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Prise en charge des toxicomanes aux urgences medicales


par Gaspard MUZAMA FUNZI
Université Paris V - DU Urgences psychiatriques 2016
  

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I.1.2. Les Urgences

Le dictionnaire définit aussi le terme « Urgences » (au pluriel) désignant le « service hospitalier où sont dirigés les blessés et les malades dont l'état nécessite un traitement immédiat ». C'est ce qui correspond au Service d'Accueil des Urgences (SAU).

I.1.3. Toxicomane

Selon le dictionnaire français Larousse, toxicomane signifie « qui souffre de la toxicomanie ». La toxicomanie s'analyse, donc, sous cet angle, comme une habitude de consommer de façon régulière et importante des substances susceptibles d'engendrer un état de dépendance psychique et/ou physique.

La dépendance psychique nous intéresse. En effet, il existe plusieurs façons de décrire les troubles psychiques, correspondant à différents courants de l'histoire de la psychiatrie. A l'heure actuelle, deux classifications internationales des diagnostics psychiatriques sont utilisées :

- Diagnostic Statistical Manual, cinquième version (DSM-V), développé par l'Association américaine de psychiatrie.

Elles proposent une description clinique de syndromes (ensemble de symptômes) mais ne tiennent pas compte de l'origine des symptômes, ni de la personnalité qui les accompagne.

Pour les troubles anxieux, les principaux syndromes décrits dans ces classifications sont les suivants : attaque de panique, trouble panique, trouble anxieux généralisé, troubles phobiques, trouble obsessionnel compulsif.

I.1.4. Situations vécues

· Situation n°1

Je participe en consultation avec un senior tuteur de stage pour l'avant-midi d'un week end, au box de consultation.

Alors que l'Interne de garde nous a déjà transmis, à la salle ou au guichet de l'infirmier de l'accueil et d'orientation, la situation clinique des patients ayant passé des nuits d'observation, l'on se met à l'écoute du patient de 16 ans amené aux urgences par le pompier sur appel de son père.

Dans sa plainte, le jeune homme aurait menacé sa mère avec un couteau, épisode récurent, objectivement pas des idées suicidaires, pas de propos incohérents, pas de dénie. Le jeune homme reconnait le fait et demande de l'aide. En poussant plus profondément au questionnement, l'on s'aperçoit que le jeune homme tabagique 1 paquet pour 3 jours et que, par ailleurs, il affirme être un consommateur occasionnel du cannabis sur un mode à deux ou personnel. La prise de ce cannabis forme résine remontée à l'aval de son agression. Il souligne, au demeurant, que le produit venait d'un autre vendeur inhabituel à ses achats.

. LA CONSULTATION se solde avec accord signé de ses deux parents étant en situation de divorce.

En l'orientant en zone de soins de son environnement (secteur) pour être suivi par le psychiatre du réseau, la menace de sa mère ne se fait qu'à la prise certainement du produit psychoactif, lequel est coupé d'autres produits de synthèse sans que le consommateur ne

s'en soit rendu compte. Car les achats sont informels ; aucune notification claire et nette du produit; de sa composition; ni de la teneur en THC.

Il s'en dégage, donc, un lien de causalité entre la crise dite psychiatrique (comorbidité psychiatrique,) et celle d'une consommation des produits illicites.

Par ailleurs, ainsi que le soulignent Benyamina et alls dans la revue de praticien, le cannabis est devenu la drogue illicite la plus utilisée en France. En effet, plus de 50% des jeunes de 18 ans l'ont essayé.

L'ivresse cannabique apparait dans les minutes qui suivent la consommation et dure environ 3 à 4heures. Elle se caractérise par la présence, à la fois, des signes psychologiques et des signes physiques. Ses effets psychologiques varient d'un individu à l'autre, voire d'une consommation à l'autre chez le même individu.

L'effet du cannabis dépend, non seulement, de sa composition, de la dose et du mode de consommation, mais aussi, en grande partie, de l'humeur du consommateur, de ses attentes et du contexte.

Le tableau clinique est marqué brutalement par un polymorphisme important où l'on trouve un état délirant de mécanismes multiples (en général hallucinatoire ou interprétatif), avec souvent des thèmes mystiques ou persécutoires. L'humeur est plutôt exaltée et la présence d'angoisse massive peut faire redouter un passage à l'acte auto agressif et/ou heteroagressif. Telle a été la situation du jeune patient évoqué ci-haut.

La littérature nous dit que ces épisodes psychotiques régressent spontanément en quelques semaines. Toutefois la persistance d'un vécu délirant fait évoquer le diagnostic d'une entrée dans la schizophrénie et, donc, dans la classification des cas, le codage est signé en diagnostic de sortie d'un trouble schizophrénie.

De nouveau au guichet d'accueil, nous prenons connaissance de la situation 2 du jour: j'en profite pour assister à l'entretien de l'infirmier d'accueil et d'orientation sur accord du patient bien entendu en me présentant sur ma casquette de stagiaire.

Il s'agit d'un patient, âgé d'une trentaine d'années, de profession moniteur sportif, venant au SAU pour des hallucinations auditives et sensations de dévalorisation (se détester). Il est en manque de confiance en soi.

Cette situation s'est installée en lui depuis une année à la suite (au décours) d'une lecture d'un ouvrage à la recherche de spiritualité. Il nous dira que cet ouvrage lui démontrait que lui était rien, tout ce qu'il fait sur terre est vain et que lui n'était qu'un être zéro.

Dans la quête de solution à sa situation, il tombera sur un autre ouvrage qui soulagera tant soi peu sa souffrance morale. Malgré cela, il s'est installé en lui une recrudescence permanente des idées de se dénigrer. Hormis toutes ces plaintes, il est tabagique et usager des stupéfiants festifs de type cannabis et, de fois, cocaïne et/ou héroïne.

Quant à son histoire familiale, il nous renseigne que ses parents divorcés depuis qu'il était au collège. Il aurait une grande soeur et un petit frère présents et proches de lui. Il nous affirma qu'il avait consulté un psychiatre des urgences sans trouver une solution adéquate à sa situation. Aussi, le patient nomadise la recherche de soins alors que, dans ces antécédents, il a eu un suivi auprès d'un psychiatre libéral et que le rendez-vous projeté dans les deux mois qui suivront ainsi que le compte-rendu de son passage aux urgences psychiatriques qui précédait notre consultation, établissait un bilan bio somatique et ne démontrait aucun problème d'ordre biologique ni somatique. Au demeurant, je signale que la recherche des toxiques n'a pas été réalisée sur ce patient.

Avec le senior, ce patient sera orienté au centre de proximité pour la suite de la prise en charge psychiatrique. L'accoutrement du coach sportif, ses barbes longues, genre prophétiques, attirèrent mon attention si bien que je le situai parmi les patients jouissant d'une comorbidité psychiatrique dont l'origine semble être la consommation des stupéfiants.

L'entretien avec le patient, ainsi que l'indique MJ GUEDJ1, est au centre de cette évaluation. En effet, comme pour tout premier entretien, il est généralement souhaitable de laisser le patient exprimer librement sa demande (modèle vécu lors des consultations au CPOA), son contenu et son contexte. Les questions du genre : « Pourquoi ici ? Pourquoi maintenant ? » doivent être explicitées.

Aussi, avons-nous remarqué que ce patient serait passé par une autre consultation dans une autre urgence psychiatrique à moins de 24heures et s'est présenté à nous pour solliciter, de nouveau, une autre consultation au CPOA.

1 MJ GUEDJ : « les urgences psychiatriques », édition 2008, P.38

Sept jours plus tard, de nouveau affecté en stage dans un autre service des urgences psychiatriques au même poste, au box de consultation, nous recevons, le senior et moi,

Dans ce cas, nous affirmons avec Mme GUEDJ qu'une erreur fréquente est d'assimiler le contenu de la demande aux plaintes du patient et ou de son entourage. Le cas échéant, notre patient est venu seul à la recherche de solution à son problème de santé mentale.

Ainsi que le note l'auteur précitée, cette demande comporte aussi des attentes, souvent utiles dans la hiérarchisation des troubles comorbides. À ce titre, une des premières questions posées par le clinicien devrait être : « qu'attendez-vous de cette consultation ? », ce qui a été fait par le senior, secondairement, l'entretien est plus directif et chaque hypothèse diagnostique soulevée par la situation doit être explorée et, enfin, il faut rechercher systématiquement les antécédents personnels et familiaux ainsi que une comorbidité additive.

Dans ce cas clinique vécu, tous les éléments rentrent en ligne de compte. Cependant, la notion de consommation des stupéfiants n'y a pas trouvé sa place et n'a pu être ni traitée ni discuter pour en dégager une éventuelle orientation addictologique.

Nous faisons, donc, nôtres les affirmations de Mme GUEDJ sur les conduites à tenir face aux patients poly-consommateurs des stupéfiants. En effet, lorsque l'on se trouve en présence de ce genre de patient, il est nécessaire, de prime abord, de tenir compte de la souffrance et du respect dont le patient se sent l'objet car ils constituent les socles de l'alliance thérapeutique ultérieure.

Il en découle qu'en premier lieu, l'on devra évaluer les risques consécutifs à une intoxication, une overdose et un sevrage et, en second lieu, évaluer la distance d'un risque immédiat pour une demande de sevrage en urgence ou une demande de prescription de traitement substitutif.

Par la suite, l'évaluation portera sur le risque de l'automédication, l'abus, d'intoxication en cas de prescription médicamenteuse immédiate, la perturbation du parcours de soins et de la prise en charge actuelle, les possibilités de surveillance médicale aux urgences et, enfin, il y a lieu de dépister les troubles en rapport avec la pathologie psychiatrique.

· Situation n°2.

Monsieur x, patient, sans domicile fixe, âgé de 18 ans, amené par les pompiers pour tentative de suicide, certainement, médicamenteuse.

Il se plaignait, selon ses dires, de douleurs abdominales depuis plusieurs jours. En effet, alors qu'il venait d'être inscrit dans un service de soins et d'accompagnement de personnes à usage des produits illicites et, à peine entré dans le box de consultation, ce patient, selon toute vraisemblance, sous l'emprise d'un état alcoolique, insulte toutes les personnes aux alentours : pompiers, aide soignants, infirmiers...

L'infirmier d'accueil et d'orientation tente, tout de même, de procéder au recueil de données et lui pose une série de questions sur les motifs de sa venue par l'intermédiaire des pompiers aux urgences, ses antécédents et allergies ...

Ce patient, qui, au départ, s'est illustré par des insultes, se tut et refusa de répondre au questionnement. L'infirmier diplômé d'Etat lui explique qu'il va devoir prendre ses constantes. Tremblotant, le patient réclame à manger et dit qu'il a froid. Effectivement, il frissonne et il a la chair de poule. Il sembla plus calme et coopératif. L'infirmier, diplômé d'Etat, s'approcha de lui pour prélever les signes vitaux. Aussitôt, il s'aperçut que son haleine alcoolique parfume le rayon de prise de signes vitaux.

Il s'ensuit qu'au vu de ce patient, tous les symptômes pré delirium tremens saute à mes yeux. A l'examen, le patient lâchera la vérité en affirmant qu'il aurait consommé du valium et 2.5 litres de l'alcool et sniffée du crack pour en finir avec sa vie.

Ce patient, qui se retrouve en urgences psychiatriques, a bénéficié d'un bilan biologique et somatique si bien que le dégrisement s'est bien passé. Le delirium tremens est pris en charge par deux équipes (urgence médicale et urgence psychiatrique) qui ont la rémission du problème somatique. Une orientation par l'équipe de psychiatrique tentera une hospitalisation, sous contrainte, dans un centre médico-psychiatrique de proximité de son secteur.

Pendant que l'équipe médicale s'occupait de dégrisement, on nous apporta une jeune fille 19 ans, étudiante en arts, dont les parents sont divorcés et résident à Lyon. Elle est amenée aussi par les pompiers suite à un appel de la gouvernante de la résidence estudiante, car elle est partie la voir pour lui dire qu'elle n'allait pas bien sans pourtant autant lui signifier qu'elle venait de consommer du cannabis et qu'aussitôt, elle a eu une crise d'angoisse, une crise de panique.

2. GUEDJ, op.cit, P.39

Après l'avoir questionnée, je lui ai fait. Elle ne voulait pas raconter son expérience de consommation du cannabis mais commença par parler du décès d'un proche car elle est issue d'une fratrie de deux enfants dans une famille en éclosion. Elle me raconta que son frère ainé est mort au cours d'un accident de trafic routier, que ses parents étaient en processus de divorce et que chacun vit chez lui. Elle jugeait bon de quitter sa province natale pour venir effectuer ses études des arts de scènes sur Paris.

La crise d'angoisse pour laquelle elle est admise aux urgences psychiatriques surgit à sa seconde consommation du cannabis dans un seul but de palier sinon d'oublier le quotidien de sa vie et, surtout, d'effacer l'image de décès de son unique frère, mort il y a à peine une année.

Après le bilan somatique standard et correction hydrique parentérale, il s'avéra qu'elle n'avait aucune personne de proximité à interpeller, les parents résidant à Lyon. Ne pouvant faire déplacer les parents de Lyon à Paris, nous tentâmes de leur téléphoner pour prendre une décision finale d'orientation de soins mais les contacts téléphoniques des deux parents étaient improductifs.

Face à cette situation, le médecin senior décida de l'orienter vers le médecin scolaire pour le suivi.

Choix des situations.

J'ai choisi ces deux groupes de situations car on y retrouve des éléments assez significatifs de consommation des produits psychoactifs et que l' on rencontre fréquemment dans les services d'Urgences psychiatriques et /ou les services urgences médico-chirurgicales.

Dans la situation n°1, l'on y aperçoit un aspect très récurent des services d'urgences : La moindre méconnaissance des patients au profil des usagers des produits psychoactifs fait qu'on rate la prise en charge de ces patients si on ne cherche pas les toxiques urinaires. Une simple bandelette orientera à moitié l'examinateur dans la prise de décisions, ce qui constitue une approche nette psychiatrique et addicte.

Au demeurant, en raison de leur prévalence, la dépendance et l'abus de cannabis doivent être recherchés systématiquement, affirme Mme GUEDJ2 et plus particulièrement chez les adolescents car, chez, les jeunes adultes se pose le problème diagnostic différentiel entre le syndrome dépressif et le syndrome amotivationnel.

Ce dernier comporte un déclin scolaire, une aboulie et une anhedonie dont l'intensité peut en imposer pour une authentique dépression si bien qu'en l'absence de demande explicite du patient, il faut saisir l'opportunité offerte par la consultation d'urgence pour dépister une dépendance ou un abus de cannabis. L'instauration d'une dimension médicale dénuée de jugement moral permet parfois d'ébaucher une alliance thérapeutique. Enfin si le diagnostic différentiel est prioritaire, il ne faut pas négliger le diagnostic comorbidité d'un trouble de l'humeur évoluant pour son propre compte.

Dans la situation n°2, l'on rencontre un cas où la communication entre le soignant et le soigné semble impossible au départ, car le patient, en état d'ébriété, n'est pas en mesure de comprendre la teneur du message envoyé par l'IDE. Mais il finit par coopérer pour bénéficier des soins.

Il s'ensuit, donc, à notre avis, que la précipitation de diagnostiquer conduit très souvent à des erreurs de décision de prise en charge. Cependant, le calme ainsi que le temps accordé et engagé pour chaque patient peut entrainer la prise de bonnes décisions en faveur de ce dernier. D'où, il en découlera une prise en charge complète et authentique.

Aussi, paraît-il intéressant qu'en tant que futur prestataire des urgences

psychiatriques, il est impérieux de comprendre plus précisément les causes de la crise psychiatrique fréquente au SAU.

Voilà la manière que peut impacter la relation soignante et soigné en psychiatrie en vue d'adapter la prise en charge de ce dernier.

Il découle de ces deux cas cliniques (situations vécues) en comparaison à la littérature scientifique et en se fondant sur les cours dispensés par Dr DERVAUX, qu'il y a lieu de retenir les leçons suivantes :

- Les troubles de la personnalité arrivent assez fréquemment chez les patients avec addictions +++

Epidemiologic Catchment Area Study (ECA) en population générale américaine

- 14% des sujets alcoolodépendants - 15% des sujets dépendants au cannabis - 37% des sujets dépendants aux opiaçés - 43% des cocaïnomanes

Contre 3% en population générale américaine [Regier et al 1990] et 0,7% dans une étude européenne [Torgersen et al 2001].

A cet égard, Madame Guedj3 précise, en revanche, que l'association d'un trouble de personnalité à un autre trouble psychiatrique justifiant la consultation constitue l'une des situations les plus fréquemment rencontrées en termes de comorbidité.

Il s'ensuit que, quand le diagnostic d'un trouble de personnalité est évoqué en urgence, il est pertinent de privilégier le diagnostic comorbide par rapport au diagnostic différentiel pour éviter de scotomise, un pan important de la psychopathologie. Ce principe est d'ailleurs implicite dans les classifications internationales où il est proposé de répertorier les troubles de personnalité sur un axe indépendant.

CHAPITRE 2 : LA PROBLEMATIQUE DE LA TOXICOMANIE 2.1. La toxicomanie.

La toxicomanie est un phénomène multidimensionnel de nature biopsychosociale4. Cette problématique a tellement des conséquences pour le sujet lui-même, entre autres, pour sa santé et pour ses proches, qu'on pense aux difficultés conjugales. Ses conséquences se font également sentir à l'égard de l'ensemble de la société, notamment, par les comportements à risque, tels que la conduite en état d'ébriété.

La consommation des substances psychoactives peut varier au cours de la vie d'un sujet depuis l'abstinence à la dépendance, en passant par divers modes de consommation socialement acceptés ou abusifs.

Pour être considérée comme un trouble mental, la consommation doit se manifester en un mode de consommation pathologique répondant à certains critères.

Les critères de l'OMS (1992)5 et de l'APA (1994)6 pour déterminer la présence d'un trouble lié à une substance psychoactive se regroupent autour des dimensions suivantes :

- importance de plus en plus marquée de la consommation dans la vie du sujet; sentiment subjectif de perte de contrôle de la consommation; apparition et maintien de comportements inadaptés ou dangereux; abandon ou négligence d'activités sociales, professionnelles ou récréatives dus à la consommation; apparition d'indices de tolérance aux effets du produit ou de symptômes de sevrage lors de périodes d'arrêt de la consommation.

L'APA reconnaît deux types de troubles liés aux substances psychoactives, à savoir les troubles d'abus ou de dépendance. Ces troubles, répertoriés à l'axe I du DSM-IV, sont décrits selon une classification par prototype.

Les troubles de la personnalité ont une prévalence marquée dans la population

3. GUEDJ, op.cit, P.40

4. CORMIER, 1984

5. OMS, ,
6 APA,

toxicomane.

Ainsi, comme l'indique le tableau 2, lorsque les critères diagnostiques du DSM-III sont utilisés, la proportion de sujets présentant au moins un trouble de la personnalité varie de 53% à 100% dans des échantillons présentant un trouble lié aux substances psychoactives (Calsyn et Saxon, 1990; Craig, 1988; Craig et Olson, 1990; Dougherty et Lesswing, 1989; Khantzian et Treece, 1985; Koenigsberg, Kaplan, Gilmore et Cooper, 1985; Marsh, Stile, Stoughton et Trout-Landen, 1988; Weiss, Mirin, Michael et Sollogub, 1986).

Les critères de l'OMS sont plus stricts que ceux de l'APA et identifient moins fréquemment des troubles de la personnalité (Hesselbrock, Stabenau, Hesselbrock, Mirkin et Meyer, 1982).

En utilisant ces critères, Glass et Jackson (1988) soulignent que seulement 24% (en 1970-72) et 12% (en 1979-81) des patients d'un hôpital de Londres présentaient une comorbidité «alcoolisme»/troubles de la personnalité. Par contre, ces sujets constituaient la plus grande proportion des patients présentant un diagnostic double, soit 55% (en 1970-72) et 32% (en 1979-81).

Dans l'ensemble de la documentation, les troubles les plus souvent identifiés en parallèle à la toxicomanie sont les troubles de la personnalité antisociale, limite, narcissique et dépendante. Toutefois, l'ensemble des troubles se retrouvent dans cette population.

Il s'ensuit qu'on peut donc affirmer avec certitude que les troubles de la personnalité apparaissent de façon commune et diversifiée dans le tableau clinique des troubles liés aux substances psychoactives.

Par ailleurs, le trouble de la personnalité antisociale a reçu une attention particulière puisqu'il constitue le trouble dont la prévalence est la plus élevée et qu'il est le seul trouble de la personnalité évalué à l'aide du Diagnostic Interview Schedule (DIS, Robins, Helzer, Croughan et Ratcliff, 1981)7, une entrevue semi-structurée utilisée dans de nombreuses études.

Comme l'indique le tableau 3, les taux de prévalence du trouble de la personnalité antisociale, évalués selon les critères du DSM-III ou du DSM-III-R dans des échantillons ou sous-échantillons de sujets traités pour trouble lié à l'alcool, varient de 10 % à 53 % (Dawes, Frank et Rost,1993; Helzer et Pryzbeck, 1988, Hesselbrock, Meyer et Keener,1985; Ross, Glaser et Stiasny, 1988).

Pour sa part, Craig (1988) cite sept études qui indiquent un taux variant de 22 % à 50% lorsque le MMPI est utilisé.

Dans la population générale, les données de l'enquête épidémiologique multisite du Epidemiological Catchment Area (Myers et coll., 1984) utilisant le DIS indiquent que 14 % des personnes ayant un trouble lié à l'alcool ont aussi un trouble de la personnalité antisociale de même que 18 % des personnes ayant un trouble lié aux drogues illicites. La probabilité de présenter un diagnostic de trouble de la personnalité antisociale est multipliée par quatre chez les hommes et par douze chez les femmes si un diagnostic de trouble lié à l'alcool est présent (Helzer et Pryzbeck, 1988).

2.2. La survenue de la toxicomanie.

A cet égard, il importe de mentionner qu'un trouble de la personnalité se développe

7 DIS, Robins, Helzer, Croughan et Ratcliff, 1981

dans l'enfance ou l'adolescence et se maintient dans la vie adulte alors que la toxicomanie apparaît souvent à l'âge adulte.

En examinant l'histoire de vie d'un sujet, il est possible de déterminer l'antériorité d'un trouble par rapport à l'autre, c'est-à-dire, d'identifier quel trouble est apparu le premier. Schuckit (1979)8 rappelle que, dans les cas de comorbidité, il est important, pour l'élaboration du plan de traitement et pour l'intervention, elle-même, d'identifier quel trouble est apparu en premier. En d'autres termes, il faut identifier le trouble primaire.

Il importe de savoir, qu'un trouble de la personnalité peut être primaire par rapport à une toxicomanie; une toxicomanie peut être primaire par rapport au développement d'une désorganisation de la personnalité imitant un trouble de la personnalité ou les deux troubles peuvent apparaître de façon simultanée dans le développement du sujet.

En effet, s'il s'avère que les signes de troubles de la personnalité apparaissent présents avant la toxicomanie, l'on doit examiner la manière dont la dépendance s'inscrit à l'intérieur des manifestations du trouble de la personnalité. Une hypothèse serait alors que la toxicomanie est un symptôme du trouble de la personnalité.

Si tel est le cas, on peut s'attendre à une série de rechutes tant que le trouble de la personnalité, qui est à l'origine de la toxicomanie, ne sera pas traité (Brown, 1992)9.

En revanche, si la toxicomanie est apparue avant les premiers signes de désorganisation de la personnalité, une hypothèse serait alors que cette désorganisation est une conséquence du développement d'un mode de consommation pathologique.

Si tel est le cas, il est probable que les signes de désorganisation disparaîtront ou diminueront de façon significative avec l'arrêt de la consommation (Penick et coll.,1990).

Toutefois, il faut se rappeler que l'arrêt de consommation n'est pas synonyme d'intégration sociale (Luthar, Glick, Zigler et Rounsaville, 1993). C'est dans cette optique que l'axe V fut intégré à l'évaluation multiaxiale du DSM-III et de ces successeurs.

Le niveau de fonctionnement optimal manifesté par un sujet avant l'apparition d'un trouble lié à une substance psychoactive indique le niveau de fonctionnement auquel on peut s'attendre suite à l'arrêt de la consommation.

Si le sujet présentait un fonctionnement carencé avant le développement du trouble, alors une intervention axée spécifiquement sur ces carences devra être envisagée.

Monti, Abrams, Kadden et Cooney (1988) ont développé un programme d'apprentissage des habiletés sociales spécifiquement conçu pour les besoins des sujets présentant un trouble lié à une substance psychoactive.

De ce programme, il apparait que, si le trouble de la personnalité et la toxicomanie furent tous deux partie intégrante du développement du sujet, il sera alors d'autant plus difficile de départager ce qui est une conséquence ou une manifestation de l'un ou de l'autre dans les difficultés que présente le sujet. L'intervention devra tenir compte de l'interaction quasi inextricable de ces deux troubles.

La recherche d'une cause commune dans la socialisation ou dans les caractéristiques psychologiques du sujet sera alors l'avenue d'exploration vraisemblablement la plus profitable.

Une difficulté dans la régulation de l'humeur, une identification à des normes sociales

8 Schuckit,....., 1979, P....

9 Brown,...., 1992, P....

déviantes ou même une vulnérabilité biologique rendant un sujet particulièrement sensible au stress sont les causes communes les plus souvent citées comme pouvant entraîner le développement parallèle d'un t

A la seconde question ayant pour objet la fonction de la consommation dans la vie du sujet, il faut rappeler qu'un grand nombre de sujets ont recours à des substances psycho-actives afin de «régler des problèmes».

Dans l'étude de cas de Southwick et Satel (1990) précédemment mentionnée, le sujet C. consommait de l'alcool ou de l'héroïne parce que cette consommation avait sur lui un effet sédatif qui lui permettait d'éviter de réagir de façon violente lorsqu'il était contrarié. C. présentait un diagnostic de troubles de la personnalité limite.

Dans le cas de Danny décrit par O'Malley, Kosten et Renner (1990), la consommation de cocaïne lui permettait d'avoir l'énergie et la confiance en lui, nécessaires à la réalisation des objectifs exigeants qu'il s'était fixés. Danny présentait un diagnostic de trouble de la personnalité narcissique.

Dans ces deux cas, l'identification de la fonction de la consommation a donné un point de départ à l'intervention ainsi que des indices quant à la nature de l'interaction entre le trouble de la personnalité sous-jacent et le trouble lié à une substance psychoactive.

Par ailleurs, de nombreuses grilles d'auto-observation de la consommation permettent aux cliniciens d'identifier la fonction de la consommation chez un sujet (Sanchez-Craig, 1984, Marlatt et Gordon, 1985).

S'agissant de la troisième question qui explore les pressions du milieu d'identification du sujet face à la consommation et à l'abstinence, il faut garder en mémoire que si la toxicomanie peut trouver sa source dans la vie intra-personnelle d'un sujet, celle-ci peut également être renforcée par le milieu rouble de la personnalité et de la toxicomanie (Sher et Trull, 1994), le social dans lequel ce sujet est ancré.

En effet, dans certains milieux, la prise d'alcool ou de produits illicites est un facteur d'identification et de statut.

Il en découle que, pour un sujet provenant d'un tel milieu, prôner les vertus de l'abstinence peut entraîner une confrontation du sujet avec ses pairs au sujet de la consommation.

Il devient alors important d'explorer les implications de la consommation et de l'abstinence en relation à l'identité sociale du sujet. Une référence à des groupes de soutien, tels les Alcooliques anonymes ou autres, permettra aux sujets de tisser un nouveau réseau social où la consommation ne sera pas un facteur d'acceptation (Nace, 1990).

Finalement, un grand nombre de chercheurs s'entendent sur la nécessité d'intervenir spécifiquement en regard du trouble lié à une substance psychoactive dès que celui-ci est identifié (Blume, 1989; Nace, 1990; O'Malley, Kosten et Renner, 1990; Southwick et Satel, 1990), y compris les auteurs qui perçoivent la toxicomanie comme le symptôme d'une carence sous-jacente de la personnalité (Brown, 1992).

Un trouble lié à une substance psychoactive est, en effet, un facteur qui complique le traitement des troubles concomitants (O'Malley, Kosten et Renner, 1990).

D'ailleurs, certains auteurs considèrent qu'un traitement axé sur la toxicomanie constitue une bonne préparation au traitement d'un trouble de la personnalité.

Un trouble de la personnalité étant égo-syntonique, en accord avec la personnalité, les sujets sont souvent peu enclins ou trouvent difficile d'aborder la question de leur personnalité puisque celle-ci ne leur apparaît pas comme problématique.

Southwick et Satel (1990) estiment qu'aborder la consommation et les problèmes qu'elle entraîne constitue un bon moyen d'avoir accès au vécu émotionnel de ces sujets. Ces auteurs ajoutent de plus que travailler un comportement que les sujets reconnaissent eux-mêmes comme problématique permet de créer un lien thérapeutique. Nace (1990), quant à lui, rappelle que certaines caractéristiques de la plupart des programmes de traitement de la toxicomanie correspondent aux premières étapes d'un traitement pour trouble de la personnalité. Celui-ci mentionne la structure de l'environnement de traitement, l'accent sur l'expression des émotions plutôt que sur leur évitement de même que l'examen du mode d'interaction interpersonnel.

Au surplus, si un traitement de la toxicomanie ne peut être suffisant pour éliminer la présence d'un trouble de la personnalité concomitant, l'inverse est également vrai. En effet, un traitement pour trouble de la personnalité ne peut être suffisant pour éliminer la présence d'une toxicomanie.

Afin de pallier cet état de fait, une meilleure coordination des programmes axés vers le traitement de l'un ou de l'autre de ces troubles ne peut être qu'encouragée.

Il en découle, donc, que la problématique de la comorbidité trouble de la personnalité/toxicomanie comporte un intérêt particulier.

En effet, les troubles de la personnalité sont présents de façon fréquente et diversifiée dans le profil de sujets ayant également un trouble lié à une substance psychoactive.

Les positions suggérées au sujet du lien unissant les troubles de l'axe I aux troubles de l'axe II s'appliquent également au lien trouble de la personnalité/toxicomanie. L'une ou l'autre de ces positions sont appropriées dans certains cas, alors qu'elles ne le sont pas dans d'autres.

Toutefois, certaines questions peuvent aider les évaluateurs ou les cliniciens dans l'identification du lien à l'oeuvre chez un sujet cible : A titre illustratif, Quand la toxicomanie est-elle apparue dans le développement du sujet? Quelle est la fonction de la consommation dans la vie du sujet? Est-ce que la consommation s'inscrit à l'intérieur des normes sociales du milieu d'identification de l'individu? L'examen de ces questions permet aux chercheurs comme aux intervenants de se situer quant à l'importance relative de la toxicomanie et du trouble de la personnalité.

Par ailleurs, plusieurs auteurs recommandent une intervention spécifique axée sur la toxicomanie dès qu'un tel trouble est identifié. En effet, la toxicomanie complique le traitement des troubles concomitants et une telle intervention constitue la première étape du traitement d'un trouble de la personnalité.

De plus, il peut y avoir une contradiction dans les termes. La crise semble parfois même être un mode de gestion. Ainsi, peut-on lire dans un rapport français de 2006 que:

L'on peut, donc, en définitive, affirmer que l'optimisation de l'efficacité des interventions auprès des sujets présentant une comorbidité trouble de la personnalité/toxicomanie dépend de la coordination des programmes offrant des services spécifiques pour ces problématiques.

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"Enrichissons-nous de nos différences mutuelles "   Paul Valery