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Pouvoir politique et parenté dans le système Mossi.

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par Ndigue Faye
Université Cheikh Anta Diop de Dakar - Master II 2011
  

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DEUXIEME PARTIE :

DES RAPPORTS ENTRE PARENTE ET POUVOIR

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Chapitre A: La question de la parenté dans le système politique Mossi

Une réflexion philosophique sur des questions relatives à la politique en Afrique traditionnelle en générale et chez les Mossi en particulier, pour être judicieuse, rationnelle et appropriée, ne peut faire l'économie des structures socioculturelles et cultuelles qui, non seulement y apparaissent et régissent les rapports entre pouvoir et parenté au sens générique du terme mais aussi et surtout des enjeux politico-philosophiques et sociaux qui en découlent. En effet, la société africaine traditionnelle a été essentiellement régie sur des mécanismes sociopolitiques édifiants au coeur desquels la systématisation du phénomène parental occupait une place de choix à l'intérieur de la structuration et de l'organisation de la vie sociale et politique.

La tradition culturelle Mossi s'est caractérisée, comme nous le verrons dans les détails, par un système de valeurs et de règles autour de la légitimation et de la légalisation de la structure parentale aussi bien dans les rapports interindividuels que dans ceux avec les instances administratives. A cet effet, la parenté recouvre une dimension autoritaire -relatif à l'autorité- et est élevé au rang de pouvoir, de responsabilité, de puissance. Dés lors le père et/ou la mère n'est plus perçu uniquement comme un géniteur naturel mais comme une entité juridique fondant la structuration sociopolitique et étatique. Il est l'incarnation de l'autorité juridique qui régit l'ensemble des rapports entre les individus descendants de la même lignée biologique, le patriarche et entre les apparentés comme il est le cas ici chez les Mossi. C'est pourquoi, dans la plupart des sociétés traditionnelles africaines, les rapports politiques et sociaux entre les individus sont régis en générale par les systèmes de patrilignage ou de matrilignage, parfois même les deux à la fois.

Il sera donc question dans cette deuxième partie de procéder à une analyse des concepts pouvoir et parenté, de leurs implications et corrélations dans le système politique Mossi et des enjeux sociologiques et philosophico-politiques qui en découlent ou susceptibles de s'en dégager. Ceci permettra, nous semble t-il de stabiliser fondamentalement la question du fondement politique de l'Etat moose et de son système de gouvernance.

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1-Approche définitionnelle

La parenté a fait l'objet de multiples études et publications dont il ne saurait être question, pour nous, d'en analyser l'ensemble ni encore moins d'en délimiter toute l'exégèse interne et externe qui y est faite. Il s'agit ici d'un travail discriminatoire consistant à saisir, non pas l'ensemble conceptuel de la notion mais, les définitions susceptibles de mettre en exergue les enjeux philosophiques de cette «politique de la parenté», en tant que mode de gestion et de transmission du pouvoir chez les Mossi que nous essayons d'examiner dans ce chapitre.

Mais avant, prenons déjà pour acquis que le concept «parenté' peut recouvrir à la fois une dimension privée ne reflétant que les relations familiales où les sentiments, les affects, à l'intérieur desquels les intérêts privés sont très souvent prédominants. Elles sont étroites dans une société occidentale -ne concernant que les rapports père, mère, enfants- et élargies dans une société africaine dans laquelle les rapports sont plus complexes car se référant à la famille élargie. Néanmoins, et c'est là que nous insisterons, elle peut surtout relever d'une instance publique, d'un champ de rapports réglementés, d'un système opératoire transcendant toutes les manifestations passionnelles, affectifs, égoïstes, individualistes ou partisanes. En ce sens il constituait un modèle de gestion du social et du politique pour les sociétés traditionnelles. Et c'est justement de cette dernière dimension dont il est question ici. Il s'agira donc, pour notre sujet, de le confronter à un autre concept, celui d'Etat, lui-même, notion publique et instrument dans l'exercice du pouvoir et la réglementation des affaires sociales.

En tant qu'ossature essentielle dans les sociétés africaines traditionnelles, la parenté constitue un réseau de rapports sociaux et de représentations collectives, un champ sociopolitique dans lequel l'individu ou la personne se définit et se réalise concrètement : « l'homme, c'est sa parenté. » dira un proverbe sérère ; « le remède de l'homme, c'est l'homme. » diront les wolofs. En tant que système, Elle est définie sociologiquement par le Dictionnaire Universel 2010, comme l'ensemble des relations qui, dans toute société, définissent un certain nombre de groupes et de sous-groupes, et déterminent les obligations et les interdictions auxquelles doivent se soumettre leurs membres.

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En ce sens le terme parenté dépasse l'aspect passionnel, l'affect parental- père/mère- à l'égard de la progéniture en se consacrant dans une dimension plus étendue, celle régissant les interactions de la vie sociale et, par extension, de l'Etat comme nous aurons à le constater dans le système Mossi. Elle cadre tout en immobilisant l'individu, en tant qu'unité sociale, dans une organisation sociopolitique régie par des normes et garante de sa liberté, de sa conservation tout en l'attribuant des charges dont il a le devoir et l'obligation de s'acquitter pleinement. La parenté figure, par conséquent, parmi ce que Alassane Ndaw nomme comme les « différents réseaux de rapports sociaux qui enserrent l'individu, déterminent son statut et le constituent essentiellement en élément n'existant que « par » et « pour » les autres ».64

Son élaboration en tant que système de gestion et de garanti de l'existence matérielle-en assurant les problèmes relatifs à la nourriture, à la reproduction, à l'éducation, à la protection contre les potentielles puissances maléfiques et les ennemis- métaphysique- arriver à se concilier, par un ensemble d'acquis culturels et cultuels, avec les divinités et autres forces invisibles- et politique -favoriser une meilleure gestion de l'affectation des fonctions administratives- constitue une réponse face aux contraintes naturelles et une tension à satisfaire son instinct de sociabilité. N'étant pas seulement mu par ses instincts naturels, l'homme s'est toujours trouvé dans l'obligation de s'affirmer pleinement et pour cela à s'affranchir de la pesanteur de la nature par la création de conditions d'existence.

A cet effet, les peuples négro-africains, comme le dira Van EEtvelde, ont « trouvé des manières qui leur sont propres de vivre les dépendances inhérentes à la condition humaine. Les structures participatives que forment les groupes de parenté constituent des cadres de vie qui permettent aux individus de résoudre leurs problèmes fondamentaux ».65 Ces problèmes dont fait montre Van EEtvelde sont relatifs aux mystères de l'existence et leur solution vise le maintien et la pérennisation de la vie sociétale. Comme cadre de vie, la parenté est fondée sur les principes et les exigences de solidarité et de respect mutuels. Elle peut, dans cette perspective, faire allusion, non seulement à un groupe réduit formé par le père, la mère, les enfants, les frères et soeurs, mais aussi et surtout, dans la dimension que nous l'envisageons ici, à un système plus élargi pouvant comprendre tous les descendants d'un ancêtre commun qui, en tant que patriarche fondateur, se conçoit comme la sève nourricière du groupe et de ses traditions multi générationnelles.

64 Ndaw, A. Op.cit.p.174

65 Van EEtvelde. Op Cit. p.36

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Suivant les formes et les cultures coutumières, trop souvent différentes, l'organisation au sein du groupe parental repose sur la satisfaction des besoins vitaux de ses membres et de favoriser l'harmonie et la paix sociale, sa conservation en assurant sa force et sa sécurité. En effet, c'est par le terme lignage que la parenté est exprimée le plus souvent. Le fondant sur une relation génétique et sur un concept social, Van EEtvelde montrera qu'il est organisé et possède un chef ou un aîné. Ainsi, chaque membre en dépend et se rattache, par là, à une ethnie et à une culture déterminés avec des traditions ancestrales.

En ce sens la parenté répondrait donc à un idéal social, le bien commun. L'idée principale ici est que ce but recouvre une dimension morale car se dérogeant à la règle de l'existence subjective, égoïste et individualiste exagérée afin de coïncider avec l'idéal de vie commune. Elle constitue de ce fait une entité sociopolitique, comme nous le constaterons dans la vie gouvernementale Mossi, plus psychologique, sociale et religieuse que biologique car comme le montrera Van EEtvelde, parlant de la superstructure idéologique des peuples africains, l'individuel n'a pas une emprise sur le collectif et la coutume car la vie humaine étant régit de part en part par le social et le religieux.

Ce que l'on peut retenir ici c'est que la personne humaine ne peut être saisie ni appréhendée en dehors de l'armature sociale et des relations interindividuelles qui lui assurent existence et responsabilité, l'assignent des droits et des devoirs. Elle est un être humain structuré socialement ou comme le dirait Aristote un animal politique. Cette perception de la notion de personne dans les civilisations négro-africaines est le corrélat direct de la conception traditionnelle de la vie reposant sur la culture du social, du groupe et de la communauté. Cette conviction quant à la réduction irrémédiable de l'existence de l'homme à la sociabilité procède, non plus d'une dimension singulière exacerbée mais, d'une philosophie plus socialisant qu'individualisant. Celle-ci considère l'autre comme une entité inhérente et nécessaire non seulement à la réalisation et au déploiement du Moi mais, dans une dimension pratique, à l'accomplissement des activités quotidiennes. Comme le dit le proverbe sérère : « tout seul, Ngor ne saurait jamais soulever sa case ».

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Ce recours à l'autre manifeste clairement l'incapacité de et pour l'être humain en tant que microcosme de s'auto-suffire essentiellement et de se déployer surement au travers des rouages de la vie et à l'intérieur d'un univers macrocosmique. L'autre n'est plus conçu ici comme un obstacle à l'existence du Moi, encore moins comme un « enfer » pour l'individu mais apparait comme un frère, un parent ou un proche avec qui le Moi partage l'humanité et entretient des rapports sociaux moraux ou conflictuels. A cet effet, Alassane Ndaw dira que : « le projet du « moi » n'est donc pas de se poser comme entité rigidement structurée, se distinguant totalement d'autrui et s'opposant à lui par essence, mais de se saisir et de se définir par rapport à lui ».66 Comme pour reprendre ce propos d'Alassane Ndaw, Jean Paul Sartre, posant le problème de « l'existence d'autrui » montrera l'inséparabilité du moi et de l'autre et affirmera leur nécessaire interdépendance si l'on se réfère à ces propos : « j'ai besoin d'autrui pour saisir à plein toutes les structures de mon être, le pour-soi renvoie au pour-autrui ».67

Ces deux concepts apparaissent dans l'imaginaire culturelle et dans la réalité sociale négro-africaine comme deux entités distinctes mais inséparables à l'intérieur d'un même tout, d'une seule unité ontologique dont ils procèdent à savoir la cité. Cette dimension unificatrice est, comme nous l'avons dit, fondée sur des bases et des superstructures idéologiques à l'image du système de parenté. Le parent, en Afrique traditionnelle, suppose un bon nombre de significations. Il concerne dans un premier temps l'aspect biologique mettant en évidence le père et la mère pour ensuite épouser une perspective plus élargie en allant jusqu'à toucher l'entourage -ceux avec qui on a établit des alliances à travers le mariage, l'adoption- et la descendance par rapport à un ancêtre commun c'est-à-dire ceux avec qui l'on partage la consanguinité- tribu, caste, ethnie etc.

Ce phénomène de la consanguinité sera une dimension non négligeable pour la compréhension de la parenté chez les Mossi et de son impact dans la gestion souveraine du pouvoir. Ici l'on insistera sur la notion de Père, en tant que concept et dérivé de parent, et de sa perception politique dans la société africaine. Mais avant d'en arriver à cette fonction du Père, posons les fonctionnalités de la parenté dans les fondements des systèmes politiques.

66 Ndaw, Alassane. Op.cit. p.136

67 Sartre, Jean Paul. L'être et le néant. Essai d'ontologie phénoménologique. Edition corrigée avec index par ARLETTE ELKAÏM-SARTRE. Paris : Gallimard, 1943, p.260-261

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Traditionnellement la plupart des Etats dits centralisés procèdent le plus souvent, comme c'est le cas pour les Mossi, d'un rapprochement de deux groupes : l'un guerrier et étranger et l'autre autochtone lesquels se contractent et forment une entité politique. Ainsi tout semble être fondé sur le prestige et la vertu. Doté de ces qualités un chef de groupe peut s'imposer, soumettre les autres et édifier un Etat centré autour de son ethnie. Les différentes ramifications étatiques sont dés lors affectées aux membres de la famille ; ce qui constituerait un système de gestion oligarchique du pouvoir. La descendance dynastique et la naissance deviennent les paramètres de hiérarchisation et d'affectation des fonctions. Dans ces types de système centraliste, l'organisation administrative et sociale se fonde sur une gestion lignagère et parentale aussi bien au niveau du temporel qu'à celui du spirituel. Il s'agirait donc, comme le montre Alassane Ndaw, de sociétés qui tendraient à reproduire le model politique et économique des sociétés occidentales modernes.

Ici l'instauration de lois et de règles constitutionnelles qui garantissent les rapports ont pour fonction de faire prévaloir l'ordre et l'unité sociale. Ce qui semble se rechercher à travers cet établissement de normes c'est la primauté de la volonté générale et de l'intérêt général sur les volontés particulières et individualistes. L'égalité et la justice se justifient au moment où l'intérêt privé est relégué au second rang au profit de la vie publique et l'individualisme passible de sanctions juridiques. Ainsi l'on est parti de la vie familiale pour épouser la vie tribale et clanique avant de se fondre dans l'Etat comme résultat de la fédération des ethnies.

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"Le doute est le commencement de la sagesse"   Aristote