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Transports et développement dans la métropole d'abidjan quel modèle de ville derrière les projets dans les transports ?


par Gaspard Ostian
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master Dynped  2021
  

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2- Une mobilité urbaine toujours limitée

Malgré les améliorations décrites, en matière d'infrastructures et d'offre de mobilité, se déplacer dans Abidjan présente toujours d'importantes limites, et notamment pour les moins aisés. Les analyses présentées dans cette partie s'appuieront principalement sur des témoignages individuels recueillis lors de divers échanges informels.

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Un coût de la mobilité toujours très élevé, notamment pour les moins aisés

Se déplacer dans Abidjan coûte cher, notamment pour les classes les moins aisées. Notre référenciel ici sera le SMIG, le salaire minimum en Côte d'Ivoire, qui s'élève à 60 000 francs par mois, soit une centaine d'euros.

Prenons le cas de Rokia, 25 ans. Elle vit à Angré, travaille à Adjamé et prend le bus pour se déplacer entre les deux. Uniquement pour travailler, sans mentionner ses déplacements personnels annexes, elle doit payer 200 francs deux fois par jour, soit 2000 francs par semaine, et plus de 8000 francs par mois. Payée au SMIG, cela représente 13% de son salaire mensuel environ. À titre de comparaison, en moyenne à Paris, les ménages investissent 16% de leurs revenus dans le transport.

Laure, 27 ans, habite à Angré et travaille au Plateau. Elle doit donc prendre un bus « express » de la ligne 205 à 500 francs le ticket deux fois par jour. Cela lui coûte 1 000 francs par jour, soit 5000 la semaine et plus de 20 000 le mois. Cela représente plus d'un tiers de ses revenus au SMIG.

Ces deux exemples, déjà bien différents, n'impliquent qu'un seul véhicule emprunté par trajet, et dans les bus publics, qui proposent comme nous l'avons dit des tarifs plutôt bas à échelle du marché de la mobilité à Abidjan. Colombe, elle, va tous les jours depuis Angré, son lieu de résidence, à Yopougon pour son stage de droit. Elle prend d'abord un woro-woro, puis le bus 719 pour rallier Yopougon, puis un autre woro-woro pour aller jusqu'à son travail. Elle dépense ainsi 900 francs par trajet, soit 1 800 francs par jour, 9 000 par semaine, près de 40 000 par mois, donc deux tiers du SMIG. D'après elle, tout l'argent gagné à son stage passe dans le coût du transport.

Les exemples donnés ici n'ont rien d'exceptionnel, au contraire. Une étude de la SICMA a démontré qu'en moyenne, les personnes vivant à Abobo et travaillant dans le centre d'Abidjan dépensent 60% de leur revenu mensuel dans les transports. Le prix de la mobilité est donc à l'heure actuelle très élevé à Abidjan, et c'est un facteur majeur de mal-développement et de ségrégation spatiale en défaveur des moins aisés.

B) Des temps de transport toujours élevés notamment depuis les périphéries

Parallèlement au coût de la mobilité, le temps passé à se déplacer est un paramètre important qui est pris en compte par les individus notamment dans les déplacements quotidiens et

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réguliers. Les problématiques de congestion routière, qui ne sont toujours pas en voie de se résoudre à Abidjan avec l'augmentation du trafic routier à mesure que les infrastructures se développent, augmentent sensiblement les temps de trajet, ce qui est aussi un facteur de mal-développement.

Reprenons l'exemple de Rokia, donné précédemment. Tous les jours de semaine, elle doit se lever à 5h du matin, pour partir à 6h de chez elle et arriver au travail à 8h. Le soir, elle sort à 17h du travail, et met jusqu'à deux heures et demie à rentrer du fait des bouchons qui sont encore plus importants que le matin. Cela porte son temps de trajet quotidien à plus de quatre heures en moyenne, pour un déplacement d'une dizaine de kilomètres à l'aller et au retour. Cela porte la vitesse de déplacement à une vitesse moyenne similaire à de la marche à pied. Cela est dû au fait qu'elle emprunte le très congestionné boulevard « Latrille », nouvellement boulevard des Martyrs, qui traverse Cocody du Nord au Sud, qui est l'un des axes majeurs de la descente du Nord de la ville en direction des quartiers centraux, comme ceux du Plateau ou d'Adjamé.

Les temps élevés de déplacement ne concernent pas que les usagers des transports en commun. En voiture individuelle aussi, les bouchons sont à l'origine de pertes de temps importantes. Un fonctionnaire de l'administration des impôts, qui travaille au Plateau chaque jour mais habite à Yopougon, témoigne de la sorte : « Chaque matin, je viens en voiture et je rentre le soir. Mais je suis obligé de me déplacer à l'heure de pointe du fait de mes horaires de bureau. Pour venir de Yopougon, il faut forcément passer par l'autoroute du Nord, qui est le seul point de passage, et il est donc très congestionné. On avance très très lentement, et je mets plus d'une heure à faire quelques kilomètres »33. Il explique donc être très content de l'arrivée prochaine du quatrième pont, qui permettra d'ouvrir un nouveau chemin entre Yopougon et le Plateau et ainsi de répartir le trafic. Mais d'ici-là, il n'a pas le choix que de perdre plus de deux heures chaque jour en embouteillages.

Le temps passé dans les transports est un facteur limitant du développement. Globalement, plus il est grand, et plus il implique pour un individu de puiser dans son capital socioéconomique, du fait notamment du temps et de l'argent perdus. Une personne qui dépense trop de temps et d'argent en transport ne pratiquera pas ou beaucoup moins de loisirs, ce qui représente une perte pour cette économie et pour son bien-être personnel. Cette personne

33 Propos recueillis le 26 janvier 2021 à la Direction générale des impôts, au Plateau.

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passera également moins de temps en famille. Si elle a des enfants, cela impactera sa façon de s'en occuper ou son temps disponible pour eux, ce qui a des conséquences par exemple souvent sur leur réussite scolaire. Pour le dire simplement, une personne qui est dans les transports perd chaque jour du temps, de l'argent et de l'énergie qu'elle ne peut pas investir ailleurs, ce qui a des incidences proportionnellement importantes sur sa qualité de vie. Si on couple cette observation au fait que les quartiers où la mobilité est la plus compliquée sont souvent les moins aisés, on conclut que la ségrégation spatiale liée au transport est un facteur de reproduction sociale, et un levier d'action que les politiques publiques ne peuvent ignorer.

C) Un facteur d'amélioration encore délaissé : les NTIC

Nous avons parlé des divers projets qui impliquent l'introduction des NTIC dans les mobilités afin de les faciliter. Ces projets sont parmi ceux qui sont les moins inscrits dans le réel à l'heure actuelle. Nous aborderons principalement ici les NTIC dans le cadre de l'information voyageur, qui est ce qui touche le plus directement les usagers. L'information voyageur en tant que système organisé visant à fournir des informations aux usagers des transports pour les accompagner dans leur mobilité est très peu développée à Abidjan, même au sein des réseaux de la SOTRA. Il n'existe pas, par exemple, de cartographie simple d'accès des lignes du réseau de bus. Aucune fiche horaire des bus n'est communiquée. Un arrêt de bus à Abidjan, c'est souvent ça (PHOTO 8) :

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Photo n°8 : Un arrêt de bus de la SOTRA à Angré, Cocody

Source : Gaspard Ostian, 2021.

Les arrêts importants donnent en général plus d'information, comme le numéro des lignes qui y passent, et disposent parfois d'un abribus. Mais une majorité d'arrêts, à l'image de celui-ci, ne fournit aucune information en-dehors du fait qu'il s'agit d'un arrêt. Cette quasi-absence d'informations est palliée par le fait que les voyageurs s'informent entre eux. Le renseignement fonctionne beaucoup d'humain à humain. Dans le transport artisanal, le fonctionnement est le même, le renseignement se fait auprès du chauffeur ou des autres usagers. L'information humaine est une source d'information qui a de nombreux avantages, mais présente un défaut : l'incertitude. Une information voyageur centralisée et numérisée, si elle est correctement mise à jour, présente de nombreux avantages dans l'expérience de la mobilité : visualisation d'un itinéraire, connaissance des temps d'attente, informations sur les incidents dans le trafic, etc. À l'heure actuelles, ces techniques ne sont pas ou très peu utilisées à Abidjan.

On en conclut donc qu'à l'heure actuelle, les techniques et technologies qui permettent d'accompagner le transport et la mobilité ne sont pas une priorité pour les autorités, qui

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investissent la plupart de leurs efforts dans d'autres aspects certainement plus prioritaires des déplacements comme les infrastructures de transport.

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