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La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie. La mobilisation et la confrontation de savoirs et pratiques relatifs à  une « espèce emblématique ».

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par Audrey Dupont
Université Aix-Marseille - Master Pro Anthropologie et Métiers du développement durable 2014
  

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Conclusion

Ce mémoire anthropologique a été rédigé à partir d'une expérience de stage en Nouvelle-Calédonie sur l' « évaluation de la place du dugong la société néo-calédonienne », commanditée par les partenaires du Plan d'actions dugong 2010-2015. L'objectif principal de notre développement est de décrire la dynamique des représentations, des savoirs et des pratiques relatives à notre objet d'étude entre deux groupes d'acteurs qui s'affrontent dans ce projet de patrimonialisation - la population locale et les institutions en charge du projet - et ce tout en insistant sur les contradictions internes à ces mêmes catégories non homogènes. Notre postulat de départ était le suivant : tous les savoirs et pratiques sociales sont déterminés et déterminent une certaine appartenance identitaire à une société, une communauté, une entité sociale donnée.

Au sein de la catégorie « population locale », l'opposition entre groupes sociaux la plus rencontrée sur le terrain est celle entre la communauté kanak et les Calédoniens d'origine européenne. Elle est particulièrement révélatrice des conflits socio-ethniques de l'archipel, qui prennent le pas sur de nombreux des sujets touchant cette société, y compris sur la question du dugong et de sa protection. Si nous avons travaillé durant le stage auprès de nombreuses communautés différentes, nous avons choisi d'exposer ici nos analyses sur la relation aux savoirs relatifs au dugong des Kanak et des Calédoniens d'origine européenne car ce sont les seuls groupes à posséder une tradition de la pêche et de la consommation de ce mammifère marin. Dans ce conflit socio-ethnique, la problématique de la conservation du patrimoine culturel reste le monopole de la revendication identitaire mélanésienne puisque l'identité culturelle « caldoche » peine à être reconnue de tous dans la société actuelle néo-calédonienne.

Ces confrontations peuvent aussi se déployer entre la population locale et les membres institutionnels de ce projet de conservation, en s'associant à une opposition entre tradition et savoir dit « scientifique ». Seulement, ces frontières entre savoirs sont moins immuables que présupposé. Par exemple, certains habitants, par leur implication dans les comités de gestion des aires marines protégées mis en place pour préserver les écosystèmes et leurs faunes (donc le dugong dans les aires conservant les herbiers marins), acquièrent de nouvelles compétences pour s'adapter au format-type-projet, au vocabulaire employé par les acteurs institutionnels et donc à leur type de connaissance. A terme, ce transfert de savoirs, notamment sur la biologie du dugong, vers la population locale est un objectif-clef à atteindre pour le plan d'actions, qu'il réalise à travers des campagnes de communication et de sensibilisation.

Par conséquent, notre questionnement s'est également porté sur la place des savoirs locaux dans cette stratégie de conservation à l'échelle territoriale, et dans une moindre mesure, sur le rôle de cette étude dans la politique de conservation lancée par le Plan d'actions dugong. En utilisant d'une certaine manière ces savoirs, les acteurs institutionnels peuvent solliciter la participation et la mobilisation des habitants dans les projets de conservation, inversant ainsi quelque peu le sens de la circulation des connaissances. L'inverse est aussi vrai : en invoquant les « savoirs scientifiques », les populations locales deviennent des interlocuteurs de choix pour les institutions. De fait, notre étude est une occasion pour tous les acteurs impliqués dans la protection du dugong de mieux comprendre les savoirs et perceptions des uns et des autres et de permettre un dialogue plus apaisé et plus équilibré.

Juin 2015 98

DUPONT A, ETHT7, La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie : la mobilisation et la confrontation de savoirs et

pratiques pour la protection d'une espèce « emblématique » menacée

Enfin, l'axe patrimonial sous-entendu dans l'expression « espèce emblématique » se conçoit dans la conjugaison entre « le passé, le présent, le futur » (Bérard et al. 2005 : 30) afin de construire aujourd'hui un avenir en considérant les événements passés. Autrement dit, la reconnaissance du patrimoine a pour vocation de jouer les consensus entre les différents partis, c'est pourquoi il s'agit d'un outil très mobilisé dans la réalisation du « Destin commun ». A ce titre, nous rappelons les propos d'Emmanuel Tjibaou, directeur de l'ADCK, qui résument l'idée de l'articulation entre patrimoine et politique simplement

:

« Le destin commun, c'est la politique quoi ! Qu'est-ce qu'on met à la disposition des autres et qu'est-ce que les autres nous donnent ? Mais pour pouvoir partager avec les autres, il faut se connaître soi-même » (E. Tjibaou, Nouméa, juillet 2014).

Toutefois, certaines questions demeurent concernant la compatibilité entre les objectifs de la conservation environnementale et ceux relatifs au patrimoine culturel. Le milieu de la protection environnementale étant un vecteur de changement social et le garant de la transmission d'une pensée « scientifique », comment concevoir alors que les acteurs environnementaux institutionnels puissent prétendre oeuvrer à la pérennité de savoirs traditionnels en permanent recul ? En effet, ces derniers souhaitent sauvegarder le dugong en invoquant son importance patrimoniale et, en parallèle, ils interdisent sa pêche aux populations locales, mettant ainsi à mal une consommation et une pratique anciennes qui vont sans doute se perdre. Ce paradoxe n'a pas été le sujet principal de ce mémoire mais il pose question et mériterait d'être davantage exploré à travers d'autres lectures anthropologiques.

DUPONT A, ETHT7, La conservation du dugong en Nouvelle-Calédonie : la mobilisation et la confrontation de savoirs et pratiques pour la protection d'une espèce « emblématique » menacée

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