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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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4.2 Les pratiques administratives orientées vers la lutte contre le TIM

L'entrée, le séjour et le transit des étrangers en territoire nigérien sont régis par plusieurs textes nationaux et internationaux. Il s'agit de l'ordonnance 81 et la loi 2015-36 et des textes communautaires sur la libre circulation des personnes et des biens de l'UEMOA, de la CEDEAO et de la CENSAD.

Les ressortissants de la CEDEAO doivent justifier d'une carte d'identité valide et d'un carnet de vaccination pour entrer au Niger. Ainsi, les citoyens de cet espace n'ont pas besoin de visa pour entrer au Niger. Dans la pratique ceux dont les pièces ne sont pas à jour doivent payer une amende forfaitaire variant de 1500 à 2000 FCFA. Cette somme en principe est reversée au trésor national. La traversée de la frontière est donc largement à la portée de ces citoyens. Toutefois, il faut noter une tendance à l'abus des forces de sécurité, comme en témoignent les entretiens

28 http://news.aniamey.com/h/89327.html

29 https://www.niameyetles2jours.com/la-gestion-publique/securite/1801-3366-le-gar-si-une-nouvelle-unite-

mise-en-place-au-niger-pour-lutter-contre-le-terrorisme-et-le-crime-or

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auprès des migrants. Les migrants peuvent se voir exiger une somme de 10 000 FCFA à plus pour traverser la frontière, de façon totalement arbitraire.

Une autre pratique en cours aux frontières est la facilité de passer la frontière accordée aux populations transfrontalières. Ainsi, entre la ville frontalière de N'Guigmi et le Tchad, les Nigériens doivent justifier d'un sauf-conduit délivré gratuitement par la préfecture et de 3 000FCFA pour la mairie pour passer la frontière. Au retour, les Tchadiens doivent justifier de la même pièce. À Gaya à la frontière avec le Bénin il n'est quasiment pas exigé de documents pour les échanges entre Gaya et Malanville. Il existe donc une pratique de tolérance vis-à-vis de la mobilité des communautés frontalières sans que cela ne puisse faire l'objet d'un document officiel entre les pays concernés.

Mais depuis que le Niger s'est engagé aux côtés de l'UE dans la répression de la migration irrégulière de transit sur son territoire, de nombreux changements sont observés au niveau des pratiques administratives en lien avec la gestion de la migration aux frontières. Ainsi, il est mentionné des pratiques comme le refoulement, la reconduite à la frontière, les expulsions et le référencement pour la demande d'asile.

4.2.1 Refouler pour prévenir la migration irrégulière

Dans le cadre de cette thèse, est considérée comme refoulement le refus de l'accès au territoire d'un pays au niveau des postes frontaliers pour des raisons diverses dont la plus fréquente est le défaut de document de voyage, à une personne ou un groupe de personnes. Cette pratique même si elle date de longtemps aux frontières du Niger, a pris de l'ampleur avec l'application de la loi 2015-36. En vertu de cette loi, instruction ferme est donnée aux agents frontaliers de refuser l'accès au territoire aux personnes n'ayant pas de documents valides. Or, ces personnes qui transitent par le Niger pour l'Afrique du Nord sont en majorité des ressortissants des pays membres de la CEDEAO qui bénéficient de facilités de circulation. L'injonction de l'UE a donc abouti à la fin de la flexibilité pour l'accès au territoire des citoyens de l'espace communautaire. On passe donc d'un partenariat intra africain pour la mobilité des ressortissants à un partenariat Nigéro-Européen de blocage des migrants. En effet, le rapport bilan des activités de migration souligne qu'en 2017 « Les refoulements aux frontières ont concerné quinze mille quarante-cinq (15.045) personnes de différentes nationalités. Cette mesure a été appliquée systématiquement à toute personne non pourvue de documents de voyage ; » (Danda, 2018).

Dans le cadre de la coopération UE-Niger dans le champ de la migration, le refoulement apparait comme une pratique administrative visant à réduire dès les frontières sud les flux de

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migrants qui pourraient transiter par le Niger et vers l'Afrique du Nord. Ces personnes sont donc éloignées par la privation de l'accès au territoire nigérien. Elles sont ramenées au poste frontalier du pays voisin. Le refoulement ne distingue pas dans la pratique le migrant ordinaire, le migrant économique et celui qui peut prétendre à la protection internationale. Le refoulement est une pratique que préfèrent les agents de la police aux frontières. En effet, pour ne pas avoir à supporter les charges alimentaires du migrant en l'absence de mécanismes permettant une assistance, la police refoule le migrant. Ainsi, par méconnaissance de certains agents de la surveillance du territoire, des personnes pouvant demander l'asile sont injustement privées d'accès au territoire du Niger. Or, dans le cas d'espèce le non-refoulement devrait être la règle.

Le refoulement constitue un manque à gagner pour le trésor public. En effet, les amendes perçues pour défaut de documents de voyage sont versées au trésor public. Or, avec le refoulement systématique des cas auxquels on peut exiger de payer des frais forfaitaires, le trésor public se trouve avec un manque à gagner.

Enfin, le refoulement apparait comme une approche prônant une gestion sécuritaire des migrations. Pour ces acteurs le lien est vite établi entre migration et terrorisme. Et donc, au nom de la lutte contre le terrorisme, la frontière doit être gérée de manière restrictive de façon à ne pas donner l'accès au territoire à une personne sans document. Cette approche puise sa source dans le contexte sécuritaire du Sahel. Dans cette initiative, le Niger est appuyé par l'OIM qui a mis en place la reconnaissance biométrique au niveau de certains postes-frontières : MIDAS est opérationnel dans divers points d'entrée du Niger comme Makalondi, Assamaka et Gaya. Cette approche s'inscrit dans une politique de biométrisation des frontières. Tout voyageur doit passer par cette machine pour un relevé d'empreintes, une prise de photos avant de passer la frontière. La personne qui ne dispose pas de documents est refoulée sous prétexte de migration irrégulière ou suspectée de terrorisme. Le refoulement est donc la conséquence d'une suspicion de migration irrégulière ou de terrorisme qui a commencé depuis l'application de la loi 201536. Il cible particulièrement les migrants non nigériens qui veulent entrer au Niger. À tous les postes de police, ils sont perçus comme de potentiels candidats à la migration vers l'Afrique du Nord. Cette approche met en quarantaine la longue histoire qui lie le Niger à ces pays d'où sont originaires ces migrants.

Le refoulement met à mal la coopération entre la police du Niger et celles de ses voisins, car depuis plusieurs années la mobilité des communautés transfrontalières a toujours fonctionné selon un arrangement entre les deux postes. Aujourd'hui à N'Guigmi le sauf conduit n'est pas

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accepté au Tchad. En retour, le Niger exige un passeport aux Tchadiens. Cela rend très difficile la mobilité des populations transfrontalières qui deviennent ainsi des victimes collatérales de la lutte contre la migration irrégulière.

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"Les esprits médiocres condamnent d'ordinaire tout ce qui passe leur portée"   François de la Rochefoucauld