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Externalisation des politiques migratoires européennes au Niger: reconfigurations des lieux et des trajectoires des migrants


par Bachirou AYOUBA TINNI
Université Abdou Moumouni de Niamey - These de Doctorat  2021
  

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6.3.9.1 Des routes alternatives face aux politiques d'externalisation

Depuis août 2016, avec la mise en application de la loi 2015-36 les passeurs et migrants ont tendance à emprunter des nouvelles routes pour échapper aux dispositifs en vigueur. Cette loi se heurte cependant à l'appartenance du Niger à la CEDEAO : les citoyens de cet espace communautaire peuvent circuler à condition qu'ils soient en règle. La pratique en cours actuellement au Niger est de procéder à des contrôles approfondis aux différents postes de police frontaliers afin de filtrer et expulser ceux qui ne possèdent pas les documents requis. La

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stratégie des migrants et des passeurs consiste à contourner les postes de police à l'aide des motos comme le souligne cet acteur :

« Moi je transporte les migrants nigérians. Il y a des gens au Nigéria qui nous envoient les migrants jusqu'ici à Agadez. De-là, nous les transportons jusqu'en Libye. Les véhicules utilisés pour le transport sont des Toyota Hilux. Quand les migrants quittent à partir de Kano, ils sont transportés dans des véhicules Hiace jusqu'à la frontière au niveau de Maïmoujiya. À partir de-là, ils sont transportés sur des mototaxis (Kabou-Kabou) en contournant le poste de contrôle. Mais il y a d'autres qui passent par la barrière, tandis que d'autres la contournent. Une fois arrivés à Zinder on les achemine vers Agadez dans des Hiace. Mais avant d'entrer en ville, on les dépose en cours de route et leurs gens vont les chercher. À partir d'Agadez, ils sont chargés dans des Toyota Hilux et on prend la direction de la Libye en contournant toutes les barrières jusqu'à l'entrée en Libye. Moi je ne travaille pas avec les coxeurs, car les passagers viennent directement dans mes mains. Je les héberge moi-même et les transporte. Les passagers sont hébergés dans une grande maison (Villa) de trois (3) chambres et salon qui peut contenir 100 personnes ou même plus. La maison est équipée en nattes, en électricité, en eau et tout, Mais aujourd'hui avec l'application de cette loi, ce n'est plus possible. C'est le contournement des barrières (postes de contrôle) et le changement des routes. C'est un grand risque qu'on prend, car là où nous passons, on ne veut même pas que quelqu'un nous voit » (Entretien transporteur, Agadez, 13-02- 2018).

Cette pratique de contournement des postes de police s'inscrit dans une dynamique d'adaptation face aux contraintes de mobilités. Elle rend de plus en plus vulnérable les migrants, car son parcours se fait dans la clandestinité. Le contournement des postes de police transfrontaliers est très développé en particulier au niveau du poste de Maymoujiya. Cette situation peut être liée à la dépendance des convoyeurs, à l'absence de documentation et au passage de migrants non ressortissants de la CEDEAO. Sur cet axe l'évitement des postes débute au nord du Nigéria. Ainsi, il est fréquent avec les migrants nigérians d'entendre que jusqu'à leur arrivée à Agadez ils ne sont passés par aucun poste de police.

Sur cet axe la nouvelle route consiste à éviter les postes de police tout au long de la route entre Zinder et Agadez. Les transporteurs sont contraints d'abandonner la route bitumée dans certains cas pour éviter les FDS. Une autre stratégie, est de déposer les migrants à quelques kilomètres de la ville d'Agadez. Là, ils doivent poursuivre le trajet avec les taxis-brousse en prenant le soin d'éviter les postes de contrôle.

Sur l'axe Tahoua-Agadez la même pratique est en vigueur. Les migrants choisissent de voyager par Hiace et non via les bus pour être moins visibles. À quelques kilomètres de la ville, avec la complicité des chauffeurs, ils changent de moyen de transport. La moto est alors préférée pour contourner le poste, et rentrer à Agadez comme le souligne ce migrant sénégalais.

« A 25 km d'Agadez, le chauffeur nous a fait descendre. Il a dit qu'il y a trop de contrôle et que si on nous prend, il va perdre son véhicule; on s'est même disputé, mais on l'a laissé partir. Nous étions au nombre de six. J'ai négocié un "Kabou-kabou", moto taxi pour nous amener à 22.500fcfa. Il a fait trois voyages pour nous transporter à Agadez. J'ai pris un autre

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"Kabou-kabou pour aller à Rimbo. Un Sénégalais est venu me chercher pour m'amener au foyer » (Entretien, Président des sénégalais au centre OIM, Agadez, juillet 2017).

Dans la ville d'Agadez aussi plusieurs stratégies sont développées par les passeurs pour faire sortir les migrants. Certains sortent à l'aube, d'autres en journée notamment aux heures de prières comme celle du vendredi comme le souligne un officier de police :

« Dans la ville il existe des bretelles pour la sortie des migrants qui contournent les postes de contrôle. Chaque passeur s'organise et fait son embarquement en fonction de la disponibilité des passagers. Il y a des moments de la journée qui sont choisis par les passeurs pour faire sortir les migrants de la ville. Il s'agit du vendredi à l'heure de la prière de 13h, du coucher de soleil (Maghreb) et tard dans la nuit. Ce sont des moments où les contrôles ne

sont pas fréquents ». ((Entretien, officier de police, Agadez, juillet 2018).

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