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Transports et développement dans la métropole d'abidjan quel modèle de ville derrière les projets dans les transports ?


par Gaspard Ostian
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master Dynped  2021
  

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3- Des aménagements qui bénéficient d'abord aux classes les plus intégrées

L'objet de cette partie est de se poser la question suivante : à qui bénéficient pour l'instant les projets mis en place ? Nous suivrons une approche spatiale.

A) La centralité des aménagements : zoom sur les communes d'Abobo et Port-Bouët

Un examen de la situation actuelle et du futur à court et moyen terme met en lumière de fortes inégalités spatiales en termes d'accessibilité par les transports au sein d'Abidjan. Cela se constate à échelle de la commune d'Abidjan, sans même parler du territoire du Grand Abidjan. L'approche première et la plus évidente concerne les inégalités spatiales selon un modèle centre-périphéries. Au sein de ce travail qui se place du point de vue des transports, nous observerons ces inégalités en termes d'accessibilité et de desserte par les transports, et notamment les transports en commun.

Les efforts spectaculaires comme les trois nouveaux ponts sont très centralisés dans la ville, et gravitent beaucoup autour du Plateau et du Sud de Cocody, des quartiers particulièrement intégrés socio-spatialement. Mais Abidjan est une commune beaucoup plus vaste, et nous allons nous pencher plus précisément maintenant sur deux communes en particulier : Abobo, au Nord, et Port-Bouët au Sud. Abobo est connue pour être la commune la plus populaire d'Abidjan. Elle abriterait environ trois millions de personnes. « Abobo-la-guerre » de son surnom, hérité d'une chanson de Daouda de 1976, la commune est la plus au Nord des dix communes initiales d'Abidjan, et n'a de frontière commune qu'avec Cocody et Adjamé, ainsi qu'une petite partie avec Yopougon à l'Ouest de la forêt du Banco. Port-Bouët, elle, est la commune de l'aéroport Félix Houphouët-Boigny. Elle rassemble les territoires abidjanais qui sont au Sud de l'île de Petit Bassam qui regroupe Treichville, Marcory et Koumassi. C'est la commune qui relie presque sans rupture du bâti Abidjan avec Grand Bassam, au bord de l'océan, à l'Est de la ville.

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Port-Bouët est une commune de 420 000 habitants officiels selon le recensement de 2014. Elle en compte certainement beaucoup plus aujourd'hui, bien que je ne sois pas parvenu à trouver d'estimations satisfaisantes à ce propos.

Ces deux communes se rapprochent par une similarité de situations socio-spatiales : toutes deux sont des communes très populaires, et présentent probablement les deux moins bonnes accessibilités par les transports de la ville. Yopougon n'est de ce point de vue pas à intégrer à cette étude de cas, car bien que populaire également, elle est bien plus accessible et bien mieux desservie en son sein, comme nous allons le voir sur la carte ci-dessous. L'achèvement prochain du quatrième pont l'éloignera par ailleurs d'autant plus de la situation que nous allons décrire pour Abobo et Port-Bouët.

Carte n°12 : Abobo et Port-Bouët, des communes en marge des réseaux de transport

Commune d'Abidjan

Réseau des bus SOTRA Réseaux de transport artisanal Commune d'Abobo Commune de Port-Bouët Zone urbanisée Grand Abidjan Lagune Ébrié

Réalisation : Gaspard Ostian, 2021. Source : OSM CI.

La carte ci-dessus (CARTE 12) représente l'ensemble des itinéraires à l'heure actuelle cartographiés de transport en commun sur route, publics et artisanaux. Les problématiques d'accessibilité des deux communes apparaissent très distinctement. À la différence de

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Yopougon, il apparait que la desserte tant en transport public qu'artisanal est très inférieure à Port-Bouët et Abobo que dans les autres communes, ce qui participe de dynamiques d'enclavement. C'est particulièrement flagrant à Port-Bouët, une fois que l'on dépasse l'aéroport vers l'Est : un territoire d'une cinquantaine de kilomètres carrés n'est desservi que par une ligne de bus et quelques lignes de transport artisanal. On constate qu'il n'y a qu'une seule voie d'accès principale, qui est la route qui va vers Grand Bassam. L'infrastructure aéroportuaire scinde la commune en deux et apparaît comme un important vecteur d'enclavement de la partie Est, la plus périphérique.

On peut observer un enclavement similaire à Abobo. Une seule voie rapide la rallie au Sud de la ville, il s'agit de l'A1, qui longe la forêt du Banco jusqu'à Adjamé. Un peu plus à l'Est en parallèle, la N69 et le boulevard des Martyrs permettent également de rallier Cocody. Ces trois infrastructures ne sont pas proportionnées pour accueillir les flux existants, et ils sont parmi les grands axes les plus congestionnés de la ville. Il apparaît aussi, comme pour Port-Bouët, un déséquilibre spatial au sein de la commune : si la partie Sud d'Abobo, malgré les faiblesses que l'on vient d'évoquer, apparaît assez correctement desservie par les transports public et artisanal, les territoires les plus périphériques sont, eux, très peu desservis. On observe aussi une faible répartition de l'offre de transport, qui a tendance à se concentrer sur de grands axes comme la voie P2 qui va vers Alépé et la voie Q125 qui rallie Anyama. Ainsi, d'après les données OSM que nous avons, seulement 44 lignes de transport artisanal desservent Abobo, contre 81 à Yopougon, commune de taille et de démographie similaires.

Un projet majeur de transport relie Abobo et Port-Bouët en les connectant au coeur de la ville : il s'agit du métro, qui est présenté par la SICMA comme un outil majeur du désenclavement de ces deux communes. Quelques points assombrissent le tableau néanmoins : à Port-Bouët, le métro s'arrêtera à l'aéroport, et n'aura donc pas d'incidence sur la partie la plus enclavée de la commune qui est plus à l'Est. À Abobo, l'itinéraire prévu n'offrira pas un nouvel axe de desserte, mais viendra renforcer ceux qui existent déjà, et notamment l'axe Abidjan-Anyama qui passe par Abobo. Par ailleurs, ce projet est encore à de nombreuses années de sa réalisation, puisque la mise en service du premier tronçon, initialement prévue pour 2023, est dorénavant portée à 2025, et ne concerne pas la partie Sud qui ralliera Port-Bouët.

Il y apparaît donc que les projets dans les transports ne comblent pour l'instant pas le fossé spatial creusé entre les quartiers centraux de la ville et les quartiers les plus périphériques. Ces

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derniers sont encore très peu desservis en comparaison des autres, bien qu'Abobo et Port-Bouët abritent plus d'un tiers des habitants de la ville.

B) Quid d'Adjamé ?

Adjamé est certainement la commune la plus importante en matière de transport à Abidjan. Pourtant, nous n'en avons que très peu parlé dans cette étude. Il s'agit d'une commune très centrale spatialement, qui polarise les flux humains et marchands intra urbains de la capitale. Très densément peuplée, elle connaît quotidiennement un passage important de personnes étrangères à la commune, car elle concentre la plus importante densité de gares et de marchés de la ville. Elle se trouve au carrefour entre Abobo, le Plateau, Cocody et Yopougon. Elle rassemble des hauts lieux du transport abidjanais : la gare Nord de la SOTRA, première gare de bus de la ville avec la gare Sud du Plateau, se trouve à Adjamé. Par ailleurs, la plupart des gares des compagnies de transport qui desservent l'intérieur du pays ou l'étranger sont à Adjamé, à l'image de l'emblématique Union des Transporteurs de Bouaké (UTB). Cela fait d'Adjamé la porte d'entrée et de sortie principale des flux routiers humains et marchands polarisés par Abidjan dans la région. Alors, pourquoi avoir aussi peu parlé d'Adjamé dans cette étude ? La réponse est simple : la commune est, proportionnellement à son importance, peu concernée par les grands projets de transport.

Adjamé est concernée par le projet de quatrième pont, qui la ralliera à Yopougon. Elle a également été touchée par l'autoroute du Nord, qui est l'une de ses principales voies d'accès depuis Yopougon et l'intérieur du pays. Elle est également bien desservie en transports en commun, du fait de sa situation de centralité. Mais la situation interne de la commune n'a que très peu évolué depuis dix ans, en dépit de son importance. Les problématiques de congestion routière y sont importantes et permanentes tout au long de la journée. Le réseau routier est très insuffisamment revêtu, en dépit du volume de trafic. Ainsi, de nombreuses voies sont en terre, et donc très précocement usées par les véhicules, autant que très fragiles face aux intempéries. Cela participe d'un mauvais état global, qui explique en partie les vitesses de circulation très faibles dans la commune.

Un projet de gare routière interurbaine et internationale y a été lancé en 2013. Ce projet à 47 milliards de francs prévoyait une gare moderne, étendue sur 22 hectares, avec une capacité

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de 9 000 passagers par heure et 23 millions de passagers par an. Cette infrastructure aurait permis de centraliser une partie du trafic interurbain absorbé par Adjamé, en limitant par la même occasion la prolifération de petites gares sur le territoire de la commune. Prévue pour 2015, cette gare n'a toujours pas vu le jour, et le projet est presqu'entièrement immobilisé depuis, au point de n'être plus d'actualité.

Il apparait donc que, si les espaces spatialement en marge sont moins touchés par les projets dans les transports comme nous l'avons vu précédemment, c'est également le cas des espaces socio économiquement en marge comme Adjamé. Il s'agit en effet d'une commune populaire, connue de la population urbaine pour les nombreux délits et agressions qui y ont cours. À défaut de développer ici des explications, il est intéressant de souligner le manque proportionnel d'investissements et de volontarisme politique autour de cette commune pourtant centrale.

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"Je ne pense pas qu'un écrivain puisse avoir de profondes assises s'il n'a pas ressenti avec amertume les injustices de la société ou il vit"   Thomas Lanier dit Tennessie Williams