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La régulation de l'industrie pétrolière du Sénégal face au défi du paradoxe de l'abondance


par Pape Amadou FALL
Faculté de droit Paris Descartes - Master 2 Droit des Politiques Publiques du Développement 2018
  

Disponible en mode multipage

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    Déposé le 18 septembre 2017

    Pape Amadou FALL
    Mémoire

    Master 2 Droit des Politiques Publiques et Développement
    Faculté de droit de l'Université Paris-Descartes

    Année universitaire 2017/2018

    La régulation de l'industrie pétrolière du Sénégal face au défi du paradoxe de

    l'abondance

    Mémoire rédigé sous la direction de Mme Julia Motte-Baumvol

    2

    REMERCIEMENTS

    Je remercie avec la plus profonde gratitude, toutes les personnes ayant contribué directement ou indirectement à la rédaction de ce mémoire.

    Je remercie Madame MOTTE-BAUMVOL Julia, Maître de conférences à l'Université Paris Descartes et Directrice de ce mémoire, pour ses précieux conseils, sa disponibilité mais surtout sa patience.

    Je remercie Monsieur CHAIGNEAU Pascal, Directeur du Master Droit des Politiques Publiques du Développement à l'Université Paris Descartes.

    Je remercie Madame MULLER DELPHINE, Responsable du Master Droit des Politiques Publiques du Développement à l'Université Paris Descartes.

    Je remercie très sincèrement mes parents pour leur soutien indéfectible et leurs encouragements dans les bons comme dans les moments de doute.

    A toutes ces personnes, je présente mes remerciements, ma gratitude et mon respect.

    3

    LISTE DES SIGLES ET ABREVIATIONS

    APPA Association des Producteurs de Pétrole

    BM Banque Mondiale

    BEAC Banque des États de l'Afrique Centrale

    CCSRP Collège de Contrôle et de Surveillance des Ressources

    Pétrolières

    CEDEAO Communauté Économique des États d'Afrique de l'Ouest

    CN-ITIE Comité Nationale de l'ITIE

    CNUCED

    COS-

    PETROGAZ

    Conférence des Nations-Unies pour le Commerce et le Développement

    Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz

    CPP Contrat de Partage de Production

    CRPP Contrat de Recherche et de Partage de Production

    CSR Collège de Surveillance des Ressources

    4

    FMI Fonds Monétaire International

    FONSIS Fonds Souverains d'Investissements

    IDA Association International de Développement

    ITIE

    Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives

    LPDSE Lettre de Politiques de Développement du Secteur de

    l'Énergie

    MSGBC Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée Bissau et Conakry

    NNPC Nigerian National Petroleum Corporation

    OEC Observatory of Economic Complexity

    ONU Organisation des Nations-Unies

    OPEP Organisation des pays exportateurs de pétrole

    PED Pays en Développement

    PETROSEN Société des Pétroles du Sénégal

    PIAC Public Interest and Accountability Committee

    PNUD Programme des Nations-Unies pour le Développement

    PRMA Petroleum Revenue Management Act

    PSE Plan Sénégal Émergent

    PIB Petroleum Industry Bill

    PIB* Produit Intérieur Brut

    PWYP Publish What You Pay

    RNB Revenu National Brut

    RIIA Royal Institute of International Affairs

    SNR Société Nationale de Recouvrement

    TI Transparency International

    TIDM Tribunal International du Droit de la Mer

    5

    UA Union Africaine

    6

    TABLE DES MATIERES

    INTRODUCTION GENERALE 9

    Partie 1 - Le phénomène du paradoxe de l'abondance dans les pays africains producteurs de

    pétrole 26

    Chapitre premier : L'effet néfaste du syndrome hollandais au sein des pays africains

    producteurs de pétrole 27
    Section 1 - Une conséquence du syndrome hollandais liée à une mauvaise gestion de la

    rente pétrolière 27

    Paragraphe premier - La notion de rente pétrolière et du syndrome hollandais 27

    A- L'impossible consensus doctrinal sur la notion de rente pétrolière 28

    B- Le syndrome hollandais, une conséquence d'une forte dépendance à la rente

    pétrolière 29
    Paragraphe second - Les effets d'une mauvaise gestion de la rente pétrolière : le cas du

    Nigéria 31

    A- Une économie entièrement dépendante du secteur pétrolier 32

    B- Une incohérence au niveau légal et politique : un facteur d'instabilité économique

    menant au syndrome hollandais 33
    Section 2 - L'exigence d'un cadre réglementaire solide dans la gestion des ressources

    naturelles 35
    Paragraphe premier - Le caractère primordial de la réglementation dans la gestion

    éthique et transparente des ressources naturelles 36

    A- Le lien direct entre la réglementation et la prospérité des ressources naturelles 36

    B- Le lien direct entre l'absence de réglementation et le pillage des ressources 37
    Paragraphe second - La nécessité d'une application juste de la réglementation

    pétrolière 39

    A- Les allocations budgétaires dans la construction de l'oléoduc Tchad-Cameroun 39

    B- La difficulté de la mise en oeuvre pratique de la loi relative à la gestion des

    revenus pétroliers 41

    Chapitre second : L'industrie pétrolière sénégalaise face au défi du syndrome hollandais 46

    Section 1 : Le rôle central et primordial des acteurs dans l'échiquier pétrolier sénégalais 47

    Paragraphe premier - Le rôle clé des acteurs prévus par le code pétrolier et son décret

    d'application 47

    A- Une présence importante des compagnies pétrolières internationales 47

    B- Des acteurs étatiques jouant un rôle capital dans l'organisation et le

    fonctionnement l'industrie pétrolière sénégalaise 50
    Paragraphe second - Le rôle majeur des acteurs internationaux dans les mécanismes

    de transparence 52

    A- Le rôle indirect de la Banque Mondiale dans l'architecture pétrolière sénégalaise 52

    7

    B- L'ITIE et le CN-ITIE dans la gestion des recettes pétrolières 53

    Section 2 : Les enjeux de l'industrie pétrolière du Sénégal face aux découvertes de pétrole

    et de gaz 54
    Paragraphe premier Ð La composition et le rôle central du COS-PETROGAZ

    dans la définition des orientations stratégiques du secteur des hydrocarbures 55

    A- Une composition du COS-PETROGAZ centralisée vers le gouvernement 55

    B- Un organe ayant le rôle de régulateur de l'industrie pétrolière sénégalaise 57
    Paragraphe second Ð Le rôle négligé de la Société civile dans l'élaboration des

    orientations stratégiques relatives à la gestion des hydrocarbures 58

    A- Une composition du COS-PETROGAZ peu diversifiée négligeant la société civile

    et allant à l'encontre des obligations communautaires du Sénégal 58

    B- L'exemple d'une Société civile experte et influente : Le cas du Ghana 61

    Partie 2 : Un renforcement du cadre légal relatif à l'industrie pétrolière garantissant une gestion

    transparente du pétrole et du gaz 64

    Chapitre premier : Un cadre juridique pétrolier peu adapté aux enjeux du paradoxe de

    l'abondance 65

    Section 1 - Un état des lieux juridique de l'amont pétrolier 65

    Paragraphe premier - Le régime juridique de l'amont pétrolier 66

    A- Un régime juridique encadré par la législation pétrolière 66

    B- Des relations contractuelles entre Etat et compagnies pétrolières reposant sur le

    régime de partage de production 69
    Paragraphe second Ð Une régulation nécessaire quant à la détermination de la part

    réelle de l'Etat dans le partage de la production 72

    A- Le mécanisme de la détermination de la part réelle de l'Etat dans le régime du

    partage de la production 72

    B- Un défi juridique portant sur le contrôle du partage de la production 74
    Section 2 - Un cadre juridique lacunaire au regard des enjeux relatifs à la gestion

    transparente des hydrocarbures 75
    Paragraphe premier Ð Un régime juridique inadapté au nouvel environnement

    pétrolier sénégalais 76

    A- Un régime juridique pétrolier hydride 76

    B- Un régime hybride conférant des prérogatives trop importantes aux autorités

    compétentes, négligeant le rôle du Parlement 77

    Paragraphe second Ð Un régime juridique lacunaire au niveau de l'interprétation

    de la loi pétrolière 78

    A- Un vide juridique portant sur l'octroi des blocs pétroliers 78

    B- Une fiscalité imprécise relative aux cessions des blocs 80

    Chapitre second : Une réforme du droit pétrolier oeuvrant pour une gestion éthique et

    transparente du pétrole et du gaz 83
    Section 1 - Une obligation de réforme du code pétrolier tendant à la régulation de

    l'industrie pétrolière du Sénégal 83
    Paragraphe premier Ð Une régulation indispensable des activités relatives à

    l'amont pétrolier 84
    A- Le recours à la procédure d'appel d'offres pour un gestion transparente de

    8

    l'octroi des blocs pétroliers 84

    B- Le rôle régulateur de l'Assemblée Nationale dans la signature des CRPP 85
    Paragraphe second Ð La nécessité d'augmenter les revenus de l'Etat dans le

    partage de la production pétrolière 86

    A- L'exigence d'une augmentation de gains supplémentaires pour l'Etat dans

    les contrats pétroliers 86

    B- Une amélioration requise des aspects économiques des contrats de

    recherche et de partage de production 87

    Section 2 - L'impérieuse nécessité d'allouer les revenus pétroliers à un fonds souverain 89

    Paragraphe premier Ð Une obligation de mise en oeuvre d'un fonds pétrolier pour

    les générations futures 89

    A- L'allocation des revenus issus du pétrole et du gaz au FONSIS 90

    B- L'indépendance du FONSIS vis-à-vis de l'exécutif sénégalais 91
    Paragraphe second - Une réglementation juridique rigoureuse du fonds souverain

    pour une gestion profitable aux générations futures 92

    A- La mise en oeuvre des principes de Santiago, une garantie de la régulation

    pérenne des fonds pour les générations futures 93

    B- La nécessité vitale d'instaurer une loi d'orientation pour un transparence relative aux allocations des revenus pétroliers garantissant la protection des

    générations futures 93

    Conclusion 95

    BIBLIOGRAPHIE 98

    9

    INTRODUCTION GENERALE

    Considéré comme un véritable levier économique et de développement, le pétrole constitue un pilier fondamental de notre société. Le pétrole, cette ressource naturelle unique, ce « concentré de fossile d'énergie solaire accumulée par les végétaux, façonné dans les profondeurs de notre planète, a toujours participé au développement des activités de l'Homme »1. Aujourd'hui, le pétrole a permis à divers pays producteurs comme la Norvège, le Botswana ou l'Indonésie, d'avoir une économie seine et stable.2 Toutefois, l'une des problématiques majeures du pétrole résulte du manque de transparence dans la gestion de ce dernier, notamment dans la majorité des pays africains producteurs de pétrole3. En d'autres termes, une gestion opaque des ressources naturelles dont le pétrole, favorise le « syndrome hollandais » ou la « malédiction du pétrole » (communément appelé Dutch disease). Par conséquent, l'un des défis majeurs pour les pays producteurs de pétrole en Afrique porte sur la gestion transparente et éthique des ressources naturelles afin que ces dernières profitent aux générations actuelles et futures. Garantir la gestion éthique et transparente des ressources naturelles est de la responsabilité de tout État, y compris le Sénégal. Ce pays a fait l'objet de récentes découvertes d'importantes réserves de pétrole et de gaz en zone offshore4. Le défi majeur sera de réguler l'industrie pétrolière afin que cette dernière puisse fonder un développement nouveau, tout en évitant de tomber dans le paradoxe de l'abondance, qui touche beaucoup de pays producteurs de pétrole. En effet, « la gratification de la richesse ne se trouve pas dans la simple possession, ni dans les dépenses somptueuses, mais bien dans son utilisation mesurée ».5

    1 NDAO, Fary. L'or noir du Sénégal : Comprendre l'industrie pétrolière et ses enjeux au Sénégal, Essai, 2018.

    2 McKinsey Global Institute, Reverse the curse: Maximizing the potential of resource-driven economies, 2013,.

    3 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic Relieve Services (CRS), 2003.

    4 Le terme offshore désigne une zone dont l'exploration se fait en haute mer. Il se différencie de la zone Onshore, où la recherche se fait sur terre ferme.

    5 Il s'agit d'une citation de Miguel de Cervantès, à une époque où l'Espagne avait un accès privilégié aux richesses des Amériques.

    10

    I. Contexte et justification de l'étude

    Il serait pertinent dans le cadre de notre étude de contextualiser le sujet dans un cadre international, régional, sous régional et national.

    1. Contexte international

    Tout d'abord, les ressources naturelles dont le pétrole et le gaz ont fait l'objet d'une exploitation intense depuis les années 1940. Il s'agit d'une période où l'automobile qui a pris une place importante dans le fonctionnement de notre société nécessitait de l'énergie comme l'essence ; il en résulte une croissance significative de l'exploitation pétrolière mondiale. En vérité, le transport, un des piliers économiques qui constitue le socle du commerce international dépend quasi exclusivement du pétrole et du gaz. Cependant, puisque ces ressources naturelles sont épuisables dans la durée, la conséquence directe est une baisse d'intérêt des grandes compagnies pétrolières mais aussi des institutions multilatérales comme la Banque Mondiale (BM) dans le financement et l'investissement relatifs à l'exploration et l'exploitation pétrolière. Ce changement de politique s'explique aussi par la nécessité d'assurer la transition écologique vers les énergies renouvelables.6

    Ensuite, la 2014 fut une période marquante pour l'industrie pétrolière mondiale car ce fut un contexte caractérisé par une chute durable du prix du baril qui affecta considérablement le marché pétrolier. Cette crise était marquée par une offre très supérieure par rapport à la demande.7 Elle a non seulement mis en exergue le caractère aléatoire des cours du baril mais elle a aussi révélé le danger pour un pays producteur de pétrole de fonder exclusivement le socle de son économie sur la rente pétrolière. La crise pétrolière de 2014 a plus précisément mis en lumière les énormes

    6 Communiqué de presse de la Banque mondiale, 12 décembre 2017, disponible sur : https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/12/12/world-bank-group-announcements-at-one-planet-summit

    7 Journal Le monde, Le pétrole restera bon marché pendant longtemps, 26 août 2015, disponible sur : https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/08/26/le-petrole-restera-bon-marche-pour-

    longtemps 4737002 3234.html?

    11

    difficultés économiques rencontrées les pays producteurs de pétrole dont la majorité se trouve dans le continent africain.

    2. Contexte régional

    En Afrique, au cours des dernières années, l'exploitation pétrolière a considérablement augmenté dans les pays en voie de développement. Toutefois, depuis 2014, la chute drastique des cours du pétrole a directement influencé les politiques d'investissement des acteurs pétroliers en Afrique.8 Par conséquent, ce changement de politique s'est traduit par une baisse des budgets d'exploration, une présence limitée des compagnies majors au profit des compagnies pétrolières indépendantes9. Cependant, depuis cette année-là, la crise pétrolière n'a pas profondément modifié l'échiquier pétrolier africain. Grâce aux risques pris par les compagnies pétrolières juniors, d'importants puits de gaz et de pétrole sont découverts en Afrique de l'Est10, plus précisément en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie et au Mozambique.

    Suite à la crise pétrolière de 2014, la majorité des pays africains ont souffert du paradoxe de l'abondance. Afin d'appréhender l'impact du paradoxe de l'abondance, il convient de comprendre sa signification. Ce terme désigne la situation d'un État qui reste sous un seuil de pauvreté important malgré sa richesse considérable en ressources naturelles. De ce fait, la majorité des pays exportateurs de pétrole sont souvent exposés au caractère aléatoire des cours mondiaux et ne profitent pas de la rente pétrolière pour diversifier leur économie.

    Par exemple, dans la région du Golfe de Guinée, le cas du Gabon. Le Gabon est l'un des pays les

    8 AUGE, Benjamin. L'exploration et la production pétrolière en Afrique depuis 2014, Étude de l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI), 2014, p.4-6

    9 Les compagnies indépendantes sont de petites compagnies avec des moyens financiers et technologiques limités. Ces compagnies concentrent généralement leurs activités sur les opérations pétrolières en amont, c'est-à-dire des activités portant exclusivement sur l'exploration et la production. Ces dernières sont très présentes dans l'environnement pétrolier sénégalais.

    10 Ibidem

    12

    plus riches en Afrique avec un revenu national brut par habitant (RNB) de 6610 dollars en 2017.11 Toutefois, ce RNB est inégalement réparti, d'autant plus que l'économie du pays est extrêmement dépendante du pétrole.

    En d'autres termes, le pétrole brut représente plus de 73% des recettes d'exportation du pays en 2017.12

    Cette richesse économique du pays intervient dans le contexte de la fin des années 1960 où le développement des activités pétrolières a permis au Gabon d'augmenter sa richesse et sa puissance économique. Mais le manque d'une vision clair à long terme du Président de la République gabonaise Omar Bongo et de son gouvernement a conduit à une régression de l'économie gabonaise.13 Cette régression est due à la mise en place de politiques publiques destinées à une augmentation des effectifs de la fonction publique, à des dépenses importantes relatives à la construction d'infrastructures. Ainsi, la situation économique du Gabon a subi les effets du paradoxe de l'abondance suite à son incapacité de construire un modèle de développement sein et durable, profitable aux générations actuelles et futures.14

    11 Rapport de la Banque Mondiale sur la situation économique du Gabon, disponible sur : https://donnees.banquemondiale.org/pays/gabon

    12 Données tirées du Observatory Of Economic Complexity (OEC) disponible sur : https://atlas.media.mit.edu/fr/profile/country/gab/#Export

    13 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic Relieve Services (CRS), 2003, p.28

    14 JANVIER ROP'S OKOUE EDOU, Jacques. L'économie gabonaise souffre du syndrome hollandais, dit-on !, Éditions Persée, 2015, p.56-58

    13

    3. Contexte sous régional et national

    Les ressources naturelles en Afrique ; notamment le gaz et pétrole sont essentiellement concentrées en Afrique de l'Ouest et dans le Golfe de Guinée.

    Géographiquement, la région du Golfe de Guinée se situe entre les eaux maritimes du Nigeria et de l'Angola. Il s'agit d'une partie de l'océan atlantique (plus de 5.700 km de côtes) qui s'enfonce vers le centre du continent africain, allant du Sénégal à l'Angola. Les pays de la région du golfe de Guinée ont des économies très peu diversifiées et dépendent le plus souvent de ressources naturelles notamment les hydrocarbures. En effet, cette région est considérée par l'industrie pétrolière, comme le « point névralgique »15 du monde pétrolier, en passe de devenir le véritable chef-lieu mondial de la production pétrolière en zone Offshore Profond16. Des conférences mensuelles se tiennent régulièrement afin d'évaluer le potentiel de la région considérée comme un nouvel « Eldorado »17. De plus, le potentiel de la production pétrolière dans cette région est considéré comme plus conséquent que celle de la Russie par exemple18.

    De plus, la région subsaharienne détiendrait plus de 7% de la production pétrolière mondiale avec une production de six millions de barils par jour19. Par conséquent, les régions de l'Afrique de l'Ouest et du Golfe de Guinée regorgent d'importantes réserves de pétrole et de gaz naturel qui restent encore peu exploitées.

    Aujourd'hui, le bassin sédimentaire ouest africain, appelé Bassin MSGBC (Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée Bissau et Conakry) est encore largement sous-exploré malgré son potentiel en

    15 MAOUNDONODJI, Gilbert. Les enjeux géopolitiques et géostratégiques de l'exploitation du pétrole au Tchad, Presses univ. de Louvain, 2009 p.203

    16 Ibidem

    17 En 2003, la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) a organisé une conférence au Cameroun, dont l'ordre du jour portait sur le pétrole et le gaz.

    18 Étude du Cambridge Energy Research Associates, Potential versus Reality : West African Oil and Gas to 2020, Cambridge, 2002

    19 Rapport du US Energy Information Administration (EIA), Oil and Gas in Sub-Saharan Africa, p.2-3

    14

    hydrocarbures. Les récentes recherches dans ledit bassin sédimentaire, plus précisément au Sénégal, ont permis la découverte d'importantes réserves de pétrole et de gaz en zone Offshore profond.

    Effectivement, la compagnie pétrolière indépendante Cairn Energy, lors de la phase d'exploration a découvert l'un des plus grands gisements de pétrole dans le monde en zone offshore profond20. Il s'agit des blocs Sangomar Deep Offshore, Cayar Offshore Profond et Saint-Louis Offshore Profond21.

    Ces importantes découvertes confirment le potentiel du Sénégal en hydrocarbures d'autant plus que les premières réserves prouvées feront l'objet d'une commercialisation en 202122.

    La commercialisation des premières réserves d'hydrocarbures aura un effet direct sur l'économie sénégalaise. Les revenus issus de la production et de l'exportation bénéficieront à la croissance de l'économie. Pourtant, comme ce fut le cas de la majorité des pays africains producteurs de pétrole, la richesse en ressources naturelles a eu un effet néfaste sur leurs économies nationales.

    Le principal enjeu pour le Sénégal sera de bénéficier pleinement des retombées économiques que procure la commercialisation des hydrocarbures, tout en évitant les erreurs de gestion commises par les pays producteurs voisins. Une mauvaise gestion des ressources naturelles serait préjudiciable à l'économie sénégalaise qui subira un destin similaire aux autres pays africains producteurs de pétrole.

    L'objectif n'est pas de faire du Sénégal un pays pétrolier ou minier (c'est à dire un pays dont 25% de son budget national provient de l'exploitation des sous-sols selon les normes fixées par le FMI) mais plutôt de bénéficier des avantages procurés par l'exploration et l'exploitation des

    20 Rapport du Oil and Gas Council, The MSGBC Basin : No One Hit Wonder, disponible sur : https://oilandgascouncil.com/articles/msgbc-basin-no-one-hit-wonder/

    21 Ibidem

    22 Communiqué officiel de la présidence de la République du Sénégal du 11 janvier 2017, disponible sur : http://www.presidence.sn/en/newsroom/entretien-avec-m-andy-inglis-pdg-de-kosmos-energy-et-m-bernard-looney-de-pdg-bp 550

    15

    hydrocarbures et éviter de tomber dans le piège du syndrome hollandais. Le syndrome ou malédiction hollandais(e), traduit parfaitement le principe du paradoxe de l'abondance. En effet, le syndrome hollandais désigne un phénomène « suivant lequel la découverte de ressources naturelles ou la hausse de leur prix entraine une appréciation du taux de change réel, un gonflement des dépenses ou de la richesse et un redéploiement des facteurs de production, ce qui se traduit par une désindustrialisation du pays sous l'effet de la production manufacturière et des exportations nettes ».23

    En analysant la définition de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il serait erroné d'émettre une conclusion selon laquelle il existerait un lien de causalité direct entre la commercialisation d'hydrocarbures et l'amélioration du cadre de vie de la population de même que l'économie nationale. Bien au contraire, il peut y avoir une corrélation entre l'exploitation des matières premières et la baisse de création de richesses ainsi que du niveau de vie des générations actuelles et futures. En d'autres termes la commercialisation entraîne une augmentation du PNB sans que ce dernier ne crée de la richesse au profit de la population24.

    La commercialisation du potentiel en hydrocarbures, à conditions de répondre efficacement aux enjeux et défis posés par le paradoxe de l'abondance serait une opportunité d'améliorer la croissance économique du Sénégal en faisant face aux besoins d'investissement dans les secteurs prioritaires.

    C'est au regard de ces enjeux et défis du paradoxe de l'abondance dont l'industrie pétrolière doit faire face, que se justifie l'intérêt de notre étude. La compréhension de cette dernière nécessite une délimitation spatiale, temporelle et matérielle.

    23 Études économiques de l'OCDE : Brésil 2011, définition du syndrome hollandais, p.152

    24 Rapport de la Banque Mondiale sur les Industries Extractives (IE), 2004, disponible sur : http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/767831468322469577/pdf/300010FRENCH0e1Box03 34093B01PUBLIC1.pdf

    16

    I. DELIMITATION DE L'ETUDE

    Dans l'optique d'une meilleure compréhension du sujet, une délimitation est opérée à trois niveaux : une délimitation spatiale, temporelle et matérielle.

    1. Délimitation spatiale

    Dans le cadre du sujet, la délimitation spatiale est limitée à la République du Sénégal. Ce dernier est un pays de l'Afrique de l'Ouest comptant 15,4 millions d'habitants25. Le Sénégal est frontalier avec le Mali, Mauritanie, la Guinée Conakry et enfin la Gambie. De plus, le Sénégal partageant sa frontière avec la Mauritanie exploitera en commun avec cette dernière un champ gazier offshore Grand Tortue-Ahmeyim à partir de 202126.

    2. Délimitation temporelle

    Le travail de recherche s'étend sur la période allant de 1952 à 2018. L'année 1952, représente les premières recherches et forages sur les permis pétroliers de Dakar et de Saint-Louis27. La période de 2018 quant à elle, répond à un contexte où le potentiel en hydrocarbures du Sénégal est confirmé avec les différentes découvertes de pétrole et de gaz en offshore profond.

    3. Délimitation matérielle

    Des notions de droit pétrolier, fiscal et économique seront mobilisées pour déterminer les mesures de politiques publiques que l'État du Sénégal sera en mesure d'appliquer pour éviter le

    25 « Le Sénégal en bref », Banque Mondiale, disponible sur :

    https://www.banquemondiale.org/fr/country/senegal

    26 « Gaz : accord entre la Mauritanie et le Sénégal pour l'exploitation d'un champ offshore », disponible sur : http://www.jeuneafrique.com/529801/economie/gaz-accord-entre-la-mauritanie-et-le-senegal-pour-lexploitation-dun-champ-offshore/

    27 « Recherche et possibilités pétrolières du Sénégal » (1978). Revues socialiste de culture négro-africaine n°13

    17

    paradoxe de l'abondance dans sa gestion des recettes issues du pétrole et du gaz. En effet, traiter ce sujet sous un angle purement juridique ne permettrait pas de saisir tous les enjeux issus de la gestion de la rente pétrolière. En outre, la finalité de la régulation de l'industrie pétrolière résulte des bienfaits économiques tirés de la rente pétrolière qui assure un développement nouveau dont les générations actuelles et futures bénéficieront.

    II. INTÉRÊTS DE L'ÉTUDE

    Notre étude revêt deux intérêts : un intérêt social et un autre, scientifique.

    1. Intérêt social

    Le traitement de ce sujet présente un intérêt social. En effet, ce mémoire peut constituer un lien entre l'État du Sénégal et sa population qui elle aussi cherche à maitriser les contours de l'exploitation et de la commercialisation des hydrocarbures. Une fois ce lien établi entre l'État et la population, il permettra non seulement de sensibiliser cette dernière sur les bienfaits du pétrole et du gaz pour l'économie et le développement mais aussi sur le danger que peuvent présenter ces ressources si elles ne sont pas gérées de manière juste, éthique et transparente.

    2. Intérêt scientifique

    Ce présent mémoire pourrait constituer un apport à la recherche scientifique dans le domaine du droit pétrolier sénégalais. En effet, le potentiel du Sénégal en hydrocarbures est prouvé, même si l'arsenal juridique pétrolier reste peu exploré par la doctrine scientifique du fait de la nouveauté des découvertes.

    Ce mémoire compte apporter des réponses scientifiques sur la gestion des ressources naturelles

    18

    en se fondant sur les erreurs commises par certains pays producteurs africains dont le Nigeria et le Tchad.

    L'objectif principal est de voir comment l'État devrait gérer ces ressources pétrolières et gazières pour une économie pérenne et afin de ne pas tomber dans le piège du paradoxe de l'abondance, une conséquence du syndrome hollandais.

    III. Objectif de l'étude

    L'étude a pour objectif d'analyser dans une première partie le défi que pose le paradoxe de l'abondance aux pays producteurs de pétrole, principalement le Nigeria qui est aujourd'hui, le premier pays producteur de pétrole dans le continent africain. Ensuite, dans une deuxième partie, il s'agit de voir par quels moyens l'État du Sénégal, assure la régulation de son industrie pétrolière, afin d'éviter les erreurs commises les pays voisins producteurs de pétrole, et afin d'instaurer une gestion éthique, transparente, rationnelle et responsable de la rente pétrolière au profit des générations actuelles et futures.

    Une gestion profitable des ressources naturelles aux générations actuelles et futures est un principe garanti au niveau constitutionnel. A ce titre, la constitution sénégalaise du 19 juin 2003 dispose dans son article 25-128 que « les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l'amélioration de ses conditions de vie. L'exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une croissance économique, à promouvoir de la population en général et à être écologiquement durables ».

    IV. DÉFINITIONS DES TERMES CLES

    Pour une meilleure compréhension du sujet, il convient de définir les concepts clés susceptibles

    28 Loi constitutionnelle n°2016-10 du 5 avril 2016 portant révision de la Constitution

    19

    d'avoir un rôle capital dans le cadre de cette présente étude. Quatre termes clés sont définis : la régulation, l'industrie pétrolière, le paradoxe de l'abondance et enfin la transparence et l'éthique.

    1. Régulation

    La notion stricto sensu de régulation ne trouve pas de définition claire d'un point de vue juridique. Toutefois, dans le cadre de notre recherche, la notion de régulation devrait s'entendre au sens d'un renforcement du cadre législatif et réglementaire. La place de la réglementation dans la gestion des ressources naturelles est cruciale. En effet, une théorie est développée selon laquelle : Ressources + Technologie + Réglementation = Prospérité

    Cependant, Ressources + Technologie + Investissements - Réglementation = Pillage des ressources29. La réglementation prend donc toute son importance dans le cadre de la régulation car elle occupe une place centrale et essentielle dans la gestion des ressources naturelles. Cette théorie sert de point de départ afin d'analyser si l'arsenal juridique sénégalais en matière de pétrole et de gaz permet une gestion éthique et transparente de ses ressources naturelles. Le cas échéant, comment renforcer le cadre juridique et réglementaire de l'industrie pétrolière afin d'éviter le paradoxe de l'abondance dont la cause directe serait le manque de réglementations efficaces qui mènent au pillage des ressources.

    2. Industrie pétrolière

    La définition de l'industrie pétrolière sera réduite à l'amont pétrolier sénégalais. Ce dernier sera privilégié dans le cadre du mémoire. L'amont pétrolier regroupe différentes phases des activités pétrolières, à savoir la prospection, l'exploration, l'exploitation et la production. L'industrie pétrolière sénégalaise est régie par le code pétrolier30. Le code pétrolier traite essentiellement de

    29 Cette théorie est développée par Paul Collier, Professeur d'Économie et Directeur du Centre des Études sur les Économies Africaines à l'Université d'Oxford. Théorie tirée du rapport relatif à l'étude du cadre légal et

    contractuel en matière des hydrocarbures des pays membres de l'Association des Producteurs de Pétrole Africains (APPA), p.11

    30 Loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier

    20

    l'amont. Par conséquent, il réglemente les procédures allant des négociations et de l'octroi des blocs pétroliers aux compagnies pétrolières internationales en phase de prospection31, à la production et au transport des hydrocarbures32, tout en exigeant le respect de l'environnement et des ressources nationales, lors de la conduite des opérations pétrolières33.

    Il est à noter que lorsque le code pétrolier fut adopté en 1998, le potentiel en hydrocarbures du Sénégal n'était pas encore confirmé. De plus, le code fut élaboré dans un contexte où l'environnement pétrolier international était caractérisé par une baisse des budgets d'exploration des compagnies pétrolières, ce qui a eu pour conséquence une réduction de la compétitivité du Sénégal dans les investissements relatifs à l'amont pétrolier, au profit des pays disposant d'un potentiel pétrolier confirmé34.

    Par conséquent, l'État du Sénégal était dans l'obligation de mettre en place des incitations fiscales attrayantes pour accroître les investissements dans l'amont pétrolier35.

    L'environnement pétrolier ayant évolué depuis 1998, faisant du Sénégal un pays disposant d'un potentiel pétrolier confirmé, un projet de loi portant nouveau code pétrolier sera soumis à l'Assemblée Nationale en septembre 2018 dans l'optique d'accroitre les parts de l'État du Sénégal dans le partage de la rente pétrolière avec les compagnies internationales opérant sur son sous-sol.

    3. Paradoxe de l'abondance

    Le paradoxe de l'abondance est une conséquence d'une gestion opaque des ressources naturelles. Le Fonds Monétaire International classe près de cinquante pays en développement dans les pays riches en ressources naturelles36. Cependant, près de 42 pour cent des 3 milliards d'habitants des

    31 Article 12 du code pétrolier

    32 Article 37 du code pétrolier

    33 Article 51 du code pétrolier

    34 Exposé des motifs de la loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier

    35 Ibidem

    36 VILLAFUERTE, Mr Mauricio, OSSOWSKI, Mr Rolando, THOMAS, Theo, et al. Managing the oil revenue boom: the role of fiscal institutions. International Monetary Fund, 2008.

    21

    pays riches en ressources naturelles vivent encore sous le seuil de pauvreté avec un revenu inférieur à 2 dollars par jour37. Ce constat met en exergue le paradoxe entre richesses naturelles et un seuil de pauvreté toujours plus élevé.

    Les pays africains producteurs de pétrole sont généralement les plus touchés par ce phénomène. Le paradoxe de l'abondance peut être corrélé au syndrome hollandais, aussi appelé maladie hollandaise38. Ce phénomène a fait l'objet d'un regain d'intérêt dû au fait que l'exploitation pétrolière confère une richesse substantielle à un pays producteur.

    Le syndrome hollandais se caractérise par le fait que le pétrole qui devait être une opportunité pour un développement nouveau et harmonieux, finit par être une malédiction car les recettes issues de la rente pétrolière affectent négativement les structures économiques à travers certains secteurs de production39. Dans la sous-région ouest africaine, l'exemple du Nigéria sera étudié, car il s'agit d'un géant de la production de pétrole mondial, mais qui a aussi été touché par le phénomène du syndrome hollandais40. Le Sénégal peut s'inspirer de l'exemple du Nigéria et même du Tchad afin d'en tirer les conclusions nécessaires à la bonne gestion de son pétrole et de son gaz.

    4. Transparence et éthique

    La transparence et l'éthique sont les piliers d'une bonne gestion des ressources naturelles. Le Fonds Monétaire international (FMI) a mis l'accent sur l'éthique et la transparence, en mettant en place un Guide sur la transparence des recettes des ressources naturelles en 200741. Ce guide met en place un code de bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques

    37 Ibidem

    38 ROSSER, Andrew. The Political economy of the resource curse : A litterature survey. 2006.

    39 Nakoumdé Ndoumtara, « Boom pétrolier et risques d'un syndrome hollandais au Tchad : Une approche par la modélisation en équilibre général calculable », Thèse de Doctorat, Université d'Auvergne Clermont-Ferrand I, 2007, 306 p.

    40 Coussy Jean, « Formes spécifiques du Dutch Disease en Afrique de l'Ouest : le cas du Nigeria et du Cameroun », Revue Tiers Monde, N°125, Janvier/Mars

    41 Guide sur la transparence des recettes des ressources naturelles du Fonds Monétaire International (FMI), 85p.

    22

    applicable l'ensemble des pays dont une part substantielle des revenus provient des recettes du pétrole et du gaz42.

    La transparence et l'éthique dans l'industrie pétrolière sénégalaise se résument aux négociations portant sur l'octroi des blocs pétroliers, à la publication des contrats pétroliers, aux recettes pétrolières et enfin aux fonds alloués aux différents secteurs clés de production. Il convient de noter que l'éthique et la transparence sont des obligations qui incombent aussi bien à l'État du Sénégal qu'aux compagnies pétrolières opérant dans le sous-sol sénégalais. Un cadre juridique solide est nécessaire quant à l'application de ces normes de bonnes conduites.

    Qui plus est, la transparence est un requis fondamental dans la prévention du syndrome hollandais qui empêcherait un pays en développement de saisir les opportunités qu'offrent le pétrole et le gaz.

    Toutefois, le rôle de la société civile ne saurait être ignoré dans la garantie de l'éthique et de la transparence dans la gestion des ressources naturelles que sont le pétrole et le gaz. A ce titre, une coalition de huit cent sociétés civiles a lancé la campagne Publish What You Pay (PWYP) en 2002, afin de contraindre les compagnies pétrolières à rendre public leurs comptabilités et leurs dépenses dans les industries extractives43. La finalité de cette campagne est de favoriser un environnement dans lequel les recettes pétrolières et gazières améliorent le cadre de vie des générations actuelles et futures44.

    Le Sénégal, ayant compris l'importance de l'éthique et de la transparence a adhéré à l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) en 2012. L'ITIE est une norme internationale lancée par Tony Blair en 2002, visant à améliorer la transparence dans la gestion des revenus issus des ressources pétrolières, gazières et minières45. La norme ITIE met en place

    42 Ibidem

    43 Natural Resource Governance Institute (NRGI), « Publish What You Pay : A Civil Society Coalition for Extractive Sector Transparency and Accountability », Mars 2015 disponible sur : https://resourcegovernance.org/sites/default/files/nrgi_PWYP.pdf

    44 Ibidem

    45 Présentation de l'ITIE, disponible sur : http://itie.sn/presentation/

    23

    des exigences strictes de transparence que tout adhérent doit respecter. Ces exigences de transparence vont de l'obligation de publication des contrats pétroliers aux publications publiques des revenus et recettes issus du pétrole et du gaz, par l'État et les compagnies pétrolières46.

    En s'engageant à mettre en oeuvre la norme ITIE, le Sénégal assure à ses citoyens « la possibilité d'exercer un contrôle sur l'utilisation des ressources naturelles ». De plus, le Sénégal est le premier pays africain ayant satisfait à la norme ITIE 201647.

    A la lumière de cette analyse, la transparence et l'éthique constituent un enjeu déterminant dans la bonne gestion des ressources naturelles. Le Sénégal semble comprendre ce défi mais les efforts entrepris dans l'application de la norme ITIE sont-ils suffisants pour lutter contre le syndrome hollandais ?

    L'analyse de la transparence dans la gestion des ressources naturelles devra être effectuée au niveau de la législation pétrolière. En d'autres termes, le code pétrolier dans ses dispositions, permet-il une gestion efficace des ressources naturelles ?

    V. PROBLEMATIQUE

    Le nouveau code pétrolier étant toujours à l'étude, le droit pétrolier en vigueur reste régi par la loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier. En outre, le potentiel en hydrocarbures du Sénégal étant confirmé, toutes les dispositions contractuelles liant l'État du Sénégal et les opérateurs pétroliers sont régies par le droit pétrolier en vigueur et qui fera l'objet de réformes par le biais d'un nouveau code pétrolier.

    46 Ibidem

    47 « Le Sénégal, 1er pays d'Afrique et 4ème pays du monde, à avoir accompli des Progrès Satisfaisants en matière de mise en oeuvre de la Norme ITIE », disponible sur : http://itie.sn/le-senegal-1er-pays-dafrique-et-4eme-pays-au-monde-a-avoir-accompli-des-progres-satisfaisants-en-matiere-de-mise-en-oeuvre-de-la-norme-itie/

    24

    Ces relations contractuelles constituent néanmoins un paradoxe. En effet, comme évoqué précédemment dans l'exposé des motifs, le code pétrolier en vigueur fut élaboré dans un contexte pour favoriser le développement des investissements pétroliers au Sénégal. Cependant, le bémol résulte du fait que le contexte pétrolier a évolué au Sénégal. En d'autres termes, le Sénégal n'a plus besoin de favoriser le développement des investissements, mais plutôt doit consolider son potentiel et de protéger ses intérêts, en maximisant son profit dans le partage de la rente pétrolière. En un mot, il serait incohérent de nouer de nouvelles relations contractuelles sous une législation qui répond à un contexte différent du contexte actuel.

    Dans un cadre plus général, le pétrole constitue une malédiction pour la majorité des pays producteurs africains de pétrole. Cette malédiction est due à un manque de transparence dans la gestion de la rente pétrolière.

    Le Sénégal, qui commercialisera son pétrole et son gaz, constituera-t-il une exception dans la sous-région ou suivra-t-il le même destin des pays producteurs de la sous-région, victime du syndrome hollandais ?

    Par conséquent, le droit pétrolier en vigueur, tel qu'il est conçu garantit-il une gestion éthique et transparente des hydrocarbures permettant de lutter contre le syndrome hollandais ?

    25

    VI. CADRE MÉTHODOLOGIQUE

    Ce présent mémoire se fonde sur une recherche empirique orientée par une documentation juridico-économique et un cadre théorique appuyé par des faits. Le cadre méthodologique s'appuie sur la théorie de Paul Collier portant sur le lien entre la réglementation et la prospérité des richesses naturelles. Cette théorie permet de voir si le cadre juridique pétrolier sénégalais en vigueur contribue à la prospérité de ses richesses. Il s'agira donc de vérifier cette hypothèse au regard du droit pétrolier sénégalais.

    1. Cadre juridico-économique

    La documentation juridique permettra d'analyser des textes de lois, de règlements encadrant l'industrie pétrolière du Sénégal et le droit pétrolier régissant ce dernier. Une documentation axée sous un angle politico-économique serait pertinente pour un traitement exhaustif du sujet.

    2. Cadre théorique

    La théorie de Paul Collier sur la réglementation et son importance dans la gestion des ressources naturelles sera privilégiée. Cette théorie servira de base dans l'analyse du droit pétrolier et les enjeux liés au paradoxe de l'abondance.

    3. Faits énoncés

    Des faits relatifs au régime juridique de l'amont pétrolier seront pris en compte pour expliquer les effets du syndrome hollandais. Les exemples du Nigéria et du Tchad dans la sous-région seront énoncés pour comprendre le phénomène du syndrome hollandais et les effets néfastes qu'il constitue qu'il a dans une économie nationale, faute d'une législation pétrolière complète, voire suffisante. Ces exemples permettront de mettre l'accent sur la réglementation comme une solution pérenne à la gestion éthique et transparente du pétrole et du gaz au Sénégal.

    26

    Partie 1 - Le phénomène du paradoxe de l'abondance dans les pays africains producteurs de pétrole

    Le paradoxe de l'abondance est un phénomène touchant la majorité des pays africains producteurs de pétrole. Ce constat mérite une attention particulière. En effet, selon une étude de Transparency International (TI)48, dans les trente prochaines années, près de 90% de la production pétrolière mondiale proviendra des pays en voie de développement, notamment en Afrique49. De plus, il convient de noter qu'environ deux tiers des populations pauvres vivent dans des pays riches en ressources naturelles50. Ce fait illustre parfaitement, le paradoxe de l'abondance. En d'autres termes, il s'agit pour un État de bénéficier de son abondante richesse en ressources naturelles. Cependant, cette richesse est corrélée à une pauvreté qui se creuse progressivement avec l'exploitation et la production de cette dernière. Par conséquent, le paradoxe de l'abondance peut donc être rattaché au phénomène du syndrome hollandais.

    Le paradoxe de l'abondance est une conséquence du syndrome hollandais. Plus exactement, le syndrome hollandais se manifeste par une non-diversification d'une économie nationale. Cette non-diversification est due au fait qu'un Etat bénéficiant de recettes pétrolières conséquentes a tendance à négliger d'autres secteurs prioritaires économiques au profit de la rente pétrolière. Par conséquent, une chute du baril du pétrole aura un effet immédiat sur les recettes d'exportation, qui aussi elles aussi impactent négativement l'économie nationale. Ce phénomène du syndrome hollandais a des effets néfastes au sein des pays africains producteurs de pétrole (chapitre premier).

    En plus, la lutte contre ce phénomène représente d'ores et déjà un défi pour l'industrie pétrolière sénégalaise. La régulation de l'industrie pétrolière cette dernière apparaît-elle nécessaire pour garantir une gestion éthique et transparente du pétrole et du gaz (chapitre second).

    48 Transparency International est une organisation non gouvernementale internationale ayant pour principal objectif, la lutte contre la corruption des États et des institutions internationales.

    49 Oil and Gas report, disponible sur : https://www.transparency.org/topic/detail/oil_and_gas

    50 Ibidem

    27

    Chapitre premier : L'effet néfaste du syndrome hollandais au sein des pays africains producteurs de pétrole

    Le syndrome hollandais a contribué à plusieurs crises économiques dans certains pays africains producteurs de pétrole. L'une des premières causes des crises économiques porte sur une mauvaise gestion de la rente pétrolière (section 1). Aussi, la mauvaise gestion de cette dernière constitue un danger pour une économie pétrolière. Par conséquent, la mauvaise gestion nécessite un cadre réglementaire solide, pour une meilleure gestion des ressources naturelles (section 2).

    Section 1 - Une conséquence du syndrome hollandais liée à une mauvaise gestion de la rente pétrolière

    Une des caractéristiques principales du syndrome hollandais découle de la mauvaise gestion de la rente pétrolière. De plus, analyser les effets néfastes du syndrome hollandais implique tout d'abord une compréhension de la notion de rente pétrolière, mais aussi du syndrome hollandais (paragraphe premier). De plus, la mauvaise gestion de cette dernière a un impact assez considérable sur une économie pétrolière. En ce sens, le cas du Nigéria sera analysé pour une meilleure appréhension du danger que représente le syndrome hollandais (paragraphe second).

    Paragraphe premier - La notion de rente pétrolière et du syndrome hollandais

    La notion de rente pétrolière constitue un élément important dans le domaine de l'exploitation et de la production pétrolière. Cette notion de rente joue pleinement son rôle dans la gestion des revenus pétroliers. Ainsi, un pays producteur victime du syndrome hollandais souffre de prime abord d'une gestion opaque de la rente pétrolière. Par conséquent, cette notion de rente prend toute son importance. Cependant dans la doctrine relative au domaine pétrolier, une difficulté se présente quant à la définition propre de rente pétrolière. En d'autres termes, il y a un manque de consensus général quant à la définition de la rente pétrolière (A). Enfin, la notion de syndrome hollandais mérite d'être définie dans un cadre plus exhaustif pour une meilleure appréhension du

    28

    phénomène. Par le biais de l'analyse du syndrome hollandais, il sera examiné la situation dans laquelle le Sénégal va se trouver en tant que bénéficiaire d'une manne pétrolière considérable (B).

    Une définition des deux notions serait pertinente, car ces dernières sont liées et ne sauraient être dissociées. Plus précisément, un pays producteur de pétrole ne peut être victime du syndrome hollandais sans une forte dépendance de la rente pétrolière, dont la gestion manquerait de transparence.

    A- L'impossible consensus doctrinal sur la notion de rente pétrolière

    Tout d'abord, sous un angle purement juridique notamment dans le droit pétrolier, il n'existe aucune définition universelle portant sur la rente pétrolière. Dans le domaine de la science économique, cette dernière « n'a pas réussi à construire une théorie unifiée de la rente et les économistes, lorsqu'ils étudient l'impact de l'exportation d'hydrocarbures sur les économies dites rentières, mobilisent généralement d'autres outils théoriques que celui de rente, exception faite de la théorie de recherche de rentes, laquelle ne concerne justement pas les ressources naturelles »51. Au regard de ce constat, la notion de rente pétrolière manque clairement un cadre théorique sur lequel les économistes peuvent se pencher afin de trouver une définition universelle.

    Par conséquent, dans un contexte d'absence de consensus, comment définir la rente pétrolière ? Quels sont les éléments caractéristiques d'une rente pétrolière ?

    Dans un sens plus large et général, la rente pétrolière peut être considérée comme la part de production pétrolière que l'État producteur de pétrole gagne après récupération et remboursement des coûts d'investissement52. Une autre partie de la doctrine affirme qu'une des caractéristiques principales de la rente pétrole, porte sur le surplus de la production pétrolière que les compagnies

    51 Fatiha Talahite. Le concept de rente appliqué aux économies de la région MENA. Pertinence et dérives. Document de travail du CEPN n°2005-07. 2005.

    52 IKAMA, Jean Jacques. Comment partager la rente pétrolière ?: Les enseignements d'une expérience africaine, Éditions Technip, 2013, p.3

    29

    pétrolières versent de manière périodique aux pays producteurs dits « États rentiers »53.

    Cependant, une définition plus complète semble être retenue par la doctrine. Plus précisément, « la rente pétrolière est le surplus de revenus pétroliers qui se dégage des recettes pétrolières brutes après déduction des coûts d'investissement et d'exploitation, ainsi que le minimum de marge bénéficiaire, que les investisseurs estiment nécessaires »54.

    En d'autres termes, la notion de rente pétrolière présente des caractéristiques qui lui sont propres à savoir le principe de « profit exceptionnel » et le surplus pétrolier qui par ailleurs représente la part réelle du pays producteur après la déduction des coûts d'investissements de la compagnie pétrolière.

    La définition de la rente pétrolière permet de faire le lien avec le phénomène du syndrome hollandais. En effet, la rente pétrolière est un élément constitutif du profit exceptionnel qui engendre le syndrome hollandais au sein d'un pays producteur de pétrole. Le profit exceptionnel réalisé par le pays producteur contribue à ce que ce dernier ne fonde son économie que sur les recettes d'exportations tout en délaissant d'autres secteurs économiques prioritaires.

    Par conséquent, un lien de cause à effet est à noter entre une forte rente pétrolière et la manifestation du syndrome hollandais dont la notion doit être analysée afin de comprendre son impact dans l'économie d'un pays producteur de pétrole.

    B- Le syndrome hollandais, une conséquence d'une forte dépendance à la rente pétrolière

    Le syndrome hollandais, aussi appelé Dutch disease ou resource curse trouve son origine aux Pays-Bas dans les années 1960, plus spécifiquement dans la ville de Groningen .

    Cette dernière faisait l'objet de plusieurs découvertes de gaz naturel55. L'exploitation et la production de gaz naturel dans la ville de Groningen, a enclenché la régression du secteur

    53 Ibidem

    54 KEEN, Michael. The taxation of petroleum and minerals: Principles, Problems and Practice, 2010, p. 135

    55 WUNDER, Sven. Oil Wealth and the Fate of the Forest: A comparative Study of Eight Tropical countries, Editions Routledge, 2005, p.13-15

    30

    manufacturier hollandais.

    Le secteur manufacturier correspond aux productions industrielles et semi-industrielles de biens56. Par conséquent l'économie hollandaise s'est trouvée directement affectée par la régression dudit secteur.

    En d'autres termes, une forte rente pétrolière influe directement sur le délaissement du secteur manufacturier dans le sens où ce dernier verra ses recettes à l'exportation chuter du fait d'une hausse importante de l'exportation du pétrole. Cette non-valorisation du secteur manufacturier constitue donc un risque important pour les pays producteurs de pétrole. De plus, le secteur manufacturier joue un rôle important dans l'économie, car sa régression signifie un ralentissement économique. En vérité, le secteur manufacturier constitue un moteur de développement essentiel pour les pays en développement57. Ces derniers s'appuient sur ce secteur pour davantage fournir des emplois aux travailleurs non qualifiés ; une telle situation stimule la croissance économique58.

    Il serait donc pertinent de privilégier les secteurs manufacturiers pour éviter le syndrome hollandais. Cependant, la majorité des pays africains producteurs de pétrole ont vu leurs secteurs manufacturiers combler un certain retard à cause du syndrome hollandais qui n'épargne quasiment aucun pays producteur de pétrole en Afrique. Pour être plus précis, dans les pays riches en ressources naturelles comme le pétrole et le gaz, les entreprises manufacturières sont dans l'impossibilité de concurrencer de manière juste et équitable les secteurs miniers. Ce manque de concurrence est dû au fait que ces entreprises souffrent de l'appréciation du taux de change réel par rapport à celui de leurs concurrents, provoqué par une très forte exportation aux matières premières59.

    56 NDAO, Fary. L'or noir du Sénégal : Comprendre l'industrie pétrolière et ses enjeux au Sénégal, Essai, p.136

    57 « Secteur manufacturier : le grand moteur de développement est-il voué à se gripper ? » Publication de

    la Banque Mondiale, disponible sur :
    https://www.banquemondiale.org/fr/topic/competitiveness/publication/trouble-in-the-making-the-future-of-manufacturing-led-development

    58 Ibidem

    59 BANQUE AFRICAINE DE DÉVELOPPEMENT et CENTRE DE DÉVELOPPEMENT DE L'OCDE. Perspectives économiques en Afrique 2011 : Thème spécial : l'Afrique et ses partenaires émergents. OCDE, 2011, p.27-28

    31

    À la lumière de cette analyse portant sur le syndrome hollandais et ses effets, le Sénégal, au regard de son économie majoritairement portée vers les services, a une industrie manufacturière faible comme la majorité des pays en développement qui aujourd'hui cherchent à combler le retard de leurs industries manufacturières. Dans l'hypothèse où le Sénégal serait touché par la maladie hollandaise, son secteur agricole qui représente près de 15,4% de son produit intérieur brut (PIB) en 201760 serait fortement exposé. Or, la régression ou le recul de son secteur agricole qui représente plus de 50% des emplois61 dont 70% de la population active qui y est employée mettrait l'économie sénégalaise dans une situation dont il se remettra difficilement.

    Une gestion rationnelle, éthique et transparente apparaît d'ores et déjà comme un impératif et constitue déjà un enjeu majeur pour le Sénégal afin qu'il ne soit pas victime du syndrome hollandais. La rente pétrolière dont bénéficiera le Sénégal devrait par conséquent être utilisée pour développer le secteur manufacturier, car ce dernier constituerait un moteur de développement, si les investissements adéquats sont faits.

    En un mot, la gestion de la rente pétrolière apparaît comme une des plusieurs obligations, pour éviter le syndrome hollandais. Une mauvaise gestion de ladite rente conduit inexorablement à la maladie hollandaise.

    En ce sens, un grand pays producteur de pétrole dans la sous-région ouest-africaine à savoir le Nigeria est un exemple à éviter pour le Sénégal dans la gestion future de sa rente pétrolière.

    Paragraphe second - Les effets d'une mauvaise gestion de la rente pétrolière : le cas du Nigéria

    Le Nigeria est une illustration parfaite du paradoxe de l'abondance62. Il s'agit du premier pays

    60Données tirées de la banque mondiale, disponible sur :

    https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.AGR.TOTL.ZS?locations=SN

    61Données tirées de la Banque Mondiale, disponible sur :
    https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.AGR.EMPL.ZS?locations=SN&name_desc=false 62 GOULD, Jason and N. Kapadia. Dutch Disease in Africa : A Case Study of Nigeria and Chad, University of Michigan

    32

    producteur de pétrole en Afrique63. Aujourd'hui, il occupe le même rang malgré la récente récession de son économie en 2016. La dépendance quasi totale du Nigeria au pétrole lui a été économiquement néfaste (A), à cause d'une série de mesures relatives à la législation pétrolière et de politiques publiques entreprises par les différents décideurs qui se sont succédé (B).

    A- Une économie entièrement dépendante du secteur pétrolier

    Le Nigéria, une des principales économies du continent africain, est le premier pays producteur de pétrole aujourd'hui dans le continent. Toutefois, la manne pétrolière conséquente dont il bénéficiait, en a fait un pays fortement dépendant de ses recettes pétrolières afin d'assurer le bon fonctionnement de son économie. En effet, l'exportation du pétrole représentait près de 80% des revenus du gouvernement fédéral64.

    Cette richesse pétrolière marque le paradoxe de l'abondance, car le Nigeria, membre de l'Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (OPEP) a une production pétrolière qui se classe derrière les grands pays producteurs comme l'Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unies ou même l'Iran.

    Le fort potentiel économique du Nigéria grâce à sa richesse en pétrole, ne s'est que partiellement matérialisé. En d'autres termes, la population a très peu profité des retombées économiques que procure la forte rente pétrolière dont l'État a bénéficié au fil des années. Au début des années 2000, près de 70% des Nigérians vivaient avec moins d'un dollar par jour. En outre, plus de 43% de la population n'avait accès ni aux infrastructures de santé, ni à l'eau potable et le tout cumulé à un fort de taux de mortalité infantile65.

    Un modèle économique reposant exclusivement sur la rente pétrolière semble ne pas être viable, du fait des cours aléatoires du prix du baril. En 2014, la chute mondiale des cours du baril a directement impacté l'économie nigériane. La compagnie pétrolière nationale, la Nigerian

    63 De MONTCLOS, Marc-Antoine. Le Nigeria, Éditions Karthala, 1994, p.97

    64 « African Energy Outlook » by Gupte Eklavya, disponible sur : https://www.spglobal.com/our-insights/African-Energy-Outlook.html

    65 PNUD, Rapport sur le Développement Humain, 2001

    33

    National Petroleum Corporation (NNPC)66 affirme dans un rapport que la chute drastique des recettes à l'exportation due à la crise pétrolière de 2014, « témoigne d'un déclin prononcé de plus de 67% entre septembre 2014, où la recette était au plus haut, et juillet 2015, avec des conséquences désastreuses pour la fédération »67.

    Cet écart entre la forte richesse du pays et la hausse de la pauvreté met en lumière un problème de gestion dans les revenus pétroliers. Par conséquent, une gestion opaque et non transparente des recettes pétrolières a pour conséquence une redistribution inégale des richesses issues de la rente pétrolière. Paradoxalement, la procédure de gestion de la rente pétrolière mise en place par l'État paraît pertinente. En effet, la NNPC reçoit environ près de 57% de la production totale de pétrole qu'elle exporte. Ensuite, les revenus issus de l'exportation du pétrole brut sont versés sur le compte à la Banque Centrale du Nigeria68.

    Seulement en pratique, le procédé susmentionné ne semble pas offrir les solutions de bonne gouvernance. En d'autres termes, l'absence « d'instruments de stabilisation fiscale, de responsabilité et de transparence »69 contribue à un pillage des ressources.

    Le pillage des ressources corrélées à des politiques publiques et des législations paraissant incohérentes, a mené le Nigeria vers une instabilité économique liée au phénomène de syndrome hollandais.

    B- Une incohérence au niveau légal et politique : un facteur d'instabilité économique menant au syndrome hollandais

    Le Nigeria est victime de la maladie hollandaise à partir des années 1960, c'est-à-dire dès

    66La NNPC fut fondée en 1977 pour représenter l'État nigérian dans les relations contractuelles nouées avec les compagnies pétrolières étrangères. C'est une compagnie intégralement intégrée dans l'amont pétrolier nigérian à savoir les activités pétrolières liées à l'exploration et la production

    67 NNPC Financial and Operations Report, Monthly Report, October 2015

    68 GARY, Ian et KARL, Terry Lynn. Le fond du baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique. Catholic Relief services, 2003. p.25-26

    69 Ibidem

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    l'émergence de son secteur pétrolier. Cela a eu pour conséquence, une surévaluation du taux de change qui a négativement impacté le secteur agricole, qui au fil du temps, est devenu faible et peu compétitif. De ce fait, la forte vulnérabilité des prix du pétrole a rendu difficile tout projet d'investissement de la part du gouvernement. Ce manque d'investissement ayant contribué à la détérioration des conditions de vie des Nigérians, est un des facteurs ayant mené au conflit du Delta Niger qui représente une des régions pétrolières les plus importantes du pays.

    En d'autres termes, les régions bénéficiaient peu de la rente pétrolière. De plus, les compagnies pétrolières sont considérées comme responsables de cette redistribution inégale des richesses, car la population ne bénéficiait d'aucune retombée issue de la production pétrolière dont l'État fédéral a reçu les paiements de la part des compagnies pétrolières étrangères.

    Le gouvernement nigérian pour faire face à cette crise a entrepris une série de mesures au niveau légal pour une distribution juste et équitable des ressources pétrolières. Afin d'apaiser les populations locales, le Nigéria a introduit dans sa constitution de 1999, un principe selon lequel au moins 13% des revenus pétroliers soient versés aux États fédéraux où le pétrole est produit70.

    Cette obligation légale qui incombait à l'État nigérian a joué un rôle important dans la hausse des revenus pétroliers au sein des États fédéraux bénéficiaires de cette disposition constitutionnelle. Toutefois, l'opportunité de cette disposition constitutionnelle reste discutable dans le sens où, malgré l'obligation imposée au gouvernement fédéral de verser une part de 13% des revenus pétroliers aux États pétroliers de la fédération, des problèmes de transparence et de mauvaise gestion subsistent dans les structures gouvernementales locales.

    Par conséquent, le gouvernement nigérian a estimé que les États fédéraux ne devraient pas bénéficier des revenus pétroliers issus des zones Offshore. La Cour suprême dans une décision Resource Control Judgement d'avril 200271 confirme cette position de l'État nigérian en précisant que la capitale de l'État Fédéral (ayant un statut similaire à celui d'un État) n'est ni un État ni un gouvernement local dans le cadre de la définition du terme « État » dans la Constitution

    70Constitution of the Federal Republic of Nigeria, 1999, Section 162 (2)

    71 Jugement de la Cour Suprême nigériane, Revenue allocation, Attorney General vs Attorney General of Nigerian Federal States, 12 avril 2002, disponible sur : https://www.dawodu.com/reven1.htm

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    de 1999. Par conséquent, l'État Fédéral n'est pas habilité à octroyer des revenus pétroliers issus du compte fédéral, aux États fédéraux. Cela a eu pour conséquence une baisse des rentrées d'argent pour l'État du Delta.

    Aujourd'hui, le gouvernement nigérian entreprend des politiques publiques nécessaires pour une meilleure diversification de son économie notamment dans le secteur agricole, tout en réduisant la dépendance économique aux revenus pétroliers72. Une des avancées majeures dans le cadre juridique, porte sur l'adoption de la loi pétrolière, la Petroleum Industry Bill (PIB), qui faisait l'objet d'un projet de loi pendant près de dix-sept ans73. Ces réformes entreprises depuis 2015 ont permis au pays de sortir de la récession.

    En conclusion, la mauvaise gestion de la rente pétrolière au Nigeria montre que la transparence est le pilier d'une gestion juste et équitable de la rente pétrolière profitable aux générations actuelles et futures. L'efficacité de la transparence dépend des réglementations mises en place.

    En effet, il serait pertinent d'affirmer en ce sens, qu'un cadre réglementaire solide est une condition sine qua non pour une éviter le pillage des ressources, qui de facto mène à la maladie hollandaise.

    Section 2 - L'exigence d'un cadre réglementaire solide dans la gestion des ressources naturelles

    Le cas du Nigeria montre que dans une économie rentière, la réglementation occupe une place primordiale. En effet, un cadre réglementaire qui ne saurait être assez solide laisse place à une gestion opaque et non transparente des ressources naturelles, à savoir le pétrole en l'espèce.

    Le Nigeria, d'un point de vue juridique dispose d'un cadre législatif pertinent, mais la mauvaise

    72 Rapport du FMI sur le Nigeria, 2018, disponible sur :

    https://www.imf.org/en/News/Articles/2017/12/22/pr17521-imf-staff-completes-2018-article-iv-mission-to-nigeria

    73 AUGE, Benjamin. Le pétrole au Nigeria, instrument de puissance et miroir d'une fragilité étatique. Hérodote, 2015, n°4, p.152-15

    36

    gestion de ses richesses pétrolières découle de l'application des textes de loi. Il s'agit d'un phénomène récurrent dans les pays africains producteurs de pétrole. Ces derniers disposent d'un cadre réglementaire et législatif cohérent, mais la principale difficulté réside dans l'application de ce dernier. Par conséquent, comment expliquer cette difficulté dans l'application des textes de loi ? Est-ce dû aux faiblesses institutionnelles des États africains dans le contrôle de l'application des lois votées ?

    La certitude résultant du cas nigérian est que la réglementation est un gage de gestion éthique et transparente des ressources naturelles (paragraphe premier) à condition que cette dernière soit appliquée de manière légale et juste (paragraphe second).

    Paragraphe premier - Le caractère primordial de la réglementation dans la gestion éthique et transparente des ressources naturelles

    La réglementation occupe une place importante dans la gestion des ressources naturelles. Elle constitue le socle d'une bonne gestion des ressources naturelles. Chez certains pays producteurs de pétrole africain, l'application de la réglementation au niveau fiscal constitue un problème majeur dans la gestion des revenus pétroliers, car il s'agit d'un domaine où les conséquences fiscales ne sont pas toujours tirées dans les opérations pétrolières.

    La réglementation étant un gage de bonne gestion, il est pertinent d'en déduire qu'il y a un lien de causalité direct d'une part, entre une bonne réglementation et la prospérité économique d'un pays producteur de pétrole (A) et d'autre part, entre une mauvaise réglementation et le pillage des ressources naturelles (B).

    A- Le lien direct entre la réglementation et la prospérité des ressources naturelles

    Les ressources naturelles comme le pétrole ou le gaz peuvent constituer un vecteur de développement économique et social. En d'autres termes, les investissements directs dans les secteurs extractifs et les recettes d'exportation devraient contribuer au développement

    37

    économique d'un pays producteur. Ce développement économique est tributaire des réglementations relatives aux lois pétrolières mises en place. Plus précisément, si une loi pétrolière permet une meilleure gestion des dépenses publiques en allouant les recettes d'exportation à des secteurs prioritaires comme l'éducation et la santé, alors le développement économique est assuré.

    En partant de ce constat, il est possible de déduire qu'un pays producteur qui dispose de ressources naturelles conséquentes accompagnées d'une technologie et d'investissements dans le secteur et encadrés par une réglementation pétrolière solide peut prétendre à la prospérité de ses ressources naturelles74.

    Une réglementation pétrolière solide doit d'abord bénéficier à l'industrie pétrolière. Le fonctionnement transparent de cette dernière est la condition d'une gestion éthique des ressources naturelles profitant aux générations actuelles et futures. En effet, l'industrie pétrolière, composée d'acteurs majeurs à savoir l'État et les compagnies pétrolières, constitue le socle de la gestion des revenus pétroliers, car tous les potentiels revenus issus des hydrocarbures sont négociés en amont. En d'autres termes, c'est par les contrats signés entre l'État et les compagnies pétrolières que sont déterminés les revenus réels de l'État.

    Par conséquent, si la réglementation pétrolière encadrant le fonctionnement de l'industrie pétrolière n'est pas solide ou est mal appliquée, cela génère des irrégularités dans les revenus, dans l'allocation de ces derniers, ce qui laisse place à un pillage des ressources naturelles, dont la population locale ne bénéficiera point.

    B- Le lien direct entre l'absence de réglementation et le pillage des ressources

    Paul Collier, dans sa théorie relative au lien de causalité entre la réglementation et la prospérité des ressources naturelles, affirme qu'en dépit d'une abondance conséquente en ressources

    74 COLLIER, Paul et HOEFFLER, Anke. On Economic Causes of Civil War. Oxford economic papers, 1998, vol. 50, n°4, p.563-565

    38

    naturelles, l'absence de réglementation mène à un pillage des ressources. Mieux, il affirme que les pays dont la prospérité repose uniquement sur l'exploitation de matières premières présentent des risques de guerre civile, lorsque ces activités génèrent un tiers du revenu national brut75.

    Une étude de la Royal Institute of Foreign Affairs (RIIA), précise que « les pays dont la production quotidienne de pétrole par habitant se situe entre 5,5 et 24 barils tendent à souffrir d'une faible capacité de gouvernance, d'instabilité politique et de conflits armés »76. Cette même étude affirme qu'en dessous de 5,5 barils, les revenus n'ont point d'impacts positifs sur l'amélioration du cadre de vie des populations, ce qui peut mener à des conflits armés, comme le constat a été fait pour le cas du Nigeria, dans le cadre du conflit du Delta du Niger.

    En résumé, Paul Collier affirme qu'une bonne réglementation pétrolière mise en place pour encadrer la gestion des revenus pétroliers mène à une prospérité économique et sociale bénéfique aux générations actuelles et futures. Toutefois, l'absence d'une réglementation pétrolière ou une mauvaise application de cette dernière peut mener à un pillage des ressources naturelles.

    Par conséquent, la réglementation pétrolière est le socle d'une gestion éthique et transparente des ressources naturelles, permet d'éviter le syndrome hollandais dont la principale cause dans les pays africains producteurs de pétrole, est un manque de transparence dans la gestion des revenus pétroliers, dû à une corruption constante aidée par une faiblesse des institutions.

    Il serait donc pertinent d'en déduire qu'une simple bonne réglementation pétrolière n'est pas suffisante. Une application juste de cette dernière est une nécessité pour assurer la gestion transparente des revenus pétroliers.

    75 Ibidem

    76 MYERS, Keith et HOUSE, Chatham. Petroleum, poverty and security. Royal Institute of International Affairs, 2005.

    39

    Paragraphe second - La nécessité d'une application juste de la réglementation pétrolière

    La réglementation s'entend ici par la législation pétrolière encadrant les activités pétrolières. Tout pays producteur de pétrole dispose d'une loi pétrolière qui régit l'amont pétrolier, c'est-à-dire les activités allant de la prospection à la production. L'une des problématiques majeures des pays producteurs de pétrole souffrant du paradoxe de l'abondance résulte d'une mauvaise application des réglementations pétrolières. Dans la majorité des cas, la mauvaise application de la loi pétrolière porte sur les allocations budgétaires et des financements de développement77, comme en atteste l'exemple portant sur la construction d'un oléoduc entre le Tchad et le Cameroun destinée à conjurer la malédiction pétrolière (A). Cet exemple met parfaitement en exergue les difficultés à la fois de l'opportunité des lois pétrolières votées et de la difficulté à appliquer ces dernières de manière juste (B).

    A- Les allocations budgétaires dans la construction de l'oléoduc Tchad-Cameroun

    La transparence est un moyen visant à lutter contre le paradoxe de l'abondance grâce à une meilleure gestion des dépenses publiques. Le cas du Tchad, dans la construction de son oléoduc le reliant au Cameroun est pertinent dans le sens où il permet des tirer des enseignements intéressants portant sur l'importance de la loi pétrolière et l'application de cette dernière.

    Le projet de construction de l'oléoduc Tchad-Cameroun qui a débuté en 2000 présente un fait inédit dans le domaine pétrolier. En effet, ce projet a été financé en partie par la Banque mondiale à hauteur de 4,2 milliards de dollars78. L'objectif de ce projet est de stimuler l'exportation et la production pétrolière au Tchad. Par conséquent, la finalité est de réduire la pauvreté au Tchad en investissant dans les secteurs prioritaires d'améliorer la transparence dans la gestion des revenus

    77 CARBONNIER, Gilles. Comment conjurer la malédiction des ressources naturelles ?. Institut de hautes études internationales et du développement, 2007. p.83-90

    78 Appui du Groupe de la Banque mondiale au Programme de développement pétrolier et d'oléoduc Tchad-Cameroun, Rapport d'évaluation rétrospective du programme, p.9

    40

    pétroliers79. Le projet d'oléoduc consiste en l'exploitation de trois champs pétroliers dans le bassin de Doba, et dans la construction d'un oléoduc de 1070 kilomètres reliant les champs pétroliers à un terminal de stockage et de déchargement situé au Cameroun80. Toutefois, des réserves sont émises quant aux bénéfices que peut tirer la population locale, notamment à cause de la corruption dont l'État tchadien est souvent accusé.

    La Banque mondiale a posé comme condition à sa participation au financement du projet, une nouvelle loi pétrolière qui assure une meilleure gestion des revenus notamment dans les secteurs prioritaires afin de conjurer la maladie hollandaise et réduire la pauvreté81. De facto, elle fournit un prêt de 41 millions de dollars pour que l'État tchadien puisse être en capacité de « développer un système de gestion des revenus et de contrôle financier, sous la forme notamment d'un soutien financier aux institutions clefs »82.

    Sous la pression de la Banque mondiale, le Tchad adopte le 11 janvier 1999 une nouvelle loi pétrolière relative à la gestion des revenus pétroliers83, modifiée par une loi du 1er août 200084.

    Ladite loi stipule que 80 pour cent des revenus pétroliers sont destinés aux dépenses relatives aux secteurs prioritaires85. La loi définit les secteurs prioritaires comme les secteurs relatifs à la santé publique et des affaires publiques, l'enseignement, les infrastructures, le développement rural (agriculture et élevage), l'environnement et les ressources en eau86. Ensuite, 15 pour cent des revenus sont destinés à couvrir les dépenses de fonctionnement et d'investissement courants de l'État, pour une période de cinq ans à compter de la date de production87. Enfin, 5 pour cent des

    79 Appui du Groupe de la Banque mondiale au Programme de développement pétrolier et d'oléoduc Tchad-Cameroun, Rapport d'évaluation rétrospective du programme, p.8

    80 PETRY, Martin et BAMBE, Naygotimti. Le pétrole tu Tchad : rêve ou cauchemar pour les populations ?. Karthala Éditions, 2005, p.23-24

    81 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic Relieve Services (CRS), 2003, p.74

    82 Ibidem

    83 Loi n°0001/PR/99 du 11 janvier 1999, consultable sur : http://www.droit-
    afrique.com/upload/doc/tchad/Tchad-Loi-1999-01-gestion-des-revenus-petroliers.pdf

    84 Loi n°016/PR/2000 du 1er août 2000

    85 Article 8 de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers

    86 Article 7 alinéa 2 de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers

    87 Article 8 b) de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers

    41

    revenus sont destinés à dédommager les communautés affectées par la production pétrolière88.

    Une des innovations majeures de la loi porte sur la création d'un fonds destiné aux générations futures. En effet, la loi prévoit que 10% des ressources directes (ressources comprenant les dividendes et redevances)89 soient déposées et bloquées sur un Compte d'Épargne au profit des générations futures, conformément à la Banque des États de l'Afrique Centrale (BEAC)90.

    On peut en déduire que la Banque Mondiale s'est inspirée du modèle norvégien pour créer un modèle tchadien. Plus précisément, la Norvège est considérée comme un modèle de gestion transparente de ses revenus pétroliers, à travers son puissant fonds souverain91. Pour garantir le bénéfice de sa richesse pétrolière aux générations futures, elle a instauré un fonds de stabilisation qui permet de protéger l'État contre les éventuelles baisses des revenus pétroliers liés à la baisse des exportations92.

    En théorie, cette nouvelle loi présente des dispositions juridiques pertinentes relatives à la gestion des revenus pétroliers. Cependant, des difficultés subsistent sur sa conception et sur son application malgré la mise en place du Collège de Surveillance des Ressources (CSR).

    B- La difficulté de la mise en oeuvre pratique de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers

    La loi pétrolière relative à la gestion des revenus paraît en pratique être une loi opportune pour meilleure distribution des richesses visant à diminuer la pauvreté, afin de conjurer la maladie hollandaise. Toutefois, sa conception et sa mise en oeuvre restent discutables. La loi pétrolière n'est efficace que si sa mise en oeuvre est transparente. Cette dernière doit être garantie par un organe de contrôle. La loi relative à la gestion des revenus pétroliers prévoit un organe de contrôle

    88 Article 8 c) de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers

    89 Article 2 alinéa 3 de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers

    90 Article 9 de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers

    91 « En Norvège, le puissant fonds souverain n'a jamais accumulé autant d'argent », Le Figaro économie, disponible sur : http://www.lefigaro.fr/conjoncture/2018/02/28/20002-20180228ARTFIG00006-en-norvege-le-puissant-fonds-souverain-n-a-jamais-accumule-autant-d-argent.php

    92 TAMBA, Isaac, TCHATCHOUANG, Jean Claude, et DOU'A, Raymond. L'Afrique Centrale, le paradoxe de la richesse : industries extractives, gouvernance et développement social dans les pays de la CEMAC. Presses universitaires d'Afr, 2007. p.139-140

    42

    indépendant, le Collège de Contrôle et de Surveillance des Ressources pétrolières (CCSRP)93.

    Cet organe indépendant de contrôle n'empêche cependant pas le fait que la loi comporte des faiblesses importantes, notamment dans l'allocation des revenus. En effet, une première irrégularité est constatée lorsque le gouvernement tchadien inclut les dépenses militaires dans le volet des dépenses prioritaires94. Cette action du gouvernement tchadien viole l'article 2 alinéa 3 qui définit explicitement les éléments entrant dans le champ des dépenses prioritaires et desquelles les dépenses militaires sont exclues.

    Tout d'abord, il est pertinent de constater que la loi ne couvre que les trois champs pétroliers de Bolobo, Komé et Miandoum95 alors qu'aujourd'hui, de nouveaux champs pétroliers sont explorés au Tchad96. Par conséquent, des revenus importants risquent de sortir du cadre de la loi pétrolière. Cela constituerait un danger important, car les revenus issus des champs pétroliers non prévus par la loi risquent d'être détournés en toute connaissance de cause et la population locale en sera la principale victime.

    Ensuite, le dédommagement à hauteur de 5 pour cent aux communautés affectées par la production pétrolière semble insuffisant. En réalité, les populations vivant dans les régions pétrolières sont directement affectées par l'impact de la production de pétrole comme cela a été constaté dans le Delta du Niger au Nigeria.

    De plus, la loi relative à la gestion des revenus reste vague dans l'allocation des dépenses régionales et les secteurs prioritaires. Certes, la loi identifie clairement les secteurs prioritaires dans son article 7 alinéa 2. Cependant, les affectations des revenus dans ces domaines prioritaires ne sont ni mentionnées ni précisées. Par conséquent, dans le domaine de la santé par exemple, comment sont alloués les revenus ? Doivent-ils être dépensés dans les dispensaires des régions rurales, ou plutôt dans un hôpital moderne de la capitale tchadienne 97? Cette question mérite

    93 Article 15 de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers

    94 CARBONNIER, Gilles. Comment conjurer la malédiction des ressources naturelles ?. Institut de hautes études internationales et du développement, 2007. p.88-90

    95 Article 1 de la loi relative à la gestion des revenus pétroliers

    96 « Tchad : second boom pétrolier », Article du Jeune Afrique, 20 juin 2018, disponible sur : http://www.jeuneafrique.com/mag/575875/economie/tchad-second-boom-petrolier/

    97 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic Relieve Services (CRS), 2003, p.76-77

    43

    d'être posée, car le Tchad est un pays marqué par la discrimination ethnique et régionale98; cette situation peut constituer un facteur pouvant mener à des conflits portant sur la redistribution de la rente pétrolière99.

    En outre, l'article 9 de la loi relative aux gestions des revenus pétroliers prévoit un fonds pour les générations futures. Ce fonds a généralement pour objectif de garantir une partie des recettes d'exportation afin de conjurer le syndrome hollandais, mais aussi préparer la transition énergétique lorsque les réserves du Tchad s'épuiseront. Cependant, pour garantir une partie des recettes d'exportation, la création d'un fonds de stabilisation est nécessaire afin de contourner le prix aléatoire des cours du pétrole qui affecterait le fonds pour les générations futures. Ce fonds de stabilisation n'étant pas compris dans loi relative à la gestion des revenus, le fonds pour les générations futures est fortement exposé au cours du pétrole. Par conséquent, un fonds d'épargne pour les générations futures doit être accompagné d'un fonds de stabilisation afin de remédier à la volatilité et à l'imprévisibilité des recettes pétrolières100.

    Enfin, il est curieux de constater qu'à l'article 8 b) de la ladite loi, une allocation de 5 pour cent des revenus directs réservée aux collectivités décentralisées de la région productrice de pétrole peut faire l'objet d'une modification par décret présidentiel, et ce tous les cinq ans. L'opportunité de cette disposition législative peut être discutable. Cette disposition laisse une marge de manoeuvre assez conséquente au Président tchadien qui aura la latitude de la modifier à tout moment. Une telle latitude pourrait laisser place à la corruption et à une gestion opaque des recettes pétrolières.

    Par conséquent, il serait légitime d'en déduire que la loi relative à la gestion des revenus pétroliers n'est pas assez contraignante à l'égard des décideurs et laisse paraître des flous juridiques quant à l'allocation des revenus aux secteurs prioritaires et à la gestion du fonds d'épargne pour les générations futures. De ce point de vue, les failles apparentes de cette loi dans sa mise en oeuvre

    98 NACIRI, Abdelali Bensaghi et BAZIKA, Jean-Christophe Boungou (ed.). Repenser les économies africaines pour le développement. African Books Collective, 2010, p.200-202

    99 Ibidem

    100 DAVIS, Jeffrey, OSSOWSKI, Rolando, DANIEL, James, et al. Les fonds pétroliers : des problèmes sous couvert de solutions. Fonds monétaire international, Finance et Développement, 2001, p.1-4

    44

    et dans son application montrent une certaine faiblesse institutionnelle notamment au niveau des organes de contrôle indépendants qui sont censés veiller à l'application juste et légale de la loi.

    Le Collège de Contrôle et de Surveillance des Ressources Pétrolières (CCSRP) institué par loi de 1999 relative à la gestion des revenus reflète un organe de contrôle impuissant face aux volontés politiques du gouvernement. Ce Collège est composé d'un magistrat membre de la Cour Suprême, d'un Député, d'un Sénateur, d'un Directeur National de la BEAC, d'un Directeur du Trésor et de quatre représentants de la société civile101. Le CCSRP a pour mission de vérifier la conformité des engagements sur les comptes spéciaux et l'affectation des fonds102.

    Cependant, les opérations du CCSRP semblent mal définies, car le Collège agit sans mandat clair et parfois le mandat dont il bénéficie paraît assez étroit pour lui permettre de mener à bien ses missions qui lui sont instituées par la loi. De plus, le CCSRP n'est soutenu ni financièrement ni politiquement pour assurer l'efficacité que la loi sur la gestion des revenus lui reconnait103. En outre, le CCSRP éprouve aussi des difficultés à « collecter les données auprès du Ministère des Finances et de celui du Pétrole conformément aux textes prévus »104. Enfin, les recommandations notamment issues celles des contrôles de passations des marchés publics que le Collège émet ne sont pas toujours suivies105. Par conséquent, le Collège doit faire face à de nombreux défis dont la garantie de l'application de la loi sur la gestion des revenus pétroliers à tous les champs pétroliers du pays. Dans ses recommandations, la Banque mondiale exige que le Collège soit en mesure d'avoir une traçabilité des dépenses effectuées, mais aussi avoir la capacité de surveiller les procédures d'acquisition106.

    En résumé, les pays africains producteurs de pétrole sont pour la majorité touchés par le paradoxe

    101 Article 16 de la loi relative à la gestion des revenus

    102 Article 18 a) de la loi relative à la gestion des revenus

    103 « Le CCSRP et sa contribution à la surveillance de l'utilisation des revenus pétroliers au Tchad », NDOUBAHIDI SAMADINGAR François, 27 décembre 2015 disponible sur : http://www.croset-td.org/2015/12/le-ccsrp-et-sa-contribution-a-la-surveillance-de-lutilisation-des-revenus-petroliers-au-tchad/

    104 Ibidem

    105 « Le CCSRP et sa contribution à la surveillance de l'utilisation des revenus pétroliers au Tchad », NDOUBAHIDI SAMADINGAR François, op. cit.

    106 Rapport de la Banque mondiale, Proposed Institutional Reform Credit to the Republic of Chad, p.23-

    26

    45

    de l'abondance, qui est une conséquence du syndrome hollandais. En outre, un autre facteur explique la difficulté des pays producteurs à bénéficier pleinement de leurs ressources : le manque de gestion éthique et transparente des revenus pétroliers qui ne sont pas investis dans les secteurs prioritaires. Cela s'explique par la difficulté à mettre en oeuvre de manière juste les réglementations régies par les lois pétrolières encadrant les activités pétrolières et les revenus issus de ces dernières.

    Par conséquent, l'industrie pétrolière sénégalaise qui devra commercialiser ses hydrocarbures est novice en la matière. De ce point de vue, elle se retrouve dans l'obligation de tirer les leçons des pays africains producteurs de pétrole afin que ce dernier puisse bénéficier à l'économie et de facto, à la population sénégalaise d'aujourd'hui, mais aussi de demain. En partant de ce constat, il serait pertinent d'analyser le défi du syndrome hollandais posé à l'industrie pétrolière sénégalaise (chapitre second).

    46

    Chapitre second : L'industrie pétrolière sénégalaise face au défi du syndrome hollandais

    L'industrie pétrolière sénégalaise, au regard des difficultés rencontrées par les pays africains producteurs de pétrole, est soumise au défi du paradoxe de l'abondance. En effet, le Sénégal a un potentiel confirmé en hydrocarbures. Son bassin sédimentaire regorge de gisements pétroliers et de gaz qui font l'objet d'exploration et d'exploitation commercialisables à partir de 2021107. Ce potentiel ferait du Sénégal, un des producteurs majeurs de pétrole et de gaz en Afrique108. Par conséquent, l'industrie pétrolière sénégalaise ne bénéficierait pas aujourd'hui de l'expérience nécessaire pour commercialiser ses hydrocarbures à l'avenir. Ce constat est normal dans le sens les recherches pétrolières au Sénégal ayant débuté depuis 1952, laissaient peu d'espoir à des découvertes de réserves prouvées pouvant faire l'objet d'une production commercialisable109. Toutefois, cela n'excluait aucunement le potentiel d'hydrocarbures aussi bien en zone Onshore qu'en Offshore110.

    L'industrie pétrolière sénégalaise, dans ses activités relatives à l'amont, est composée d'acteurs issus de l'État, des institutions, des organisations internationales et de la société civile. Ces acteurs régissent le fonctionnement de l'industrie pétrolière et jouent un rôle important d'un point de vue financier et humain (section 1). Le rôle et la position de ces différents acteurs dans l'échiquier pétrolier actuel permettent d'anticiper leur importance face au défi du paradoxe de l'abondance lié aux découvertes de pétrole et de gaz (section 2).

    107 « Le Sénégal pourrait entrer dans le top 10 africain des producteurs de gaz », Le Monde Afrique, 4 septembre 2018, disponible sur : https://www.lemonde.fr/afrique/article/2018/09/04/le-senegal-pourrait-entrer-dans-le-top-10-des-producteurs-de-gaz_5350044_3212.html

    108 Ibidem

    109 DIA, Oumar. Recherche et possibilités pétrolières du Sénégal. Éthiopiques : revue socialiste de culture négro-africaine, 1978, n°13, p. 49-56

    110 Ibidem

    47

    Section 1 : Le rôle central et primordial des acteurs dans l'échiquier pétrolier sénégalais

    Au Sénégal, plusieurs entités interviennent dans l'amont du secteur pétrolier, c'est-à-dire, les activités d'exploration et de production. Ces entités ne jouent pas les mêmes rôles et ne disposent pas de prérogatives similaires. Par conséquent, ces acteurs n'exercent pas la même influence sur le secteur de l'amont pétrolier. Certains acteurs sont prévus par le code pétrolier sénégalais111 et son décret d'application112 (paragraphe premier) tandis que les acteurs internationaux s'ajoutent au secteur de l'amont pétrolier (paragraphe second).

    Paragraphe premier - Le rôle clé des acteurs prévus par le code pétrolier et son décret d'application

    Le code pétrolier de 1998 et son décret d'application prévoient l'encadrement de l'amont pétrolier par la présence de divers acteurs. Les acteurs principaux sont les compagnies pétrolières internationales dont la présence est assez importante sur le bassin sédimentaire sénégalais (A). En outre, les acteurs étatiques et institutionnels viennent s'y ajouter et ils constituent le socle de l'amont pétrolier (B).

    A- Une présence importante des compagnies pétrolières internationales

    Au Sénégal, l'activité pétrolière et gazière s'organise autour des phases de recherche, de découverte, de développement et d'exploitation113. La Lettre de Politique de Développement du Secteur de l'Énergie (LPDSE) affirme qu'en phase d'exploration, le domaine minier sénégalais est divisé en dix-huit blocs114 dont quinze ont été attribués en zone Onshore et Offshore aux

    111 Loi 98-05 du 8 janvier1998 portant code pétrolier (consultable à l'annexe)

    112 Décret d'application n°98-810 du 6 octobre 1998 fixant les modalités et conditions d'application de la loi n°98-05 du 08 janvier 1998 portant code pétrolier (consultable à l'annexe)

    113 Article premier du code pétrolier de 1998

    114 Lettre de Politique de Développement du Secteur de l'Énergie, Situations et contraintes du sous-secteur des hydrocarbures, p.3

    48

    compagnies pétrolières internationales. En effet, le Ministre en charge des opérations pétrolières peut décider de découper le territoire de la République du Sénégal en blocs115.

    La cartographie suivante présente les différents blocs pétroliers divisés et octroyés aux différentes compagnies pétrolières :

    Source : Cartographie sur l'aperçu du secteur des hydrocarbures au Sénégal consultable sur http://itie.sn/apercu-du-secteur-2/

    Selon la cartographie ci-dessus, la majorité des blocs pétroliers sont octroyés à des compagnies

    115 Article 5 du décret d'application n°98-810 du 6 octobre 1998 fixant les modalités et conditions d'application de la loi n°98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier

    49

    étrangères, en vertu du code pétrolier116. De plus, ces dernières sont des compagnies juniors, car de nos jours, les compagnies majors s'investissent de moins en moins dans la phase d'exploration. Les compagnies majors préfèrent laisser les compagnies juniors ou indépendantes supporter les risques inhérents à cette étape. Ce processus permet aux majors, une fois qu'il y a une découverte commercialisable, de négocier leur entrée sous forme de joint-venture ou de contrat d'affermage, à défaut d'avoir racheté les permis qui leur permettraient d'exploiter les blocs pétroliers et gaziers. Par conséquent, cette présence importante des compagnies s'inscrit dans une pratique courante du monde pétrolier.

    La présence importante des compagnies étrangères peut s'expliquer d'un point de vue financier. En effet, l'État du Sénégal représenté par la Société des Pétroles du Sénégal (PETROSEN) doit financer les secteurs prioritaires comme la santé, l'éducation et les infrastructures. Ainsi, il n'a pas les moyens d'investir dans l'exploration pétrolière qui est une opération onéreuse pouvant s'élever à des dizaines de millions d'euros. Par conséquent, il a besoin de l'expertise technologique des compagnies étrangères afin d'assumer l'exploration, qui est une activité dont les investissements sont risqués et sont souvent effectués à perte.

    Au-delà des activités d'exploration et de production, les compagnies pétrolières sont aussi chargées de réaliser des dépenses de responsabilité sociétale des entreprises (RSE) au sein des communautés ou toute autre personne impactée par les opérations pétrolières117.

    Les compagnies pétrolières internationales sont soumises aux lois et règlements sénégalais en vigueur118. Ces sociétés légalement constituées ont des parts sociales avec des actions ne sont pas en majorité détenues par l'État du Sénégal, mais plutôt par des capitaux privés nationaux ou internationaux. Ce dernier cas est le plus courant119.

    Par conséquent, les compagnies pétrolières internationales constituent un des piliers majeurs de l'amont pétrolier sénégalais. Sans leurs capacités techniques et financières, le Sénégal ne saurait exploiter son potentiel en hydrocarbures.

    116 Article 5 du code pétrolier de 1998

    117 Article 52 du code pétrolier de 1998

    118 Article premier du code pétrolier de 1998

    119 Ndao, Fary. L'or noir du Sénégal : Comprendre l'industrie pétrolière et ses enjeux au Sénégal, Essai, 2018, p. 69-71

    50

    B- Des acteurs étatiques jouant un rôle capital dans l'organisation et le fonctionnement l'industrie pétrolière sénégalaise

    Le principal acteur dans l'organisation et le fonctionnement de l'industrie pétrolière sénégalaise est le Président de la République. Ce dernier occupe un rôle majeur dans l'architecture législative pétrolière. En effet, la loi pétrolière lui confère le pouvoir d'autoriser une ou plusieurs personnes physiques ou morales de son choix, de nationalité sénégalaise ou étrangère, à entreprendre des opérations pétrolières dans son sous-sol120. De plus, il bénéficie de la compétence légale pour autoriser le renouvellement des permis de recherches par décret, en phase d'exploration121 et la prorogation d'une concession d'exploitation d'hydrocarbures en phase d'exploitation122.

    Ainsi, le Président de la République occupe une place centrale dans l'arsenal législatif pétrolier au Sénégal, car il approuve par décret présidentiel, tout contrat pétrolier liant l'État du Sénégal aux compagnies pétrolières123. En somme, aucun contrat pétrolier n'est réputé valable que s'il est approuvé par un décret présidentiel signé et publié au Journal Officiel124.

    Ensuite, vient le Ministère du Pétrole et des Énergies. Il s'occupe des démarches administratives relatives aux demandes, à l'octroi et au renouvellement des contrats pétroliers125. Le Ministère du Pétrole et des Énergies émet des rapports sur lesquels le Président de la République se fonde pour signer les décrets qui valident les contrats pétroliers. De plus, il lui revient de valider les travaux d'exploration des compagnies pétrolières prévus par le code pétrolier126.

    En outre, la Direction des Hydrocarbures a pour mission de surveiller les opérations pétrolières.

    120 Article 5 du code pétrolier de 1998

    121 Article 16 du code pétrolier de 1998

    122 Article 27 du code pétrolier de 1998

    123 Article 3 du décret n°98-810 du 06 octobre 1998 fixant les modalités et conditions d'application de la loi n°98-05 du 08 janvier 1998 portant Code pétrolier

    124 Article 34 du code pétrolier de 1998

    125 Article 7 du décret n°98-810 du 06 octobre 1998 fixant les modalités et conditions d'application de la loin°98-05 du 08 janvier 1998 portant Code pétrolier

    126 Article 17 alinéa 2 du code pétrolier de 1998

    Le Ministère du Pétrole et des Énergies est donc un acteur clé dans l'amont pétrolier sénégalais. Elle est en étroite collaboration avec les compagnies pétrolières pendant tout le processus des activités pétrolières allant de l'exploration à la production.

    Enfin, le dernier pilier de l'architecture pétrolière est la Société des Pétroles du Sénégal (PETROSEN). C'est la société nationale pétrolière du Sénégal. Elle intervient aussi bien dans l'amont que dans l'aval pétrolier sénégalais. La PETROSEN est une société anonyme détenue à 99 pour cent par l'État du Sénégal et 1 pour cent par la Société Nationale de Recouvrement (SNR)127. Elle est sous tutelle du Ministère du Pétrole et des Énergies et a pour principal objectif d'appliquer la politique pétrolière du Sénégal notamment dans la promotion de son bassin sédimentaire128.

    La PETROSEN joue un rôle technique dans l'amont pétrolier. En effet, elle représente l'État dans les relations contractuelles liant ce dernier aux compagnies pétrolières129. De plus, elle a des relations techniques avec les compagnies pétrolières internationales en intervenant pour le compte de l'État « dans les opérations relatives à la production, au traitement, à la transformation, à la mise en valeur et au transport des hydrocarbures »130. Elle assure enfin le suivi technique et le contrôle des opérations pétrolières.

    Les compagnies pétrolières et les acteurs étatiques sénégalais jouent un rôle clé dans le fonctionnement de l'amont pétrolier sénégalais. En effet, chaque entité a des compétences précises et nécessaires au bon fonctionnement de l'industrie pétrolière sénégalaise. Par conséquent ces acteurs sont non négligeables et constituent le socle de l'amont pétrolier.

    51

    127 Statuts de la PETROSEN, Article 6

    128 Statuts de la PETROSEN, Article 2

    129 Rapport de conciliation de l'ITIE, 2015, p.46

    130 Ibidem

    52

    Paragraphe second - Le rôle majeur des acteurs internationaux dans les mécanismes de transparence

    Le fonctionnement de l'industrie pétrolière sénégalaise est complété par la présence d'acteurs internationaux qui, bien que n'étant pas impliqués de manière directe ou indirecte dans l'amont pétrolier sénégalais, jouent un rôle important notamment en matière de transparence. La Banque Mondiale assure sa présence dans l'échiquier pétrolier par le biais de sa participation financière dans les projets de développement (A). Ensuite, le Comité National pour l'Initiative sur la Transparence des Industries Extractives (CN-ITIE) est chargé d'assurer la transparence des recettes pétrolières (B).

    A- Le rôle indirect de la Banque Mondiale dans l'architecture pétrolière sénégalaise

    La Banque mondiale est une institution attachée à l'Organisation des Nations-Unies (ONU). Elle dispose de plusieurs institutions financières qui octroient des prêts, conseillent les pays en développement dans les projets de développement.

    La Banque mondiale est un acteur indirect dans l'industrie pétrolière au Sénégal. En ce sens, il ne participe certes pas aux activités relatives à l'amont pétrolier, mais contribue au projet de développement du Sénégal, sur un point de vue financier. En effet, par le biais d'une de ses institutions financières, qui est l'Association Internationale de Développement (IDA), un prêt d'un montant de 29 millions de dollars a été accordé à l'État du Sénégal en juillet 2017131.

    Ce prêt a pour objectif de financer l'appui aux négociations des projets pétroliers et gaziers complexes, et le renforcement des capacités institutionnelles de l'État du Sénégal132. En d'autres termes, il s'agit de soutenir l'État pour qu'il puisse mobiliser les capacités nécessaires à la mise en oeuvre des projets pétroliers et gaziers.

    Le renforcement des capacités institutionnelles de l'État du Sénégal consistera à la formation

    131 « La Banque mondiale va aider le Sénégal à négocier des projets pétroliers et gaziers complexes », Banque mondiale, 31 mai 2007, disponible sur : http://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/05/31/world-bank-to-help-senegal-negotiate-complex-oil-gas-projects

    132 Ibidem

    53

    technique destinée aux agents de la PETROSEN, au CN-ITIE, au COS-PETROGAZ et aux ministères éventuellement liés au domaine pétrolier et gazier.

    La Banque mondiale, comme elle l'a démontré dans ses divers projets d'investissements au Tchad par exemple, montre par sa présence dans l'industrie pétrolière au Sénégal, qu'elle est un acteur assez important. En d'autres termes, en finançant la formation des agents sénégalais issus de différentes entités étatiques, la Banque mondiale devient donc un acteur considérable dans l'amont pétrolier sénégalais. Les formations dispensées permettront d'avoir un transfert de compétences bénéfique à l'industrie pétrolière.

    Par conséquent, la Banque mondiale joue un rôle clé dans le développement du pétrole et du gaz au Sénégal en octroyant un prêt pour les projets pétroliers et gaziers. Enfin, elle sert de mécanisme de transparence dans son objectif de renforcement des capacités institutionnelles de l'État du Sénégal.

    B- L'ITIE et le CN-ITIE dans la gestion des recettes pétrolières

    L'ITIE est une organisation internationale dont la création et le rôle sont déjà mentionnés en introduction. L'ITIE répond principalement à deux enjeux.

    Premièrement, elle a pour priorité de maintenir et promouvoir la stabilité et la paix dans les pays en développement producteurs de pétrole en mettant l'accent sur un ordre économique libéral et un système politique démocratique133.

    Enfin, l'ITIE a pour objectif de promouvoir le développement économique et la lutte contre la pauvreté dans les pays riches en ressources naturelles134.

    L'ITIE, est donc un acteur international clé visant à réguler les activités pétrolières dans les pays producteurs afin que le pétrole favorise un développement socio-économique profitable aux populations locales.

    133 CARBONNIER, Gilles. Les négociations multi-parties prenantes : l'exemple de l'Initiative de la transparence des industries extractives. Relations internationales, 2008, n°4, p.101-113.

    134 Ibidem

    54

    La régulation des activités pétrolières par l'ITIE se traduit par la mise en place d'une norme contraignante que tout adhérent doit mettre en oeuvre au niveau local. La norme ITIE porte sur la transparence relative à la publication des contrats pétroliers, la publication des paiements entre les compagnies pétrolières et l'État propriétaire de son sous-sol, et enfin sur la publication des recettes issues du pétrole et du gaz.

    De plus, l'ITIE inclut la société civile dans son processus. En effet, la société civile est souvent négligée dans les processus relatifs à la gestion des hydrocarbures. En incluant la société civile, l'ITIE souhaite que cette dernière soit un relais fiable vis-à-vis de la population locale. Par conséquent, le gouvernement doit « garantir un environnement propice à la participation de la société civile, eu égard aux lois, règlements et règles administratives pertinents »135.

    Le Sénégal ayant adhéré à cette norme a mis en place le Comité national pour l'initiative sur la transparence des industries extractives (CN-ITIE). Ce comité est une entité créée par décret 2013881 du 20 juin 2013. Il a pour objectif de publier régulièrement toutes les recettes tirées de l'exploitation des industries extractives ainsi que les paiements versés à l'État par les compagnies pétrolières136.

    La transparence dans le secteur des hydrocarbures constitue un enjeu majeur pour l'État du Sénégal. En adhérant à l'ITIE, le Sénégal prouve qu'il veut être soumis à une obligation de résultat dans la gestion des revenus tirés de l'exploitation du pétrole et du gaz.

    Section 2 : Les enjeux de l'industrie pétrolière du Sénégal face aux découvertes de pétrole et de gaz

    La découverte de pétrole et de gaz commercialisables probablement vers 2021-2022 confirme « le potentiel géologique du bassin sénégalais. Ces découvertes ont modifié les perspectives

    135 Rapport ITIE, La norme ITIE 2016, p.41, consultable sur :

    https://eiti.org/sites/default/files/documents/french_eiti_standard_3.pdf

    136 Article 2 du Décret n°2013-881 du 20 juin 2013 portant création, organisation et fonctionnement du Comité national de l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives.

    55

    économiques ainsi que les priorités en matière de réformes au niveau du secteur »137.

    L'enjeu relatif à l'exploitation du pétrole et du gaz porte essentiellement sur la gestion responsable des revenus pétroliers dont le Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz (COS-PETROGAZ) en assure la régularité au niveau institutionnel (paragraphe premier). La mise en place du COS-PETROGAZ, bien qu'elle paraisse pertinente dans l'esprit et dans les objectifs de transparence élaborés par le gouvernement sénégalais, présente des insuffisances dans la composition de ses membres, avec une société civile exclue, ce qui ouvrirait la voie à un manque d'indépendance et de transparence dans la gestion et la répartition des revenus pétroliers (paragraphe second).

    Paragraphe premier Ð La composition et le rôle central du COS-PETROGAZ dans la définition des orientations stratégiques du secteur des hydrocarbures

    Le COS-PETROGAZ est un acteur essentiel de l'amont pétrolier sénégalais. Il est majoritairement composé de membres du gouvernement, ce qui lui confère un pouvoir central (A) dans son rôle de régulateur dans la définition des orientations stratégiques relatives au secteur des hydrocarbures (B).

    A- Une composition du COS-PETROGAZ centralisée vers le gouvernement

    Le décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz (COS-PETROGAZ), institue le COS-PETROGAZ138. À la lecture du décret dans sa globalité, un constat s'impose : les membres du COS-PETROGAZ sont essentiellement issus du gouvernement. En effet, le COS-PETROGAZ comprend le Premier Ministre, le Ministre chargé

    137 Rapport, Plan Stratégique de l'ITIE (2017-2021), p.14-15.

    138 Article premier du décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz

    56

    du suivi du Plan Sénégal Émergent (PSE), le Ministre de l'Intérieur et de la Sécurité Publique, le Ministre des Affaires étrangères et des Sénégalais de l'Extérieur, le Ministre des Finances et du Plan, le Ministre de l'Énergie et du Développement des Énergies renouvelables, le Ministre de l'Industrie et des Mines, le Ministre de l'Environnement et du Développement durable, le Ministre de la Pêche et de l'Économie Maritime139. Un représentant de l'Assemblée nationale et un représentant du haut conseil des collectivités territoriales sont également membres du COS-PETROGAZ140.

    La composition du COS-PETROGAZ est donc centrale. Le Comité est donc sous l'autorité directe du Président de la République. De plus, le budget du COS-PETROGAZ est greffé à celui de la Présidence de la République141. Enfin, dans le cadre de la mise en oeuvre des délibérations du COS-PETROGAZ, le ministère de l'Énergie crée une unité d'exécution et de gestion du Comité d'Orientation stratégique du pétrole et du gaz (GES-PETROGAZ)142.

    Cependant, un organe aussi stratégique comme le COS-PETROGAZ ne dispose que d'un seul et unique membre du Parlement. Ceci pourrait être discutable, car cet organe devrait avoir une meilleure représentation parlementaire concernant l'ensemble de la population sénégalaise. En effet, le Parlement devrait jouir d'un droit de regard sur la gestion du pétrole et du gaz au Sénégal. Plus précisément, une disposition législative devrait être adoptée afin d'accroître le nombre de parlementaires membres du COS-PETROGAZ.

    En outre, le COS-PETROGAZ dont un des objectifs principaux est d'assurer « le suivi de la bonne gestion du sous-secteur des hydrocarbures »143 ne bénéficie pas d'une autonomie

    139 Article 3 du décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz

    140 La liste exhaustive des membres du COS-PETROGAZ est disponible sur : http://itie.sn/exclusif-voici-le-decret-portant-creation-et-fixant-les-regles-dorganisation-et-de-fonctionnement-du-cos-petrogaz/

    141 Article 6 du décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz

    142 Article 7 du décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz

    143 Article 2 du décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz

    57

    financière, ce qui remet en cause le caractère indépendant de l'organe, car ce dernier tire son budget de l'État du Sénégal en vertu de l'article 6 dudit décret.

    B- Un organe ayant le rôle de régulateur de l'industrie pétrolière sénégalaise

    Le COS-PETROGAZ a pour objectif « d'assister le Président de la République dans la définition, la supervision, l'évaluation et le contrôle de la mise en oeuvre de la politique nationale en matière de développement de projets pétroliers et gaziers, d'assister le gouvernement dans la mise en oeuvre des stratégies, des programmes et projets pour la promotion et le développement de projets pétroliers et gaziers, d'assurer le suivi de l'évaluation des réserves stratégiques et de la commercialisation des hydrocarbures, de valider en dernier ressort, toutes les études relatives aux réserves de gaz et de pétrole, ainsi que les gisements à développer [É] et impulser, en rapport avec les ministères et structures publics impliqués, ainsi que les partenaires techniques et financiers nationaux, bilatéraux, multilatéraux et privés, la mobilisation de l'assistance technique et des financements des programmes et projets de promotion des sous-secteurs pétrolier et gazier »144.

    Le COS-PETROZ a donc pour mission principale de réguler l'activité pétrolière en participant à la mise en oeuvre et à l'élaboration des orientations stratégiques liées à l'exploitation des hydrocarbures au Sénégal.

    En validant en dernière instance les projets pétroliers et gaziers ainsi que les gisements à développer, et en assurant le suivi relatif aux recettes pétrolières, le COS-PETROGAZ joue un rôle central dans sa compétence de prise de décision qui lui est reconnue par le décret du 3 octobre 2016.

    En théorie, la mise en place du COS-PETROGAZ est pertinente, car ce dernier permet de réguler en partie certaines activités pétrolières. Cependant, la composition des membres du COS-PETROGAZ, peut être améliorée. En effet, la société civile, étant un pilier dans la régulation de

    144 Ibidem

    58

    l'industrie pétrolière, devrait bénéficier d'une participation active dans les missions assignées au COS-PETROGAZ.

    Paragraphe second - Le rôle négligé de la Société civile dans l'élaboration des orientations stratégiques relatives à la gestion des hydrocarbures

    La société civile regroupe une grande diversité de citoyens et d'acteurs jouant un rôle influent dans l'information et la transparence dans le secteur des hydrocarbures. Par le biais de l'analyse du décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz, la composition des membres du COS-PETROGAZ n'inclut point la société civile qui est un organe de plus en plus influent dans le domaine pétrolier. La composition du COS-PETROGAZ paraît peu diversifiée (A). La société civile semble être négligée alors que dans les pays producteurs de pétrole qui constituent un modèle comme par exemple le Ghana en Afrique de l'Ouest, cette dernière y est très influente dans son rôle de régulateur (B).

    A- Une composition du COS-PETROGAZ peu diversifiée négligeant la société civile et allant à l'encontre des obligations communautaires du Sénégal

    La société civile est un acteur de régulation dans une industrie pétrolière, car elle contribue à la solidité institutionnelle permettant un modèle de gestion du pétrole et du gaz profitable aux générations actuelles et futures145. Cependant, dans la composition du COS-PETROGAZ, la présence de la société civile y est inexistante.

    Il ne s'agit point de remettre en cause la composition du COS-PETROGAZ. Toutefois, elle peut être améliorée en ayant un caractère plus inclusif. En effet, la Loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution, prévoit la reconnaissance de nouveaux droits

    145 PELLERIN, Mathieu. Ghana and the Oil Sector : Beyond the Resource Curse ?. 2015. p.6-8

    59

    aux citoyens notamment le droit des citoyens sur leurs ressources naturelles146. En vertu de la Constitution de 2001, « les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l'amélioration de ses conditions de vie. L'exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une croissance économique, à promouvoir le bien-être de la population en général et à être écologiquement durables ». La reconnaissance des droits dits « nouveaux » devrait donc s'apparenter à une meilleure représentation du COS-PETROGAZ.

    Qui plus est, la société civile devrait y jouer un rôle majeur à l'image des autres membres du COS-PETROGAZ. En d'autres termes, négliger la société civile dans la définition des orientations stratégiques relatives au pétrole et au gaz, c'est priver de la population locale d'un relai essentiel entre cette dernière et les décideurs étatiques.

    Inclure la société civile dans les orientations relatives aux hydrocarbures relève d'une obligation à laquelle la République du Sénégal doit se soumettre. Plus précisément, le Sénégal a adhéré à la Communauté Économique des États de l'Afrique de l'Ouest (CEDEAO) en ratifiant le 8 juillet 1977, le Traité de Lagos du 21 mai 1975 instituant la CEDEAO147. Cette dernière est une organisation intergouvernementale de l'Afrique de l'Ouest dont l'objectif de créer et de promouvoir la coopération et l'intégration économique et monétaire ouest-africaine.

    Dans le cadre de ses prérogatives, la CEDEAO a adopté une directive portant sur l'harmonisation des principes directeurs et des politiques dans le secteur minier148. Elle préconise une amélioration de la transparence dans la mise en oeuvre de la politique minière à travers la sous-région149 pour favoriser un développement socio-économique. Le Sénégal a adhéré à ladite directive tout en partageant la « Vision pour l'Industrie Minière en Afrique » adoptée par les

    146 Loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution, exposé des motifs, p.1-2.

    147 Accords, conventions et protocoles de la CEDEAO ratifiés par le Sénégal, disponible sur : http://www.diplomatie.gouv.sn/sites/default/files/accords-conventions-et-protocoles-de-la-cedeao-ratifies-par-le-senegal.pdf

    148 Directive C/DIR du 3/05/09 en date du 27 mai 2009 portant sur l'harmonisation des principes directeurs et de politiques dans le secteur minier.

    149 Article 2 Directive C/DIR du 3/05/09 en date du 27 mai 2009 portant sur l'harmonisation des principes directeurs et de politiques dans le secteur minier.

    60

    chefs d'État et de Gouvernement de l'Union Africaine (UA) et qui préconise « une exploitation transparente, équitable et optimale des ressources minières en tant que fondement d'une croissance durable et d'un développement socio-économique généralisée en Afrique »150.

    La transposition par le Sénégal de la directive C/DIR du 3/05/09 portant harmonisation des principes directeurs et de politiques dans le secteur minier implique le respect strict des obligations qui incombent à l'État. En effet, la directive, dans le cadre de ses objectifs relatifs à la transparence dans la gestion des ressources naturelles, reconnaît « l'importante contribution de la Société civile dans le droit des communautés locales à une participation citoyenne à leur développement »151. De plus, l'obligation d'inclure la Société civile incombe à tout État membre, dont le Sénégal, lorsqu'il s'agit de concertations avec un État et les titulaires de droits miniers en vue d'assurer une collaboration fructueuse durant les activités relatives à l'exploitation152.

    L'État du Sénégal devrait par conséquent se conformer à la directive de la CEDEAO en conférant une place plus importante à la Société civile dans le cadre des concertations et des définitions des orientations stratégiques relatives à l'amont pétrolier du Sénégal.

    En d'autres termes, si le COS-PETROGAZ est essentiellement composé des membres de l'exécutif, cela voudrait dire qu'il y aurait une volonté manifeste de ne pas entreprendre des actions de bonne gouvernance et de transparence. Par conséquent, cela pose le problème du contrôle du COS-PETROGAZ. Donc, le manque de présence de la Société civile dans le comité est une lacune juridique que le Sénégal doit corriger. Ainsi, si la directive de la CEDEAO fait référence à l'importance de la société Sénégal, l'Etat du Sénégal ne devrait pas occulter ladite directive et cette dernière devrait être prise en compte dans la composition de certains organes qui entreprennent des actions stratégiques dans le domaine du développement et de la gestion des ressources naturelles.

    150 African Mining Vision, Février 2009, consultable sur :

    http://www.africaminingvision.org/amv_resources/AMV/Africa_Mining_Vision_English.pdf

    151 Préambule de la Directive C/DIR du 3/05/09 en date du 27 mai 2009 portant sur l'harmonisation des principes directeurs et de politiques dans le secteur minier

    152 Article 16 alinéa 4 de la Directive C/DIR du 3/05/09 en date du 27 mai 2009 portant sur l'harmonisation des principes directeurs et de politiques dans le secteur minier

    61

    La Société civile est donc un organe de régulation prépondérant au sein d'un pays producteur de pétrole. L'objectif de transparence dans la gestion des ressources naturelles ne peut être rempli sans sa présence. L'exemple du Ghana en Afrique de l'Ouest, pays producteur de pétrole, confirme l'importance de la société civile dans la régulation des activités pétrolières.

    B- L'exemple d'une Société civile experte et influente : Le cas du Ghana

    Le Ghana est considéré comme un pays producteur de pétrole disposant d'importantes ressources pétrolières et dont la production fut retardée par un différend sur la délimitation de la frontière maritime l'opposant à la Côte d'Ivoire. Le Tribunal International du Droit de la Mer (TIDM) saisi du différend a estimé que « le Ghana n'a pas violé les droits souverains de la Côte d'Ivoire »153.

    Quatre ans après les premières productions pétrolières, le Ghana fait figure de modèle à l'échelle du continent africain grâce à sa solide architecture institutionnelle qui lui permet une régulation efficace de l'utilisation des recettes pétrolières154. La Société civile n'est pas étrangère à la solidité institutionnelle du Ghana. Pour preuve, la Société civile est un acteur influent dans la gestion des recettes pétrolières du Ghana. La constitution ghanéenne de 1982 consacre le droit de l'activisme fondé sur la défense des droits et la liberté d'association dans les processus de développement mis en oeuvre par l'État155.

    Dans le cadre des objectifs de transparence dans la gestion des revenus pétroliers, la Société civile ghanéenne a joué un rôle important dans la création du Public Interest and Accountability Committee (PIAC). Ce dernier a été instauré par la section 51 du Petroleum Revenue Management de 2011156. L'objectif du PIAC est « d'évaluer si le gouvernement et les autres institutions concernées par l'utilisation des revenus pétroliers respectent les textes du PRMA,

    153 Différend relatif à la délimitation de la frontière maritime entre le Ghana et la Côte d'Ivoire dans l'océan atlantique, p.190-193

    154 PELLERIN, Mathieu. Ghana and the Oil Sector: Beyond the Resource Curse?. 2015. p.2

    155 Article 37-2A de la Constitution de 1996 de la République du Ghana, disponible sur : http://www.ghana.gov.gh/images/documents/constitution ghana.pdf

    156 PELLERIN, Mathieu. Ghana and the Oil Sector: Beyond the Resource Curse?. 2015. p.16

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    notamment sur la cohérence des dépenses avec les priorités de développement nommément listées par le PRMA. Le PIAC a pour obligation de publier un rapport semestriel, ainsi qu'un rapport annuel sur l'utilisation qui a été faite des recettes pétrolières, en plus de tenir des séances de restitution publiques afin d'alimenter le débat public »157. Le PIAC constitué majoritairement des membres de la société civile est un organe assurant le suivi et l'évaluation de revenus et recettes pétrolières.

    La participation de la société civile dans le suivi et l'évaluation des revenus pétroliers illustre la maturité et l'influence qu'elle exerce au niveau des orientations stratégiques que met en place l'État du Ghana. De plus, la Société civile a été influente dans l'adoption de la loi relative aux énergies renouvelables et celle portant sur la gestion des recettes pétrolières158. Il s'agit d'un organe si capital, qu'il a eu le pouvoir de s'opposer à la faculté offerte au gouvernement de nommer un représentant de la Ghana National Petroleum Corporation (GNPC) au sein de la National Petroleum Commission (NPC). La Société civile considérait qu'il y aurait un possible conflit d'intérêt du fait que la GNPC est le principal opérateur dans l'exécution des activités pétrolières.

    Par conséquent, l'exemple du Ghana illustre l'importance de la Société civile dans les orientations stratégiques portant sur la gestion des revenus du pétrole et du gaz. Par conséquent, la Société civile est un acteur de régulation qui a un rôle de garde-fou dans la gestion éthique et transparente des ressources du pétrole et du gaz.

    Le Sénégal pourrait de ce fait s'inspirer du modèle ghanéen et garantir par le biais d'une disposition législative, la participation de la société civile, dans les activités pétrolières, car elle est devenue un régulateur incontournable dans la gestion des hydrocarbures.

    157 Ibidem

    158 PELLERIN, Mathieu. Op. cit.

    63

    Conclusion partielle

    L'analyse de la première partie a illustré le phénomène du paradoxe de l'abondance dans les pays africains producteurs de pétrole. Elle a mis en exergue les effets du syndrome hollandais dans les pays dont l'économie est entièrement dépendante de la rente pétrolière, au profit d'un délaissement des secteurs économiques prioritaires. D'un point de vue strictement juridique, l'analyse effectuée a mis en lumière l'importance de la mise en oeuvre et de l'application des législations pétrolières dans la gestion éthique des ressources naturelles. En effet, les études de cas portant sur le Nigéria et le Tchad et relatifs à la gestion des revenus pétroliers, ont prouvé qu'une mauvaise application des législations pétrolières a mené de facto à une mauvaise gestion des revenus pétroliers et cela a pour conséquence, le syndrome hollandais.

    Par conséquent, la théorie de Paul Collier selon laquelle un cadre juridique insuffisant dans la gestion des ressources naturelles mène à un pillage celles-ci s'applique pour le Nigeria et le Tchad qui n'ont pu conjurer la malédiction des ressources naturelles du fait d'une mauvaise application de leurs législations pétrolières respectives. En un mot, un pillage des ressources naturelles est un frein au développement, car ne profitant point aux populations locales : les recettes de l'Etat augmentent, mais le taux pauvreté s'accroit en parallèle.

    Ensuite, dans le cadre d'une gestion des ressources naturelles, les acteurs étatiques et institutionnels jouent un rôle prépondérant dans la régulation des activités pétrolières. Cependant, le rôle considérable de la Société civile ne saurait être occulté. Le cas du Sénégal, qui dans son COS-PETROGAZ, ne dispose d'aucun membre de la Société civile dans la composition dudit comité, remet en cause l'importance de la Société civile. Le cas du Ghana a montré qu'une Société civile impliquée dans les orientations stratégiques relatives à la gestion des revenus pétroliers assure une gestion éthique de ces derniers.

    En résumé, une réglementation juste et appliquée légalement est nécessaire pour une gestion éthique et transparente du pétrole et du gaz. De plus, réguler l'industrie pétrolière du Sénégal, implique un renforcement juridique des prérogatives de la Société civile notamment dans la gestion des revenus pétroliers.

    64

    Partie 2 : Un renforcement du cadre légal relatif à l'industrie pétrolière garantissant une gestion transparente du pétrole et du gaz

    La Société civile est un acteur de régulation de l'industrie pétrolière. Cependant, la régulation pétrolière s'étend à l'amont pétrolier. En d'autres termes, réguler l'industrie pétrolière sénégalaise implique d'analyser la législation pétrolière du Sénégal, qui est la pierre angulaire de l'amont pétrolier. En effet, une analyse de la législation pétrolière permettra de relever les éventuelles lacunes que la nouvelle législation (qui fera l'objet d'un projet de loi dans les prochaines semaines) devra combler.

    Étudier et analyser l'amont pétrolier sénégalais serait pertinent. En effet, une bonne gestion du pétrole et du gaz nécessite que l'amont pétrolier, qui est le fondement de toute activité pétrolière fonctionne dans un cadre légal juste et bien défini. Plus précisément, si le cadre juridique encadrant l'amont pétrolier est insuffisant, alors la gestion opaque des revenus issus de l'amont serait inévitable.

    L'amont pétrolier porte sur les activités d'exploration et de production. Dans le cadre de ces activités, les relations contractuelles relatives au choix des compagnies internationales opérant sur le bassin sédimentaire sénégalais, à l'octroi des blocs pétroliers et de la part réelle de l'Etat dans la production sont encadrés par le droit pétrolier sénégalais.

    Cependant, l'analyse du cadre juridique pétrolier en vigueur régissant l'amont pétrolier mettra en exergue des lacunes qui prouveront que ce dernier ne répond pas aux enjeux du paradoxe de l'abondance (chapitre premier). Par conséquent, une réforme totale du droit pétrolier est obligatoire pour assurer une meilleure transparence dans la gestion du pétrole et du gaz (chapitre second)

    65

    Chapitre premier : Un cadre juridique pétrolier peu adapté aux enjeux du paradoxe de l'abondance

    Grâce aux nouvelles découvertes de pétrole et de gaz, l'environnement pétrolier Sénégal est en pleine mutation. Le bassin sédimentaire sénégalais est devenu plus attractif du fait de son potentiel en hydrocarbures confirmé. Par conséquent, les compagnies internationales étrangères qui souhaitent explorer et exploiter le sous-sol sénégalais sont soumises au régime juridique régissant l'amont pétrolier.

    Un état des lieux juridiques de l'amont pétrolier (section 1) met en lumière des lacunes et des vides juridiques rendant le régime juridique en vigueur peu adapté au nouvel environnement pétrolier sénégalais (section 2).

    Section 1 - Un état des lieux juridiques de l'amont pétrolier

    Les activités d'exploration et de production qui constituent l'amont pétrolier sénégalais sont menées sur l'étendue du bassin MSGBC. Sur un plan juridique, le sous-sol est exclusivement la propriété de l'État sénégalais159. L'Etat a la faculté de confier l'exploration et l'exploitation de son sous-sol à des compagnies internationales qui se voient imposées un cahier des charges strictes160. Par conséquent, le Sénégal s'est doté d'une architecture législative assez conséquente (paragraphe premier) prévoyant un régime de partage de production régissant les relations contractuelles entre l'État et les compagnies pétrolières internationales (paragraphe second).

    159 SONKO, Ousmane. Pétrole et gaz au Sénégal, Fauves Editions, 2017, p.59

    160 Ibidem

    66

    Paragraphe premier - Le régime juridique de l'amont pétrolier

    Le régime juridique de l'amont pétrolier est encadré par un arsenal législatif assez important. En effet, l'amont pétrolier découle de sources juridiques différentes dont la plus importante est la loi pétrolière(A). De plus, le droit pétrolier sénégalais est caractérisé par un régime contractuel de partage de production pétrolière (B).

    A- Un régime juridique encadré par la législation pétrolière

    La République du Sénégal, étant membre de l'Organisation des Nations-Unies (ONU) dispose du droit d'exploiter librement ses richesses et ses ressources naturelles161. En effet, l'Assemblée Générale de l'ONU encourage les Pays en Développement « à mettre à profit et à exploiter comme il convient leurs richesses et leurs ressources naturelles »162. L'État sénégalais, pour développer ses ressources naturelles, s'est doté d'une architecture législative assez importante en la matière.

    L'amont pétrolier sénégalais est régi par la Constitution du 22 janvier 2001 dans son article 25-1163, qui dispose que « les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l'amélioration de ses conditions de vie. L'exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une croissance économique, à promouvoir le bien-être de la population en général et à être écologiquement durables ».

    Ensuite, l'amont pétrolier tire sa source dans, la Loi pétrolière164, le règlement pétrolier165, la loi n°2012-32 du 31 décembre 2012 modifiant diverses dispositions législatives relatives aux

    161 Résolution 626 (VII) du 21 décembre 1952 de l'Assemblée Générale des Nations-Unies

    162 Ibidem

    163 Loi constitutionnelle n°2016-10 du 5 avril 2016 portant révision de la Constitution

    164 Loi n°98-05 du 8 janvier 1998 portant Code pétrolier

    165 Décret n°98-810 du 6 octobre 1998, fixant les modalités et condition d'application de la loi n°98-05 du 8 janvier 1998 portant Code pétrolier

    67

    régimes fiscaux166 et les contrats types167. Cependant, le code pétrolier est la source juridique la plus éminente, car il régit toutes les dispositions juridiques relatives à l'exploration et à la production pétrolière. De plus, il organise les relations entre l'État et les compagnies pétrolières internationales.

    Comme mentionné dans l'introduction, le code pétrolier de 1998 fut élaboré dans un contexte où il cherchait à « offrir aux acteurs potentiels de l'industrie pétrolière des conditions attrayantes et susceptibles de favoriser le développement des investissements pétroliers d'exploration ou de production »168.

    Le code pétrolier consacre l'entière souveraineté de l'État sénégalais sur ses ressources pétrolières et gazières présentes dans son sous-sol169. L'État détient la prérogative pour autoriser les compagnies pétrolières internationales à entreprendre des opérations pétrolières170. Cette prérogative étatique tire sa source de la Convention sur le Plateau Continental du 29 avril 1958 qui dispose que l'État riverain bénéficie de la faculté d'exercer des droits souverains sur le plateau continental à titre d'exploration et de l'exploitation de ses ressources naturelles171. En d'autres termes, aucune personne physique ou morale de nationalité sénégalaise ou étrangère ne peut ni entreprendre des activités d'exploration ou d'exploitation, ni revendiquer des droits sur le plateau continental sans le consentement de l'État sénégalais172.

    Ensuite, le code pétrolier traite des dispositions liées à la fiscalité et aux conditions techniques, financières et administratives relatives à l'exploration, la production et le transport des hydrocarbures. Par conséquent, différents procédés de gestion sont prévus par la législation pétrolière. Celle-ci régit tout d'abord l'autorisation de prospection173 qui pour une durée de deux ans, confère à son titulaire le droit non exclusif « d'exécuter des travaux préliminaires de prospection d'hydrocarbures, notamment par l'utilisation de méthodes géophysiques,

    166 Rapport de conciliation ITIE, 2014, p.41.

    167 Contrat type de partage de production ou contrat type de concession

    168 Exposé des motifs, loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant Code pétrolier, p1-2.

    169 Article 3 du code pétrolier de 1998

    170 Article 5 du code pétrolier

    171 Article 2.1 de la Convention sur le Plateau Continental du 29 avril 1958

    172 Article 2.2 de la Convention sur le Plateau Continental du 29 avril 1958

    173 Article 12 du code pétrolier de 1998

    68

    géologiques et géochimiques, à l'exclusion des forages d'une profondeur supérieure à deux cents mètres »174.

    De plus, le code pétrolier autorise l'État à conférer des permis de recherche175 dont la durée est de quatre ans renouvelables deux fois pour des périodes de trois ans. Ils confèrent à son titulaire « le droit d'exécuter tous les travaux y compris le forage, ayant pour objet la recherche et la mise en évidence de gisements d'hydrocarbures »176.

    En outre, le code pétrolier régit l'autorisation d'exploitation provisoire177 qui accorde à son titulaire « la possibilité d'exploiter à titre provisoire, les puits productifs » pour une durée de deux ans178. De plus, l'État est habilité à délivrer des concessions d'exploitation de vingt-cinq ans extensibles de dix ans renouvelables une fois179. La concession d'exploitation accorde au titulaire du titre minier « le droit exclusif d'effectuer toutes les opérations pétrolières, suivant les stipulations de la convention qui lui est attachée »180.

    Enfin, les compagnies pétrolières peuvent bénéficier de contrats de services à risques pour explorer et éventuellement exploiter le sous-sol sénégalais181. Pendant la recherche et l'exploitation, le titulaire du contrat de services a des droits et obligations identiques à ceux d'un titulaire de concessions d'exploitation d'hydrocarbures.

    Le régime juridique régissant les relations contractuelles entre l'État et les compagnies pétrolières porte sur les contrats de services encadrés par le code pétrolier. L'État du Sénégal marque donc une préférence pour les contrats de services reposant sur le régime du Contrat de Partage de Production (CPP).

    174 Ibidem

    175 Article 14 du code pétrolier de 1998

    176 Ibidem

    177 Article 24 du code pétrolier de 1998

    178 Ibidem

    179 Article 25 du code pétrolier de 1998

    180 Ibidem

    181 Article 34 du code pétrolier de 1998

    69

    B- Des relations contractuelles entre État et compagnies pétrolières reposant sur le régime de partage de production

    Depuis son indépendance, la Sénégal a noué des accords avec beaucoup de compagnies pétrolières majors comme indépendantes, dans l'objectif de tester son potentiel en hydrocarbures. Les relations contractuelles nouées entre l'État et les sociétés pétrolières se sont accrues avec l'octroi de plusieurs blocs pétrogaziers fondés sur les réglementations en vigueur. Plus précisément, les contrats liant l'État et les compagnies pétrolières internationales reposent sur le régime juridique du partage de production. L'État du Sénégal privilégie les contrats de services en marquant une préférence pour les Contrats de Recherches et de Partage de Production (CRPP). Le CRPP est considéré comme un contrat à risques. Cela s'explique par le fait qu'il s'agit d'un contrat dont le contractant émane du choix de l'État. De ce fait, le contractant qui est une compagnie pétrolière effectue une prestation de services en explorant et en exploitant éventuellement du pétrole ou du gaz. En outre, le service que fournit la compagnie pétrolière est à risques, car ni l'État du Sénégal, ni la PETROSEN représentante de l'État au contrat, ne supportent financièrement le risque de l'exploration sur le bassin sédimentaire qui était encore peu exploré.

    Le choix du régime de partage de production permet d'une part à l'État sénégalais d'avoir une meilleure distribution de la rente pétrolière et d'autre part, de bénéficier d'un régime contractuel plus favorable que le contrat de concession. Qui plus est, le régime de la concession d'exploitation prévoit un partage égal de la production pétrolière en cas de découverte. Par conséquent, un pays disposant d'une économie faible et d'un potentiel confirmé en hydrocarbures se retrouve dans un rapport de force inférieur à la compagnie pétrolière exploitant son pétrole182. De ce fait, la majorité des PED ont recours au CRPP.

    Ainsi, il va sans dire que le choix du CRPP est un avantage pour le Sénégal, car il demeure propriétaire de son pétrole et de son gaz éventuellement découverts dans son sous-sol, tout en

    182 ANGELIER, Jean-Pierre. L'évolution des relations contractuelles dans le domaine pétrolier. Liaison énergie francophonie, 2008, no 80, p. 23-26.

    70

    ayant la faculté de ne pas investir dans l'exploration qui constitue une activité à risques183. Dans un CRPP, l'Etat confie à une ou plusieurs compagnies pétrolières ou personnes physiques morales qualifiées, l'exercice des droits exclusifs de recherche et d'exploitation d'hydrocarbures à l'intérieur d'un périmètre défini184. De ce fait, il incombe au contractant d'engager et de supporter financièrement les travaux d'exploration, de développement et de production.

    Compte tenu de tous ces atouts, le CRPP régit le régime de l'exploration et de l'exploitation pétrolière au Sénégal. En phase de recherche, la PETROSEN, représentante de l'État dans le CRPP s'associe avec la compagnie pétrolière en vue d'effectuer la recherche. Cette association est par ailleurs obligatoire comme le prévoit la Convention du contrat type de partage de production185, dans le cadre d'un Accord d'Association186. Durant la phase de recherche, la compagnie pétrolière participe à hauteur de 90 pour cent. En effet, elle engage les dépenses d'exploration et d'évaluation. La PETROSEN quant à elle, participe à hauteur de 10 pour cent187. Cependant, cette participation de la PETROSEN pendant la période de recherche n'entraîne aucune dépense de sa part. Toutes les dépenses sont donc prises en charge par la compagnie pétrolière.

    En outre, la compagnie pétrolière peut céder partiellement ou totalement ses parts de participation188. Cependant, cela n'exonère pas le nouveau titulaire de respecter les engagements de travaux, d'investissements consentis antérieurement par la compagnie cédante à l'État189.

    En phase d'exploitation, c'est-à-dire dans l'hypothèse où il y a une découverte d'hydrocarbures, des travaux d'évaluation sont entrepris par le contractant en relation avec le ministère de l'Énergie pour déterminer le caractère commercialisable des quantités découvertes qui seront

    183 Ibidem

    184 Article 36 du code pétrolier de 1998

    185 Article 1.5 du contrat type de partage de production consultable sur : http://itie.sn/wp-content/uploads/2018/04/CONTRAT-DE-RECHERCHE-ET-DE-PARTAGE-DE-PRODUCTION-Du2019HYDROCARBURES-RUFISQUE-OFFSHORE-PROFOND-TOTAL-PETROSEN.pdf

    186 Article 1.1 du contrat type de partage de production

    187 Article 24.1 du contrat type de partage de production

    188 Article 33 du code pétrolier de 1998

    189 Ibidem

    71

    alors exploitées sous condition de la délivrance d'une autorisation d'exploitation par l'État190.

    Le régime du partage et de production régit donc les relations contractuelles entre l'État, la PETROSEN et les compagnies pétrolières. Les relations contractuelles prévoient les participations et investissements de chaque parti au contrat. De plus, elles réglementent les gains de l'État dans le partage de production des hydrocarbures en cas de découvertes commercialisables.

    Cependant, la loi pétrolière ne définit pas explicitement la répartition de la participation des entreprises pétrolières. Le code pétrolier de 1998 prévoit des dispositions relatives à la participation de l'État et des compagnies pétrolières sans explicitement préciser la répartition de la participation du contractant lors des opérations de recherche et d'exploitation191. Cela pose un problème de transparence dans la gestion des activités pétrolières entre l'État et les compagnies pétrolières, car la loi pétrolière ne régule pas la participation du contractant dans les opérations pétrolières. Elle renvoie plutôt aux conventions de contrat type pour plus de précisions.

    Or, à la lecture des CRPP, les compagnies pétrolières participent aux travaux de recherche à hauteur de 90 pour cent et la PETROSEN a une part de participation de 10 pour cent192 qu'elle peut accroître de 20 pour cent en cas de découverte193. Il serait pertinent d'en déduire que le taux de participation en phase de recherche n'est pas légalement fixé et est donc amené à varier en fonction du CRPP, ce qui laisse une marge de manoeuvre et de négociations trop importante pour l'État. Le mécanisme de participation prévu par la loi pétrolière n'assure pas une transparence totale dans les gains réels de l'État lors de la phase de production.

    De ce fait, les intérêts de l'État ne sont pas totalement protégés et la nouvelle législation pétrolière gagnerait à rajouter une disposition claire sur la clé de répartition de la participation du contractant.

    190 Article 20 du code pétrolier de 1998

    191 Articles 34 et 36 du code pétrolier

    192 Article 24 du contrat type de partage de production

    193 Article 24.2 du contrat type de partage de production

    72

    En outre, le cadre juridique pétrolier en vigueur, bien qu'étant incitatif et attrayant pour des investissements dans le sous-sol sénégalais, n'est pas adapté au nouvel environnement pétrolier du Sénégal, notamment en ce qui concerne la détermination de la part réelle de l'État dans le partage de la production pétrolière et gazière.

    Paragraphe second - Une régulation nécessaire quant à la détermination de la part réelle de l'Etat dans le partage de la production

    Une fois l'autorisation d'exploitation délivrée par l'État, le CRPP liant l'État et les compagnies pétrolières détermine le partage de la production pétrolière. Ainsi, la production de pétrole et de gaz doit être partagée entre l'État et la compagnie pétrolière. Le mécanisme de détermination de la part réelle de l'État dans le régime du partage de la production est prévu par le contrat type de partage de production (A). Ce dernier, qui a un impact direct sur le profit attendu de l'État, n'est juridiquement pas outillé pour protéger les intérêts de l'État du Sénégal (B).

    A- Le mécanisme de la détermination de la part réelle de l'État dans le régime du partage de la production

    Lorsque qu'une découverte est effectuée, le CRPP prévoit que les gains y provenant soient partagés entre l'État et la compagnie pétrolière. Le CRPP met en place un mécanisme de partage qui en principe permet à l'État d'être toujours majoritaire dans le partage de la production pétrolière. Cependant, avant de procéder à un partage de la production, le CRPP prévoit un mécanisme permettant au contractant de rembourser les coûts relatifs aux travaux de recherche et de production194. Le recouvrement des coûts pétroliers peut représenter jusqu'à 75 pour cent de la production totale195. C'est le principe du cost oil196. Ce plafond de 75 pour cent exigé par

    194 Article 21.1 du contrat type de partage de production

    195 Ibidem

    196 MUSCOLINO, Riccardo, RIZZO, C. A., MIRABELLI, Giuseppe, et al. The cost recovery oil in a production sharing agreement. In : SPE Hydrocarbon Economics and Evaluation Symposium.

    73

    le CRPP peut paraître élevé, mais il semble logique, car une compagnie pétrolière qui assume tous les risques financiers lors de l'exploration et de l'exploitation se réserve le droit de recouvrir ses investissements avant que l'État ne bénéficie du partage de la production.

    Par conséquent, lorsque les premiers barils sont produits, la part réelle de l'État reste faible. En revanche, le taux de recouvrement est amené à baisser au fur et à mesure de la production. Une fois le remboursement des coûts effectué, la production restante est alors partagée entre l'État et la compagnie pétrolière, selon un système de barème progressif basé sur un niveau de production journalière. Le tableau ci-dessous montre un exemple de partage du profit oil :

    Production journalière

    (Barils ou équivalent
    gaz)

    État

    Contractant

    Inférieur à 30000

    35%

    65%

    30001 à 60000

    40%

    60%

    60001 à 90000

    50%

    50%

    90001 à 120000

    54%

    46%

    Supérieur à 120000

    58%

    42%

    Tableau 1 : Partage de la production entre Kosmos Energy et l'État du Sénégal sur le bloc de Cayar Offshore Profond197

    Il convient de préciser que le pourcentage de la production est susceptible de varier. En d'autres termes, le pourcentage varie d'un CRPP à un autre et fait l'objet d'une négociation entre l'État et la compagnie pétrolière. Cet aspect a pour avantage d'accorder une marge de négociation assez

    Society of Petroleum Engineers, 1993. p.229.

    197 CRPP Cayar Offshore Profond, p.29, consultable sur : http://itie.sn/wp-content/uploads/2017/03/PSC-Cayar-Deep-Petrosen-PTL.pdf

    74

    importante pour l'Etat mais il peut aussi entraîner des différences de gains assez importantes en fonction des blocs pétroliers. Par exemple, le CRPP liant TOTAL et l'Etat prévoit un partage de production égal entre les deux parties au contrat (50-50)198. Il est possible d'en déduire que les revenus réels de l'État dans le partage de la production sont assez aléatoires, et impactent donc son profit, car la loi pétrolière en vigueur ne fixe pas un taux de partage, mais confère cette prérogative à l'État.

    Le partage de la production pose donc le problème de la récupération des coûts qui lorsqu'elle est élevée, affecte la part réelle de l'État. Ce procédé remettrait en cause l'équité du CRPP. De façon précise, un CRPP inéquitable influe sur la rente pétrolière et impacte ainsi les politiques publiques que l'Etat doit mettre en place pour une redistribution équitable de ladite rente.

    B- Un défi juridique portant sur le contrôle du partage de la production

    Si l'État du Sénégal n'est pas toujours majoritaire dans le partage de la production, c'est parce que les coûts de recouvrement déclarés par le contractant sont assez élevés et ne sont pas toujours représentatifs des coûts réels dépensés. Pour s'assurer des coûts réels dépensés, il faut un organe de contrôle juridiquement outillé pour réguler la détermination des coûts d'exploration et de production par la compagnie pétrolière opérante.

    Le législateur du code pétrolier de 1998, dans son objectif de créer un cadre d'investissement incitatif, a fixé le taux de remboursement des dépenses effectuées par les compagnies pétrolières à hauteur de 75 pour cent, alors que la pratique internationale consacre un taux « oscillant entre 30% et 60% »199. En effet, plus « le taux de recouvrement est élevé, plus vite le contractant récupère ses coûts et peut ainsi améliorer la rentabilité de ses investissements »200.

    La nouvelle législation pétrolière devrait prendre en compte cette insuffisance afin d'accroître les revenus de l'État dans le partage de la production, car la loi pétrolière en vigueur ne semble

    198CRPP Rufisque Offshore Profond, p.29, consultable sur : http://itie.sn/wp-

    content/uploads/2018/04/CONTRAT-DE-RECHERCHE-ET-DE-PARTAGE-DE-PRODUCTION-Du2019HYDROCARBURES-RUFISQUE-OFFSHORE-PROFOND-TOTAL-PETROSEN.pdf

    199 SOW, Birame. L'aval pétrolier au Sénégal, textes législatifs et réglementaires, Abis éditions. p.100.

    200 SONKO, Ousmane. Pétrole et Gaz au Sénégal, Fauves Editions, 2017, p.180.

    75

    pas juridiquement outillée pour contrôler les déclarations des coûts de production effectuées par les compagnies pétrolières. De plus, l'ITIE constate qu'il y a des écarts de paiements entre ce que la compagnie déclare et ce que l'État perçoit201. Par conséquent, le manque de transparence dans les déclarations des revenus doit être corrigé par la nouvelle législation pétrolière en mettant en place des mécanismes permettant de contrôler les flux de paiements entre l'État et les compagnies pétrolières.

    En résumé, le régime juridique pétrolier en vigueur ne semble pas répondre aux enjeux actuels résultant du nouvel environnement pétrolier. D'une part, il n'assure pas une transparence totale dans la gestion relative au partage de la production pétrolière et gazière. D'autre part, il s'agit d'un régime qui ne permet pas à l'État sénégalais d'accroître considérablement ses revenus du fait d'un taux de recouvrement relatif au remboursement des coûts de production trop élevé, fixé par la loi pétrolière dans un contexte pétrolier différent du contexte actuel.

    Section 2 - Un cadre juridique lacunaire au regard des enjeux relatifs à la gestion transparente des hydrocarbures

    Le cadre juridique pétrolier en vigueur au Sénégal présente des lacunes au niveau de la gestion transparente des hydrocarbures. Il ne s'agit pas de faire une critique du législateur sénégalais qui en 1998 a mis en place le code pétrolier pour attirer des investisseurs. De nos jours, l'exploitation des ressources naturelles doit être une source de progrès. Par conséquent, le droit pétrolier en vigueur est inadapté au nouvel environnement pétrolier (paragraphe premier), car certaines de ses dispositions juridiques ne semblent pas claires au niveau fiscal et font l'objet d'interprétations diverses, laissant ainsi place à une application peu rigoureuse de la loi, notamment dans les conditions d'octroi des blocs pétroliers (paragraphe second).

    201 Rapport de conciliation ITIE, 2016

    76

    Paragraphe premier - Un régime juridique inadapté au nouvel environnement pétrolier sénégalais

    Le droit pétrolier sénégalais repose sur un régime juridique hybride (A) qui ne garantit pas une transparence dans la gestion des activités relatives à l'amont pétrolier. Ce régime hybride confère à l'État et au ministère du Pétrole et de l'Énergie des prérogatives juridiques trop conséquentes pour assurer la gestion transparente du pétrole et du gaz (B).

    A- Un régime juridique pétrolier hybride

    L'industrie pétrolière dispose de plusieurs régimes pétroliers différents. Dans un cadre général, trois types de régimes pétroliers sont à noter dans les pays producteurs de pétrole.

    Tout d'abord, il existe un régime pétrolier fixe202. Celui-ci dispose d'une législation pétrolière, qui fixe à l'avance dans le cadre de modèles de contrats pétroliers, les conditions relatives à l'amont pétrolier, c'est-à-dire les activités portant exclusivement sur l'exploration, le développement et l'exploitation du pétrole et du gaz. En matière de fiscalité, les impôts, taxes, redevances et les conditions portant sur le partage de production de la rente sont aussi fixés par la législation pétrolière.

    Ensuite, un pays producteur de pétrole peut être lié par un régime pétrolier ad hoc203. La particularité de ce type de régime pétrolier repose sur une législation pétrolière peu ou pas du tout développée. Par conséquent, une grande marge de manoeuvre est laissée au Gouvernement lorsque ce dernier signe des contrats pétroliers en fixant le cadre des termes du contrat, les conditions et obligations qui en découlent.

    Enfin, un régime hybride peut caractériser un pays producteur de pétrole204. Contrairement au régime pétrolier ad hoc, il s'illustre par une législation pétrolière développée qui fixe les principes applicables aux contrats pétroliers. Cependant, ce régime laisse certaines questions

    202 Rapport final, Étude comparative du cadre légal et contractuel en matière d'hydrocarbures dans les états membres de l'Association des Producteurs de Pétrole Africains (APPA), p.30-40

    203 Ibidem

    204 Rapport final, Étude comparative du cadre légal et contractuel en matière d'hydrocarbures dans les états membres de l'APPA, op. cit.

    77

    relatives aux choix des opérateurs pétroliers, au mode de détermination du partage de la production, à la libre appréciation du gouvernement ou du ministère en charge des hydrocarbures. La libre appréciation des autorités compétentes est fixée dans le cadre de la loi pétrolière.

    Au regard des régimes pétroliers énoncés, le législateur sénégalais semble avoir opté pour le régime pétrolier hybride. L'État a toute la faculté pour négocier les termes contractuels relatifs à la répartition des parts en cas de découvertes commerciales205. En effet, dans la section précédente, il a été constaté que les répartitions des parts dans le cadre d'un partage de production de la rente pétrolière n'étaient pas prévues par le code pétrolier. Donc, c'est le gouvernement qui négocie les parts en cas de découverte.

    Ce régime hybride confère aussi au Gouvernement une trop grande marge de manoeuvre dans le choix des compagnies pétrolières. En d'autres termes, le régime pétrolier sénégalais permettrait au Gouvernement de contracter avec des compagnies pétrolières, en se reposant sur des considérations subjectives.

    B- Un régime hybride conférant des prérogatives trop importantes aux autorités compétentes, négligeant le rôle du Parlement

    Le code pétrolier de 1998 confère une multitude de prérogatives à l'État sénégalais. Par exemple, ce dernier est habilité à choisir une compagnie de son choix pour entreprendre des opérations pétrolières dans son sous-sol206. Cependant, le fait que le Sénégal puisse choisir librement son opérateur pétrolier est susceptible de poser un problème au niveau de l'impartialité de son choix. En outre, lorsque le législateur a édicté le code pétrolier, il n'a pas prévu la mise en oeuvre d'une procédure d'appel d'offres. Cette procédure pourrait constituer un gage de transparence dans la signature des CRPP liant l'État et les compagnies pétrolières.

    Donc, le choix des compagnies pétrolières peut paraître discrétionnaire et confidentiel ; ce qui pourrait poser un problème de transparence au niveau de la négociation des contrats.

    Par ailleurs, les CRPP contractés entre l'État et les compagnies pétrolières ne font l'objet d'aucun

    205 SONKO, Ousmane. Pétrole et Gaz au Sénégal, Fauves Editions, 2017, p.60.

    206 Article 5 du code pétrolier

    78

    contrôle de la part d'un organe de régulation. Du moins, la loi pétrolière ne prévoit aucun contrôle. Par conséquent, tout contrat peut être conclu sans information préalable aux citoyens.

    De ce fait, le Parlement pourrait être un acteur de régulation efficace qui devrait avoir la compétence d'effectuer un contrôle à priori des CRPP. En d'autres termes, le Parlement sénégalais devrait être en mesure de ratifier les CRPP négociés et signés par le Gouvernement sénégalais. Doter le Parlement d'un pouvoir de contrôle et de ratification permettrait à tout parlementaire d'avoir accès à l'intégralité des contrats pétroliers et de dénoncer tout contrat qui est susceptible d'aller à l'encontre des intérêts de l'État. Intégrer le Parlement sénégalais dans l'amont pétrolier serait un gage efficace de transparence dans la signature des contrats pétroliers.

    Le régime juridique hybride en vigueur laisse une marge d'appréciation non négligeable à l'État en matière de négociations et de partage des parts de production.

    Paragraphe second - Un régime juridique lacunaire au niveau de l'interprétation de la loi pétrolière

    Le droit pétrolier sénégalais présenterait des lacunes au niveau de l'interprétation de certaines dispositions juridiques relatives aux conditions d'octroi des blocs pétroliers (A), mais aussi au niveau de l'interprétation de la fiscalité portant sur la cession des blocs pétroliers (B).

    A- Un vide juridique portant sur l'octroi des blocs pétroliers

    Une compagnie pétrolière souhaitant explorer le sous-sol sénégalais doit répondre à des exigences fixées par le cadre légal, à savoir le code de pétrolier de 1998. Un opérateur qui souhaite bénéficier d'un titre minier doit justifier les capacités techniques et financières pour mener à bien les opérations pétrolières207. L'opérateur dans sa demande apporte toutes justifications additionnelles des capacités techniques et financières de la personne physique ou morale208.

    207 Article 8 du code pétrolier de 1998

    208 Article 7 du décret n°98-810 du 6 octobre 1998 fixant les modalités et conditions d'application de la

    79

    Cependant, un vide du code portant sur les capacités financières et techniques est à noter. Le décret n°98-810 du 6 octobre 1998 fixant les modalités et conditions d'application de la loi n°98-05 du 8 janvier 1998 portant Code pétrolier ne précise point les critères techniques et financiers retenus.

    En d'autres termes, il y a un manque de réglementation sur les critères d'évaluation des capacités techniques et financières. Par conséquent, nul ne peut comprendre sur quel critère d'évaluation repose le choix d'octroyer un bloc pétrolier à une compagnie pétrolière internationale.

    Le souci de transparence voulu par le législateur lors de l'édiction du code de 1998 nécessite d'être amélioré dans la nouvelle législation pétrolière. Cette dernière doit garantir une transparence totale dans la gestion des hydrocarbures. La législation pétrolière en vigueur comprendrait des manquements et des lacunes qui doivent être corrigées pour une meilleure gestion des ressources naturelles au Sénégal.

    Cette obligation de transparence est essentielle, car toute bonne gestion des ressources naturelles trouve sa source dans l'application juste et équitable de la législation. De plus, l'octroi des blocs pétroliers aux compagnies pétrolières constitue une étape fondamentale dans la gestion des ressources naturelles. Il s'agit d'un processus important de l'amont pétrolier. Ce dernier génère les revenus alloués à l'État.

    De ce fait, une transparence dans le choix de la compagnie pétrolière internationale qui opère dans le sous-sol sénégalais est primordiale, car la compagnie doit obligatoirement justifier ses capacités techniques et financières. Ainsi, comme la législation pétrolière ne prévoyant pas des critères d'évaluation relatifs aux capacités techniques et financières nécessaires, un manque de transparence dans les justificatifs techniques et financiers fournis par les compagnies pétrolières, n'est pas à exclure, car aucun organe chargé du contrôle des contrats n'est prévu par la législation.

    En outre, la loi pétrolière, dans le cadre fiscal, n'est pas toujours appliquée de manière juste, notamment en matière d'exonérations d'impôts prévus par la législation, en matière de cessions de participations. Plus précisément, à l'étude d'un CRPP conclu entre l'État du Sénégal et une compagnie pétrolière, des irrégularités relevées au niveau fiscal mettent en exergue la nécessité

    loi n°98-05 du 8 janvier 1998 portant Code pétrolier

    80

    d'édicter des lois garantissant une transparence certaine dans la conduite des opérations pétrolières.

    B- Une fiscalité imprécise relative aux cessions des blocs

    Le code pétrolier de 1998 prévoit que les conventions et les contrats de services sont cessibles et transmissibles, sous condition d'une autorisation préalable du ministre à des personnes possédant des capacités techniques et financières pour mener à bien les opérations pétrolières209. En l'espèce, les blocs pétroliers et gaziers de Saint-Louis Offshore Profond210 et de Cayar Offshore Profond211 ont fait l'objet d'un CRPP entre l'État, la PETROSEN et la compagnie pétrolière PETRO-TIM, une société de droit des Iles Cayman ayant son siège à George Town, Grand Cayman212.

    La PETRO-TIM qui participe donc aux travaux de recherche à hauteur de 90 pour cent, cède l'intégralité de ses intérêts de participation à la société TIMIS CORPORATION, sans que la PETROSEN n'exerce son droit de préemption prévu par le CRPP conclu213. Le droit de préemption est l'avantage donné à l'État soit par la loi, soit par une disposition contractuelle, de pouvoir se substituer à l'acquéreur d'un droit ou d'un bien pour en faire l'acquisition à sa place et dans les mêmes conditions que ce dernier214.

    Dans le CRPP conclu entre l'État et PETRO-TIM, il était expressément stipulé dans le contrat que l'État bénéficiait « d'un droit préemption qui ne pourra s'exercer que sur la totalitéì des droits offerts et dans les termes et conditions établis par l'offre de bonne foi de l'acheteur potentiel. La

    209 Cf. alinéa 4 de l'article 8 et 56 de la loi n°98-05 du 08 janvier 1998 portant Code pétrolier

    210 Décret n° 2013-1154 du 23 août 2013 portant extension de la période initiale de Recherche du Contrat de Recherche et de Partage de Production d'hydrocarbures conclu entre l'État du Sénégal, la Sociétéì des Pétroles du Sénégal (PETROSEN) et la compagnie PETRO-TIM Limited pour le bloc de Saint-Louis Offshore Profond, disponible sur : http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article10084

    211 Décret n° 2013-1155 du 23 août 2013 portant extension de la période initiale de Recherche du Contrat de Recherche et de Partage de Production d'hydrocarbures conclu entre l'État du Sénégal, la Sociétéì des Pétroles du Sénégal (PETROSEN) et la compagnie PETRO-TIM Limited pour le bloc de Cayar Offshore profond, disponible sur : http://www.jo.gouv.sn/spip.php?article10085

    212 CRPP Cayar Offshore Profond p.4, consultable sur: http://itie.sn/wp-content/uploads/2017/03/PSC-Cayar-Deep-Petrosen-PTL.pdf

    213 Article 29.1 du CRPP Cayar Offshore Profond

    214 https://www.juritravail.com/lexique/Preemption.html

    81

    décision d'en user doit être communiquée à la partie cédante dans le délai de trente jours à compter de la notification »215.

    Suite à la décision de l'État de ne pas exercer son droit de préemption, la société TIMIS CORPORATION transfère à la compagnie pétrolière KOSMOS ENERGY 60 pour cent de ses parts de participations.

    Cependant, à la lumière de l'analyse du CRPP, la question de la fiscalité portant sur les cessions des parts de participations s'est posée. En effet, les conséquences fiscales de la cession des parts n'ont pas été tirées, d'où l'imprécision et le problème d'interprétation de la législation pétrolière relative à l'exonération fiscale. Plus précisément, l'Etat sénégalais affirme que les cessions des blocs de Saint-Louis et de Cayar Offshore Profond ont fait l'objet d'une exonération fiscale en vertu de l'article 48 du code pétrolier216. Le ministère des Finances affirme que « les titulaires de convention ou de contrat de services ainsi que les entreprises qui leur sont associées dans le cadre des protocoles ou accords visés à l'article 8, alinéa 4 sont exonérés pendant les phases de recherche et de développement ; de tous impôts, taxes et droits au profit de l'État »217.

    Une mauvaise interprétation de la loi peut être relevée. Le ministère des Finances considère que la cession des parts de participation entre dans le champ des activités pétrolières. Or, le code pétrolier de 1998 précise explicitement les activités qui rentrent dans le cadre des opérations pétrolières. En outre, rentrent dans la catégorie des opérations pétrolières, les activités de prospection, de recherche, d'évaluation, de développement, de production, de transport ou de commercialisation des hydrocarbures, y compris le traitement du gaz naturel, mais à l'exclusion du raffinage et de la distribution des produits pétroliers218.

    Les opérations pétrolières s'opposent aux opérations non pétrolières, mais sont directement liées aux activités pétrolières comme le raffinage et la distribution des produits pétroliers et, à fortiori les cessions et transferts de titres de participation. Par conséquent, l'exonération ne s'applique

    215 Article 29.1 du CRPP Cayar Offshore Profond

    216 « Fiscalité applicable à la transmission d'actions entre PETROTIM Limited, Timis Corporation et

    Kosmos Energy », Communiqué du Ministère de l'Économie des Finances et du Plan, disponible sur : http://www.finances.gouv.sn/index.php/actualites/311-commfisca

    217 Ibidem

    218 Article 2f du code pétrolier de 1998

    82

    qu'aux opérations pétrolières en phase d'exploration et d'exploitation. Toutefois, les opérations non pétrolières, mais directement applicables aux activités pétrolières sont imposables. En un mot, l'exonération ne s'applique qu'aux impôts et taxes relatifs aux investissements, approvisionnements ou bénéfices réalisés durant les phases de recherche et de développement.

    En résumé l'article 48 du code pétrolier ne peut s'appliquer qu'en cas de cession totale ou partielle, car cette dernière n'est pas considérée comme une opération pétrolière au regard du code pétrolier219.

    Par conséquent, les incohérences relevées dans les contrats de concession des blocs Cayar Offshore Profond et Saint-Louis Offshore Profond, montrent clairement une certaine faiblesse de l'interprétation objective et impartiale du code pétrolier sur le plan fiscal. L'affaire PETROTIM prouve que la nécessitéì de se doter d'un arsenal législatif solide et transparent est un préalable non négligeable pour une gestion plus transparente du pétrole et du gaz. En vertu de cette analyse, les interprétations erronées relatives aux dispositions du code pétrolier au niveau fiscal montrent la nécessité d'adopter un nouveau régime pétrolier qui garantirait une meilleure transparence dans l'application de la loi afin d'éviter des divergences dans son interprétation.

    En ce sens, la régulation de l'industrie pétrolière du Sénégal est conditionnée par une réforme de la législation pétrolière, dont l'objectif est de mettre en place des mécanismes de régulation visant à réguler l'amont pétrolier pour une meilleure gestion du pétrole et du gaz profitant aux générations actuelles et futures (chapitre second).

    219 « Problématique de l'industrie pétrolière et gazière au Sénégal : enjeux et perspectives », 9 novembre 2006, disponible sur : https://www.dakaractu.com/Problematique-de-l-industrie-petroliere-et-gaziere-au-Senegal-enjeux-et-Perspectives a121550.html

    83

    Chapitre second : Une réforme du droit pétrolier oeuvrant pour une gestion éthique et transparente du pétrole et du gaz

    Le chapitre précédent a démontré les faiblesses du code pétrolier en vigueur dans son interprétation, son application, et le régime juridique hybride qu'il régit, laissant une place importante et discrétionnaire au gouvernement dans le choix des compagnies pétrolières et dans l'octroi des blocs pétrolier à ces dernières. La nouvelle législation pétrolière gagnerait à remédier ces insuffisances.

    En d'autres termes, une obligation de réforme législative régulant l'amont pétrolier est indispensable (section 1). Ensuite, dans le cadre de la réforme du régime pétrolier, il serait pertinent de favoriser un cadre législatif dont l'objectif serait de permettre à l'État de gérer efficacement la rente pétrolière, afin que cette dernière profite durablement aux générations actuelles et futures (section 2)

    Section 1 - Une obligation de réforme du code pétrolier tendant à la régulation de l'industrie pétrolière du Sénégal

    La nouvelle législation pétrolière devra impérativement réformer l'amont pétrolier, car le bon fonctionnement de ce dernier constitue le pilier de toute bonne gestion éthique et transparente des ressources naturelles. De ce fait, le mécanisme d'octroi des blocs pétroliers doit être régulé (paragraphe premier) pour un déroulement transparent des activités pétrolières . Ensuite, le nouveau code pétrolier devrait être en mesure d'améliorer les revenus de l'État dans le partage de la production pétrolière et gazière (paragraphe second).

    84

    Paragraphe premier Ð Une régulation indispensable des activités relatives à l'amont pétrolier

    L'amont pétrolier sénégalais nécessite une régulation portant sur les conditions d'octroi des blocs pétroliers aux compagnies étrangères. Par conséquent, l'octroi des blocs pétroliers conclu par un CRPP devrait être soumis à la procédure d'appels d'offres (A). De plus, l'Assemblée Nationale devrait bénéficier de la compétence de ratifier et de dénoncer les contrats pétroliers éventuellement léonins (B).

    A- Le recours à la procédure d'appel d'offres pour une gestion transparente de l'octroi des blocs pétroliers

    Tout État producteur de pétrole et de gaz devrait s'organiser afin de profiter pleinement de ces hydrocarbures. Par ailleurs, l'État du Sénégal qui dispose d'un sous-sol riche en pétrole et en gaz attire naturellement les compagnies pétrolières internationales, désireuses d'exploiter ce dernier. De ce fait, contrairement à la législation actuelle en vigueur qui se voulait être attrayante, il est de l'intérêt de la nouvelle législation pétrolière de créer un environnement concurrentiel entre les compagnies pétrolières en mettant en place une procédure d'appels d'offres.

    En effet, tout pays producteur de pétrole doté de bonnes pratiques en matière de gestion transparente des ressources naturelles prévoit des procédures d'appels d'offres dans leurs législations pétrolières220. L'instauration d'appel d'offres régulerait efficacement la procédure d'octroi des blocs pétroliers. En outre, ladite procédure permettrait d'avoir en amont, les conditions et les critères d'attribution des blocs pétroliers faisant l'objet de l'appel d'offres221, ce que la législation pétrolière en vigueur ne prévoit point. De plus, installer la concurrence entre les compagnies pétrolières amènerait ces dernières à soumettre de meilleures propositions financières.

    220 GILLES, Darmois. Partage de la rente pétrolière (Le) : État des lieux et bonnes pratiques. Editions Technip. 2013. p.61-62

    221 SONE, Andrew EWANG, TCHAKOUA, Pr Jean Marie, MICHAEL, ALETUMTABUWE, et al. Juridis Périodique-Numéro: 40. Presses universitaires d'Afr., p.9.

    85

    En outre, l'appel d'offres régulera l'octroi des blocs pétroliers dans le sens où il permettra aux autorités compétentes de ne choisir que des compagnies pétrolières sérieuses disposant des capacités techniques et financières pour mener à bien les opérations pétrolières.

    En matière de transparence, le nouveau code pétrolier rendrait les procédures d'appels d'offres exclusives. Ce procédé permettrait à l'État sénégalais de communiquer de manière transparente sur la domanialité minière du Sénégal.

    B- Le rôle régulateur de l'Assemblée Nationale dans la signature des CRPP

    Il a été précédemment mentionné que le régime pétrolier hybride sénégalais laissait une marge de manoeuvre conséquente au gouvernement dans la négociation des clauses contractuelles avec les compagnies pétrolières internationales. De ce fait, les CRPP étaient négociés de gré à gré sans contrôle préalable d'un organe compétent. L'inconvénient de ce régime réside donc dans l'absence de garde-fous qui seraient habilités à effectuer des contrôles à priori et à postériori des CRPP contractés entre l'Etat et les compagnies pétrolières.

    En d'autres termes, dans un souci de transparence, impliquer l'Assemblée Nationale sénégalaise dans l'attribution des blocs pétroliers serait pertinent. En effet, elle aura le rôle d'acteur régulateur en s'assurant de la légalité des contrats pétroliers signés. Plus précisément, la nouvelle législation pétrolière devrait doter l'Assemblée nationale d'un pouvoir de contrôle et de ratification des contrats pétroliers. Par ailleurs, elle pourrait aussi la compétence de dénoncer d'éventuels contrats qui remettent en cause les intérêts nationaux.

    L'Assemblée Nationale serait un acteur garantissant la transparence et l'impartialité des contrats pétroliers signés. En effet, c'est une institution qui représente l'intégralité du peuple sénégalais. Par conséquent, tous les contrats pétroliers y seront débattus publiquement et cela permettrait à la population d'avoir un accès plus direct aux informations contractuelles relatives aux blocs cédés et aux transactions y afférant, bien que les contrats pétroliers doivent obligatoirement être publiés au Journal Officiel222.

    222 Article 17 du code pétrolier de 1998

    86

    Paragraphe second - La nécessité d'augmenter les revenus de l'État dans le partage de la production pétrolière

    L'Etat du Sénégal, lorsqu'il contracte avec des compagnies pétrolières internationales dans le cadre d'un CRPP, reste majoritaire dans le partage des parts de production, dans la majorité des CRPP. Cependant, les CRPP devraient rapporter plus de gains supplémentaires à l'État (A), à la condition sine qua non que la nouvelle réforme pétrolière améliore les aspects économiques des CRPP (B).

    A- L'exigence d'une augmentation de gains supplémentaires pour l'État dans les contrats pétroliers

    Aujourd'hui, le Sénégal franchit un palier en passant du stade de pays cherchant à créer un cadre fiscal et économique pour attirer des investisseurs à un pays qui produira son pétrole prochainement. Par conséquent, l'État du Sénégal, à travers sa nouvelle loi pétrolière, devrait bénéficier d'une meilleure rente pétrolière lors du partage de la rente pétrolière. En effet, la législation en vigueur ne définit pas explicitement les clés de répartition de la production pétrolière. Par conséquent, les taux se négocient dans le cadre des CRPP et ceci peut éventuellement constituer un inconvénient pour l'État.

    De ce fait, l'État, à travers son nouveau code pétrolier, devrait fixer explicitement le taux de la répartition de la rente issue du partage de production pétrolière ou gazière. En ce sens, l'Etat pourra inexorablement augmenter sa rente pétrolière et bien l'utiliser, tout en laissant les compagnies pétrolières le risque lié à l'exploration.

    L'augmentation des gains de l'État semble primordiale, car « l'État du Sénégal fait face à un boom démographique accompagné d'aspirations de mieux-être de la part de sa population.

    Il doit donc mobiliser le maximum de recettes financières internes pour éviter d'avoir des niveaux d'endettement trop élevés auprès de partenaires bilatéraux ou de bailleurs institutionnels internationaux »223.

    223 NDAO, Fary. L'or noir du Sénégal : Comprendre l'industrie pétrolière et ses enjeux au Sénégal, Essais, 2018. p.162

    87

    Enfin, des bonus de signature devraient être prévus par la nouvelle législation, bien qu'il y ait déjà des CRPP où des bonus de signature ont été relevés224. Ces bonus sont versés « directement au nom et au profit de l'État du Sénégal »225. Cependant, il convient de constater que la loi organique relative aux lois de finances226 prévoit que « toutes les dispositions fiscales et quasi fiscales ne peuvent en principe être instituées que par le législateur ».227 Or, le code pétrolier en vigueur et son décret d'application ne prévoient pas la possibilité à l'État de percevoir des bonus.

    Par conséquent, le nouveau code pétrolier doit prévoir les types et les modalités de perception des bonus de signature, clarifier leur régime fiscal et enfin clarifier le rôle de la PETROSEN dans le recouvrement des bonus de signature228.

    B- Une amélioration requise des aspects économiques des contrats de recherche et de partage de production

    Dans le la législation pétrolière de 1998, notamment dans les CRPP, le partage de la rente pétrolière s'effectue en fonction des volumes de production. Cependant, le volume de production dépend fortement des cours aléatoires du baril. La chute du prix du baril affecte directement la production journalière et cela constituerait une perte financière considérable pour l'État. Ce critère de partage retenu par la législation pétrolière semble désuet face aux nouveaux enjeux financiers que représentent l'exploration et l'exploitation pétrolière.

    Le principe du partage de production basé sur le Facteur R et retenu par le code pétrolier de 1998, mais non utilisé devrait être privilégié par la nouvelle législation pétrolière. Le Facteur R désigne le ratio déterminé qui sert de base au calcul de la part du Profit Oil revenant aux parties229. Ce mode de détermination de la part de production a l'avantage de prendre en compte les volumes de productions journalières, mais aussi le prix du baril. De plus, cela permettra à l'État de mieux surveiller les volumes de production, mais aussi de se doter d'organes administratifs capables de

    224 Rapport de conciliation, ITIE, 2016, p.107

    225 Ibidem

    226 Loi 2001-09 du 15 octobre 2001 portant Loi Organique Relative aux Lois de Finances

    227 Ibidem

    228 Rapport de conciliation, ITIE, 2016, p.106-107

    229 Contrat type de partage de production, exemple du Tchad, p.17, disponible sur : http://itie-tchad.org/wp-content/uploads/2018/01/Contrat type partage production.pdf

    88

    contrôler les déclarations de paiements des compagnies pétrolières.

    Déterminer la part réelle de l'Etat dans le partage de production par le biais du Facteur R, améliorera considérablement l'aspect économique des CRPP et augmentera les gains de l'État.

    Pour améliorer les parts de l'État, la nouvelle législation pétrolière pourrait faire du principe du Facteur R un mode de détermination du partage de production obligatoire s'imposant à l'État et aux compagnies pétrolières.

    En somme, le nouveau code pétrolier mériterait de reposer sur un régime fixe, plutôt que sur un régime hybride. En ce sens, il fixera à l'avance les modèles de contrats pétroliers et toutes les conditions relatives à l'amont pétrolier, à savoir les activités d'exploration et de production. De plus, ce régime pétrolier fixe a aussi le mérite de déterminer explicitement, les clés de répartition quant aux participations des compagnies pétrolières et de l'Etat, dans les travaux de recherche et d'exploitation.

    La législation pétrolière en vigueur ne prévoit pas ces dispositions juridiques et renvoie souvent au Contrat type de partage et de production. Par conséquent, le droit pétrolier en vigueur confère à l'Etat, la faculté de fixer les clés de répartition relatives aux investissements et aux travaux. De ce fait, les clés de répartition peuvent varier selon les CRPP conclus.

    Cependant, la régulation de l'industrie pétrolière ne saurait uniquement se limiter aux activités de l'amont pétrolier. La gestion et l'allocation des revenus issus de la rente pétrolière doivent aussi être encadrées et soumises à une réglementation rigoureuse pour protéger les générations actuelles et futures du paradoxe de l'abondance.

    89

    Section 2 - L'impérieuse nécessité d'allouer les revenus pétroliers à un fonds souverain

    La gestion des revenus issus du pétrole et du gaz constitue une étape fondamentale dans la gestion éthique et transparente des hydrocarbures. Les cas du Nigeria et du Tchad précédemment évoqués ont montré la nécessité d'instaurer un cadre réglementaire solide pouvant efficacement lutter contre le paradoxe de l'abondance. En effet, des revenus pétroliers mal gérés engendrent un risque lié au syndrome hollandais. En d'autres termes, si les recettes pétrolières ne sont pas utilisées de manière rationnelle et responsable, les générations actuelles et futures se retrouvent exposées à une éventuelle crise économique liée au cours aléatoire du prix du baril.

    La protection des générations actuelles et futures n'était pas un objectif voulu par le législateur sénégalais ayant édicté le code pétrolier de 1998. Le nouveau contexte pétrolier exige que l'État sénégalais adopte une gestion responsable des revenus pétroliers en créant un fonds souverain pétrolier pour la protection des générations futures (paragraphe premier) et que ledit fonds soit encadré par le nouveau code pétrolier et réglementé par une loi d'orientation (paragraphe second).

    Paragraphe premier - Une obligation de mise en oeuvre d'un fonds pétrolier pour les générations futures

    La gestion rationnelle des hydrocarbures implique que l'État sénégalais alloue une partie de ses revenus pétroliers à son Fonds Souverain d'Investissements Stratégiques (FONSIS) (A). Cependant, la gestion de ce fonds devra être régulée par des organes de contrôle afin d'éviter une dépendance politique du fonds ; une telle dépendance ne garantirait pas la gestion transparente du fonds (B).

    90

    A- L'allocation des revenus issus du pétrole et du gaz au FONSIS

    Le FONSIS est un fonds d'investissements sénégalais créé par la loi 2012-34230 du 31 décembre 2012. Il a pour principal objectif d'investir et préserver des réserves financières importantes pour les générations futures231. Le rôle du FONSIS, en tant qu'acteur dans l'investissement des revenus du pétrole et du gaz sera primordial.

    En outre, le FONSIS peut être un instrument de lutte efficace pour une meilleure gestion des rentes issues des hydrocarbures. Cette gestion efficace de la rente permettra de lutter contre le caractère volatile des revenus pétroliers et gaziers tout en garantissant une transparence certaine du pétrole et du gaz. Pour cela, il faut lui octroyer la compétence de gérer les recettes issues du pétrole et du gaz. En effet, lors de sa création, le potentiel en hydrocarbures du Sénégal n'était pas encore confirmé. Le FONSIS permettra au Sénégal d'échapper à la malédiction des ressources naturelles, phénomène bien connu dans les pays exportateurs de pétrole associé au syndrome hollandais et à un fort déficit de gouvernance.

    Les fonds publics d'investissement du FONSIS ont d'abord des objectifs macro-économiques. Ils permettraient au Sénégal de faire face à la forte volatilitéì des recettes pétrolières tout en atténuant les effets du syndrome hollandais sur le court terme. Et sur le long terme, les fonds publics d'investissement du FONSIS permettront de constituer des revenus financiers pour les générations futures, notamment lorsque les réserves pétrolières auront étéì épuisées. Ces fonds contribuent aussi à rendre l'utilisation de la rente pétrolière plus transparente232.

    Néanmoins, le fonds souverain ne devrait pas dépendre uniquement de la rente pétrolière. Il faudrait plus d'investissements dans des secteurs comme l'agriculture, car cela garantit un retour sur investissement. Par conséquent, la rente pétrolière du Sénégal devrait être une opportunité pour solidifier davantage son économie et ne pas faire du pétrole une dépendance économique.

    Le FONSIS gagnerait également à investir à l'étranger les revenus issus du pétrole et du gaz, que l'État lui allouera. En d'autres termes, investir une part de la rente pétrolière sur le marché

    230 Loi 2012-34 du 31 décembre 2012 autorisant la création d'un Fonds souverain d'investissements stratégiques (FONSIS)

    231 Ibidem

    232 AOUN, Marie-Claire et BOULANGER, Quentin. Les nouveaux défis des fonds souverains pétroliers, Notes de l'IFRI, 2015.

    91

    financier, permettrait la fructification efficace de cette dernière. Cet investissement éventuel à l'étranger remplirait un des objectifs essentiels du FONSIS qui est d'investir et de préserver des réserves financières importantes pour les générations futures233.

    En vérité, la gestion transparente du FONSIS nécessite une indépendance vis-à-vis de l'exécutif afin de pouvoir assurer de manière impartiale les missions prévues par la loi.

    B- L'indépendance du FONSIS vis-à-vis de l'exécutif sénégalais

    Le FONSIS dans le cadre de ses missions, a pour finalité d'investir les fonds pétroliers pour promouvoir un développement local permettant aux générations actuelles et futures de profiter pleinement des revenus issus du pétrole et du gaz.

    Cependant, le bémol de l'objectif du développement local est que ce dernier se retrouve fragilisé lorsque l'objectif devient une priorité politique. Le cas du fonds souverain angolais en est un exemple234. Ce fonds souverain vise une allocation diversifiée des actifs aux niveaux national et international. Il ne s'agit pas d'un outil de stabilisation, mais son objectif est de diversifier l'économie. Le président de la République d'Angola dispose des pleins pouvoirs pour approuver la politique d'investissement du fonds, les budgets annuels et multiannuels, les rapports de gestion opérationnelle et la stratégie annuelle d'investissement. Cette implication trop importante du pouvoir politique fragiliserait très certainement le caractère efficace de la gestion des investissements235.

    Certes l'exécutif sénégalais alloue les revenus pétroliers et gaziers au FONSIS, mais ce dernier devrait être en mesure de mener les missions qui lui sont confiées de manière indépendante sans une immixtion fréquente de l'État sénégalais.

    En plus, la gestion du fonds souverain nécessite l'instauration d'un organe de contrôle et d'audit capable d'assurer le fonctionnement transparent des fonds investis dans les différents secteurs

    233 Exposé des motifs de la loi 2012-34 du 31 décembre 2012 autorisant la création d'un Fonds souverain d'investissements stratégiques (FONSIS)

    234 AOUN, Marie-Claire et BOULANGER, Quentin. Les nouveaux défis des fonds souverains pétroliers, Notes de l'IFRI, 2015

    235 Ibidem

    92

    prioritaires. Par ailleurs, le Sénégal qui bénéficiera d'une rente pétrolière importante aura l'obligation de réinvestir la rente dans des secteurs prioritaires que sont l'éducation, la santé, la construction d'infrastructures capables d'améliorer les conditions de vie de la population.

    Le cadre de gestion d'un fonds souverain doit être sain et doit prévoir une distinction nette précise et effective des rôles et attributions qui favorise la responsabilisation et l'indépendance opérationnelle de la direction du Fonds souverain qui la rendent apte à poursuivre ses objectifs236.

    Paragraphe second - Une réglementation juridique rigoureuse du fonds souverain pour une gestion profitable aux générations futures

    L'État du Sénégal, soucieux de protéger les générations futures doit créer un fonds d'épargne intergénérationnel destiné à protéger la population de demain d'une éventuelle crise pétrolière causée par une chute des cours mondiaux. Ce fonds d'épargne devra aussi être accompagné d'un fonds alloué à l'investissement dans les secteurs prioritaires pour assurer le bien-être de la population locale.

    Mettre en place des fonds souverains pour les générations futures est une chose, mais garantir la légalité relative à l'investissement du fonds en est une autre. Le cas du Tchad pourrait servir d'exemple au Sénégal. En effet, la loi pétrolière tchadienne garantissait un fonds pour les générations futures, mais le manque de réglementation encadrant le fonds a mené à la suppression discrétionnaire de ce dernier par le Président tchadien.

    En ce sens, la nouvelle législation pétrolière devrait juridiquement renforcer le fonds pour les générations futures en s'inspirant du recueil de bonnes pratiques mettant en oeuvre les principes dits de Santiago (A). Puis, les revenus alloués au FONSIS devront être précisés par l'adoption d'une loi d'orientation (B).

    236 AOUN, Marie-Claire et BOULANGER, Quentin. Les nouveaux défis des fonds souverains pétroliers, art.cit.

    A-

    93

    La mise en oeuvre des principes de Santiago, une garantie de la régulation pérenne des fonds pour les générations futures

    Les principes de Santiago ont pour origine une réunion de 26 fonds souverains qui appartiennent au groupe intergouvernemental de travail instauré par le FMI237. Un recueil de bonnes pratiques « dits principes de Santiago » y est élaboré. Les principes de Santiago ont pour objectif de garantir l'indépendance du fonds souverain vis-à-vis du pouvoir exécutif, d'améliorer la transparence des fonds souverains dans leurs structures, mais aussi dans leurs stratégies d'investissements. Les principes de Santiago obligent les fonds souverains à rendre publics leurs objectifs et le cadre juridiques régissant leurs activités.

    La nouvelle loi pétrolière devra donc intégrer ces normes et critères issus des principes de Santiago pour une gestion efficace et transparente des fonds d'investissement relatifs aux générations futures. En ce sens, le Sénégal fort de son potentiel en hydrocarbures doit être un signataire des principes de Santiago pour accroître son niveau de transparence dans la gestion de son fonds souverain, le FONSIS.

    B- La nécessité vitale d'instaurer une loi d'orientation pour une transparence relative aux allocations des revenus pétroliers garantissant la protection des générations futures

    Dans son objectif de garantir l'équité intergénérationnelle, le FONSIS intégrera une part des recettes pétrolières et gazières au fonds destiné aux générations futures. De plus, l'État a l'obligation légale de ne pas puiser dans les réserves du FONSIS pendant les dix premières années depuis sa mise en place238.

    Une loi d'orientation relative à l'investissement des secteurs prioritaires est une nécessité au regard des enjeux de transparence. La loi d'orientation permettrait de définir le cadre des secteurs prioritaires. En ce sens, malgré les changements de gouvernements, les secteurs prioritaires identifiés par la loi ne seront pas affectés par les objectifs politiques qui peuvent évoluer d'un gouvernement à un autre. En résumé, une loi d'orientation votée par l'Assemblée Nationale

    237 « Principes de Santiago », disponible sur :

    http://www.ecgi.org/codes/documents/iwg_santiago_principles_oct2008_fr.pdf

    238 Article 10 de la loi 2012-34 créant le FONSIS

    94

    assurera une gestion pérenne des fonds d'investissement.

    95

    Conclusion

    La richesse en ressources pétrolières et gazières se transforme souvent en une malédiction. Le pétrole et le gaz qui doivent être des vecteurs de développement économique finissent par augmenter le taux de pauvreté.

    Le phénomène du paradoxe de l'abondance touche une grande partie des pays africains producteurs de pétrole. Ces pays riches en ressources naturelles ont un niveau de pauvreté qui se creuse progressivement. Le paradoxe de l'abondance est dû à une gestion opaque des ressources naturelles.

    En effet, le paradoxe de l'abondance est une conséquence du syndrome hollandais. Ce dernier s'explique par une forte dépendance à la rente pétrolière au détriment d'autres secteurs économiques prioritaires. Une chute des cours mondiaux a donc un effet préjudiciable sur une économie nationale.

    Par ailleurs, le syndrome hollandais trouve son explication dans un cadre purement juridique et réglementaire. De ce fait, la théorie de Paul Collier qui développe une hypothèse selon laquelle l'absence d'un cadre juridique et réglementaire mènerait à un pillage des ressources s'est avérée véridique dans l'étude scientifique effectuée.

    Les cas du Nigéria et du Tchad ont démontré qu'une absence de réglementation ou une mauvaise application de cette dernière conduit au pillage des ressources naturelles. Ces pays ont subi les effets du syndrome hollandais dû non seulement à une dépendance importante à la rente pétrolière, mais aussi à des cadres juridiques et légaux insuffisants dans leur application. En d'autres termes, la problématique liée à la gestion éthique et transparente des ressources naturelles trouve sa réponse dans la mise en oeuvre d'un arsenal législatif solide. Néanmoins, un cadre juridique solide ne garantit pas une gestion prospère des ressources naturelles, car son application est aussi capitale.

    En se basant sur la théorie de Paul Collier, il a été constaté que l'aspect juridique dans la gestion du pétrole et du gaz est primordial et ne saurait être négligé, car il y a un lien de causalité direct entre l'exploitation des ressources naturelles et un seuil de pauvreté qui augmente. Les exemples du Tchad et du Nigéria doivent servir d'exemple pour le Sénégal.

    La République du Sénégal dispose récemment d'un bassin sédimentaire exploré par de nombreuses compagnies pétrolières qui confirment son potentiel en hydrocarbures. Par ailleurs, le sous-sol du Sénégal dispose d'importants puits de pétrole et de gaz commercialisables à partir de 2021. Par conséquent, le pays doit d'ores et déjà répondre au défi du paradoxe de l'abondance.

    Étant donné que le Sénégal est considéré comme un futur pays producteur de pétrole, il a été pertinent d'analyser sous un angle juridique et par le biais de sa législation pétrolière et tout en se fondant la théorie de Paul Collier, les défis que pose le paradoxe de l'abondance.

    En ce sens, l'étude du régime juridique pétrolier du Sénégal permet de relever que l'industrie pétrolière présente des insuffisances juridiques qui doivent être corrigées par la nouvelle législation pétrolière. Premièrement, le contexte d'incitations fiscales attrayantes dans le lequel le code pétrolier de 1998 ne répond plus au nouvel environnement pétrolier.

    Ensuite, en matière de transparence et gestion responsable des ressources pétrolières, l'État du Sénégal doit réguler son industrie pétrolière. Tout d'abord, il doit doter la Société civile des prérogatives lui permettant de participer activement dans la définition des orientations stratégiques relatives au secteur des hydrocarbures comme cela est le cas au Ghana où la Société civile joue un rôle influent dans le domaine pétrolier. De ce fait, pour corriger cette lacune juridique, l' État doit se conformer à la directive de la CEDEAO portant sur l'harmonisation des principes directeurs et des politiques dans le secteur minier ; une telle directive reconnaît l'importance de la Société civile dans la promotion du développement local.

    Toujours dans le cadre de la transparence, l'État du Sénégal a intégré l'ITIE pour mieux assurer la gestion transparente de ses revenus pétroliers. Cependant, rejoindre l'ITIE ne garantit pas une réussite dans la gestion responsable du pétrole et du gaz, car les normes ITIE que l'État s'engage à respecter doivent être accompagnées d'un cadre juridique solide, ce qui n'est pas le cas du Sénégal.

    En effet, la législation pétrolière de 1998 instaure un régime juridique qui promeut difficilement la transparence notamment dans l'octroi des blocs, mais encore dans la part réelle de l'État dans le régime juridique des contrats de partage de production qui régit les relations contractuelles entre le Sénégal et les compagnies pétrolières internationales.

    96

    Enfin au niveau fiscal le code pétrolier a montré ses limites portant l'interprétation des

    97

    dispositions fiscales relatives à l'exonération portant sur les opérations pétrolières (article 48 du code pétrolier 1998).

    En somme, au regard de la théorie de Paul Collier, le droit pétrolier en vigueur tel qu'il est conçu contient des insuffisances qui ne lui permettent pas d'assurer une gestion éthique et transparente du pétrole et du gaz. Une chute des cours mondiaux exposerait le Sénégal au phénomène du paradoxe de l'abondance.

    Ainsi, une nouvelle réforme de la législation pétrolière est exigée afin que cette dernière puisse pleinement jouer son rôle dans le nouvel environnement pétrolier. En ce sens, le nouveau code pétrolier devra accroître les revenus de l'État, mais aussi créer un fonds pour les générations futures (que le code pétrolier en vigueur ne prévoit pas), garanti par une rigoureuse réglementation juridique afin que le FONSIS puisse mener les missions qui lui sont confiées par la loi en toute indépendance.

    98

    BIBLIOGRAPHIE

    Sources primaires :

    I- TEXTES CONSTITUTIONNELS , RAPPORTS INTERNATIONAUX ET CONTRATS PÉTROLIERS

    A- Textes constitutionnels

    · Constitution de la République du Ghana

    · Constitution de la République Fédérale du Nigéria

    · Constitution de la République du Sénégal

    · Constitution du Tchad

    · Statuts de la Société des Pétroles du Sénégal (PETROSEN)

    B- Rapports et Études internationales

    · Appui du Groupe de la Banque Mondiale au Programme de développement pétrolier et d'oléoduc Tchad-Cameroun, Rapport d'évaluation rétrospective du Programme, 28 pages.

    · Étude du Cambridge Energy Research Associates, Potential versus Reality : West African Oil and Gas to 2020, Cambridge, 2002

    · Études économiques de l'OCDE : Brésil 2011, définition du syndrome hollandais, p.152

    · Guide sur la transparence des recettes des ressources naturelles du Fonds Monétaire International (FMI), 85 pages.

    · Oil and Gas report, 65 pages.

    · Publish What You Pay, A Civil Society Coalition for Extractive Sector Transparency and Accountability

    · Rapport de la Banque Mondiale sur les Industries Extractives (IE), 2004, 61 pages

    · Rapport de conciliation, ITIE, 2014, 159 pages.

    · Rapport de conciliation, ITIE, 2015, 198 pages.

    · Rapport de conciliation, ITIE, 2016, 198 pages.

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    Rapport du Oil and Gas Council, The MSGBC Basin : No One Hit Wonder

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    · Rapport du US Energy Information Administration (EIA), Oil and Gas in Sub-Saharan Africa

    · Rapport final, Étude comparative du cadre légal et contractuel en matière d'hydrocarbures dans les États membres de l'Association des Producteurs de Pétrole Africains (APPA), 2014, 125 pages.

    · Rapport ITIE, La norme ITIE 2016, 61 pages.

    · Rapport, Plan Stratégique de l'ITIE (2017-2021)

    · Rapport sur le Développement Humain, PNUD, 2001

    · Rapport sur la situation économique du Gabon, Banque Mondiale, 2018

    C- Contrats pétroliers

    · Contrat de Recherche et de Partage de Production entre la PETROSEN et PETRO-TIM Cayar Offshore Profond

    II- TEXTES LÉGISLATIFS, DECRETS ET DIRECTIVES A- Textes législatifs

    · Contrats types de Recherche de Partage et de Production

    · Loi n°001/PR/99 du 11 janvier 1999 relative à la gestion des revenus pétroliers

    · Loi n°016/PR/2000 du 1er août 2000 relative à la gestion des revenus pétroliers

    · Loi 2001-09 du 15 octobre 2001 portant Loi Organique relative aux Lois de Finances

    · Loi constitutionnelle n°2016-10 du 05 avril 2016 portant révision de la Constitution

    · Loi 2012-34 du 31 décembre 2012 autorisant la création d'un Fonds souverain d'investissements stratégiques (FONSIS)

    100

    B- Décrets

    · Décret n°98-810 du 6 octobre 1998 fixant les modalités et conditions d'application de la loi n°98-05 du 08 janvier 1998 portant code pétrolier

    · Décret n°2013-881 du 20 juin 2013 portant création, organisation et fonctionnement du Comité national de l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE)

    · Décret n° 2013-1154 du 23 août 2013 portant extension de la période initiale de Recherche du Contrat de Recherche et de Partage de Production d'hydrocarbures conclu entre l'État du Sénégal, la Sociétéì des Pétroles du Sénégal (PETROSEN) et la compagnie PETRO-TIM Limited pour le bloc de Saint-Louis Offshore Profond

    · Décret n° 2013-1155 du 23 août 2013 portant extension de la période initiale de Recherche du Contrat de Recherche et de Partage de Production d'hydrocarbures conclu entre l'État du Sénégal, la Sociétéì des Pétroles du Sénégal (PETROSEN) et la compagnie PETRO-TIM Limited pour le bloc de Cayar Offshore profond

    · Décret n°2016-1542 du 3 octobre 2016 portant création et fixant les règles d'organisation et de fonctionnement du Comité d'Orientation Stratégique du Pétrole et du Gaz

    C- Directives

    · African Mining Vision, Union Africaine, 2009

    · Directive C/DIR du 3/05/09 du 27 mai 2009 portant sur l'harmonisation des principes directeurs et de politiques dans le secteur minier

    III- CONVENTIONS INTERNATIONALES ET RESOLUTIONS

    A- Conventions internationales et sous-régionales

    · Convention sur le Plateau Continental du 29 avril 1958

    · Accords, conventions et protocoles de la CEDEAO ratifiés par le Sénégal, disponible sur : http://www.diplomatie.gouv.sn/sites/default/files/accords-conventions-et-protocoles-de-la-

    101

    cedeao-ratifies-par-le-senegal.pdf

    B- Résolutions

    · Résolution 626 (VII) du 21 décembre 1952 de l'Assemblée Générale des Nations-Unies relative au Droit d'exploiter librement les richesses et les ressources naturelles.

    Sources secondaires :

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    · « La Banque mondiale va aider le Sénégal à négocier des projets pétroliers et gaziers

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    III- DONNEES DES INSTITUTIONS INTERNATIONALES ET THESES

    DISPONIBLES EN LIGNE

    A- Données de la Banque mondiale

    · Données tirées de la banque mondiale, disponible sur :
    https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/NV.AGR.TOTL.ZS?locations=SN

    · Données tirées de la Banque Mondiale, disponible sur :
    https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/SL.AGR.EMPL.ZS?locations=SN&name_desc =false

    · Données tirées du Observatory Of Economic Complexity (OEC) disponible sur : https://atlas.media.mit.edu/fr/profile/country/gab/#Export

    B- Thèses en ligne

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    106

    Annexe 1 :

    Loi 98-05 du 08 janvier 1998 portant code pétrolier, consultable sur : http://itie.sn/reglementation/






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"Là où il n'y a pas d'espoir, nous devons l'inventer"   Albert Camus