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La régulation de l'industrie pétrolière du Sénégal face au défi du paradoxe de l'abondance


par Pape Amadou FALL
Faculté de droit Paris Descartes - Master 2 Droit des Politiques Publiques du Développement 2018
  

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INTRODUCTION GENERALE

Considéré comme un véritable levier économique et de développement, le pétrole constitue un pilier fondamental de notre société. Le pétrole, cette ressource naturelle unique, ce « concentré de fossile d'énergie solaire accumulée par les végétaux, façonné dans les profondeurs de notre planète, a toujours participé au développement des activités de l'Homme »1. Aujourd'hui, le pétrole a permis à divers pays producteurs comme la Norvège, le Botswana ou l'Indonésie, d'avoir une économie seine et stable.2 Toutefois, l'une des problématiques majeures du pétrole résulte du manque de transparence dans la gestion de ce dernier, notamment dans la majorité des pays africains producteurs de pétrole3. En d'autres termes, une gestion opaque des ressources naturelles dont le pétrole, favorise le « syndrome hollandais » ou la « malédiction du pétrole » (communément appelé Dutch disease). Par conséquent, l'un des défis majeurs pour les pays producteurs de pétrole en Afrique porte sur la gestion transparente et éthique des ressources naturelles afin que ces dernières profitent aux générations actuelles et futures. Garantir la gestion éthique et transparente des ressources naturelles est de la responsabilité de tout État, y compris le Sénégal. Ce pays a fait l'objet de récentes découvertes d'importantes réserves de pétrole et de gaz en zone offshore4. Le défi majeur sera de réguler l'industrie pétrolière afin que cette dernière puisse fonder un développement nouveau, tout en évitant de tomber dans le paradoxe de l'abondance, qui touche beaucoup de pays producteurs de pétrole. En effet, « la gratification de la richesse ne se trouve pas dans la simple possession, ni dans les dépenses somptueuses, mais bien dans son utilisation mesurée ».5

1 NDAO, Fary. L'or noir du Sénégal : Comprendre l'industrie pétrolière et ses enjeux au Sénégal, Essai, 2018.

2 McKinsey Global Institute, Reverse the curse: Maximizing the potential of resource-driven economies, 2013,.

3 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic Relieve Services (CRS), 2003.

4 Le terme offshore désigne une zone dont l'exploration se fait en haute mer. Il se différencie de la zone Onshore, où la recherche se fait sur terre ferme.

5 Il s'agit d'une citation de Miguel de Cervantès, à une époque où l'Espagne avait un accès privilégié aux richesses des Amériques.

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I. Contexte et justification de l'étude

Il serait pertinent dans le cadre de notre étude de contextualiser le sujet dans un cadre international, régional, sous régional et national.

1. Contexte international

Tout d'abord, les ressources naturelles dont le pétrole et le gaz ont fait l'objet d'une exploitation intense depuis les années 1940. Il s'agit d'une période où l'automobile qui a pris une place importante dans le fonctionnement de notre société nécessitait de l'énergie comme l'essence ; il en résulte une croissance significative de l'exploitation pétrolière mondiale. En vérité, le transport, un des piliers économiques qui constitue le socle du commerce international dépend quasi exclusivement du pétrole et du gaz. Cependant, puisque ces ressources naturelles sont épuisables dans la durée, la conséquence directe est une baisse d'intérêt des grandes compagnies pétrolières mais aussi des institutions multilatérales comme la Banque Mondiale (BM) dans le financement et l'investissement relatifs à l'exploration et l'exploitation pétrolière. Ce changement de politique s'explique aussi par la nécessité d'assurer la transition écologique vers les énergies renouvelables.6

Ensuite, la 2014 fut une période marquante pour l'industrie pétrolière mondiale car ce fut un contexte caractérisé par une chute durable du prix du baril qui affecta considérablement le marché pétrolier. Cette crise était marquée par une offre très supérieure par rapport à la demande.7 Elle a non seulement mis en exergue le caractère aléatoire des cours du baril mais elle a aussi révélé le danger pour un pays producteur de pétrole de fonder exclusivement le socle de son économie sur la rente pétrolière. La crise pétrolière de 2014 a plus précisément mis en lumière les énormes

6 Communiqué de presse de la Banque mondiale, 12 décembre 2017, disponible sur : https://www.banquemondiale.org/fr/news/press-release/2017/12/12/world-bank-group-announcements-at-one-planet-summit

7 Journal Le monde, Le pétrole restera bon marché pendant longtemps, 26 août 2015, disponible sur : https://www.lemonde.fr/economie/article/2015/08/26/le-petrole-restera-bon-marche-pour-

longtemps 4737002 3234.html?

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difficultés économiques rencontrées les pays producteurs de pétrole dont la majorité se trouve dans le continent africain.

2. Contexte régional

En Afrique, au cours des dernières années, l'exploitation pétrolière a considérablement augmenté dans les pays en voie de développement. Toutefois, depuis 2014, la chute drastique des cours du pétrole a directement influencé les politiques d'investissement des acteurs pétroliers en Afrique.8 Par conséquent, ce changement de politique s'est traduit par une baisse des budgets d'exploration, une présence limitée des compagnies majors au profit des compagnies pétrolières indépendantes9. Cependant, depuis cette année-là, la crise pétrolière n'a pas profondément modifié l'échiquier pétrolier africain. Grâce aux risques pris par les compagnies pétrolières juniors, d'importants puits de gaz et de pétrole sont découverts en Afrique de l'Est10, plus précisément en Ouganda, au Kenya, en Tanzanie et au Mozambique.

Suite à la crise pétrolière de 2014, la majorité des pays africains ont souffert du paradoxe de l'abondance. Afin d'appréhender l'impact du paradoxe de l'abondance, il convient de comprendre sa signification. Ce terme désigne la situation d'un État qui reste sous un seuil de pauvreté important malgré sa richesse considérable en ressources naturelles. De ce fait, la majorité des pays exportateurs de pétrole sont souvent exposés au caractère aléatoire des cours mondiaux et ne profitent pas de la rente pétrolière pour diversifier leur économie.

Par exemple, dans la région du Golfe de Guinée, le cas du Gabon. Le Gabon est l'un des pays les

8 AUGE, Benjamin. L'exploration et la production pétrolière en Afrique depuis 2014, Étude de l'Institut Français des Relations Internationales (IFRI), 2014, p.4-6

9 Les compagnies indépendantes sont de petites compagnies avec des moyens financiers et technologiques limités. Ces compagnies concentrent généralement leurs activités sur les opérations pétrolières en amont, c'est-à-dire des activités portant exclusivement sur l'exploration et la production. Ces dernières sont très présentes dans l'environnement pétrolier sénégalais.

10 Ibidem

12

plus riches en Afrique avec un revenu national brut par habitant (RNB) de 6610 dollars en 2017.11 Toutefois, ce RNB est inégalement réparti, d'autant plus que l'économie du pays est extrêmement dépendante du pétrole.

En d'autres termes, le pétrole brut représente plus de 73% des recettes d'exportation du pays en 2017.12

Cette richesse économique du pays intervient dans le contexte de la fin des années 1960 où le développement des activités pétrolières a permis au Gabon d'augmenter sa richesse et sa puissance économique. Mais le manque d'une vision clair à long terme du Président de la République gabonaise Omar Bongo et de son gouvernement a conduit à une régression de l'économie gabonaise.13 Cette régression est due à la mise en place de politiques publiques destinées à une augmentation des effectifs de la fonction publique, à des dépenses importantes relatives à la construction d'infrastructures. Ainsi, la situation économique du Gabon a subi les effets du paradoxe de l'abondance suite à son incapacité de construire un modèle de développement sein et durable, profitable aux générations actuelles et futures.14

11 Rapport de la Banque Mondiale sur la situation économique du Gabon, disponible sur : https://donnees.banquemondiale.org/pays/gabon

12 Données tirées du Observatory Of Economic Complexity (OEC) disponible sur : https://atlas.media.mit.edu/fr/profile/country/gab/#Export

13 GARY, Ian et LYNN KARL, Terry. Le fond du baril : Boom pétrolier et pauvreté en Afrique, Catholic Relieve Services (CRS), 2003, p.28

14 JANVIER ROP'S OKOUE EDOU, Jacques. L'économie gabonaise souffre du syndrome hollandais, dit-on !, Éditions Persée, 2015, p.56-58

13

3. Contexte sous régional et national

Les ressources naturelles en Afrique ; notamment le gaz et pétrole sont essentiellement concentrées en Afrique de l'Ouest et dans le Golfe de Guinée.

Géographiquement, la région du Golfe de Guinée se situe entre les eaux maritimes du Nigeria et de l'Angola. Il s'agit d'une partie de l'océan atlantique (plus de 5.700 km de côtes) qui s'enfonce vers le centre du continent africain, allant du Sénégal à l'Angola. Les pays de la région du golfe de Guinée ont des économies très peu diversifiées et dépendent le plus souvent de ressources naturelles notamment les hydrocarbures. En effet, cette région est considérée par l'industrie pétrolière, comme le « point névralgique »15 du monde pétrolier, en passe de devenir le véritable chef-lieu mondial de la production pétrolière en zone Offshore Profond16. Des conférences mensuelles se tiennent régulièrement afin d'évaluer le potentiel de la région considérée comme un nouvel « Eldorado »17. De plus, le potentiel de la production pétrolière dans cette région est considéré comme plus conséquent que celle de la Russie par exemple18.

De plus, la région subsaharienne détiendrait plus de 7% de la production pétrolière mondiale avec une production de six millions de barils par jour19. Par conséquent, les régions de l'Afrique de l'Ouest et du Golfe de Guinée regorgent d'importantes réserves de pétrole et de gaz naturel qui restent encore peu exploitées.

Aujourd'hui, le bassin sédimentaire ouest africain, appelé Bassin MSGBC (Mauritanie, Sénégal, Gambie, Guinée Bissau et Conakry) est encore largement sous-exploré malgré son potentiel en

15 MAOUNDONODJI, Gilbert. Les enjeux géopolitiques et géostratégiques de l'exploitation du pétrole au Tchad, Presses univ. de Louvain, 2009 p.203

16 Ibidem

17 En 2003, la Conférence des Nations-Unies sur le Commerce et le Développement (CNUCED) a organisé une conférence au Cameroun, dont l'ordre du jour portait sur le pétrole et le gaz.

18 Étude du Cambridge Energy Research Associates, Potential versus Reality : West African Oil and Gas to 2020, Cambridge, 2002

19 Rapport du US Energy Information Administration (EIA), Oil and Gas in Sub-Saharan Africa, p.2-3

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hydrocarbures. Les récentes recherches dans ledit bassin sédimentaire, plus précisément au Sénégal, ont permis la découverte d'importantes réserves de pétrole et de gaz en zone Offshore profond.

Effectivement, la compagnie pétrolière indépendante Cairn Energy, lors de la phase d'exploration a découvert l'un des plus grands gisements de pétrole dans le monde en zone offshore profond20. Il s'agit des blocs Sangomar Deep Offshore, Cayar Offshore Profond et Saint-Louis Offshore Profond21.

Ces importantes découvertes confirment le potentiel du Sénégal en hydrocarbures d'autant plus que les premières réserves prouvées feront l'objet d'une commercialisation en 202122.

La commercialisation des premières réserves d'hydrocarbures aura un effet direct sur l'économie sénégalaise. Les revenus issus de la production et de l'exportation bénéficieront à la croissance de l'économie. Pourtant, comme ce fut le cas de la majorité des pays africains producteurs de pétrole, la richesse en ressources naturelles a eu un effet néfaste sur leurs économies nationales.

Le principal enjeu pour le Sénégal sera de bénéficier pleinement des retombées économiques que procure la commercialisation des hydrocarbures, tout en évitant les erreurs de gestion commises par les pays producteurs voisins. Une mauvaise gestion des ressources naturelles serait préjudiciable à l'économie sénégalaise qui subira un destin similaire aux autres pays africains producteurs de pétrole.

L'objectif n'est pas de faire du Sénégal un pays pétrolier ou minier (c'est à dire un pays dont 25% de son budget national provient de l'exploitation des sous-sols selon les normes fixées par le FMI) mais plutôt de bénéficier des avantages procurés par l'exploration et l'exploitation des

20 Rapport du Oil and Gas Council, The MSGBC Basin : No One Hit Wonder, disponible sur : https://oilandgascouncil.com/articles/msgbc-basin-no-one-hit-wonder/

21 Ibidem

22 Communiqué officiel de la présidence de la République du Sénégal du 11 janvier 2017, disponible sur : http://www.presidence.sn/en/newsroom/entretien-avec-m-andy-inglis-pdg-de-kosmos-energy-et-m-bernard-looney-de-pdg-bp 550

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hydrocarbures et éviter de tomber dans le piège du syndrome hollandais. Le syndrome ou malédiction hollandais(e), traduit parfaitement le principe du paradoxe de l'abondance. En effet, le syndrome hollandais désigne un phénomène « suivant lequel la découverte de ressources naturelles ou la hausse de leur prix entraine une appréciation du taux de change réel, un gonflement des dépenses ou de la richesse et un redéploiement des facteurs de production, ce qui se traduit par une désindustrialisation du pays sous l'effet de la production manufacturière et des exportations nettes ».23

En analysant la définition de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il serait erroné d'émettre une conclusion selon laquelle il existerait un lien de causalité direct entre la commercialisation d'hydrocarbures et l'amélioration du cadre de vie de la population de même que l'économie nationale. Bien au contraire, il peut y avoir une corrélation entre l'exploitation des matières premières et la baisse de création de richesses ainsi que du niveau de vie des générations actuelles et futures. En d'autres termes la commercialisation entraîne une augmentation du PNB sans que ce dernier ne crée de la richesse au profit de la population24.

La commercialisation du potentiel en hydrocarbures, à conditions de répondre efficacement aux enjeux et défis posés par le paradoxe de l'abondance serait une opportunité d'améliorer la croissance économique du Sénégal en faisant face aux besoins d'investissement dans les secteurs prioritaires.

C'est au regard de ces enjeux et défis du paradoxe de l'abondance dont l'industrie pétrolière doit faire face, que se justifie l'intérêt de notre étude. La compréhension de cette dernière nécessite une délimitation spatiale, temporelle et matérielle.

23 Études économiques de l'OCDE : Brésil 2011, définition du syndrome hollandais, p.152

24 Rapport de la Banque Mondiale sur les Industries Extractives (IE), 2004, disponible sur : http://documents.banquemondiale.org/curated/fr/767831468322469577/pdf/300010FRENCH0e1Box03 34093B01PUBLIC1.pdf

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I. DELIMITATION DE L'ETUDE

Dans l'optique d'une meilleure compréhension du sujet, une délimitation est opérée à trois niveaux : une délimitation spatiale, temporelle et matérielle.

1. Délimitation spatiale

Dans le cadre du sujet, la délimitation spatiale est limitée à la République du Sénégal. Ce dernier est un pays de l'Afrique de l'Ouest comptant 15,4 millions d'habitants25. Le Sénégal est frontalier avec le Mali, Mauritanie, la Guinée Conakry et enfin la Gambie. De plus, le Sénégal partageant sa frontière avec la Mauritanie exploitera en commun avec cette dernière un champ gazier offshore Grand Tortue-Ahmeyim à partir de 202126.

2. Délimitation temporelle

Le travail de recherche s'étend sur la période allant de 1952 à 2018. L'année 1952, représente les premières recherches et forages sur les permis pétroliers de Dakar et de Saint-Louis27. La période de 2018 quant à elle, répond à un contexte où le potentiel en hydrocarbures du Sénégal est confirmé avec les différentes découvertes de pétrole et de gaz en offshore profond.

3. Délimitation matérielle

Des notions de droit pétrolier, fiscal et économique seront mobilisées pour déterminer les mesures de politiques publiques que l'État du Sénégal sera en mesure d'appliquer pour éviter le

25 « Le Sénégal en bref », Banque Mondiale, disponible sur :

https://www.banquemondiale.org/fr/country/senegal

26 « Gaz : accord entre la Mauritanie et le Sénégal pour l'exploitation d'un champ offshore », disponible sur : http://www.jeuneafrique.com/529801/economie/gaz-accord-entre-la-mauritanie-et-le-senegal-pour-lexploitation-dun-champ-offshore/

27 « Recherche et possibilités pétrolières du Sénégal » (1978). Revues socialiste de culture négro-africaine n°13

17

paradoxe de l'abondance dans sa gestion des recettes issues du pétrole et du gaz. En effet, traiter ce sujet sous un angle purement juridique ne permettrait pas de saisir tous les enjeux issus de la gestion de la rente pétrolière. En outre, la finalité de la régulation de l'industrie pétrolière résulte des bienfaits économiques tirés de la rente pétrolière qui assure un développement nouveau dont les générations actuelles et futures bénéficieront.

II. INTÉRÊTS DE L'ÉTUDE

Notre étude revêt deux intérêts : un intérêt social et un autre, scientifique.

1. Intérêt social

Le traitement de ce sujet présente un intérêt social. En effet, ce mémoire peut constituer un lien entre l'État du Sénégal et sa population qui elle aussi cherche à maitriser les contours de l'exploitation et de la commercialisation des hydrocarbures. Une fois ce lien établi entre l'État et la population, il permettra non seulement de sensibiliser cette dernière sur les bienfaits du pétrole et du gaz pour l'économie et le développement mais aussi sur le danger que peuvent présenter ces ressources si elles ne sont pas gérées de manière juste, éthique et transparente.

2. Intérêt scientifique

Ce présent mémoire pourrait constituer un apport à la recherche scientifique dans le domaine du droit pétrolier sénégalais. En effet, le potentiel du Sénégal en hydrocarbures est prouvé, même si l'arsenal juridique pétrolier reste peu exploré par la doctrine scientifique du fait de la nouveauté des découvertes.

Ce mémoire compte apporter des réponses scientifiques sur la gestion des ressources naturelles

18

en se fondant sur les erreurs commises par certains pays producteurs africains dont le Nigeria et le Tchad.

L'objectif principal est de voir comment l'État devrait gérer ces ressources pétrolières et gazières pour une économie pérenne et afin de ne pas tomber dans le piège du paradoxe de l'abondance, une conséquence du syndrome hollandais.

III. Objectif de l'étude

L'étude a pour objectif d'analyser dans une première partie le défi que pose le paradoxe de l'abondance aux pays producteurs de pétrole, principalement le Nigeria qui est aujourd'hui, le premier pays producteur de pétrole dans le continent africain. Ensuite, dans une deuxième partie, il s'agit de voir par quels moyens l'État du Sénégal, assure la régulation de son industrie pétrolière, afin d'éviter les erreurs commises les pays voisins producteurs de pétrole, et afin d'instaurer une gestion éthique, transparente, rationnelle et responsable de la rente pétrolière au profit des générations actuelles et futures.

Une gestion profitable des ressources naturelles aux générations actuelles et futures est un principe garanti au niveau constitutionnel. A ce titre, la constitution sénégalaise du 19 juin 2003 dispose dans son article 25-128 que « les ressources naturelles appartiennent au peuple. Elles sont utilisées pour l'amélioration de ses conditions de vie. L'exploitation et la gestion des ressources naturelles doivent se faire dans la transparence et de façon à générer une croissance économique, à promouvoir de la population en général et à être écologiquement durables ».

IV. DÉFINITIONS DES TERMES CLES

Pour une meilleure compréhension du sujet, il convient de définir les concepts clés susceptibles

28 Loi constitutionnelle n°2016-10 du 5 avril 2016 portant révision de la Constitution

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d'avoir un rôle capital dans le cadre de cette présente étude. Quatre termes clés sont définis : la régulation, l'industrie pétrolière, le paradoxe de l'abondance et enfin la transparence et l'éthique.

1. Régulation

La notion stricto sensu de régulation ne trouve pas de définition claire d'un point de vue juridique. Toutefois, dans le cadre de notre recherche, la notion de régulation devrait s'entendre au sens d'un renforcement du cadre législatif et réglementaire. La place de la réglementation dans la gestion des ressources naturelles est cruciale. En effet, une théorie est développée selon laquelle : Ressources + Technologie + Réglementation = Prospérité

Cependant, Ressources + Technologie + Investissements - Réglementation = Pillage des ressources29. La réglementation prend donc toute son importance dans le cadre de la régulation car elle occupe une place centrale et essentielle dans la gestion des ressources naturelles. Cette théorie sert de point de départ afin d'analyser si l'arsenal juridique sénégalais en matière de pétrole et de gaz permet une gestion éthique et transparente de ses ressources naturelles. Le cas échéant, comment renforcer le cadre juridique et réglementaire de l'industrie pétrolière afin d'éviter le paradoxe de l'abondance dont la cause directe serait le manque de réglementations efficaces qui mènent au pillage des ressources.

2. Industrie pétrolière

La définition de l'industrie pétrolière sera réduite à l'amont pétrolier sénégalais. Ce dernier sera privilégié dans le cadre du mémoire. L'amont pétrolier regroupe différentes phases des activités pétrolières, à savoir la prospection, l'exploration, l'exploitation et la production. L'industrie pétrolière sénégalaise est régie par le code pétrolier30. Le code pétrolier traite essentiellement de

29 Cette théorie est développée par Paul Collier, Professeur d'Économie et Directeur du Centre des Études sur les Économies Africaines à l'Université d'Oxford. Théorie tirée du rapport relatif à l'étude du cadre légal et

contractuel en matière des hydrocarbures des pays membres de l'Association des Producteurs de Pétrole Africains (APPA), p.11

30 Loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier

20

l'amont. Par conséquent, il réglemente les procédures allant des négociations et de l'octroi des blocs pétroliers aux compagnies pétrolières internationales en phase de prospection31, à la production et au transport des hydrocarbures32, tout en exigeant le respect de l'environnement et des ressources nationales, lors de la conduite des opérations pétrolières33.

Il est à noter que lorsque le code pétrolier fut adopté en 1998, le potentiel en hydrocarbures du Sénégal n'était pas encore confirmé. De plus, le code fut élaboré dans un contexte où l'environnement pétrolier international était caractérisé par une baisse des budgets d'exploration des compagnies pétrolières, ce qui a eu pour conséquence une réduction de la compétitivité du Sénégal dans les investissements relatifs à l'amont pétrolier, au profit des pays disposant d'un potentiel pétrolier confirmé34.

Par conséquent, l'État du Sénégal était dans l'obligation de mettre en place des incitations fiscales attrayantes pour accroître les investissements dans l'amont pétrolier35.

L'environnement pétrolier ayant évolué depuis 1998, faisant du Sénégal un pays disposant d'un potentiel pétrolier confirmé, un projet de loi portant nouveau code pétrolier sera soumis à l'Assemblée Nationale en septembre 2018 dans l'optique d'accroitre les parts de l'État du Sénégal dans le partage de la rente pétrolière avec les compagnies internationales opérant sur son sous-sol.

3. Paradoxe de l'abondance

Le paradoxe de l'abondance est une conséquence d'une gestion opaque des ressources naturelles. Le Fonds Monétaire International classe près de cinquante pays en développement dans les pays riches en ressources naturelles36. Cependant, près de 42 pour cent des 3 milliards d'habitants des

31 Article 12 du code pétrolier

32 Article 37 du code pétrolier

33 Article 51 du code pétrolier

34 Exposé des motifs de la loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier

35 Ibidem

36 VILLAFUERTE, Mr Mauricio, OSSOWSKI, Mr Rolando, THOMAS, Theo, et al. Managing the oil revenue boom: the role of fiscal institutions. International Monetary Fund, 2008.

21

pays riches en ressources naturelles vivent encore sous le seuil de pauvreté avec un revenu inférieur à 2 dollars par jour37. Ce constat met en exergue le paradoxe entre richesses naturelles et un seuil de pauvreté toujours plus élevé.

Les pays africains producteurs de pétrole sont généralement les plus touchés par ce phénomène. Le paradoxe de l'abondance peut être corrélé au syndrome hollandais, aussi appelé maladie hollandaise38. Ce phénomène a fait l'objet d'un regain d'intérêt dû au fait que l'exploitation pétrolière confère une richesse substantielle à un pays producteur.

Le syndrome hollandais se caractérise par le fait que le pétrole qui devait être une opportunité pour un développement nouveau et harmonieux, finit par être une malédiction car les recettes issues de la rente pétrolière affectent négativement les structures économiques à travers certains secteurs de production39. Dans la sous-région ouest africaine, l'exemple du Nigéria sera étudié, car il s'agit d'un géant de la production de pétrole mondial, mais qui a aussi été touché par le phénomène du syndrome hollandais40. Le Sénégal peut s'inspirer de l'exemple du Nigéria et même du Tchad afin d'en tirer les conclusions nécessaires à la bonne gestion de son pétrole et de son gaz.

4. Transparence et éthique

La transparence et l'éthique sont les piliers d'une bonne gestion des ressources naturelles. Le Fonds Monétaire international (FMI) a mis l'accent sur l'éthique et la transparence, en mettant en place un Guide sur la transparence des recettes des ressources naturelles en 200741. Ce guide met en place un code de bonnes pratiques en matière de transparence des finances publiques

37 Ibidem

38 ROSSER, Andrew. The Political economy of the resource curse : A litterature survey. 2006.

39 Nakoumdé Ndoumtara, « Boom pétrolier et risques d'un syndrome hollandais au Tchad : Une approche par la modélisation en équilibre général calculable », Thèse de Doctorat, Université d'Auvergne Clermont-Ferrand I, 2007, 306 p.

40 Coussy Jean, « Formes spécifiques du Dutch Disease en Afrique de l'Ouest : le cas du Nigeria et du Cameroun », Revue Tiers Monde, N°125, Janvier/Mars

41 Guide sur la transparence des recettes des ressources naturelles du Fonds Monétaire International (FMI), 85p.

22

applicable l'ensemble des pays dont une part substantielle des revenus provient des recettes du pétrole et du gaz42.

La transparence et l'éthique dans l'industrie pétrolière sénégalaise se résument aux négociations portant sur l'octroi des blocs pétroliers, à la publication des contrats pétroliers, aux recettes pétrolières et enfin aux fonds alloués aux différents secteurs clés de production. Il convient de noter que l'éthique et la transparence sont des obligations qui incombent aussi bien à l'État du Sénégal qu'aux compagnies pétrolières opérant dans le sous-sol sénégalais. Un cadre juridique solide est nécessaire quant à l'application de ces normes de bonnes conduites.

Qui plus est, la transparence est un requis fondamental dans la prévention du syndrome hollandais qui empêcherait un pays en développement de saisir les opportunités qu'offrent le pétrole et le gaz.

Toutefois, le rôle de la société civile ne saurait être ignoré dans la garantie de l'éthique et de la transparence dans la gestion des ressources naturelles que sont le pétrole et le gaz. A ce titre, une coalition de huit cent sociétés civiles a lancé la campagne Publish What You Pay (PWYP) en 2002, afin de contraindre les compagnies pétrolières à rendre public leurs comptabilités et leurs dépenses dans les industries extractives43. La finalité de cette campagne est de favoriser un environnement dans lequel les recettes pétrolières et gazières améliorent le cadre de vie des générations actuelles et futures44.

Le Sénégal, ayant compris l'importance de l'éthique et de la transparence a adhéré à l'Initiative pour la Transparence dans les Industries Extractives (ITIE) en 2012. L'ITIE est une norme internationale lancée par Tony Blair en 2002, visant à améliorer la transparence dans la gestion des revenus issus des ressources pétrolières, gazières et minières45. La norme ITIE met en place

42 Ibidem

43 Natural Resource Governance Institute (NRGI), « Publish What You Pay : A Civil Society Coalition for Extractive Sector Transparency and Accountability », Mars 2015 disponible sur : https://resourcegovernance.org/sites/default/files/nrgi_PWYP.pdf

44 Ibidem

45 Présentation de l'ITIE, disponible sur : http://itie.sn/presentation/

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des exigences strictes de transparence que tout adhérent doit respecter. Ces exigences de transparence vont de l'obligation de publication des contrats pétroliers aux publications publiques des revenus et recettes issus du pétrole et du gaz, par l'État et les compagnies pétrolières46.

En s'engageant à mettre en oeuvre la norme ITIE, le Sénégal assure à ses citoyens « la possibilité d'exercer un contrôle sur l'utilisation des ressources naturelles ». De plus, le Sénégal est le premier pays africain ayant satisfait à la norme ITIE 201647.

A la lumière de cette analyse, la transparence et l'éthique constituent un enjeu déterminant dans la bonne gestion des ressources naturelles. Le Sénégal semble comprendre ce défi mais les efforts entrepris dans l'application de la norme ITIE sont-ils suffisants pour lutter contre le syndrome hollandais ?

L'analyse de la transparence dans la gestion des ressources naturelles devra être effectuée au niveau de la législation pétrolière. En d'autres termes, le code pétrolier dans ses dispositions, permet-il une gestion efficace des ressources naturelles ?

V. PROBLEMATIQUE

Le nouveau code pétrolier étant toujours à l'étude, le droit pétrolier en vigueur reste régi par la loi 98-05 du 8 janvier 1998 portant code pétrolier. En outre, le potentiel en hydrocarbures du Sénégal étant confirmé, toutes les dispositions contractuelles liant l'État du Sénégal et les opérateurs pétroliers sont régies par le droit pétrolier en vigueur et qui fera l'objet de réformes par le biais d'un nouveau code pétrolier.

46 Ibidem

47 « Le Sénégal, 1er pays d'Afrique et 4ème pays du monde, à avoir accompli des Progrès Satisfaisants en matière de mise en oeuvre de la Norme ITIE », disponible sur : http://itie.sn/le-senegal-1er-pays-dafrique-et-4eme-pays-au-monde-a-avoir-accompli-des-progres-satisfaisants-en-matiere-de-mise-en-oeuvre-de-la-norme-itie/

24

Ces relations contractuelles constituent néanmoins un paradoxe. En effet, comme évoqué précédemment dans l'exposé des motifs, le code pétrolier en vigueur fut élaboré dans un contexte pour favoriser le développement des investissements pétroliers au Sénégal. Cependant, le bémol résulte du fait que le contexte pétrolier a évolué au Sénégal. En d'autres termes, le Sénégal n'a plus besoin de favoriser le développement des investissements, mais plutôt doit consolider son potentiel et de protéger ses intérêts, en maximisant son profit dans le partage de la rente pétrolière. En un mot, il serait incohérent de nouer de nouvelles relations contractuelles sous une législation qui répond à un contexte différent du contexte actuel.

Dans un cadre plus général, le pétrole constitue une malédiction pour la majorité des pays producteurs africains de pétrole. Cette malédiction est due à un manque de transparence dans la gestion de la rente pétrolière.

Le Sénégal, qui commercialisera son pétrole et son gaz, constituera-t-il une exception dans la sous-région ou suivra-t-il le même destin des pays producteurs de la sous-région, victime du syndrome hollandais ?

Par conséquent, le droit pétrolier en vigueur, tel qu'il est conçu garantit-il une gestion éthique et transparente des hydrocarbures permettant de lutter contre le syndrome hollandais ?

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VI. CADRE MÉTHODOLOGIQUE

Ce présent mémoire se fonde sur une recherche empirique orientée par une documentation juridico-économique et un cadre théorique appuyé par des faits. Le cadre méthodologique s'appuie sur la théorie de Paul Collier portant sur le lien entre la réglementation et la prospérité des richesses naturelles. Cette théorie permet de voir si le cadre juridique pétrolier sénégalais en vigueur contribue à la prospérité de ses richesses. Il s'agira donc de vérifier cette hypothèse au regard du droit pétrolier sénégalais.

1. Cadre juridico-économique

La documentation juridique permettra d'analyser des textes de lois, de règlements encadrant l'industrie pétrolière du Sénégal et le droit pétrolier régissant ce dernier. Une documentation axée sous un angle politico-économique serait pertinente pour un traitement exhaustif du sujet.

2. Cadre théorique

La théorie de Paul Collier sur la réglementation et son importance dans la gestion des ressources naturelles sera privilégiée. Cette théorie servira de base dans l'analyse du droit pétrolier et les enjeux liés au paradoxe de l'abondance.

3. Faits énoncés

Des faits relatifs au régime juridique de l'amont pétrolier seront pris en compte pour expliquer les effets du syndrome hollandais. Les exemples du Nigéria et du Tchad dans la sous-région seront énoncés pour comprendre le phénomène du syndrome hollandais et les effets néfastes qu'il constitue qu'il a dans une économie nationale, faute d'une législation pétrolière complète, voire suffisante. Ces exemples permettront de mettre l'accent sur la réglementation comme une solution pérenne à la gestion éthique et transparente du pétrole et du gaz au Sénégal.

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Partie 1 - Le phénomène du paradoxe de l'abondance dans les pays africains producteurs de pétrole

Le paradoxe de l'abondance est un phénomène touchant la majorité des pays africains producteurs de pétrole. Ce constat mérite une attention particulière. En effet, selon une étude de Transparency International (TI)48, dans les trente prochaines années, près de 90% de la production pétrolière mondiale proviendra des pays en voie de développement, notamment en Afrique49. De plus, il convient de noter qu'environ deux tiers des populations pauvres vivent dans des pays riches en ressources naturelles50. Ce fait illustre parfaitement, le paradoxe de l'abondance. En d'autres termes, il s'agit pour un État de bénéficier de son abondante richesse en ressources naturelles. Cependant, cette richesse est corrélée à une pauvreté qui se creuse progressivement avec l'exploitation et la production de cette dernière. Par conséquent, le paradoxe de l'abondance peut donc être rattaché au phénomène du syndrome hollandais.

Le paradoxe de l'abondance est une conséquence du syndrome hollandais. Plus exactement, le syndrome hollandais se manifeste par une non-diversification d'une économie nationale. Cette non-diversification est due au fait qu'un Etat bénéficiant de recettes pétrolières conséquentes a tendance à négliger d'autres secteurs prioritaires économiques au profit de la rente pétrolière. Par conséquent, une chute du baril du pétrole aura un effet immédiat sur les recettes d'exportation, qui aussi elles aussi impactent négativement l'économie nationale. Ce phénomène du syndrome hollandais a des effets néfastes au sein des pays africains producteurs de pétrole (chapitre premier).

En plus, la lutte contre ce phénomène représente d'ores et déjà un défi pour l'industrie pétrolière sénégalaise. La régulation de l'industrie pétrolière cette dernière apparaît-elle nécessaire pour garantir une gestion éthique et transparente du pétrole et du gaz (chapitre second).

48 Transparency International est une organisation non gouvernementale internationale ayant pour principal objectif, la lutte contre la corruption des États et des institutions internationales.

49 Oil and Gas report, disponible sur : https://www.transparency.org/topic/detail/oil_and_gas

50 Ibidem

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Chapitre premier : L'effet néfaste du syndrome hollandais au sein des pays africains producteurs de pétrole

Le syndrome hollandais a contribué à plusieurs crises économiques dans certains pays africains producteurs de pétrole. L'une des premières causes des crises économiques porte sur une mauvaise gestion de la rente pétrolière (section 1). Aussi, la mauvaise gestion de cette dernière constitue un danger pour une économie pétrolière. Par conséquent, la mauvaise gestion nécessite un cadre réglementaire solide, pour une meilleure gestion des ressources naturelles (section 2).

Section 1 - Une conséquence du syndrome hollandais liée à une mauvaise gestion de la rente pétrolière

Une des caractéristiques principales du syndrome hollandais découle de la mauvaise gestion de la rente pétrolière. De plus, analyser les effets néfastes du syndrome hollandais implique tout d'abord une compréhension de la notion de rente pétrolière, mais aussi du syndrome hollandais (paragraphe premier). De plus, la mauvaise gestion de cette dernière a un impact assez considérable sur une économie pétrolière. En ce sens, le cas du Nigéria sera analysé pour une meilleure appréhension du danger que représente le syndrome hollandais (paragraphe second).

Paragraphe premier - La notion de rente pétrolière et du syndrome hollandais

La notion de rente pétrolière constitue un élément important dans le domaine de l'exploitation et de la production pétrolière. Cette notion de rente joue pleinement son rôle dans la gestion des revenus pétroliers. Ainsi, un pays producteur victime du syndrome hollandais souffre de prime abord d'une gestion opaque de la rente pétrolière. Par conséquent, cette notion de rente prend toute son importance. Cependant dans la doctrine relative au domaine pétrolier, une difficulté se présente quant à la définition propre de rente pétrolière. En d'autres termes, il y a un manque de consensus général quant à la définition de la rente pétrolière (A). Enfin, la notion de syndrome hollandais mérite d'être définie dans un cadre plus exhaustif pour une meilleure appréhension du

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phénomène. Par le biais de l'analyse du syndrome hollandais, il sera examiné la situation dans laquelle le Sénégal va se trouver en tant que bénéficiaire d'une manne pétrolière considérable (B).

Une définition des deux notions serait pertinente, car ces dernières sont liées et ne sauraient être dissociées. Plus précisément, un pays producteur de pétrole ne peut être victime du syndrome hollandais sans une forte dépendance de la rente pétrolière, dont la gestion manquerait de transparence.

A- L'impossible consensus doctrinal sur la notion de rente pétrolière

Tout d'abord, sous un angle purement juridique notamment dans le droit pétrolier, il n'existe aucune définition universelle portant sur la rente pétrolière. Dans le domaine de la science économique, cette dernière « n'a pas réussi à construire une théorie unifiée de la rente et les économistes, lorsqu'ils étudient l'impact de l'exportation d'hydrocarbures sur les économies dites rentières, mobilisent généralement d'autres outils théoriques que celui de rente, exception faite de la théorie de recherche de rentes, laquelle ne concerne justement pas les ressources naturelles »51. Au regard de ce constat, la notion de rente pétrolière manque clairement un cadre théorique sur lequel les économistes peuvent se pencher afin de trouver une définition universelle.

Par conséquent, dans un contexte d'absence de consensus, comment définir la rente pétrolière ? Quels sont les éléments caractéristiques d'une rente pétrolière ?

Dans un sens plus large et général, la rente pétrolière peut être considérée comme la part de production pétrolière que l'État producteur de pétrole gagne après récupération et remboursement des coûts d'investissement52. Une autre partie de la doctrine affirme qu'une des caractéristiques principales de la rente pétrole, porte sur le surplus de la production pétrolière que les compagnies

51 Fatiha Talahite. Le concept de rente appliqué aux économies de la région MENA. Pertinence et dérives. Document de travail du CEPN n°2005-07. 2005.

52 IKAMA, Jean Jacques. Comment partager la rente pétrolière ?: Les enseignements d'une expérience africaine, Éditions Technip, 2013, p.3

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pétrolières versent de manière périodique aux pays producteurs dits « États rentiers »53.

Cependant, une définition plus complète semble être retenue par la doctrine. Plus précisément, « la rente pétrolière est le surplus de revenus pétroliers qui se dégage des recettes pétrolières brutes après déduction des coûts d'investissement et d'exploitation, ainsi que le minimum de marge bénéficiaire, que les investisseurs estiment nécessaires »54.

En d'autres termes, la notion de rente pétrolière présente des caractéristiques qui lui sont propres à savoir le principe de « profit exceptionnel » et le surplus pétrolier qui par ailleurs représente la part réelle du pays producteur après la déduction des coûts d'investissements de la compagnie pétrolière.

La définition de la rente pétrolière permet de faire le lien avec le phénomène du syndrome hollandais. En effet, la rente pétrolière est un élément constitutif du profit exceptionnel qui engendre le syndrome hollandais au sein d'un pays producteur de pétrole. Le profit exceptionnel réalisé par le pays producteur contribue à ce que ce dernier ne fonde son économie que sur les recettes d'exportations tout en délaissant d'autres secteurs économiques prioritaires.

Par conséquent, un lien de cause à effet est à noter entre une forte rente pétrolière et la manifestation du syndrome hollandais dont la notion doit être analysée afin de comprendre son impact dans l'économie d'un pays producteur de pétrole.

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