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Transports et développement dans la métropole d'abidjan quel modèle de ville derrière les projets dans les transports ?


par Gaspard Ostian
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master Dynped  2021
  

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3- Des externalités négatives difficiles à maitriser pour un État contraint par de grands besoins de résultats

Si la recherche simple de la croissance économique et de l'attractivité peut être un modèle de développement discutable du point de vue du modèle du développement humain tel que mesuré par exemple par l'indice de développement humain (IDH), nous allons dans cette partie nous appliquer à tenter de mieux comprendre cette démarche dans le cas d'Abidjan au sein du contexte ivoirien. Nous mettrons également en valeur les aspects des projets présentés qui touchent à d'autres aspects du développement.

A) Le rêve de l'émergence : entre espoir et pression

« L'émergence pour la Côte d'Ivoire à l'horizon 2020 » est un discours politique lancé en 2011 par Alassane Ouattara, le président ivoirien, rapidement après son accession au pouvoir. Précisons d'abord que le concept d'émergence est un concept flou et difficilement mesurable. Il peut être résumé de la sorte : « L'émergence caractérise le processus par lequel un État s'intègre à l'économie globalisée et au capitalisme mondial grâce à une croissance économique (c'est-à-dire une augmentation du produit intérieur brut) forte pendant plusieurs années »28 (Géoconfluences). L'émergence apparaît donc dans sa définition comme très liée à la croissance économique, mais elle est à distinguer du développement, qui est plus large que la simple croissance économique. Ce discours tenu par Alassane Ouattara est à replacer dans un contexte. L'émergence est souvent perçue comme un statut valorisé au sein de la grande catégorie des « pays en développement ». Les exemples les plus connus sont les BRICS (Brésil, Russie, Inde, Chine, Afrique du Sud). Les pays émergents, dans l'imaginaire, peuvent donc représenter des pays « presque développés ». C'est cette promesse qu'a faite Ouattara à sa population, la promesse de faire de la Côte d'Ivoire, en seulement huit ans, un pays « presque développé ». Cela n'est pas à départir d'un contexte historique et politique ivoirien particulier : en 2012, le pays sort de onze années de troubles, dont plusieurs épisodes de guerre sur son territoire. Cette décennie noire est par ailleurs survenue après deux décennies de difficultés économiques importantes pour le pays. Mais la mémoire nationale sait encore qu'avant ça, le jeune pays tout juste indépendant a connu, dans les années 1960 et 1970, la période du « Miracle ivoirien », qui

28 Source : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/emergence

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l'avait positionné comme un chef de file et une centralité régionale. C'est donc aussi cette promesse que fait Ouattara en 2012 : après des périodes difficiles, celle de rendre à la Côte d'Ivoire son éclat d'antan. Il semble donc que cette course à l'émergence en 2020 réponde plus à une volonté politique de relancer un élan national optimiste qu'à un objectif de développement concret.

À l'heure actuelle, en 2021, l'émergence ivoirienne n'a pas été atteinte. Ce statut repose, plus que sur des aspects précis mesurables, sur la reconnaissance d'une multitude d'acteurs du statut de pays émergent, qui n'est pas arrivée, du moins pour le moment, pour la Côte d'Ivoire. Pourtant, selon les divers aspects de définition de l'émergence que l'on peut trouver, la présidence Ouattara semble avoir bel et bien orienté le pays dans sa direction. En effet, l'émergence implique une dynamique d'ouverture du pays à l'économie globalisée, qui est bien à l'oeuvre en Côte d'Ivoire, comme nous l'avons vu par exemple par le biais de l'étude du développement des infrastructures de transport de marchandises dans la capitale. L'un des critères mesurables et reconnus de l'émergence est également une croissance économique forte et qui se tient sur plusieurs années, ce qui est le cas depuis 2012 dans le pays. Pour s'intégrer davantage à l'économie globalisée, le pays a besoin d'augmenter son attractivité en valorisant des projets importants et prestigieux, ce qui lui permet de se construire une vitrine. D'importants efforts se sont concentrés pour cela dans la ville, et notamment dans certains quartiers, ce qui fait d'Abidjan et de ses quartiers centraux la vitrine de la Côte d'Ivoire dans la mondialisation. Par ailleurs, Ouattara a ramené peu à peu la stabilité politique dans le pays, ce qui est également un facteur important d'émergence, même si cette dernière paraît encore relativement fragile29.

Mais, malgré toutes ces dynamiques qui vont en direction de l'émergence, des facteurs limitants empêchent encore la Côte d'Ivoire d'accéder à ce statut. À commencer par l'aspect démographique : les pays considérés comme émergents, à l'image des BRICS, ont souvent une population nombreuse et dont la transition démographique est plus ou moins achevée, ce qui n'est pas le cas de la Côte d'Ivoire. Par ailleurs, il semblerait que l'émergence implique l'apparition d'une classe moyenne capable de consommer et d'occuper des emplois intermédiaires dans les services et l'administration, phénomène encore relativement réduit à

29 Le pays a encore en 2020 connu des épisodes de violences ayant engendré des morts durant la période des élections présidentielles.

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échelle du pays. L'un des facteurs limitants les plus importants est également l'industrialisation : les grands pays émergents disposent tous d'un tissu industriel nettement plus développé que celui de la Côte d'Ivoire, pour qui l'industrialisation est encore un facteur limitant du développement.

On en conclut donc que le discours de « l'émergence en 2020 » était avant tout un message destiné à insuffler l'espoir. Mais il est devenu une source de pression pour l'État ivoirien, qui a dû accentuer la dynamique de libéralisation à l'oeuvre depuis plus de vingt ans pour parvenir à des résultats visibles pour la population et participant de la course à l'émergence. Ainsi, même si le présidence Ouattara a bien engagé la Côte d'Ivoire en direction de ce que l'on appelle l'émergence, la population connaît maintenant la déception de se rendre compte qu'émergence ne signifie pas amélioration des conditions de vie de chacun, comme durant la période du Miracle ivoirien, mais plutôt « la coexistence d'une oligarchie enrichie rapidement avec des masses populaires maintenues dans la pauvreté, souvent dans les régions périphériques, rurales, ou enclavées »30 (Géoconfluences). L'émergence est dans le contexte actuel une course à la croissance économique qui induit un modèle de développement « par le haut ». Elle est plus économique que sociale, et peut ne pas se traduire par l'amélioration des conditions de vie des plus pauvres, voire entraîner une augmentation des inégalités sociales. C'est ce qui se produit actuellement en Côte d'Ivoire, et que l'on peut observer très aisément à Abidjan.

B) Des efforts pour un développement durable et inclusif

En dépit de la priorité accordée à la croissance économique, les projets étudiés dans ce travail ne sont pas départis de certaines initiatives en faveur d'un développement au caractère plus durable et inclusif. Cela se retrouve dans trois aspects principaux : la promotion du genre féminin, les subventions sociales et la sauvegarde de l'environnement.

La valorisation des femmes dans le secteur des transports

Des projets aux composantes multiples comme le PMUA et le PTUA comportent tous les deux un aspect de valorisation des femmes. Ainsi, le PTUA a permis la formation d'unités féminines de la police de la circulation. Ces unités sont très visibles lorsque l'on se déplace dans Abidjan, et les observations réalisées durant les trois mois passés sur place m'ont mené à

30 Source : http://geoconfluences.ens-lyon.fr/glossaire/emergence

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conclure que la plupart des opérations de gestion de la circulation sont menées par des policières. Cela ne comprend néanmoins pas l'ensemble des autres unités de police visibles dans l'espace public, à majorité composées d'éléments masculins, notamment les unités de CRS que l'on voit régulièrement dans les quartiers centraux.

Les subventions sociales autour des transports

Malgré une pratique courante du déguerpissement31, les projets d'infrastructures de transport s'attachent de plus en plus à mettre en oeuvre de réelles politiques de subvention des personnes qu'ils impactent dans leur habitation ou leur travail. Ainsi, dans le cadre du projet de métro d'Abidjan, les phases préliminaires du projet impliquent un effort important d'indemnisation des personnes sur les emprises nécessaires au projet. Par exemple, un vendeur de poisson sur une emprise se verra proposer une indemnisation en contrepartie de son expulsion. Cela concerne des milliers de personnes rien que pour ce projet, et implique un budget non-négligeable.

Par ailleurs, on peut trouver des politiques sociales dans certains domaines de la mobilité abidjanaise. Ainsi, la SOTRA propose des cartes de transport pour les étudiants coûtant 3 000 francs par mois, ce qui est très avantageux car le prix d'un trajet en bus s'élève à 200 francs dans les bus auxquels ont accès les étudiants avec leur carte avantage. Ainsi, ils peuvent rentabiliser leur carte en quinze trajets, alors qu'un aller-retour en bus par jour de cours totalise une quarantaine de trajets par mois. Ainsi, ces cartes à 3000 francs coûtent en réalité 19 000 francs à la SOTRA, d'après Noël Bouaki, chef du service statistiques de la compagnie publique. Le manque à gagner de 16 000 francs par carte est subventionné par l'État.

De même, les projets de transport s'attachent à développer le capital humain abidjanais en finançant des formations, ou en organisant des partenariats universitaires. Le PMUA par exemple finance des formations de techniciens du secteur afin d'avoir du personnel compétent pour entretenir les futures infrastructures. Le projet prévoit aussi la formation de 5 000 personnes issues du transport artisanal pour leur permettre de se professionnaliser. Un master professionnel en transport et aménagement urbain a également été mis en place, entre l'école nationale polytechnique de Yamoussoukro et l'école des Ponts et chaussées de Paris.

31 Le déguerpissement désigne une technique d'évacuation forcée d'un espace sur lequel sont installées des populations.

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La préservation de l'environnement

Même si le développement des transports qui a lieu dans la métropole d'Abidjan tend à augmenter la pollution qui leur incombe, l'analyse des divers projets tend à montrer que tous ou presque comprennent un volet de prise en compte de l'environnement. Le PTUA comprend un certain nombre d'initiatives dans cette veine, qui dépendent de l'unité « aménagement connexes et renforcement institutionnel ». Cela comprend par exemple une évaluation de la qualité de l'air, financée par le fond pour l'environnement mondial. De même, un projet vise à renforcer les capacités du centre de traitement des déchets d'Abidjan, afin de se débarrasser de l'image très négative de la décharge d'Akouédo, qui est à l'origine d'une pollution importante et de conditions humaines dégradantes. Concernant les espaces verts de la ville, le PTUA vise également à créer des plans verts, notamment autour des nouvelles voies, et à planter 82 000 arbres autour des voies existantes. Divers plans visant au renouvellement du parc automobile, à majorité vieux et très polluant, existent également.

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"La première panacée d'une nation mal gouvernée est l'inflation monétaire, la seconde, c'est la guerre. Tous deux apportent une prospérité temporaire, tous deux apportent une ruine permanente. Mais tous deux sont le refuge des opportunistes politiques et économiques"   Hemingway