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Transports et développement dans la métropole d'abidjan quel modèle de ville derrière les projets dans les transports ?


par Gaspard Ostian
Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne - Master Dynped  2021
  

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3- Ses moyens d'action : l'arsenal administratif mis en place pour des efforts de planification urbaine

Les différents enjeux que nous avons identifiés au niveau des transports à Abidjan doivent, pour les autorités en charge de la planification, faire l'objet d'études et d'analyses précises afin d'améliorer la connaissance du territoire pour déterminer des marches à suivre. Pour ce faire, la puissance publique déploie des moyens spécifiques que nous allons décrire ici.

A) Le retour d'une autorité centrale de la mobilité à échelle métropolitaine : l'AMUGA

La politique ivoirienne en matière de transports, au-delà de l'amélioration du cadre législatif, juridique et infrastructurel, vise à organiser les activités de transport, favoriser le développement du secteur, promouvoir une offre de service suffisante et de qualité, favoriser l'accès aux transports pour toutes les couches socio-professionnelles, et favoriser l'accès des

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transporteurs aux crédits bancaires (Kassi-Djodjo, 2020). Pour la mise en oeuvre de ces politiques, l'État privilégie un mode d'action consistant en la création de structures dédiées à certaines tâches, mises sous sa tutelle le plus souvent via le ministère des transports ou des infrastructures. Sur ce modèle sont créées des structures comme la Société ivoirienne de contrôle technique automobiles et industriels (SICTA), ou la Société nationale des transports terrestres (SONATT). L'une des plus importantes actuellement est l'Agence de gestion des routes (AGEROUTE) qui se consacre au très important effort de développement des infrastructures et équipements routiers mené actuellement par la Côte d'Ivoire sur l'ensemble du territoire national.

Dans le contexte abidjanais, une structure a été créée en 2000 avec pour rôle supposé de s'occuper de la gestion de la mobilité à Abidjan : il s'agit de l'Agence de gestion des transports urbains (AGETU). Cette entité, apparue dans un contexte politique complexe, n'a jamais pu exercer son activité comme elle le devait, du fait d'importantes tensions et mésententes au sein même des différentes administrations publiques. Notamment, le flou législatif laissé autour des prérogatives des différentes administration territoriales, à savoir le district et les communes, n'a pas permis à l'AGETU de coordonner efficacement l'ensemble des activités de transport public. Les insolubles conflits de compétences ont mené à un échec de son activité, et à sa dissolution quinze ans après sa création (Kassi-Djodjo, 2020). Abidjan est alors laissée pendant plusieurs années sans autorité centralisée de gestion des transports sur le territoire du Grand Abidjan.

Ce n'est que récemment que l'État a décidé de palier à ce vide, et relancé une initiative similaire à l'AGETU : il s'agit de l'Autorité de la mobilité urbaine dans le Grand Abidjan (AMUGA). Il s'agit d'une autorité administrative indépendante (AAI) dotée de la personnalité juridique et de l'autonomie financière. Dans les faits, cette structure est l'organisme public chargé de réaliser les objectifs fixés par le SDUGA. Ainsi, « l'AMUGA assure, dans le Grand Abidjan, la gouvernance institutionnelle de la mobilité urbaine définie comme étant le transport urbain et la circulation des personnes et des marchandises au sein d'un territoire délimité, ainsi que les infrastructures et les équipements nécessaires au transport, les moyens de transport, les services liés au transport et aux déplacements sur ce territoire15 ».

15 Source : site internet de l'AMUGA, 2021.

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L'AMUGA dispose de onze prérogatives principales pour mettre en place sa politique. Elle est ainsi chargée :

1/ D'anticiper les évolutions résultant du développement territorial du Grand Abidjan par l'élaboration d'un plan de déplacements urbains (PDU), applicable au périmètre des transports urbains ;

2/ De définir et déployer une politique unique, structurée, homogène et cohérente de transport et de mobilité urbaine à l'intérieur du périmètre des transports urbains ;

3/ D'éditer et de délivrer les autorisations relatives aux services des transports urbains ;

4/ D'assurer le contrôle de l'application et du respect des règles par tous les acteurs ;

5/ D'étudier, de mettre en place et de gérer les redevances et taxes résultant de l'activité transport exercée à l'intérieur du périmètre des transports urbains ;

6/ De définir et d'organiser le réseau urbain routier, ferroviaire et fluvio-lagunaire de transport maillé à l'intérieur du périmètre des transports urbains ;

7/ De définir et d'organiser la mise en concurrence des opérateurs des transports urbains ; 8/ De mesurer la performance du système des transports urbains ;

9/ De programmer et de contractualiser avec les structures compétentes de l'État en vue de réaliser les aménagements d'infrastructures de transport, de mobilité et de stationnement ainsi que les moyens de transport adaptés ;

10/ De porter et d'assurer la maîtrise d'ouvrage déléguée des projets d'investissements de transport public ;

11/ D'être l'interlocuteur de l'ensemble des acteurs économiques et institutionnels en activité à l'intérieur du périmètre des transports urbains pour tout sujet relatif à la mobilité urbaine, notamment les sujets relatifs à l'intégration et la réalisation des plateformes technologiques.

Cette structure, née en janvier 2020, est encore trop jeune pour que l'on puisse dresser un bilan pertinent de ses agissements. Néanmoins, force est de constater par cette liste de prérogatives que l'objectif de l'État à travers l'AMUGA est de disposer d'un contrôle très large et resserré sur les différents aspects de la mobilité abidjanaise, en essayant de l'imposer comme l'interlocuteur privilégié des différents acteurs, et en lui donnant des fonctions de décision et de contrôle dans de nombreux domaines signifiants.

B) Des objectifs chiffrés et délimités dans le temps

Les autorités planificatrices, pour atteindre leurs objectifs, suivent une méthode que nous allons décrire ici. Afin de garantir la meilleure marche à suivre, dans la conception des objectifs comme dans la manière de les réaliser, elles s'appuient sur des études et rapports de terrain. Ces documents permettent ensuite d'avoir une meilleure connaissance du territoire, et sur les leviers d'action que l'on a dessus. La connaissance la plus précise de ces différents paramètres, combinée à l'étude des moyens à disposition, permettent de dégager des stratégies et des plans d'action pour la planification. Par ailleurs, une étude peut également mettre en lumière la nécessité d'en produire une autre sur un thème en particulier. Cette approche de l'aménagement, qui se veut très technique, se manifeste par la production de documents comme le SDUGA, que nous avons déjà évoqué. Ce dernier fournit lui-même des documents très complets et précis, comme le schéma de synthèse du SDUGA (CARTE 6), qui présente un résumé de l'étude de terrain et des préconisations faites pour l'horizon 2030 dans le Grand Abidjan.

Carte n°6 : Carte de synthèse du Schéma directeur d'urbanisme du Grand Abidjan

Source : mission d'étude de la JICA, 2015.

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Nous avons ici beaucoup décrit les parties concernant le transport du SDUGA. Mais un plan de transport s'insère bien entendu dans un contexte territorial, dont il faut avoir une vision claire. Le mode de représentation cartographique du territoire permet cette vue d'ensemble. Le schéma de synthèse donne quelques détails concernant le potentiel constructible du territoire, par exemple en représentant les zones inconstructibles ou bien les aires protégées. Il met en valeur les densités de population, et les zones à forte concentration d'activités industrielles ou commerciales. Rappelons que la connaissance précise du territoire n'est pas encore acquise dans le Grand Abidjan, puisque le SDUGA précise lui-même dans les propos introductifs que seuls 54% de la superficie totale des sols ont pu voir leur occupation spécifiée. Ainsi, ce schéma contextualise le plan de transport qu'il propose dans une représentation cartographique précisant le cadre administratif utile, ainsi que certaines données économiques et sociodémographiques localisées.

La production de ces études permet de donner des objectifs chiffrés et délimités dans le temps. L'horizon général du SDUGA est l'année 2030, mais il permet de diviser la procédure en une multitude d'objectifs complémentaires dont la réalisation doit suivre des objectifs en termes de dates de rendu. Il est à noter que, d'après les observations réalisées sur le terrain et les recherches faites en parallèle, les objectifs annoncés en termes d'aménagement ont souvent tendance à être très optimistes. Le retard semble être la norme, et les bornes chronologiques sont souvent plusieurs fois reculées. Un exemple signifiant est la construction du quatrième pont d'Abidjan, qui est en toujours en cours. La date de livraison annoncée était le 30 septembre 2020. Une visite à proximité des travaux réalisée en janvier 2021 m'a permis de constater un retard important, malgré mon absence de qualification dans le domaine de la construction, puisque quatre mois après la date de livraison initialement prévue, l'ouvrage ne semblait pas près d'être fini (PHOTO 3). Les exemples en la matière sont nombreux. Mais il existe aussi des précédents d'importants ouvrages livrés sans retard : le troisième pont d'Abidjan, ouvrage massif de plus d'un kilomètre de long, a été livré environ deux ans et demi après le premier coup de pioche donné par Alassane Ouattara16.

16 Il s'agissait néanmoins d'un projet lancé quinze ans auparavant, qui n'avait jamais pris du fait notamment des difficultés du pays sur la période.

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Photo n°3 : L'état d'avancement du 4e pont au 14 janvier 2021

Source : Gaspard Ostian, 2021.

Ainsi, la planification dans le Grand Abidjan s'appuie sur une double approche d'étude du territoire et de projection d'objectifs délimités dans le temps. Le choix de ce mode d'action montre la volonté des autorités de se placer dans une logique techniciste d'efficacité, semblable à ce que l'on peut trouver dans les principaux noeuds de l'archipel métropolitain mondial.

C) La mise en place de cellules d'action spécialisées et éphémères

Nous venons de décrire le processus de fabrication des objectifs de la planification. Dans les transports, pour remplir les objectifs, des cellules d'action spécialisées sont mises en place. Ces cellules disposent de locaux, et rassemblent des équipes recrutées pour leurs compétences ainsi que des moyens spécifiquement alloués. Deux des principales cellules en ce qui concerne les transports et la mobilité abidjanaise sont le Projet de la mobilité urbaine d'Abidjan (PMUA) et le Projet de transport urbain d'Abidjan (PTUA). Nous allons les présenter ici, car ceux sont deux entités majeures de l'avenir du transport abidjanais.

Le Projet de mobilité urbaine d'Abidjan

Les informations données ici sont issues d'un entretien avec le coordinateur adjoint du PMUA, Ali Coulibaly, réalisé le 18 février 2021 dans les locaux de l'unité de coordination du projet. Le PMUA, mis en vigueur le 13 février 2020, est un projet financé principalement par

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l'AFD et la Banque mondiale, ainsi que des partenaires privés. Les crédits alloués s'élèvent à 540 millions de dollars de la part des deux bailleurs de développement, ce à quoi s'ajouteront les sommes versées par les partenaires privés, encore inconnues car elles interviendront dans la construction du bus rapid transit (BRT). L'objectif général du projet est d'améliorer la mobilité des populations pour aller dans les zones d'emplois, ce qui en fait selon Ali Coulibaly « un projet à visée économique permettant d'améliorer la compétitivité de la ville ». Il s'agit d'un projet prévu sur six ans, fait de quatre composantes principales : 1/ construire la première ligne de BRT, 2/ fournir un appui matériel au transport public de la SOTRA, 3/ fournir une aide au transport artisanal pour renouveler la flotte, et 4/ développer le capital humain abidjanais en matière de compétences dans le domaine des transports en finançant des formations. Le projet dépend du ministère des transports, et, comme il s'agit d'un projet multisectoriel, agit en collaboration avec d'autres cellules spécialisées dans les projets de transport comme l'AGEROUTE pour les infrastructures routières. Le coordinateur du projet est le directeur général de l'AMUGA.

Le projet de transport urbain d'Abidjan

Les informations données ici sont issues d'entretiens réalisés avec le chef de l'unité « ouvrages » du PTUA, M. Dosso, et le chef d'unité « aménagements connexes et renforcement institutionnel », M. Koffi, réalisés le 2 février 2021 dans les locaux du PTUA. Le PTUA a été, selon M. Dosso, créé à la suite des constats dressés par le SDUGA. Son objectif général est d'améliorer la fluidité routière et les conditions de circulation à Abidjan, qui perturbent l'économie et la compétitivité de la ville. Les principaux bailleurs sont la Banque mondiale, le Fonds environnemental mondial (FEM) et l'État de Côte d'Ivoire. Le PTUA n'a pas de liens directs avec le ministère des transports, mais dépend en tant que projet infrastructurel de l'AGEROUTE et du ministère de l'équipement et de l'entretien routier. Il est composé de trois unités : celle de M. Dosso s'occupe des ouvrages d'art, ce qui englobe le suivi de la construction du quatrième pont et la construction de trois échangeurs sur le boulevard Mitterrand, l'un des plus congestionnés de la ville. L'unité de M. Koffi s'occupe des activités qui accompagnent les infrastructures pour améliorer la mobilité, comme la mise en place et le respect d'une réglementation, l'installation d'équipements de signalisation, la création d'espaces verts, etc. La troisième unité s'occupe des projets routiers, c'est-à-dire de construction de nouvelles routes comme la rocade Y4 prévue autour de la ville, ou encore de la réhabilitation de certains axes existants.

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Ces entités, le PMUA et le PTUA, sont à vocation éphémère puisqu'elles devraient normalement disparaître lorsque leurs objectifs auront été atteints. On constate dans les propos tenus par les directeurs interrogés que les objectifs principaux des projets se concentrent sur des retombées économiques positives. Nous y reviendrons plus tard dans l'analyse.

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"En amour, en art, en politique, il faut nous arranger pour que notre légèreté pèse lourd dans la balance."   Sacha Guitry