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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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6.3.4 Exclure les non nigériens du transport vers l'Afrique du Nord

À Agadez, depuis les années 90, le transport des migrants vers l'Afrique du Nord a presque toujours associé des voyageurs nigériens et étrangers. Avec la loi 2015-36, le transport des personnes de nationalité non nigérienne vers le Maghreb est criminalisé. De ce fait, la population étrangère y compris ressortissante de la CEDEAO est exclue de la mobilité formelle transsaharienne au départ d'Agadez. Mieux, au plus fort moment de l'application de ladite loi, le transport vers l'Algérie et la Libye a été stoppé par les autorités. Ce n'est qu'en mai 2018 que ce transport a repris sous la pression des autorités locales, des acteurs du transport et des migrants nationaux, mais sous un autre format. Désormais c'est le transport des Nigériens uniquement qui est accepté. Les autres nationalités en sont exclues comme le souligne ce transporteur : « Ici depuis la mesure, ce sont seulement les Nigériens qui voyagent, mais avant

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il y a presque toutes les nationalités. Les nationaux sont des Haoussas et Touaregs et hommes, femmes et enfants ». (Entretien transporteur, Agadez, 25-11-2017).

Or, les étrangers constituent une clientèle non négligeable d'autant plus qu'ils payent plus cher leur transport que les nationaux. Pour le chef d'escale STM Agadez, « nos passagers sont actuellement en majorité des nationaux (nigériens). Nous recevons quelques passagers parmi les migrants internationaux refoulés. Parmi les passagers transportés, les femmes sont dominantes ». (Entretien chef d'escale STM, Agadez, 24-11-2017). Cette exclusion des non nationaux a favorisé la clandestinité du transport, la baisse de la clientèle du circuit formel mais aussi la hausse des coûts de transport. Il est à noter également, un contrôle intense des non-Nigériens aux postes de police se trouvant sur la route migratoire de Niamey jusqu'à Agadez. À chaque poste, le policier collecte les pièces des migrants dans les bus et les invite à les rejoindre au poste pour collecter des statistiques, mais aussi soutirer des faux frais comme on le voit sur les photos ci-dessous.

Photo 12: Migrants internationaux au poste de police d'Abalak pour contrôle Crédit photo : B Ayouba Tinni, Abalak, mai 2016

La fréquence des contrôles sur la route a conduit certains opérateurs de transport sur la ligne Niamey-Agadez (STM et RIMBO), à mettre en place un bus pour les Nigériens et un autre pour les étrangers afin de réduire les pertes de temps lors des contrôles sur la route. Ce second bus, « réservé » aux étrangers, est appelé à subir toutes les tracasseries liées à la multiplication des contrôles de police, mais aussi à la stigmatisation liée à leur statut de migrant non nigérien.

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A Zinder par exemple, il est tout simplement interdit aux agences de transport de délivrer des billets de transport aux non Nigériens en direction d'Agadez depuis août 2016. Le contrevenant est tenu de rembourser le billet une fois que la police lors du poste de contrôle à la sortie de Zinder sur la route d'Agadez, ou à Tanout, constate que le migrant non nigérien n'a pas toute la documentation requise pour voyager. Il est alors renvoyé/ refoulé au commissariat de Zinder qui se charge de faire rembourser l'opérateur. La somme recouvrée va servir de frais de transport pour expulser le migrant en question au poste de police frontalier de Matameye situé entre le Niger et le Nigeria point d'entrée des flux en provenance de ce pays et du Cameroun.

6.3.5 Sortir dans une ville verrouillée ?

Les migrants ayant échappé au dispositif de filtrage de la frontière jusqu'à Agadez doivent une fois dans cette ville faire face à un autre dispositif de contrôle mis en place pour réprimer la mobilité vers la Libye ou l'Algérie. Il s'agit de l'arrestation des acteurs du transport, de la confiscation de véhicule, de la hausse du tarif de transport et enfin de l'implication des leaders communautaires pour dénoncer le transport vers le nord. La surveillance des points d'entrée et de sortie s'appuie sur une unité de 15 agents de police travaillant sous la coupe de l'officier en charge des questions migratoires. Ces agents aux dires de l'officier ne sont pas connus même par leurs collègues d'Agadez et travaillent à démanteler les réseaux de transport de migrants vers l'Afrique du Nord. Tout ce dispositif de blocage de mobilité rend difficile le départ des migrants vers l'Afrique du Nord. Ainsi, s'est développé très vite le phénomène des migrants bloqués à Agadez dans une ville à vocation de transit. Les rares qui y parviennent doivent faire face le long des 950 km qui relient Agadez à Madama à un important dispositif des forces de défense qui patrouillent dans cette zone. Or, instruction ferme a été donnée à tous les corps d'intercepter et renvoyer tout migrant étranger en direction de la Libye ou de l'Algérie même si par ailleurs ils disposent de tous les documents légaux. Comme quoi les frontières de la CEDEAO au Niger s'arrêtent dans la commune urbaine d'Agadez. Le Niger travaille ainsi à réduire le nombre de migrants en direction du nord pour le compte de l'Union européenne.

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