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L'ONU et la résolution de la crise du Darfour.

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par Guylain MURHULA MUHIGWA
Université Officielle de Bukavu "UOB" - Licence en Relations Intérnationales 2010
  

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IV.1.3. Le silence du Conseil de sécurité

Le Conseil de sécurité ne s'est jamais saisi d'aucun dossier Soudanais avant le 31 janvier 1996. Pourtant les crises qui frappent le Soudan sont récurrentes depuis l'indépendance, le conflit entre le Nord et le Sud du pays, commencé en 1983, s'avère terriblement coûteux pour les populations civiles, et le conflit dans les Monts Nouba a été l'objet des rapports les plus alarmants de la part des rapporteurs spéciaux de la Commission des droits de l'homme depuis 1993, attirant sans ambiguïté l'attention sur le nettoyage ethnique en cours.

Ce ne sont cependant pas ces crises-là qui motiveront son intervention avec la résolution 1044, la toute première à avoir été adoptée par le Conseil de sécurité contre ce pays, à l'unanimité des quinze membres. Elle condamnait la tentative d'assassinat dont avait été victime le président égyptien Hosni Moubarak à Addis Abeba le 26 juin 1995, et demandait au gouvernement soudanais de prendre les mesures pour extrader vers l'Ethiopie les trois suspects ayant trouvé refuge sur son territoire, de renoncer à soutenir les activités terroristes et enfin de respecter les principes des Chartes de l'ONU et de l'OUA dans ses relations de voisinage.

Devant l'inertie des autorités soudanaises, deux autres résolutions du Conseil de sécurité ( 130) seront votées peu après, qui, pour la première fois, établiront des sanctions contre le Soudan, portant, dans un premier temps, sur les facilités accordées à ses diplomates, puis interdisant le trafic aérien aux compagnies d'aviation soudanaises vers les pays membres des Nations Unies

Entre temps, l'attention du Conseil de sécurité était retombée et, sans même parler de décision ou de résolution, aucun débat sur le Soudan n'y sera même simplement organisé durant la période, allant de 1995 à 2001.

L'attention du Conseil de sécurité ne se ravivera que quelques années plus tard, lorsque la crise du Darfour aura éclaté ; plus précisément, lorsque la perspective d'un accord de paix entre le Nord et le Sud commencera de prendre forme.

130 Résolution 1054, du 26 Avril 1996 et 1070, du 16 août 1996.adoptées à l'unanimité sauf l'abstention de la Russie et de la chine.

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IV.1.4. Le réveil de la communauté internationale

L'entrée en jeu des Nations Unies sur la question du Darfour peut s'analyser en trois séquences successives. On peut en premier lieu considérer que la réaction du Conseil de sécurité fut tardive puisque c'est seulement le 11 juin 2004 (131 ) soit près d'un an et demi après le début de l'insurrection rebelle et de sa répression par le gouvernement soudanais, que le Conseil a abordé la question du Darfour. Ce délai, bien long, voire excessif, si l'on prend en compte la connaissance par la communauté internationale des réalités soudanaises nécessite un retour sur cette période, et notamment sur la chronologie des interventions des Nations Unies.

L'intérêt renouvelé du Conseil de sécurité au début des années 2000 en ce qui concerne le Soudan est tout d'abord marqué du sceau d'un très réel soulagement de voir enfin à porter de main la solution de l'effroyable conflit civil entre le Nord et le Sud, après des années d'efforts et de médiation diplomatiques.

En octobre 2003, un peu plus d'un an après la signature du Protocole de Machakos, le président du Conseil de sécurité demande au Secrétaire général de commencer, avec l'ensemble des parties prenantes, dont les facilitateurs et observateurs internationaux, les « travaux préparatoires en vue de déterminer les meilleurs moyens, pour les Nations Unies, d'aider à l'application de l'accord global de paix »(132 ).

De fait, quelques mois plus tard (133 ) le Secrétaire général expose au Conseil de sécurité son analyse des énormes difficultés auxquelles risque de se heurter la mise en application du futur accord de paix Nord-Sud. Il fournit également un schéma de travail et d'appui logistique pour que les Nations Unies contribuent à son succès. Il rappelle à cet égard qu'« un petit groupe d'experts techniques de l'ONU se trouve au Soudan depuis la fin d'avril 2004 pour entreprendre une planification logistique et des évaluations sur le terrain (...) dans l'éventualité d'une opération future » de soutien à la paix qui, souligne-t-il, se ferait dans les conditions les plus difficiles mais qu'il appelle néanmoins sans ambiguïté de ses voeux : l'accord de paix sera un document extrêmement complexe, qui affectera « en profondeur les réalités politiques actuelles au Soudan » et nécessitera tout à

131 Résolution 1547 cité par le rapport d'information sur la situation du soudan et la question du Darfour, Op cit, p. 148

132 Déclaration du président du conseil de sécurité, 10 octobre 2003.

133 Rapport du secrétaire général sur le Soudan 3 Juin 2004.

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la fois une grande confiance entre les ex belligérants, ainsi que soutien et patience de la part de la communauté internationale qui sera là « confrontée à la tâche véritablement redoutable consistant à aider le gouvernement soudanais et le SPLM/A à surmonter leurs divergences ».

Ce n'est qu'en conclusion de ce premier mémoire que Kofi ANNAN attire l'attention du Conseil de sécurité sur ses préoccupations : non seulement des combats font toujours rage dans certaines régions au Sud, mais « la situation catastrophique au Darfour est un problème qui rendra un accord de paix Infiniment plus difficile à appliquer » (134 )

En d'autres termes, d'une certaine manière, pour grave et préoccupante qu'elle soit alors, depuis au moins un an que dure la contre insurrection de Khartoum, la crise du Darfour n'est alors appréhendée par le Secrétaire général que de façon incidente : il s'agit simplement d'une difficulté supplémentaire à laquelle les parties prenantes doivent s'atteler au risque de voir rendus vains leurs efforts pour l'application des futurs accords de paix Nord-Sud. Ce sera d'ailleurs en ce sens que se prononcera le Conseil de sécurité dans la résolution 1547 du 11 juin 2004, qui fait siennes les conclusions de Kofi ANNAN sur le Darfour. Cette résolution sera donc essentiellement centrée sur l'accord de Naivasha dont elle souligne l'importance non seulement pour la perspective de paix qu'il ouvre enfin entre le Nord et le Sud mais aussi pour la stabilité globale du pays, dans la mesure où il est considéré comme représentant une solution viable pour tous les soudanais. Pourtant, quelques jours avant l'adoption de cette première résolution, le président du Conseil de sécurité était revenu sur la situation dramatique du Darfour, mettant notamment l'accent sur des informations relatives à des graves actes de violations des droits de l'homme « à caractère ethnique », sur l'engagement non encore respecté, du gouvernement soudanais de désarmer les milices janjawids ainsi que sur les entraves logistiques faisant obstacle à une intervention rapide « face à une crise majeure qui ne cesse de s'aggraver » (135 ).

D'une certaine manière, un tournant s'est opéré dès ce moment dans la politique du Conseil de sécurité. Non seulement, il condamnait ces violations des droits de l'homme et réitérait son appel à la protection des civils et au respect des engagements des autorités

134 Rapport du secrétaire général, S/2004/453,3juin 2004, §22.

135 Déclaration du président du conseil de sécurité, 25mai 2005. Sur www.un.org/newscentre le 04 mai 2010.

136 Adoptée le 30 Juillet 2004.

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soudanaises mais il commençait d'élaborer des décisions d'une toute autre force, une fois réellement prise la mesure de ce qui se jouait alors au Darfour.

Très vite, en effet, trois autres résolutions seront votées par le Conseil de sécurité, au cours de cette même année 2004, qui porteront cette fois ci l'essentiel de l'attention sur la situation au Darfour.

A compter de cette date (11juin 2004), le Conseil sera d'ailleurs seul à prendre position sur les différents aspects des dossiers soudanais, en déclarant agir en vertu du Chapitre VII de la Charte.

C'est donc quelques semaines seulement après la résolution 1547, que la résolution 1556 (136 ) viendra d'une certaine manière cristalliser les préoccupations que l'Assemblée générale n'avait cessé d'exprimer au cours des années antérieures au sujet des désastres que vivait le Soudan, pour en tirer, sur la base de la tragédie qui se joue au Darfour et pour la première fois, des conséquences juridiques d'une certaine effectivité.

Les risques de catastrophe humanitaire pour les populations civiles du Darfour, la nécessité de permettre l'acheminement de l'aide internationale, la dimension régionale du conflit et les risques de déstabilisation internationale ainsi que la nécessité de soutenir les efforts de médiation engagés par l'Union africaine et d'autres parties prenantes, sont les arguments avancés qui justifient que le Conseil de sécurité ouvre en effet la voie d'une première vague de mesures contraignantes à l'encontre du Soudan, dans l'hypothèse où son gouvernement n'honorerait pas ses engagements.

« La situation au Soudan constitue une menace à la paix et à la sécurité internationales et à la stabilité de la région », affirme le Conseil de sécurité, qui se limite néanmoins, dans l'immédiat, à un embargo sur les armes et autres matériels militaires vers les trois Etats constituant le Darfour.

Avec l'adoption de cette résolution, les décisions du Conseil de sécurité vont devoir s'équilibrer en un exercice des plus délicats. Dès ce moment, en effet, le Conseil mène deux actions en parallèle : l'une relative au soutien international et résolu d'un processus de paix prometteur entre le Nord et le Sud, dans lequel le gouvernement soudanais a montré son engagement ; l'autre relative à l'attention à porter à la répression par ce même gouvernement d'une rébellion nouvelle, contre laquelle il fait preuve d'une brutalité et de

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l'utilisation de moyens inacceptables, susceptibles de l'exposer à des sanctions internationales.

Les deux résolutions du Conseil de sécurité votées à l'été 2004, illustrent bien l'incommodité de la position du Conseil de sécurité, dont le gouvernement soudanais saura jouer habilement dans son activité diplomatique.

En premier lieu, alors que quelques semaines auparavant, comme nous l'avons souligné, l'application des futurs accords de paix constituait la promesse d'un avenir meilleur pour le Soudan, la perception soudaine de l'urgence absolue de la situation au Darfour conduit le Conseil de sécurité à instaurer un premier mécanisme de sanctions susceptible d'être rapidement étoffé faisant corrélativement moins porter son attention sur le processus de paix en cours entre le Nord et le Sud. En effet, si le Conseil :

« réaffirme son appui à l'Accord de Naivasha », il « envisage avec intérêt l'application effective de cet accord, et un Soudan, pacifique et unifié, oeuvrant en harmonie avec tous les autres États à son propre développement, et demande à la communauté internationale d'être prête à apporter un concours soutenu, notamment en fournissant les fonds nécessaires pour appuyer la paix et le développement économique au Soudan. » (137 ).

De fait, s'il aura plus tard l'occasion de se féliciter de l'enregistrement de certains progrès, le Conseil de sécurité continuera de manifester sa préoccupation et de hausser le ton. Depuis le début de l'été, un mécanisme conjoint d'application des accords de paix avait été instauré entre le gouvernement soudanais et le Secrétaire général. Son attention se portait sur la vérification des engagements du gouvernement de Khartoum quant aux milices janjawids, aux activités des forces armées soudanaises comme aux différents autres aspects des problèmes : situation militaire sur le terrain ; situation humanitaire ; processus de négociation ; fourniture et accès de l'aide internationale notamment.

Consécutivement, malgré certains éléments positifs, l'insuffisance constatée des moyens mis en oeuvre par le gouvernement conduit rapidement le Conseil de sécurité à accroître sa pression. La résolution 1564, dès le 18 septembre 2004, mentionnera ainsi le secteur pétrolier soudanais comme cible possible de sanctions au cas où serait avéré le manque de

137 Résolution 1556 du 30Juillet 2004, paragraphe 11.

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coopération du gouvernement, notamment avec la mission de l'Union africaine au Darfour.

Dans l'intervalle en effet, non seulement le gouvernement n'a pas ralenti son activité militaire aérienne sur les villages du Darfour, mais ses milices janjawids, loin d'avoir été désarmées, ont pour leur part poursuivi leurs exactions. Raison pour laquelle le Conseil de sécurité demanda alors au Secrétaire général de constituer d'urgence une « commission internationale d'enquête pour enquêter immédiatement sur les informations faisant état de violations du droit international humanitaire et des instruments internationaux relatifs aux droits de l'homme par toutes les parties dans le Darfour, pour déterminer également si des actes de génocide ont eu lieu et pour identifier les auteurs de ces violations afin de s'assurer que les responsables aient à répondre de leurs actes. »

C'est la première, et unique, fois que l'éventualité qu'un génocide soit commis au Darfour est évoquée dans une résolution du Conseil de sécurité. Quelques semaines plus tard, le 19 novembre 2004, le Conseil, très exceptionnellement déplacé à Nairobi pour l'occasion afin de marquer sa plus vive préoccupation (138 ), adopte lors d'une séance solennelle la résolution 1574, qui réitère l'attention portée au processus de Naivasha et tout le soutien que les Nations Unies sont prêtes à apporter à l'application du futur accord de paix, d'autant plus espéré qu'il contribuera « à résoudre la crise au Darfour. » En d'autres termes, comme la résolution le souligne par ailleurs, c'est une approche nationale, syncrétique, associant tous les intéressés « y compris les femmes», qu'il est nécessaire d'adopter pour travailler à la paix et à la réconciliation nationale.

Alors que le Conseil de sécurité, comme nous l'auront souligné, n'avait porté aucune réelle attention au Soudan par le passé, sa soudaine prise de conscience de la gravité de la situation au Darfour va l'entraîner dans une sorte d'emballement au cours des années suivantes : entre le 1er Janvier 2005 et le 31 décembre 2009, ce ne sont en effet pas moins d'un total de 107 réunions qu'il aura consacré directement au Soudan (139 )

En complément, sur un plan institutionnel, une enquête internationale aura été diligentée ; 29 résolutions du Conseil de sécurité, portant exclusivement sur les conflits soudanais, auront été adoptées, sans compter le grand nombre d'autres, traitant de

138 Par le passé depuis la création de l'organisation des Nations Unies, le Conseil de sécurité ne s'était ainsi délocalisé qu'à trois reprises.

139 Traitant la question du Soudan et plus particulièrement celui du Darfour le conseil de sécurité s'est déplacé 21fois en 2005 ; 31 fois en 2006 ; 15fois en 2007 ; 24 fois en 2008 et 16 fois en 2009 de son siège habituelle.

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questions régionales affectant pour partie la crise du Darfour ou la situation au Soudan, qui seront également votées ; la Cour pénale internationale, saisie par le Conseil de sécurité (140 )aura de son côté lancé des procédures et mandats d'arrêt internationaux visant à l'arrestation de certains hauts responsables de l'appareil répressif soudanais ainsi que du président Omar Al-Bachir lui-même pour crimes de guerre et crimes contre l'humanité ; des forces d'interposition de l'Union européenne, de l'Union africaine et des Nations Unies auront été constituées pour se déployer sur le terrain et contribuer à la pacification de la région et à la sécurisation des camps de réfugiés et de déplacés, ainsi que de la population civile Darfouri.

En d'autres termes, la crise du Darfour aura finalement été l'occasion d'une activité et d'une mobilisation de la diplomatie onusienne d'une exceptionnelle importance, à la hauteur des enjeux humains et géopolitiques qu'elle a créés, révélés ou amplifiés.

On ne peut toutefois s'empêcher de penser que ce conflit a aussi été comme une épine dans le pied des Nations Unies, fort inopportunément plantée à un moment où toute l'attention devait se concentrer sur un effort commun pour enfin réussir une paix si longtemps attendue. D'une certaine manière, la communauté internationale s'est trouvée embarrassée par cette nouvelle crise, et contrainte d'y plonger malgré elle alors qu'elle croyait voir l'interminable dossier soudanais se clore enfin. Le Darfour a risqué de tout faire capoter, de mettre à bas l'édifice péniblement construit. N'est-ce pas pour cette raison, aussi, que les solutions qui seront envisagées pour le résoudre, que ce soit par les Nations Unies, l'Union africaine, ou les initiatives des médiateurs bilatéraux, seront si uniment consacrées en premier lieu aux aspects humanitaires, en occultant en quelque sorte les fondements politiques de cette crise ? Comme s'il fallait tenter d'apaiser le feu à l'Ouest sans rien remettre en cause de ce que l'on avait difficilement réussi à construire.

Certes, les informations épouvantables en provenance du Darfour, dix ans à peine après que le Rwanda eut écrit à l'été 1994 en quelques semaines l'une des pages les plus horribles de l'histoire de l'humanité, faisaient resurgir le spectre d'un nouveau génocide en terre africaine. Il y avait de quoi bousculer les chancelleries occidentales, attisées par l'opinion publique.

140 Résolution 1593, du 31 mars 2005

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld