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Le consensus en droit électoral camerounais


par Rodrigue Stéphane Agathon Ondoa
Université de Douala - Master 2 2017
  

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B- Le recours aux arrangements politiques

Peut-on encore envisager une « stabilité électorale » en Afrique noire indépendamment des accords politiques?350

Cette interrogation qui à première vue paraît surprenante (en raison des solutions

347 SADRY (Benoit), Thèse, op. cit., p.329.

348 SADRY (Benoit), Thèse, op. cit., p.331.

349 SADRY Benoit prévient en effet que « le mécanisme des études d'impact législatif est d'un fonctionnement difficile et peu satisfaisant », tel que cela se dégage du Rapport Mandelkern dressé en 2002.

350 SEVERINE (Bellina), IVAN (Crouzel), DOMINIQUE (Darbon), SALVATORE (Pappalardo), CELINE (Thiriot), Election et risques d'instabilité en Afrique : Quel appui pour les processus électoraux légitimes ?, mai 2014, p.26.

Le consensus en droit électoral camerounais

juridictionnelles existantes) n'est pas pour autant dénuée d'intérêt. En effet, même si ALINE AKA LARMARCHE note une certaine évolution positive du contrôle électoral351, il reste que la pratique contentieuse dans sa tendance générale livre le récit d'une régression qu'on ne saurait ignorer. Pour s'en convaincre, il suffit de se référer à l'exemple ivoirien. Sur ce cas, le juge électoral, proclamant les résultats de l'élection présidentielle de 2000 déclarait à l'issue du débat contentieux qu'« aucune réclamation concernant la régularité du scrutin ou de son dépouillement n'a été présentée à la Chambre constitutionnelle dans les délais requis ; par ailleurs, que l'examen des documents électoraux ne révèle aucune irrégularité de nature à entacher la sincérité du scrutin ». Cette conclusion hasardeuse du juge électoral ivoirien, est-elle, selon le Doyen MELEDJE, l'élément déclencheur de près de 10 ans de crise politique meublée par des coups d'États à répétition et confirmée plu tard par une rébellion armée352. Plus récemment, le traitement de la contestation des résultats de l'élection présidentielle au Gabon en 2016 par le juge constitutionnel n'a pas suffi à calmer les ardeurs du « camp PING », celui-ci ne reconnaissant pas toujours la victoire d'ALI BONGO.

Ces quelques cas d'école qui démontrent l'insuffisance des solutions proposées par la loi ne devraient-ils pas justifier le recours aux arrangements politiques 353 . Bien entendu il est incontestable que le règlement des différends électoraux tout comme la conduite des élections sont déterminés par des règles constitutionnelles qui définissent les paramètres de la concurrence politique354, mais « les expériences récentes relatives aux conflits politiques et à la violence électorale sont le témoignage de l'existence de questions non résolues dans les arrangements constitutionnels »355. Le cas camerounais est certes moins virulent, mais n'est pas à l'abri d'une implosion sociale. Afin d'assurer la conformité des règles du jeu politiques à l'idéal démocratique, il est nécessaire de faire appel quelques fois aux manoeuvres politiques, mieux adaptées à la circonstance pour atténuer les ambiguïtés imposées par la procédure en vigueur.

351 ALINE (Aka Lamarche), op.cit., pp.141-143.

352 MELEDJE (Djedjro Francisco), « Le contentieux électoral en Afrique », op.cit., p.140.

353 D'après le Professeur ATANGANA AMOUGOU, les accords politiques peuvent être entendus comme « des conventions conclues entre des protagonistes d'une crise interne dans le but de la résorber. Leur élaboration, poursuit-il, résulte généralement d'un différend entre le pouvoir et l'opposition qui ne trouvent pas de solution, générant un conflit interne propice à un blocage institutionnel ». Cité par PATERNE (Mambo), « Les rapport entre la constitution et les accords politiques dans les Etats africains (...) », op.cit., p.924.

354 RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE L'UA, op.cit., p.20.

355 RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE L'UA, op.cit., p.20.

Le consensus en droit électoral camerounais

Dans tous les cas, le processus électoral au Cameroun est fortement présidentialisé.

Cette présidentialisation du processus électoral est l'aboutissement d'un mécanisme législatif dominé par une majorité parlementaire et présidentielle qui entend bien assurer son hégémonie au dépend d'une classe qui aurait, selon la formule du député socialiste français ANDRÉ LALGNEL356, le malheur d'avoir juridiquement tort parce qu'étant politiquement minoritaire. Par la suite, il en résulte un désaccord entre les acteurs relativement au contenu des règles de la compétition politique, lequel donne lieu très souvent aux affrontements. Il importe alors par le biais des arrangements politiques, de construire un cadre juridique consensuel pour garantir la sérénité de l'élection.

À ce jour, la plus part des observateurs sont unanimes à l'idée que face à instabilité des sociétés africaines, il faut opposer une négociation politique inclusive. L'avantage des accords politiques lorsqu'ils sont bien négociés est qu'ils remodèlent « le contrat social » tout en dégageant un corpus normatif consensuel à incidence électorale. Cette redéfinition consensuelle des modalités d'accession aux postes électifs induite par les arrangements politiques permettent ainsi d'assoir une base juridique fidèle à l'esprit démocratique. Mais pour mieux comprendre la portée des accords politiques dans les sociétés démocratiques enquête de stabilité, il est nécessaire de garder en esprit le contexte dans lequel ils émergent. En ce sens, le Professeur ATANGANA AMOUGOU 357 enseigne que les arrangements politiques ne peuvent objectivement être compris que dans un contexte marqué par une instabilité politique. Dans ce sillage, l'Afrique subsaharienne engluée dans les crises électorales à répétition, connait une « prolifération des compromis politiques qui, aux yeux du Professeur PATERNE MAMBO, révèle, l'insuffisance des solutions constitutionnelles proposées pour les résoudre »358. C'est donc dire qu'à la base des résolutions des situations conflictuelles se trouvent presque toujours des accords politiques359.

En considérant alors une Afrique marquée par des désaccords constants entre les

356 Cité par ATANGANA (Etienne Joël Louis), Thèse, op.cit., p.200.

357 Cité par PATERNE (Mambo), op.cit., p.924.

358 PATERNE (Mambo), op.cit., p.929.

359 Pour citer quelques cas, on note les accords de Linas-Marcoussis de 2003 qui devaient mettre fin à la crise ivoirienne, les accords d'Arusha de 2000 pour la paix et la réconciliation au Burundi, les résolutions prises par la Conférence épiscopale pour régler le problème de la succession en RDC (2016).

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gouvernants et l'opposition 360 , le Professeur PATERNE MAMBO propose de revisiter la thématique sur les relations entre droit et politique et précisément sur la normativité juridique pénétrée ou rattrapée par la réalité factuelle et politique361. La dialectique ainsi posée ouvre-t-elle des perspectives pour une reconfiguration politique de la société en marge des règles constitutionnelles. Précisément à ce sujet, l'ignorance par ces accords des dispositions constitutionnelles existantes ont fait naître des inquiétudes au sein de la doctrine constitutionnaliste, en ce qu'ils favoriseraient « la déstabilisation de l'ordre constitutionnel »362. Que ces inquiétudes soient fondées ou non, il n'est pas question pour nous de traiter la question du « déclassement » supposé de la normativité constitutionnelle induit par les arrangements politiques, encore moins sur leur valeur juridique363. Le cadre restreint de notre sujet ne permettant pas une telle extension. Qu'à cela ne tienne, nous nous limiterons à présenter « les vertus » de tels accords pour le droit constitutionnel et particulièrement le droit électoral.

Sur ce dernier point, les arrangements politiques auxquels les acteurs ont souvent recours comportent un contenu juridique destiné à pallier les insuffisances et les lacunes de la constitution364. Il y a donc une cohabitation évidente, mais pacifique entre « les conventions politiques » et « les règles constitutionnelles ». Les premières qui s'évertuent de réorganiser le champ normatif des élections en élargissant le plateau des présidentiables seront réitérées plu tard par les règles constitutionnelles. Tels fut par exemple le cas des accords de LINAS-MARCOUSSIS qui avaient posés de nouvelles conditions d'éligibilité à la présidence de la République en Côte d'Ivoire, en permettant au candidat ALASSANE OUATTARA de se présenter à l'élection présidentielle. Il en fut de même pour les accords d'ARUSHA qui, en préparant un nouveau cadre juridique pour les élections, ont imposés au passage de nouvelles institutions dans la République burundaise.

En dépit d'un « déclassement » insoupçonné de la constitution, les rapports entre les arrangements politiques et le droit constitutionnel ne doivent plus seulement être perçu dans leur

360 PATERNE (Mambo), op.cit., p.921.

361 PATERNE (Mambo), op.cit., pp.923-924.

362 PATERNE (Mambo), op.cit., p.934.

363 Voir Pierre Avril, Les conventions de la constitution, Revue française de droit constitutionnel, 1993. Dominique Rousseau, Question de constitution, dans Jean-Claude Colliard et Yves Jegouzo, dir, Le Nouveau constitutionnalisme : Mélange en l'honneur de Gérard Conac, Paris, Economica, 2001. Et Adama Kpodar, « Politique et ordre juridique : les problèmes constitutionnels posés par l'accord de Linas-Marcoussis du 23 janvier 2003 », Revue de la recherche juridique, 2005.

364 PATERNE (Mambo), op.cit., p.921.

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dimension conflictuelle, car, comme PATERNE MAMBO en conclut si bien, ils débouchent inéluctablement sur un enrichissement du texte constitutionnel torpillé jusqu'ici par des vices certains365. La finalité de ce périple politique se justifie par le souci de restaurer les valeurs hautement sacrées de la société démocratique en restituant à la constitution son autorité366. Cet enrichissement du texte constitutionnel aussi bien que la restauration de son autorité a d'ailleurs été reconfirmé par la Cour constitutionnelle burundaise le 5 Mai 2015 à l'occasion de la contestation de la candidature du Président sortant PIERRE NKURUNZIZA. La Cour a affirmé en substance d'une part que : « Attendu que les accords d'Arusha sans être supra constitutionnelle en constituent tout de même le socle surtout dans sa partie relative aux principes constitutionnels ; que celui qui violerait les grands principes constitutionnels de ce dernier ne pourrait prétendre respecter la constitution », et d'autre part que : « Attendu que, bien que comme dit si haut les accords d'Arusha soient le socle de la constitution dans un régime républicain, la gouvernance institutionnelle repose toujours sur la constitution »367.

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365 PATERNE (Mambo), op.cit., p.944.

366 PATERNE (Mambo), op.cit., p.942.

367 ONDOUA (Alain), Cours de Droit constitutionnel approfondi, op.cit.

Le consensus en droit électoral camerounais

CONCLUSION CHAPITRE 2

Il a été question dans ce chapitre d'analyser l'incertitude sur la continuité du consensus.

Loin d'être exhaustive, cette réflexion de base a permis de mettre en exergue la traduction lacunaire du consensus dans le droit électoral existant. Cette situation a motivé l'exploration d'autres pistes afin de garantir le consensus dans le système de production du droit électoral. Delà, les pistes de réflexion empruntées ont débouchées d'une part, sur la réaffirmation du rôle du citoyen et des partis politiques dans le jeu institutionnel de l'État, et d'autre part, sur la greffe des arrangements politiques dans le système de production des lois électorales, gage de l'émergence d'une nouvelle forme de gouvernance électorale.

Nous ne saurons toutefois terminer nos propos sans réitérer les recommandations du Groupe de Sages de l'UA faites aux États membres. En ce sens, « l'Afrique doit, souligne-t-il, faire des efforts concertés pour évoluer, de façon progressive et créative, vers des systèmes électoraux qui élargissent la représentation, reconnaissent la diversité et respectent le principe d'égalité et la règle de la majorité, tout en protégeant les minorités »368.

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368 RAPPORT DU GROUPE DES SAGES DE L'UA, op.cit., p.20.

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