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Le face à  face dans totalité et infini d'Emmanuel Levinas: Essai de lecture du rapport entre le retraitant et Dieu dans les Exercices spirituels de saint Ignace

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par Jean-Luc Malango Kitungano
Faculté de philosophie saint Pierre Canisius - baccalauréat philosophie programme spécial 1 2006
  

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CHAPITRE III : LE RAPPORT ENTRE LE RETRAITANT ET DIEU

L'expérience religieuse n'est-elle pas un thème de la théologie ? Est-il possible de réfléchir philosophiquement sur une expérience religieuse?

L'expérience d'autrui nous a déjà introduit dans la compréhension d'une vraie expérience, qui est d'ordre éthique, de l'ordre de la transcendance. Ce qu'il faut souligner à propos du phénomène religieux se déployant dans l'expérience spirituelle, c'est l'a priori épistémologique présupposé par la reconnaissance implicite de l'expérience des Exercices Spirituels comme "fait "  positif transcendant l'homme46(*). Puisqu'il est articulé sur une religion, cette religion intègre le comportement humain, digne d'une analyse compréhensive, et décrit son sens supérieur vécu. Le préalable épistémologique nous conduit à admettre un niveau anthropologique immanent à l'expérience religieuse.

L'expérience des Exercices Spirituels consistant en moments de prière et de recherche de la volonté de Dieu sur le retraitant restent un fait humain fondamental dans l'histoire du sujet. Il y a dans les Exercices Spirituels l'introduction d'un paradigme éthique, qui sert de proposition éthique dans la vie du sujet : la responsabilité qu'Ignace de Loyola appelle « ordonner sa vie » et la réponse du retraitant à Dieu par une donation totale : « prends seigneur et reçois... » à rapprocher du " Me voici"de la Bible que Levinas reprend, à son compte, dans l'éthique du visage.

III.1. Les Exercices Spirituels47(*)

Les Exercices Spirituels se présentent comme un livret contenant différents textes spirituels, qui philosophiquement donnent à penser. Il s'agit d'une retraite à faire, dont les différents exercices mettent en oeuvre un face-à-face entre le retraitant et celui qui donne les exercices et surtout entre le retraitant et le mystère de Dieu.

Comme texte à visée spirituelle, on peut déceler dans les Exercices Spirituels différents niveaux de communication, mais tous invitent le sujet à faire des « exercices spirituels pour se vaincre soi-même et ordonner sa vie sans se décider par quelque attachement qui serait désordonné. »48(*). Comme expérience de communication, les Exercices Spirituels proposent un « dialogue » entre la transcendance et la finitude, entre l'éternel et le passager49(*). Certes, on remarque la présence du retraitant, du directeur et de Dieu. Aussi bien le directeur que le retraitant ne peuvent être situés que du côté de la finitude. Le directeur, qu'Ignace appelle « celui qui donne les exercices », les a aussi faits et il n'est pour le retraitant qu'un témoin de l'oeuvre que Dieu accomplit en lui, il propose les différents textes du livret avec fidélité, il est une altérité qui fait face au retraitant, qui l'enseigne, non pas comme Dieu mais comme l'autre homme qui lui parle de la transcendance de Dieu en laissant le retraitant faire l'expérience de cette transcendance50(*).

La démarche des Exercices peut être comparée à celle qui articule le livre Totalité et Infini. En effet, Levinas montre que le Même (le sujet) est un être séparé, étant un être jouissant, athée dans la mesure où il est un être temporel, vivant dans un espace et un temps, construisant, travaillant, habitant le monde en se l'appropriant. Ainsi pour comprendre le sujet, il faut prendre en compte les réalités quotidiennes de sa totalité, de sa « séparation ».

Ensuite, Levinas nous présente autrui qui se refuse à la réduction que veut lui imposer le Même, se refusant à l'objectivation et signifiant éthiquement par son visage. Certes, les termes reviennent dans chaque étape de Totalité et Infini en prenant des contours différents. Autrui chez Levinas joue le rôle de l'enseignant, du maître qui enseigne l'éthique. Il y a donc ici un rapprochement des termes avec le directeur des Exercices spirituels en même temps qu'une divergence majeure, car dans le texte ignatien le vrai enseignant, la vraie altérité qui enseigne comme le maître éthique, qui signifie par son visage, est jésus. C'est son cheminement dans les récits évangéliques qui amorce la mise en question éthique du retraitant. La compréhension de l'expérience de Dieu s'enracine cependant dans l'expérience quotidienne51(*). Ignace de Loyola décrit un homme livré à lui-même, vivant une expérience quotidienne qui ne l'ouvre pas dès le départ à l'infini et à l'auto - manifestation de l'absolument autre, Dieu. Le retraitant prend conscience de sa fermeture et amorce une remise en question de ses habitudes et de sa capacité de connaître. La première semaine dans la « méditation sur les péchés » (E.S.56) nous présente un sujet devant se remettre en mémoire tous les péchés de sa vie à partir de l'habitation (lieu, maison...), puis les relations qu'il a eues avec d'autres, et enfin la charge qu'il a exercée. Ignace demande au retraitant de mesurer le poids des péchés en regardant la laideur et la malice que contient en soi chaque péché mortel commis, même s'il n'était pas défendu.(E.S.57). Ainsi la dimension de la mise en question de la raison est manifeste, la raison ne peut pas me soustraire à ma responsabilité pour autrui : « même s'il (l'acte, le péché)52(*) n'était pas défendu », écrit Ignace. Le retraitant, qui progressivement est en train de se découvrir comme injuste, est appelé à se rendre « petit »: « Regarder ce que je suis, moi, en me rendant, par des exemples de plus en plus petit ». Une comparaison s'ensuit entre le retraitant et tous les hommes, entre les hommes et les anges, entre l'ensemble de créatures et Dieu. Le retraitant se situe ainsi dans la création de Dieu comme un néant vivant, comme une existence de rien ( il suffit qu'il contemple sa corruption et sa laideur corporelle : E.S. 58). Levinas ne dit-il pas que la liberté du sujet est injuste car elle ne justifie ni Dieu, ni autrui, ni le monde, encore moins elle-même. Quant au corps, n'est-il pas la manière qu'a le sujet de jouir du monde, d'habiter le monde comme chez soi ?

Le retraitant laisse alors échapper un cri d'étonnement et de grande émotion, en constatant que Dieu, ses semblables, ainsi que toutes les créatures l'ont laissé en vie. L'étonnement intériorisé et réfléchi n'est-il pas le début du philosopher et de la quête de la sagesse ?, de cette sagesse qui est celle de l'amour de Dieu ? se demande Levinas53(*). Confronté à l'expérience de sa suffisance, de sa volonté de totalité, de son égoïsme, le retraitant entre dans une expérience transcendantale où Dieu devient celui qui fixe les paramètres éthiques capables de fonder sa vie. Deux situations s'offrent donc au retraitant. Ou il accepte sa contingence comme sa nature et sa finitude et reconnaît par là même qu'il n'est pas son propre fondement ; dans ce cas il accepte la dépendance par rapport à Dieu, comme l'altérité absolue qui dépasse ses finitudes et fonde l'existence de l'homme sans l'anéantir. Ou alors il persévère dans sa perversion, sa liberté injuste et injustifiée qui se fonde en lui-même et qui est vouée à la contingence. Dans ce cas, il demeure dans l'angoisse et l'incompréhension de soi et se rend incapable d'accueillir autrui.

* 46 Le retraitant assume le défi de la recherche irrépressible de Dieu à travers l'écroulement de certaines idéologies, au milieu des obstacles érigés par un matérialisme toujours croissant. Sa vie demeure un mystère pour lui-même. Des réponses multiples mais réductibles à l'égoïsme du sujet lui sont proposées : drogue, sexe, argent, alcool, activisme, ou des réponses plus raffinées dont certaines expériences religieuses ou mystiques dans lesquelles l'homme perds sa conscience et s'évanouit en Dieu.

* 47 Selon la première annotation du livret des Exercices Spirituels, « par ce terme d'exercices spirituels, on entend toute manière d'examiner sa conscience, de méditer, de contempler, de prier vocalement et mentalement, et d'autres opérations spirituelles. »... Ignace de Loyola, Exercices Spirituels, D.D.B., Paris, 1985. (Traduction du texte Autographe par Edouard Gueydan s.j)

* 48 Ibid., p. 43

* 49 Nous tirerons la plupart des nos éléments sur les Exercices Spirituels comme expérience de la transcendance de l'ouvrage du Père Ntima Nkanza s.j., L'expérience de Dieu. Les exercices spirituels d'Ignace de Loyola et la phénoménologie de Schaeffler, Editions Lessius, Bruxelles, 2002, p. 129

* 50 La 2ème annotation précise : «  Celui qui donne à un autre une manière et un ordre pour méditer ou contempler, doit raconter fidèlement l'histoire de cette contemplation ou de cette méditation, en ne parcourant les points que par une brève ou sommaire explication... »

* 51 Ntima Nkanza, op.cit, .p. 210

* 52 C'est nous qui insérons cette clarification dans le texte d'Ignace.

* 53 "Entretien" in Revue de métaphysique et de Morale, ibid., p. 310

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