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La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie. La mobilisation et la confrontation de savoirs et pratiques relatifs à  une « espèce emblématique ».

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par Audrey Dupont
Université Aix-Marseille - Master Pro Anthropologie et Métiers du développement durable 2014
  

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I.5. Problématisation à partir des savoirs et des pratiques

I.5.1. Ancrage anthropologique de l'étude : entre anthropologie de la nature et de l'environnement

Mais avant de présenter les thèses que nous soutenons, nous souhaitons mieux définir les concepts que nous utilisons à travers l'exploration des diverses références anthropologiques qui ont guidé notre réflexion. Au début notre stage, nous avons réalisé de nombreuses lectures afin d'obtenir les outils nécessaires pour analyser les représentations et usages de la population relatives au dugong et recueillis durant le travail d'enquête. Pour cela, nous nous sommes autant intéressée à l'anthropologie de la nature, par la lecture de Philippe Descola (2007) et de la lecture critique qu'en fait Claudine Friedberg (2007), qu'à l'anthropologie de l'environnement, notamment aux travaux d'Olivier de Sardan (1995), de Bernard Kalaora (1997), de Juhé-Beaulation et Cormier-Salem (2013), de Sabrina Doyon et Catherine Sabinot (2013), ou encore d'Elsa Faugère (2008). Nous nous situons donc entre ces deux approches complémentaires : quand la première s'occupe de comprendre les représentations et les usages de la nature

26 Créée en 2003.

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DUPONT A, ETHT7, La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie : la mobilisation et la confrontation de savoirs et

pratiques pour la protection d'une espèce « emblématique » menacée

d'un groupe donné, l'autre tente de déterminer l'utilisation de ces savoirs et la mobilisation de la nature ou de l'environnement dans la sphère des politiques de conservation.

Concepts de « Nature » en anthropologie fondamentale

La relation des sociétés à l'environnement naturel et la notion même de « Nature » sont la source de constructions sociales et politiques qui ont connu à travers le temps et connaissent encore aujourd'hui de nombreuses variations. La notion de « nature » et les représentations qui s'y rattachent, mais également celles d'environnement ou de biodiversité qui en découlent, dépendent aussi d'appréhensions et sensibilités différentes selon les individus. Afin de nous permettre de mieux comprendre ces divergences, nous abordons d'abord les analyses du processus de construction de la nature et de ses représentations proposés par l'anthropologue aux théories assez contestées, Philippe Descola (Par delà nature et culture, 2005), que nous avons lu avec recul en nous appuyant notamment sur les analyses de Claudine Friedberg (Par delà le visible, 2007).

Dans un premier temps, dans son ouvrage, Descola étudie la conception (encore actuelle) de la « Nature » se référant à ce qui n'a pas été créé par l'homme, le « non-humain ». Cette vision signe la rupture entre la « nature et l'homme », une opposition couramment étudiée en anthropologie et qui serait le fruit de l'histoire occidentale. Selon lui, elle est à l'origine de la vision du « grand partage » entre « Eux » (les « sauvages » qui ne se distinguent pas de la nature) et « Nous ». Cette affirmation est contestée par Friedberg, qui indique que cette rupture entre l'homme et la nature n'est pas absolue en Occident : ce principe de distinction est difficile à retrouver en Chine, en Inde ou au Japon (Fiedberg, 2007).

Ensuite, Descola (2005) démontre à travers l'analyse de plusieurs exemples que, dans certaines sociétés, les humains et les « non-humains » ne sont pas vu comme des catégories très distinctes, bien au contraire. En effet, avec le cas chez les Achuar, l'auteur avance que « certains peuples conçoivent leur insertion dans l'environnement d'une manière fort différente de la notre. Ils ne se pensent pas comme des collectifs sociaux gérant leurs relations à un écosystème, mais comme de simples composantes d'un ensemble plus vaste au sein duquel aucune discrimination véritable n'est établie entre humains et non-humains ».

A partir de ces principes, il développe une théorie sur les perceptions des rapports entre l'homme et la nature, basés sur les ontologies. Elles sont rapportées dans le tableau de Descola repris par Claudine Friedberg dans son article :

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Nous retenons que la « nature » est une construction sociale qui ne regarde pas les mêmes usages et perceptions selon les groupes sociaux. Il existe plusieurs « manières d'être à la nature » qui varient selon les sociétés à travers un panel large de postures qui oscillent entre une relation de continuité/filiation et/ou de rupture, voire de volonté de maîtrise de la nature par l'homme. Chacune d'elles produit autour de cette notion un ensemble de savoirs, de pratiques, de représentations et de règles sociales qui déterminent comment les individus pensent et interagissent avec leur environnement. De la même manière, les nouveaux paradigmes liés à l'élément naturel imaginés par le « monde occidental » par la création contemporaine de deux concepts, celui d'« environnement » et de « biodiversité », re-déterminent les comportements des personnes vis-à-vis de la nature ainsi que l'approche anthropologique qui tente de les analyser.

Glissement sémantique en Occident : Environnement et Biodiversité

L'élaboration du concept d' « environnement » s'est nourrie en grande partie des contextes sociaux et politiques des années 1960 et 1970 (Kalaora, 1997 ; Aubertin, Boisvert et Vivien, 1998 ; Faugère, 2008), en Europe de l'ouest et aux Etats-Unis. Elle trouve son origine dans le souci de « protection de la nature » des Européens qui, jusqu'aux mouvements de décolonisation, comprenaient la gestion des ressources naturelles en termes d'exploitation, mais aussi de préservation de la beauté naturelle. Cette approche protectionniste excluait l'homme des « espaces protégés », des territoires délimités et administrés par des structures diverses pour préserver la spécificité de ces zones naturelles (Doyon & Sabinot, 2013).

Mais dès la fin du XIXème siècle, les conservationnistes défendaient l'idée que l'homme fait partie intégrante de la nature et qu'en conséquence, il faut l'inclure dans les politiques de protection et l'éduquer au « bon usage de la nature ». Les stratégies protectionnistes et conservationnistes se sont mutuellement rejetées parce qu'elles partaient de prémices différentes, notamment sur l'acception du terme « nature » (Ibidem). Ainsi, le « grand partage » entre nature/culture, qui s'érigeait en modèle occidental de penser le monde et qui était imposé à d'autres civilisations, s'est trouvé quelque peu ébranlé par l'émergence de nouvelles façons d'envisager la nature, notamment en fonction de la sphère politique et économique. La prise de conscience qui accéléra la construction du concept d' « environnement » est marquée par la transformation du sens de la notion de nature, qui passe « du domaine des sentiments à celui de la raison et du politique » (Kalaora, 1997).

Alors que son acception la plus basique se rapporte à tout ce qui entoure un sujet donné, l'« environnement » devient le terme consacré pour désigner l'espace naturel et la diversité biologique. Il intègre autant les espèces animales que végétales mais se rapporte aussi à l'homme, dans son rapport avec cet élément naturel, sans idée d'opposition mais plutôt de relation (Agrech, 2014). La notion est concomitante avec le concept de « biodiversité », mis en exergue lors du Sommet de la Terre à Rio de 1992 avec la création de la Convention sur la diversité biologique (CDB). Ce terme provient de l'expression « diversité biologique » et comprend « l'ensemble des relations entre toutes les composantes du vivant », réparties sur trois niveaux : écosystèmes, espèces et gènes (Aubertin, Boisvert et Vivien, 1998).

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Ainsi, tout comme Elsa Faugère, nous nous situons dans une « anthropologie du « souci de l'environnement » » qui « a suivi l'essor des préoccupations écologiques et environnementales dans les sociétés occidentales au cours des années 1960/1970 » (Faugère, 2008 : 155). Cette dernière est également l'héritière de la diffusion dans les années 1980 de l'idée de « développement durable », qui s'efforce « de répondre aux besoins du présent sans compromettre la capacité des satisfaire ceux des générations futures. » (Rapport dit Brundtland, 1987) suivant le principe des « trois « E » : Économie, Équité, Environnement » (Brunel, 2004 : 5). En ce sens, nous nous intéressons plus précisément à la « transmission de la nature aux générations futures, c'est-à-dire sur une conception de la nature en tant que patrimoine à protéger et à transmettre », telle la définition du concept de « nature-patrimoine » (Vivien, 2001 - cité par Faugère, 2008 : 155).

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