine dans le règlement pacifique des conflits armés africains, cas de la crise du Darfour, mémoire, ULPGL, Goma, 2002-2003, p.66

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c. Les Négociations de Doha

Après la nomination de Djibril Bassolé comme médiateur en chef conjoint ONU/UA pour le Darfour en 2008, il tentera avec le concours des différents partenaires des Nations Unies à réactiver le processus de paix qui était en cours.

C'est ainsi que dé le début de l'année 2009 sous l'implication du gouvernement du Qatar et du médiateur conjoint UA/ONU les pourparlers s'ouvrirent à Doha pour tenter de mettre à table tous les belligérants du Darfour afin de trouver une solution négociée pour son problème.

Ainsi, pour tenter de sauver la barque de la noyade, les négociations de Doha seront engagés à 3 niveaux différents : -d'abord entre le gouvernement de Khartoum et les groupes rebelles ; ensuite entre le gouvernement de Khartoum et le gouvernement du Tchad et enfin entre les différentes communautés civiles du Darfour. :

c. 1. Négociations entre le gouvernement de Khartoum et les groupes rebelles

Depuis le début de l'année 2010, plusieurs avancées notables ont été enregistrées dans le processus de paix au Darfour.

Le 23 février 2010, un accord cadre pour le règlement du conflit au Darfour a été signé à Doha entre le Gouvernement soudanais et le Mouvement pour la justice et l'égalité (MJE). Cet accord avait été négocié et paraphé à N'Djamena le 20 février 2010, sous les auspices du Président IDRISS Deby. Les Présidents du Soudan, du Tchad, de l'Érythrée et l'Émir du Qatar étaient présents à la cérémonie. Cet accord, inspiré de l'Accord de bonne volonté conclu le 17 février 2009 entre le Mouvement pour la justice et l'égalité et le Gouvernement soudanais, comprend la déclaration d'un cessez-le-feu immédiat, un engagement de libérer les prisonniers de guerre, et l'engagement de négocier un accord de paix final avant le 15 mars 2010. Suite à la signature de l'Accord, le Gouvernement soudanais a immédiatement libéré 57 prisonniers de guerre du Mouvement pour la justice et l'égalité. Bien que les parties n'aient pas pu se mettre d'accord sur un protocole de mise en oeuvre du cessez-le-feu ou un accord final à la date butoir du 15 mars, le cessez-le-feu entre le Mouvement pour la justice et l'égalité et le Gouvernement soudanais a été respecté dans une large mesure.

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Au cours des négociations, d'importantes mesures ont également été prises en ce qui concerne l'unification des mouvements armés. Le 23 février 2010, la création du Mouvement de la libération pour la justice (MLJ) a été annoncée. Ce mouvement regroupait des membres du Mouvement de libération du Soudan-Forces révolutionnaires (Groupe de Tripoli) et une partie du Groupe de la Feuille de route (Groupe d'Addis-Abeba) en un mouvement unique placé sous la direction d'Eltigani Seisi Mohamed Ateem. Le Gouvernement soudanais et le MLJ ont immédiatement engagé des négociations et signé un accord-cadre pour le règlement du conflit au Darfour à Doha le 18 mars 2010. La médiation envisage de gérer les négociations avec le Mouvement pour la justice et l'égalité et le Mouvement de la libération pour la justice parallèlement dans un premier temps, et de fusionner ensuite les deux séries de négociations en vue de parvenir à la conclusion d'un accord final. (150)

Des négociations parallèles entre le Gouvernement soudanais et le MJE sur un accord de cessez-le-feu détaillé et entre le Gouvernement soudanais et le MLJ sur des accords de sécurité spécifiques se sont poursuivies jusqu'à l'avant-veille des élections et devraient reprendre en mai 2010 quand le gouvernement nouvellement élu sera en place.

Depuis qu'un conflit armé entre le MJE et les Forces armées soudanaises a éclaté le 3 mai, le MJE a annoncé aux médias qu'il avait gelé sa participation aux négociations et il a ultérieurement retiré sa délégation des pourparlers.

Le 19 mai, le Président du Mouvement, M. Khalil Ibrahim, a été détenu à l'aéroport de N'Djamena et l'entrée au Tchad lui a été refusée. À la suite de cet incident, M. Ibrahim s'est réinstallé à Tripoli, où il était encore au 30 juin. Bien que les efforts visant à ramener le MJE à la table des négociations se poursuivent, aucun progrès en ce sens n'a été réalisé depuis cet incident. Sur le terrain, le conflit armé entre le MJE et l'armée soudanaise se poursuit en violation flagrante de la cessation des hostilités prévue dans l'Accord-cadre. ( 151) Toute fois le 6 juin, les entretiens entre le Mouvement de libération pour la justice et le Gouvernement soudanais ont repris à Doha. Les deux parties se sont entendues sur un programme de travail et ont constitués six commissions chargées des négociations sur les sujets suivants : partage du pouvoir et statut administratif du Darfour; partage des

150 Rapport du secrétaire Général des nations unies sur la situation du Darfour dans la période allant du 1 janvier au 30 avril 2010 ; situation politique, §12

151Rapport du secrétaire Général des nations unies sur la situation du Darfour dans la période allant du 1 janvier au 30 avril 2010 ; situation politique, §23

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richesses, y compris des droits fonciers; indemnisation et retour des personnes déplacées et des réfugiés; arrangements en matière de sécurité; justice et réconciliation; et accords et règlements des différends.

En cette phase des Négociations, l'ONU en collaboration avec l'UA jouent le rôle de Médiateur dans la résolution de la crise et de l'appui aux processus de paix en cours avec la facilitation de l'Etat du Qatar. C'est dans ce cadre qu'en avril 2010, la médiation a organisé une série d'ateliers sur le renforcement des capacités à l'intention des mouvements armés, afin d'accroître leur cohésion, ainsi que leurs capacités et leur aptitude à engager des négociations directes avec le Gouvernement. La MINUAD a fourni des experts, notamment sur les arrangements de cessez-le-feu, à l'appui des efforts de la médiation. La médiation et la MINUAD ont facilité la tenue d'un atelier avec le MLJ du 6 au 8 avril 2010 sur la mise en oeuvre du cessez-le-feu afin de faciliter la coopération entre le MLJ et la MINUAD, et accroître la stabilité des accords de cessez-le-feu.

Ainsi le 3 juillet 2010, le Comité conjoint Gouvernement soudanais/Mouvement de libération pour la justice sur l'indemnisation et le retour des réfugiés et des déplacés s'est réuni en présence de 85 déplacés et réfugiés. La Médiation conjointe, avec l'appui de la MINUAD, a facilité leur participation à la réunion pour s'assurer qu'ils comprenaient bien le processus de négociation qui les concernait directement et qu'ils pouvaient faire entendre leur voix. (152)

c. 2 Les négociations et la société civile du Darfour

. Au cours de la période considérée, la MINUAD a continué à apporter un soutien à la médiation conjointe pour le Darfour, en particulier pour faciliter la participation de la société civile au processus de paix. Outre qu'elle appuie la participation directe de Darfouriens aux entretiens, la MINUAD, en collaboration avec la Médiation conjointe, a entamé des consultations avec des représentants de la société civile et de collectivités à travers le Darfour.

Le 8 juin, le Représentant spécial conjoint et le Médiateur en chef conjoint ont rencontrés 80 membres de la société civile à Nyala (Darfour Sud), pour discuter de leurs préoccupations et de l'état du processus de paix.

152Conseil de sécurité de Nations Unies ; S/2010/382.Op cit, §14

153 S/2010/213.Rapport du Secrétaire Général sur l'opération de la MINUAD au Darfour période ; allant du 1er mai au 30 Juin 2010 §.19

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En outre, en collaboration avec le Groupe de mise en oeuvre de haut niveau de l'Union africaine, la MINUAD envisage d'organiser une conférence consultative sur le Darfour pour faciliter l'adhésion de l'opinion publique sur ce qui concerne les questions liées au processus de paix. La MINUAD fournit également des services d'experts sur les mécanismes de cessez-le-feu et d'autres mécanismes d'application à la Médiation conjointe à Doha. (153)

Dans le contexte du processus de paix, la médiation, en collaboration avec la MINUAD, a lancé une série de consultations avec la société civile visant à tirer parti des conclusions de la première Conférence de la société civile du Darfour qui a eu lieu à Doha le 18 novembre 2009. Ces consultations avaient pour objectif l'intégration des vues et des intérêts des diverses communautés du Darfour dans toutes négociations futures.

En janvier et février 2010, la MINUAD a organisé 32 conférences et réunions publiques à travers le Darfour pour diffuser la Déclaration de la société civile sur le Darfour adoptée à Doha en novembre 2009 et mobiliser l'appui de la population.

Bien que certains groupes de personnes déplacées, en particulier dans les camps du Darfour Ouest et du Darfour Sud, aient refusé de participer à la Conférence de novembre 2009, plusieurs d'entre eux ont participé à la série de consultations la plus récente.

De plus, les consultations de la société civile ont été élargies de manière à inclure les communautés nomades et les syndicats ainsi que les membres de la diaspora et les communautés de réfugiés au Tchad. Des consultations préparatoires, sous la forme d'ateliers et de forums publics, ont été tenues dans 29 localités dans les trois États du Darfour, et 4 537 personnes, dont 30 % étaient des femmes, y ont participé.

Quatre consultations ont été organisées exclusivement à l'intention des femmes sur les thèmes de la justice, de la réconciliation, de l'indemnisation, des questions foncières et de la sécurité, du partage du pouvoir et des arrangements constitutionnels. La MINUAD et la médiation de l'ONU sont en train de regrouper en un document unique les recommandations formulées par la société civile dans le cadre de ces consultations. À plus

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long terme, la médiation envisagée d'organiser une deuxième conférence de la société civile, qui a eu lieu à Doha après les élections nationales. (154)

c. 3 Les négociations entre le soudan et le Tchad

Un certain nombre de progrès ont été enregistrés dans la normalisation des relations entre le Soudan et le Tchad, notamment un accord conclu le 15 janvier 2010 et une visite effectuée par le Président Deby à Khartoum les 8 et 9 février, au cours de laquelle les deux dirigeants se sont engagés à renouveler les efforts en faveur de la paix et de la stabilité. Cette visite la première depuis 2004 et la nomination ultérieure d'un ambassadeur du Tchad à Khartoum représentent des progrès concrets dans le cadre des efforts déployés par la communauté internationale et un pas en avant sur la voie du renforcement de la sécurité au Darfour. Le déploiement d'une force conjointe de surveillance des frontières composée de 1 500 soldats soudanais et 1 500 soldats tchadiens a commencé dans la zone frontalière, où le rapprochement a eu un effet positif sur la sécurité, et aucun incident transfrontière n'ayant été enregistré par la MINUAD au cours de la période à l'examen. Toutefois, le transfert des groupes d'opposition armés tchadiens en provenance de la région frontalière vers le Darfour Nord continue à créer un risque d'insécurité dans ces régions. (155)

Jusque là le rôle de l'ONU comme nous venons de le voir se renforce de plus en plus par la poursuite du déploiement de la Mission de l'Union africaine et des Nations Unies au Darfour (MINUAD) et le renforcement de ses capacités opérationnelles, en particulier dans les zones éloignées, qui ont contribué à l'amélioration de la sécurité de la population du Darfour, notamment grâce à la multiplication des patrouilles, à la création de centres de police de proximité et à l'amélioration de la collaboration avec les autorités soudanaises .

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld